19.07.2017, 23:55
(Modification du message : 20.07.2017, 00:39 par Daniel Lauzon.)
(03.07.2017, 19:30)Elendil a écrit : je trouve effectivement que Grand'Peur est un fort mauvais choix et à ma connaissance personne — hormis Daniel Lauzon — ne l'estime meilleur que le simple Forêt Noire.
Voilà un commentaire qui ne fait pas dans la dentelle mais on peut dire à tout le moins que c'est un choix qui n'a pas fait beaucoup d'adeptes. On peut également remarquer que c'est ici que le traducteur s'est autorisé la plus grande licence en produisant un nom (sur plusieurs centaines) qui s'éloigne considérablement de l'anglais ou de toute autre traduction précédente. Je ne répéterai pas l'expérience.
D'autres noms controversés, comme l'Arpenteur, ou Scadufax, ont le "défaut" d'être trop différents de ceux de Ledoux. On ne peut pas gagner à tous les coups, ni aux yeux de tout le monde ; je trouve, moi, par exemple, que Sacquet est beaucoup plus "dur" que Bessac, alors que je lisais l'inverse un peu plus haut.
Sur cette question en général j'ai déjà dit beaucoup de choses : il faudra que les nouveaux (anciens) lecteurs fassent leur apprentissage, sinon tant pis, ils seront privés de dessert !

(02.07.2017, 23:48)reaumursebastopol a écrit : Je sais qu'il y a quelques coquilles et des oublis chez Ledoux.Centaines... milliers...
Elendil a écrit :Quelques... douzaines
(02.07.2017, 23:48)reaumursebastopol a écrit : En fait mon impression générale c'est que Lauzon à traduit une oeuvre américaine en français du Québec et que Ledoux a traduit une oeuvre anglaise en français.
C'est une impression qui sent le chauvinisme eurocentrique à plein nez, je m'excuse d'être obligé de le dire, et qui ne se vérifie pas dans les faits, à moins de considérer l'anglais british comme nécessairement soutenu, ce qui serait une erreur, même si l'on peut dire que l'anglais américain et sa littérature se manifestent le plus souvent dans un registre populaire, pour des raisons historiques et culturelles. (Les Américains n'ont pas eu la "chance", contrairement aux Québécois, de voir leur idiome rabaissé et étouffé par une vision excessivement normative de leur langue, aussi ils l'écrivent et la parlent comme ils l'entendent. Les peuples triomphants ont ce droit, les vaincus, non.)
J'ai mon style, ce style n'est sans doute pas celui que j'aurais eu si j'étais né de l'autre côté de la mare, mais je vous prie de croire que cela peut avoir ses avantages. J'ai un recul supplémentaire et ma vision du français a le mérite d'être plus intemporelle et moins régionaliste (voire moins parisianiste) – cela dit en toute modestie. Savoir l'origine gasconne de tel nom peut, en outre, être moins important que d'en choisir un qui serve le texte au mieux – dans ce cas précis, le besoin impératif d'une allitération en B.
Quand je traduis pour l'international je fais bien sûr l'effort conscient (devenu habituel, voire automatique) de supprimer à l'écrit les traits de ma langue maternelle (orale). Nous avons ici deux langues usuelles, bien sûr, même si beaucoup d'entre nous ne s'en rendent pas compte : le français québécois, parlé à la maison, et le français standard, ou littéraire, langue écrite, apprise à l'école. Comme tout bilinguisme (réel, je ne parle pas de la méthode ASSIMIL) cela vous triture un peu le cerveau, mais si vous arrivez à maîtriser cela peut rapporter.
J'ai bien sûr traduit de l'anglais autant que Ledoux ; l'évitement de l'imparfait du subjonctif, par exemple, va de soi quand on traduit de l'anglais un récit au passé, puisque chaque tournure subjonctive est susceptible de produire en français quelque chose que l'on aurait tendance à formuler autrement – à moins de donner dans la préciosité la plus facile. Relisez les classiques : m'est avis que vous n'en trouverez pas à la pelletée et à tout propos, mais peut-être chez des auteurs plus obscurs dont le style n'a pas aussi bien vieilli. Cette disposition à l'endroit de l'imparfait du subjonctif ne date pas d'hier. Or en traduisant de l'anglais un récit au passé, il est toujours trop facile d'avoir recours à ce temps de verbe, par paresse ou par manque de moyens. Mécanique 101 de la traduction de l'anglais vers le français. Pour Ledoux, je dirais : manque de temps, et biais stylistique. D'ailleurs, il se corrige à mesure qu'il progresse. Nous l'avions constaté à l'époque où nous avons comparé les deux textes.
(Bien sûr l'imparfait du subjonctif n'a pas disparu de ma traduction [du Seigneur des Anneaux ; le Hobbit, un peu plus] ! Seulement il apparaît moins souvent dans des contextes où l'on nous explique ce que les hobbits aiment manger au petit déjeuner. Par souci d'équilibre et de fidélité.)
En espérant que ces commentaires puissent vous éclairer un peu plus sur la démarche. Et sur le traducteur.
D