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Oui mais la version néerlandaise traduit mal par she-monster, ce qui est assez loin de ce que tente de faire passer Tolkien. Qui plus est, je suppose qu'il estime que la langue néerlandaise peut se permettre de garder l'original vu qu'elle est suffisamment proche de l'anglais, ce qui n'est pas le cas du français. Et s'il ne dit pas qu'il faille traduire Shelob, il ne dit pas non plus explicitement l'inverse
What's the point of all this pedantry if you can't get a detail like this right?
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(22.10.2015, 21:12)Druss a écrit : Et s'il ne dit pas qu'il faille traduire Shelob, il ne dit pas non plus explicitement l'inverse
C'est plus subtile que cela : les termes non-décrits dans la Nomenclature (dont ne fait pas partie Shelob) doivent demeurés tels quels. Concernant Shelob, il trouve sa forme originale intéressante et pouvant évoquer une langue orque. Donc nous sommes loin d'une incitation à la traduction.
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En tout cas, il serait intéressant de faire une étude exhaustive des nouveaux choix de traduction, au regard de la Nomenclature et d'une explication du traducteur.
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C'est plus ou moins déjà prévu, à terme de la traduction.
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23.10.2015, 19:59
(Modification du message : 23.10.2015, 20:00 par Daniel Lauzon.)
Dans ma compréhension des choses, le terme Coureur, employé seul, est évidemment ambigu ; mais pour traduire Rangers of the North, Coureurs du Nord pourrait difficilement être plus proche du sens (= ceux qui parcourent le Nord) ; en outre, dans le tome 2, Rangers of Ithilien devient logiquement Coureurs de l'Ithilien, et je ne pense pas que Rôdeurs de l'Ithilien soit plus adapté pour décrire la "bande" de Faramir, toujours présentée en des termes très nobles. Par ailleurs, la réputation douteuse des Coureurs/Rangers auprès des gens de Brie est déjà fortement soulignée dans le texte, et ce, sans qu'il faille traduire Ranger (terme neutre) par un nom au sens péjoratif (comme Rôdeur).
Quant à Shelob : le Guide laissé par Tolkien est très détaillé, mais pas exhaustif ; tel qu'il est, il ne laisse aucun doute au traducteur sur la marche à suivre pour le traitement des noms. Tous ceux qui représentent un nom du parler commun, et qui sont rendus par un équivalent en anglais moderne ou ancien, peuvent être traduits. On peut évidemment choisir de ne pas les traduire, mais par souci de cohérence, si on en traduit un, on les traduit tous. Si Bag End devient Cul-de-Sac, alors Shelob devient... quelque chose. Ce quelque chose, on l'aime ou on l'aime pas... Pour ma part, je préfère un subtil grincement, comme de pattes d'araignées qui s'entrechoquent, à un vulgaire râclement de gorge. Mais bon, j'ai un parti pris, moi...
Bonne lecture !
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23.10.2015, 20:46
(Modification du message : 24.10.2015, 08:42 par Lomelinde.)
(23.10.2015, 19:59)Daniel Lauzon a écrit : Dans ma compréhension des choses, le terme Coureur, employé seul, est évidemment ambigu ; mais pour traduire Rangers of the North, Coureurs du Nord pourrait difficilement être plus proche du sens (= ceux qui parcourent le Nord) ; en outre, dans le tome 2, Rangers of Ithilien devient logiquement Coureurs de l'Ithilien, et je ne pense pas que Rôdeurs de l'Ithilien soit plus adapté pour décrire la "bande" de Faramir, toujours présentée en des termes très nobles.
On peut effectivement réfléchir aux Rangers de l'Ithilien, mais Coureur ne sied ni à l'un, ni à l'autre. Ce terme renvoie à une notion qui ne désigne aucun de ces deux groupes et qui ne correspond à aucune définition du terme anglais. Le rôle de gardien patient et de vigie discrète qui fut le leur serait sans doute mieux rendu par des termes tels que Veilleur , Vigilant ou Sentinelle.
D’ailleurs, je ne serais pas surpris que l'on puisse établir quelque relation avec la racine elfique RAN « vagabonder, errer » (Ety:383) ou RAN « errer; s'écarter d'une voie (ordonnée ou librement choisie) », RĂNĂ « vagabonder » (PE17:182), sans parler de la ranga citée supra.
(23.10.2015, 19:59)Daniel Lauzon a écrit : Quant à Shelob : le Guide laissé par Tolkien est très détaillé, mais pas exhaustif ; tel qu'il est, il ne laisse aucun doute au traducteur sur la marche à suivre pour le traitement des noms.
Tous ceux qui représentent un nom du parler commun, et qui sont rendus par un équivalent en anglais moderne ou ancien, peuvent être traduits.
Oui, le should a ici son importance. Et les remarques sur le fait que Shelob pourrait évoquer quelque langue orque ou sur l'inadéquation de la traducteur suédoises n'ont pas été écrits ici de manière anodine.
(23.10.2015, 19:59)Daniel Lauzon a écrit : On peut évidemment choisir de ne pas les traduire, mais par souci de cohérence, si on en traduit un, on les traduit tous.
should
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25.10.2015, 02:53
(Modification du message : 25.10.2015, 02:54 par Daniel Lauzon.)
"Ranger" n'a pas d'équivalent en français. Ma réflexion sur les noms a commencé il y a plusieurs années. Aujourd'hui, je suis appelé à produire concrètement un texte. Que cela ne vous empêche pas de théoriser. Mais traduire un texte est tout sauf un exercice théorique. Il faut être réaliste. Sinon, on risque de se casser la figure.
Je ne demande pas à voir ce que donneraient Veilleurs, Vigilants ou Sentinelles dans le texte. Je sais que je n'arriverais pas à les faire fonctionner en contexte, sans user de contorsions, de raccourcis ou de traductions à rallonge. Pourquoi ? Parce qu'on greffe à un terme neutre, d'usage répété et varié, un sens qu'on veut lui trouver, ou lui donner, à tort ou à raison. "Ranger" fonctionne bien et est intéressant, car il est plutôt vague et ambigu. La preuve : les commentateurs ont jugé qu'il valait la peine de le gloser. On ne peut pas décider de le traduire par quelque chose comme "Sentinelle", qui relève de l'extrapolation pure et simple.
Dire que le mot "Coureur" ne correspond à aucune définition du terme anglais est une fausseté. Sauf, bien sûr, si on se limite aux définitions du dictionnaire bilingue. Oui, oui, celui-là. Mais quid de cette définition du Oxford: A person or thing that wanders or ranges over a particular area or domain: 'rangers of the mountains' ? Ou est-ce que nous devons considérer les Rangers comme des gardes forestiers (définition 1) ? Non, je n'ai rien inventé...
Si "Coureur" délaisse le sens (possible) de "gardien", les noms proposés ont le défaut inverse : ils évacuent le sens littéral du mot "ranger" ("homme qui parcourt le pays"), ainsi que la notion, complémentaire, d'errance. Or, je vous cite les mots de Galadriel concernant les Dúnedain, les Rangers, traduit presque mot pour mot avec quelques concessions au rythme et à la rime :
Où sont les Dúnedain, Elessar, Elessar ?
Pourquoi tous tes parents vont-ils de toutes parts ?
Bientôt viendra le temps des Égarés du Nord
Et la Compagnie Grise accourra en renfort.
Mais sombre est le chemin que le sort t’a ouvert :
Les Morts gardent la voie qui conduit à la Mer.
Merci de me lire.
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En outre... je crois qu'il serait bon d'éclaircir le point suivant :
(22.10.2015, 22:39)Lomelinde a écrit : les termes non-décrits dans la Nomenclature (dont ne fait pas partie Shelob) doivent demeurés tels quels.
Je ne sais pas trop comment il faut comprendre cela, mais le fait est que Shelob apparaît dans la Nomenclature (i.e. le "Guide des Noms"). Voici ce qu'en dit Tolkien :
Citation :Shelob. Though it sounds (I think) a suitable name for the Spider, in some foreign (Orkish) tongue, it is actually composed of She and lob (a dialectal E[nglish] word for 'spider'). (Cf. The Hobbit, Chapter 8.) The Dutch version retains Shelob, but the Swed. has the rather feeble Honmonstret.
Tolkien dit certaines choses :
1. La sonorité de 'Shelob' pourrait passer pour un nom en langue étrangère (=orque) et en tant que tel, il conviendrait (croit-il) pour l'Araignée.
2. Shelob n'est pas un nom orque, il est composé de mots anglais, dont un mot dialectal, et le pronom 'She'.
3. La traduction néerlandaise garde 'Shelob'.
4. La traduction suédoise opte un nom que Tolkien trouve "faiblard".
Les faits s'arrêtent ici. Le reste : opinions et conjectures. Mon avis ? Tolkien joue franc jeu et nous dit ce qu'il en est. Il était attaché à ce nom et il aurait bien voulu qu'il puisse être gardé. Dans quels cas ? Mystère. Et dans le cas de cette traduction, quel aurait été son sentiment ? On ne le saura jamais. Mais l'auteur de cette traduction croit qu'il ne pouvait logiquement être gardé, pour les raisons déjà données.
Amicalement
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merci à tous pour vos réactions, & à Tolkiendil pour son engagement (de nouveau) à l'occasion de la sortie de cette traduction.
Je suis avec intérêt l'échange sur ranger / Shelob, qui confirme que :
- la richesse des associations de ces noms propres, dans le texte original, ne peut être totalement rendue dans une autre langue (mais je suis rassuré de voir où Lomelinde va chercher les informations sur Ranga : c'est assez pointu, comme source, et la plupart des lecteurs des Deux Tours ne vont pas être chiffonnés)
- la différence est immense, entre réfléchir à partir d'éléments onomastiques et philologiques, d'une part ; et proposer concrètement des noms qui "marchent" dans une traduction de 400 ou 500 p...
amicalement& bonne lecture
vincent f.
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25.10.2015, 11:41
(Modification du message : 25.10.2015, 12:57 par Lomelinde.)
(25.10.2015, 02:53)Daniel Lauzon a écrit : Dire que le mot "Coureur" ne correspond à aucune définition du terme anglais est une fausseté. Sauf, bien sûr, si on se limite aux définitions du dictionnaire bilingue. Oui, oui, celui-là. Mais quid de cette définition du Oxford: A person or thing that wanders or ranges over a particular area or domain: 'rangers of the mountains' ? Ou est-ce que nous devons considérer les Rangers comme des gardes forestiers (définition 1) ? Non, je n'ai rien inventé...
Damned, je vais donc devoir rendre le dictionnaire bilingue de ma collégienne de fille aînée ?
Plus sérieusement, et pour effectivement en revenir au véritable sens des termes ranger ou range, il a bel et bien une notion de mouvement, comme le rappelle l'OED en fournissant, par exemple, 29 définitions du verbe range, dont celle-ci (l'emphase est mienne) :
Citation :Esp. of a person or animal: to traverse or move in all directions over a comparatively large area; to rove, roam, wander.
Je suis au regret d'annoncer que malgré les dizaines de définitions des termes ranger et range, aucune ne renvoie à une notion qui pourrait, de près ou de loin, évoquer une mouvement rapide tel que la course.
Donc, quelque soit l'inadéquation des termes que j'évoquais supra (Rôdeurs, Vigilants, Veilleurs, etc.), ils renvoient tous à une notion du Ranger (qu'il s'agisse du garde(-ien) ou du vagabond, cette dernière notion étant également avancée par Wayne et Christina), tant en langue anglaise que dans leur usage au sein du legendarium, ce qui n'est aucunement le cas de Coureur.
C'est un fait.
(25.10.2015, 06:05)Daniel Lauzon a écrit : En outre... je crois qu'il serait bon d'éclaircir le point suivant :
(22.10.2015, 22:39)Lomelinde a écrit : les termes non-décrits dans la Nomenclature (dont ne fait pas partie Shelob) doivent demeurés tels quels.
Je ne sais pas trop comment il faut comprendre cela, mais le fait est que Shelob apparaît dans la Nomenclature (i.e. le "Guide des Noms").
Cela se comprend comme suit :
(22.10.2015, 22:39)Lomelinde a écrit : les termes non-décrits dans la Nomenclature (dont ne fait pas partie Shelob) doivent demeurés tels quels.
Autrement dit, Shelob ne fait pas partie des « termes non-décrits dans la Nomenclature ».
(25.10.2015, 06:05)Daniel Lauzon a écrit : Mais l'auteur de cette traduction croit qu'il ne pouvait logiquement être gardé, pour les raisons déjà données.
Il me semble qu'il y a principalement une raison : la cohérence. Je peux la comprendre si elle s'attache à respecter la volonté de l'auteur. Je la considère nettement plus discutable lorsqu'il s'agit de cohérence éditoriale ou personnelle.
(25.10.2015, 10:06)vincent a écrit : (mais je suis rassuré de voir où Lomelinde va chercher les informations sur Ranga : c'est assez pointu, comme source, et la plupart des lecteurs des Deux Tours ne vont pas être chiffonnés)
C'est ce qui fait la richesse et la différence de J.R.R. Tolkien.
(25.10.2015, 10:06)vincent a écrit : la différence est immense, entre réfléchir à partir d'éléments onomastiques et philologiques, d'une part ; et proposer concrètement des noms qui "marchent" dans une traduction de 400 ou 500 p...
Bien que je ne traduise pas de textes du legendarium, il m'arrive de travailler à des traductions professionnelles (hydrographie/océanographie) et j'ai bien conscience des nécessités de clarté et de consensus qu'exigent une traduction.
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Merci de rester cordiaux dans vos messages, que ce soit dans leur fond ou dans leur forme. Je trouve déjà que le gras rouge et l'ironie sont ici de trop.
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25.10.2015, 14:26
(Modification du message : 25.10.2015, 14:34 par Lomelinde.)
Un autre élément intéressant est le surnom d'Aragorn : VO Strider.
to stride désigne le fait de marcher à grandes foulées. Cette notion est également décrite de manière très détaillée dans l'appendice sur les mesures linéaires númenoréennes des Contes et légendes inachevés, qui traite en détails du fameux ranga ou « full pace ».
Le fait que notre Ranger/Marcheur de Roi, Aragorn, soit surnommé Strider, ou Telcontar (Telco-n-tar, lit. « Jambe(s)-grande(s) ») en quenya et que ses ancêtres (les Núménoréens) aient établi des unités de mesure (le ranga et la lar ou « pause », valant 5000 rangar) en rapport avec la marche ne doivent rien au hasard.
Je ne pense pas qu'il soit aberrant d'explorer au-delà du SdA pour étayer un raisonnement sur la traduction d'un terme de cet ouvrage. L'inverse serait insultant pour l'intelligence du lecteur, tout novice et moderne qu'il soit, et serait à contresens de la démarche de l'auteur.
En ce sens, même si l'on ne souhaitait pas mettre en avant :
1) l'attitude suspicieux des gens (comme ceux de Brie) envers les Dúnedain (VF Rôdeurs),
2) leur travail efficace de surveillance et leur garde discrète de longue date (pourtant une notion clé du terme anglais ranger et l'essentiel de leur action dans le legendarium),
on pouvait au moins rappeler la tradition de marche à grande foulée de ce peuple, ancrée jusque dans ses unités de mesure et le surnom donné à son Roi. Le registre de la marche ou du passage aurait alors été préférable à celui de la course.
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25.10.2015, 15:10
(Modification du message : 25.10.2015, 17:46 par Tilkalin.)
Lomelinde a écrit :on pouvait au moins rappeler la tradition de marche à grande foulée de ce peuple, ancrée jusque dans ses unités de mesure et le surnom donné à son Roi. Le registre de la marche ou du passage aurait alors été préférable à celui de la course. Il me semble justement que dans ce cadre le terme "course" recouvre bien le registre de "marche/passage (à grande foulée)" que tu évoques
En tout cas, si j'en crois l'étymologie du verbe "courir", et plus particulièrement son sens médiéval A.1 (que j'imagine volontiers pouvoir s'appliquer aux manœuvres militaires, notamment) :
Citation :mil. XIe s. curre « se déplacer par élans » (Vie de Saint Alexis, éd. Chr. Storey, 423)
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Voilà qui emporte ma conviction, Tilkalin
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26.10.2015, 06:47
(Modification du message : 26.10.2015, 06:50 par Daniel Lauzon.)
Attention, le terme de « Coureur » dans cette acception n’a rien à voir avec la course.
Je sais que les amateurs de Tolkien sont de fins lecteurs ; je sais aussi que la plupart sont capables et désireux de s’instruire. Ainsi, au même titre qu’un écrivain, il m’arrive de faire de choix qui requièrent de leur part des connaissances, une culture, une faculté d’analyse et de discernement. C’est, après tout, l’un des plaisirs de la lecture que d’être amené à réfléchir et à comprendre.
Or donc, dans le cas de « Coureurs », je l’ai déjà dit sur ce fil, il n’est pas question de personnes qui s’adonnent à la course. On a plutôt affaire à une vieille acception du mot, en troisième place dans Le Petit Robert : « COUREUR DE : Vx personne qui parcourt (un lieu). » Voyez aussi ce mot dans le Littré ou le Trésor de la langue française, qui bénéficient d’entrées plus détaillés.
Grosso modo, ce sens correspond à l’emploi transitif du verbe « courir », détrôné par cet autre verbe dérivé de « courir », soit « parcourir ». Cet emploi, encore recensé dans les dictionnaires, est aujourd’hui très vieilli, et, à l’exception des « coureurs de jupons » et autres, ne se rencontre guère que dans l’expression (elle-même historique) de « coureur des bois ». Le nom de ces explorateurs ne tenant pas, faut-il le dire, à la rapidité de leur démarche, mais à l’étendue de pays parcourue, sillonnée, explorée, connue.
Le sujet ne demande pas de longues dissertations. Si l’on se réfère à ce que j’ai écrit plus haut, on comprendra que « Coureurs du Nord » et « Coureurs de l’Ithilien » veut dire : « ceux qui parcourent le Nord/l’Ithilien », soit ni plus ni moins la même chose (pour qui s’entend un tant soit peu à l’anglais) que « Rangers of the North/of Itihilien ». Employé seul (dans le Livre Premier), « Coureur » est ambigu et difficile à interpréter, c’est un fait (quand on ne bénéficie pas de code couleur ! ). La preuve en est que j’ai dû, à plusieurs reprises, m’expliquer sur ce point. Mais je maintiens que le terme est interprétable, pourvu qu’on soit ouvert à l’interprétation d’une traduction au même titre que d’une œuvre originale…
Ce qui, à l’évidence, n’est pas gagné. C’est d’autant plus vrai pour le traducteur d’un auteur connu et admiré qui se heurte souvent à la méfiance aveugle de lecteurs exigeants, aux idées arrêtées, très informés au demeurant. Il semble que, pour eux, le traducteur soit présumé coupable jusqu’à preuve du contraire. Il n’y pas grand-chose à faire, sinon rester poli.
Citation : Il me semble qu'il y a principalement une raison : la cohérence. Je peux la comprendre si elle s'attache à respecter la volonté de l'auteur. Je la considère nettement plus discutable lorsqu'il s'agit de cohérence éditoriale ou personnelle.
Le traducteur-profanateur aurait donc des intentions cachées. Une cohérence "personnelle", hein ? Eh bien, je vous laisse à vos fictions, Lomelinde. C'est votre droit, après tout. Mais attention, vous n'êtes pas le premier, et sûrement pas le dernier.
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Merci pour tes explications Daniel
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Le plaisir est pour moi, Tilkalin.
En ce qui concerne la racine RAN : elle figure déjà dans le lexique de langue gnome, le Goldogrin de 1915, en rapport avec le nom gnome de la lune Rân, du quenya Rána, nom déjà présent dans le texte des Contes Perdus. À ce stade, l’étymologie du nom Rána n’est pas clairement établie. Mais dans les brouillons du Silmarillion des années 30, bien avant que l’ombre d’un Ranger ne paraisse sous la plume de Tolkien en Trotter, le hobbit aux sabots (HoMe VI), le nom Rana est à nouveau mentionné, traduit par ‘the Wayward’ = littéralement, « celui qui ne suit pas le chemin attendu » (Lost Road p. 240, vf p. 272). Ainsi, je considère que l’origine de cette racine des Étymologies (contemporaines du Silmarillion des années 30, donc antérieures au SdA) doit bien plus au Rána des Contes Perdus, qu’au mot anglais Ranger, que Tolkien n'a pas inventé. Le lien m'apparaît donc ténu.
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26.10.2015, 16:27
(Modification du message : 26.10.2015, 16:32 par Hyarion.)
J'avoue qu'il est toujours difficile de se mêler à ces discussions, qui plus est dans un contexte de promotion, discussions où on peut rapidement finir par passer pour un lecteur un brin maniaque simplement parce qu'on lit un livre avec une attention particulière : pas si facile, en fait, d'être un lecteur de Tolkien, de ce point de vue ! Pour ma part, je l'ai déjà dit maintes fois, mais je le répète : je n'aime pas le mot "fan" et je ne me vis pas comme tel en tant que lecteur de Tolkien. Cela n'empêche pas un regard particulier sur une œuvre qui est, sans doute, de facto, l'objet d'une certaine passion, au moins vu de l'extérieur... Bref, si Lomelinde, compte tenu de ce qu'il écrit, peut sans doute paraître exigeant pour sa part, je ne crois pas l'être particulièrement pour la mienne et j'espère donc que le contenu de mon message ne sera pas perçu comme quelque-chose d'aussi pénible que ce que Vincent dit (sur JRRVF) avoir fait lui-même subir à Daniel Lauzon.
(26.10.2015, 06:47)Daniel Lauzon a écrit : Je sais que les amateurs de Tolkien sont de fins lecteurs ; je sais aussi que la plupart sont capables et désireux de s’instruire. Ainsi, au même titre qu’un écrivain, il m’arrive de faire de choix qui requièrent de leur part des connaissances, une culture, une faculté d’analyse et de discernement. C’est, après tout, l’un des plaisirs de la lecture que d’être amené à réfléchir et à comprendre.
J'avais eu l'occasion de donner un modeste avis sur le présent fuseau en juin dernier, concernant la nouvelle traduction d'une façon assez générale, et je me permets d'y renvoyer pour que mon point de vue soit le plus clairement perçu possible : https://forum.tolkiendil.com/thread-4983...#pid143722
Être amené à réfléchir et à comprendre est en effet un des plaisirs de la lecture, avec aussi bien sûr la perception sensible avec sa part d'intuition. Dès lors, puisque nous en sommes à nouveau ici à évoquer des détails (auxquels il ne faut sans doute pas passer son temps à s'attarder), et que c'est toujours une chance que de pouvoir échanger avec un traducteur, je saisis en passant l'occasion de revenir sur un exemple de changement que j'avais abordé dans mon message de juin dernier : avoir traduit/remplacé le mot « tub » par le mot « cuve » dans le chapitre V du premier livre du Seigneur des Anneaux, lors de la scène de bain à Creux-le-Cric, n'a-t-il pas pour conséquence in fine de restreindre ici l'interprétation du mot et non de l'ouvrir comme on l'entend avec l'emploi du terme « Coureur » pour « Ranger » ? Le sens du mot « cuve » est certes plus large, mais il me semble moins précis que celui de « tub », notamment quand on songe au contexte culturel dans lequel Tolkien l'utilise. Je ne crois pas, honnêtement, que son emploi suspende tant que cela l'incrédulité, même aujourd'hui, tout comme le fameux pistolet à bouchon du Hobbit, même s'il s'agit là d'un autre roman avec globalement un autre ton. Après, certes, on pourra toujours dire que je suis influencé là par une de mes passions qu'est la peinture et que je connais suffisamment de représentations de tubs par des peintres comme Degas, Vallotton, Bonnard et d'autres, pour que le terme « tub » dans un roman de fantasy, écrit par un auteur né en 1892, me parle dès lors beaucoup plus qu'à d'autres lecteurs, mais bon, que voulez-vous : on est comme on est.
Bref, le cas de "mon" « tub » est sans doute plus anecdotique que celui du « Ranger » pointé par Lomelinde par rapport à l'ensemble du roman, mais compte tenu de ce que j'avais évoqué dans mon message de juin, les échanges récents ici m'amènent à voir ma modeste observation de lecteur me revenir à l'esprit. Alors, au point où nous en sommes, autant l'évoquer à nouveau.
Cordialement,
Hyarion.
All night long they spake and all night said these words only : "Dirty Chu-bu," "Dirty Sheemish." "Dirty Chu-bu," "Dirty Sheemish," all night long.
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(Modification du message : 26.10.2015, 22:05 par Lomelinde.)
(26.10.2015, 15:44)Daniel Lauzon a écrit : Ainsi, je considère que l’origine de cette racine des Étymologies (contemporaines du Silmarillion des années 30, donc antérieures au SdA) doit bien plus au Rána des Contes Perdus, qu’au mot anglais Ranger, que Tolkien n'a pas inventé. Le lien m'apparaît donc ténu.
Le terme ranger est attesté de différentes manières dans les Contes Perdus, qu'il s'agisse de wood-rangers, woodland-rangers, rangers of the hill ou rangers of Beren's folk. Tolkien semble même associer aux wood-rangers le terme Vettar.
Cela confirme, de manière assez ancienne, sa connaissance du terme, son choix de l'employer et peut-être son intérêt particulier pour lui.
Je ne serais donc pas étonné que ranger ait pu influencer, consciemment ou non, les mots et racines elfiques cités plus haut, qu'ils soient plus anciens que les Etymologies, issus d'elles ou, plus tardivement, des notes sur le SdA.
Je n'ai pas fouillé de manière suffisamment exhaustive les autres sources d'inspiration potentielles pour RAN mais, tout du moins, cela ne semble pas être grec, latin, gotique, finnois ou gallois.
Quant au terme quenyarin ranga, bien que son étymologie ne soit pas fournie, le fait que les ancêtres des Rangers/Coureurs s'en soient servis comme unité de mesure d'une foulée est suffisamment troublant.
La relation étymologique entre les racines en RAN et ranga reste à établir, mais elle me semble intéressante et probable.
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(Modification du message : 27.10.2015, 01:02 par Daniel Lauzon.)
Intéressantes recherches. Je ne mettrais pas ma main au feu, mais après tout, pourquoi pas ? Vagabonds, errants qui courent le monde, foulées... je ne puis m'empêcher de penser que nous nageons dans les mêmes eaux, là !
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(Modification du message : 27.10.2015, 08:32 par Lomelinde.)
Enfin bon, quand on voit que ranger vient du verbe range, lui-même issu du vieux français ranger, on a envie de dire « Merci Guillaume pour ce génocide linguistique » et d'opter pour une francisation en Rangeur.
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Bonne chance à tous !
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>... d'opter pour une francisation en Rangeur
oui, un manuscrit apocryphe de Home XIII contient une note montrant les hésitations deTolkien à propos du nom d'Aragorn, note que je vous livre :
Aragon ? Héron ? Héron petit de Patapon ?
>Arargorn fils d’Arathorn
Rôdeur ? Ranger à capuche ? Rangeur masqué ?
vincent f.
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30.10.2015, 09:26
(Modification du message : 30.10.2015, 10:36 par Faerestel.)
Je suis de ceux qui ne sont pas entièrement satisfaits par la nouvelle traduction du SdA, non pas au regard de la tournure des phrases, plus vivantes que celles de Ledoux, mais par certains choix de traductions particuliers.
"Coureurs" au lieu de Rangers/Rôdeurs est évidemment l'un d'eux. Je comprends la position de Daniel Lauzon quand il se réfère à l'acceptation transitive du mot illustrée par le coureur des bois que le français connaissait bien au XVIIIème. Mais le terme coureur doit toujours être précisé: un coureur des bois n'est ni un coureur de jupons ni un coureur de fond... sinon le Coureur n'est que quelqu'un qui court, un "joggeur"! La traduction de Ledoux est souvent modernisée, vivifiée, par Daniel Lauzon mais celui-ci oblige ici le lecteur à une cabriole linguistique autour de cette vieille acceptation du mot.
Je remercie au passage Lomelinde de nous laisser apercevoir la probable volonté de Tolkien de faire remonter l'étymologie de Ranger au Quenya (plutôt qu'au Français) à travers la racine Ran et l'unité de mesure des distances Ranga. Une volonté qui me semble évidente au regard de la boucle temporelle et sémantique, typique de l'"humour philologue" de Tolkien, mise en place quand Aragorn Roi adopte officiellement le nom de Grand-pas/Telcontar pour sa Maison. Le Dunadan commence le roman comme un Ranger et le termine Telcontar! Que de chemin parcouru!
Malheureusement Daniel Lauzon ne pouvait traduire Ranger par Arpenteur...
Je conçois que le Rôdeur que nous connaissions véhicule une notion péjorative qui ne trouve place et raison dans le roman traduit par Ledoux que à travers le regard peu amène que les Hommes de Bree (navré mais Brie reste pour moi un fromage et je regrette ce choix de transcription) posent sur les Dunedain en exil. Bien que Errants recouvre aujourd'hui une acceptation hasardeuse un peu inquiétante, si pas aussi infamante que celle du Rôdeur, ce terme aurait permis de créer une passerelle avec les mythes du Chevalier Errant que Tolkien connaissait bien.
Bien qu'au fond seul un certain conservatisme me fasse préférer le Rôdeur au Coureur, je ne suis pas non plus convaincu par Veilleur ou d'autres termes proches.
A tout le moins, cette discussion me permet, et sûrement à d'autres aussi, de mesurer la difficulté d'une tâche telle la traduction de Tolkien.
Dorées les feuilles tombent, mais le rêve se poursuit
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merci Farestel,
c'est dans ce type de discussion, focalisée sur un mot, qu'il ne faut pas oublier que Daniel Lauzon traduit un roman, donc un ensemble de mots, dont on isole ici quelques uns, alors qu'ils sont toujours pris dans un contexte plus ou moins large.
Y a-t-il vraiment une ambiguité de cet ordre :
" le terme coureur doit toujours être précisé: un coureur des bois n'est ni un coureur de jupons ni un coureur de fond..." ?
la question posée est aussi de savoir quel effet produit tel mot (ou telle expression) traduit en français, intégré dans un ensemble d'autres mots, qui lui apportent du sens.
bien cordialement à tous,
vincent f.
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