C'est un cas intéressant. Nous avons à première vue ce qu'il faut, mais le gros problème est de traduire la Force, mot très culturel et spécifique de l'univers de Star Wars, sans équivalent précis chez Tolkien.
Grammaticalement, aucun problème : nous avons bien assez de structures proches dans les écrits de JRRT pour servir d'exemples, notamment dans ses traductions de prières catholiques en quenya :
- dans le Je vous salue Marie : i Héru aselye "le Seigneur est avec vous" ;
- dans le Notre Père : na aire esselya "que ton Nom soit sanctifié" littéralement "soit sanctifié nom-votre".
La particule
na d'optatif (=mode exprimant le souhait) est aussi bien attestée sous la forme
nai. Il n'est pas clair s'il existe une différence d'usage entre les deux, si ce sont des variantes ou des fluctuations dans les choix de Tolkien.
La structure sera donc
na [la force]
aselye ou
nai [la force]
aselye.
Les mots du quenya qui désignent le plus directement la force s'entendent au sens physique, ce qui ne convient évidemment pas ; c'est le cas de :
- níre, mot de sens général mais plutôt physique en quenya (des mots apparentés vont cependant vers le sens de "volonté", lequel est dominant en telerin et en sindarin) ;
- poldore désigne la puissance physique, celle du corps au premier chef car ce mot se rattache à l'adectif polda "fort, costaud" ;
- tuo désigne la force physique au sens de la vigueur, mais aussi le muscle et le tendon ;
- sahtie a un sens moral mais désigne la force comme coercition, donc là on est du côté obscur !
On pourrait utiliser le terme de
túre qui désigne assez indifféremment la maîtrise, la supériorité, la puissance et la victoire. Cela pourrait donner
Na i túre aselye. Mais on dirait aussi bien ainsi "que la puissance soit avec toi" et "que la victoire soit avec toi". C'est assez imprécis, mais pas forcément inapproprié. Ce mot se rattache à la racine
√TUR que Tolkien décrit ainsi (PE22:151) : “power of domination or dominion, control of other wills, legitimate or illegitimate mastery”. Pas évident à bien traduire, mais on est dans le registre de la puissance, de la domination, de la maîtrise, du contrôle d'autres volontés, légitimement ou non. Je ne prétends pas être un spécialiste de l'univers de Star Wars, mais il me semble que l'on n'est pas loin.
Une autre piste serait de se servir des assez nombreux termes métaphysiques ou spirituels qui existent en quenya, en trouvant ce qui correspondrait le mieux dans la perspective des Elfes. Il faudrait une sorte de puissance qui anime les êtres vivants. Peut-être que le Feu Secret évoqué dans l'Ainulindalë serait possible, mais il s'applique au monde en sa globalité et non simplement aux êtres vivants comme c'est (je crois) le cas de la Force. De toute façon, on n'a pas de la main de Tolkien l'expression équivalente en quenya, même si des mots pour "feu" et "secret" existent. Ou alors, en quenya de 1915, il y a
Sá (PE12:81) "Feu, en particulier dans les temples etc. Un nom mystique identifié avec le Saint-Esprit." Mais Tolkien n'a pas conservé dans ses écrits ultérieurs la racine √SAHYA qui sous-tend ce mot, il est donc extrêmement douteux qu'il l'aurait conservé plus tard. (Plus tard, lorsqu'il a traduit le
Gloire au Père, il a simplement rendu Saint-Esprit par
Airefea qui en est un calque, une traduction littérale terme à terme.) Le Saint-Esprit proprement dit, celui du christianisme de notre monde, ne convient pas davantage. Il est lié à l'idée de Dieu personnel. (Il est hors de ma portée d'étudier le lien entre le Feu Secret et le Saint-Esprit, quoique je ne serais pas surpris que c'aie déjà été fait.)
Fondamentalement, on se heurte à un obstacle qui est de traduire les notions d'une spiritualité avec des mots empreints d'une autre. C'est le même problème qui se pose quand on veut parler du
Dieu chrétien en chinois ou inversement de parler du
qi chinois en français, lequel n'est pas sans ressembler à la Force. La solution en français, comme très souvent dans ce cas, a été d'emprunter le mot en même temps que le concept ; mais ce n'est guère envisageable dans le cas qui nous occupe.
Pour ceux qui veulent remonter aux attestations de tous ces termes elfiques, je recommande l'excellent site
Eldamo.
Il me reste juste à répéter la parole prudente d'Elendil dans l'avertissement préliminaire de cette section du forum :
Citation :Un tatouage est une inscription à vie sur votre corps, nous vous recommandons vivement d'y réfléchir longuement. Nous ne sommes pas en mesure de garantir à 100 % l'exactitude de la réponse à votre requête, ne l'oubliez pas.
Le langage a à la fois renforcé l'imagination et a été libéré par elle. Qui saura dire si l'adjectif libre a créé des images belles et bizarres ou si l'adjectif a été libéré par de belles et étranges images de l'esprit ? - J. R. R. Tolkien, Un vice secret