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Méditations sur la Terre du milieu... ou plutôt sur un genre!
#1
Bonsoir !

Je poste ce sujet pour quérir votre aide !
D'abord j'aurais voulu savoir si l'un de vous avait l'édition originale, en anglais j'entends, du recueil dirigé par Karen Haber, Méditations sur la Terre du Milieu ?
Et ceci pour une raison précise, ce quelqu'un pourrait-il me dire si les différents contributeurs de l'ouvrage, lorsqu'ils parlent du genre "fantasy", emploient le mot fantasy seul ou accompagné d'une précision (high fantasy / epic fantasy...) ?

Tout ça pourquoi me direz-vous! Et bien, je rencontre une difficulté concernant la définition du genre littéraire de la fantasy, dans les recherches que je fais pour ma thèse.
En fait, c'est très simple (enfin...)! En anglais, nous avons un terme beaucoup plus englobant qu'en français. Ainsi "Fantasy" recouvre autant les œuvres dont le particularisme est l'irruption du merveilleux dans un univers connu (le fantastique), que les œuvres relevant d'un monde second "séparé" et étranger au nôtre (ce que nous nous appelons fantasy).
Dans les études anglaises sur le genre il semble que la distinction s'opère ensuite entre low fantasy (fantastique) et High fantasy (monde second). Sauf que ça c'est en théorie! Parce que lorsque vous lisez des essais ou autre, les distinctions disparaissent comme par magie (ce qui est problématique quand on s'appuie constamment sur ces écrits pour parler seulement de la Terre du Milieu dans sa particularité d'univers complet)! Et moi dans tout ça faut que je me débrouille pour sortir de ce marécage boueux, et que je rende tout ça très clair (ce n'est pas mon domaine, d'où la difficulté!) et palpable pour un jury qui lui non plus ne sera pas spécialiste de l'aspect littéraire de la chose mais qui paradoxalement m'attendra d'autant plus au tournant sur le sujet (non, non, ce n'est pas absurde Very Happy )!

Bref! Si quelqu'un a compris quelque chose à ce que j'ai dit (sans commentaire! ^^) Je sais que beaucoup d'entre vous lisent énormément d'études sur Tolkien et donc par extension sur la fantasy et peut-être par chance, l'un de vous a déjà lu une réflexion sur la question et le décalage entre les deux approches...
Je prendrais toute l'aide qui voudra bien m'être donnée!

Merci Wink

Sahne
ps: je suis vraiment désolée si je ne suis pas dans le bon sujet!
« Car il s'agit d'une "résistance" au monde, à l'évolution du monde donnée comme inévitable »
J.R.R. Tolkien, Du conte de fées
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#2
Bonjour Sahne,

Mes propres recherches m'ont amené justement à m'intéresser à cette question... et évidemment, la réponse n'est pas évidente... Wink

En ce qui me concerne, plus je lis de livres de et sur la fantasy littéraire dans le cadre de mes recherches, et plus toutes ces catégorisations et sous-catégorisations en fantasy me paraissent absurdes et dépassées. Quel sens peut bien avoir le fait de vouloir enfermer J. R. R. Tolkien dans une case "high fantasy" (ou "epic fantasy") et Robert E. Howard dans une case "heroic fantasy" (ou pire, dans une case "sword and sorcery") ? Toutes ces sous-catégories sont horriblement réductrices, et font que certains finissent par oublier de lire et d'étudier les œuvres pour elles-mêmes. Se limiter à la notion générale de fantasy pour aborder ces œuvres est bien suffisant à mon avis, n'en déplaisent à certains qui voudraient, d'une manière ou d'une autre, distinguer hiérarchiquement des auteurs qui les intéressent d'autres auteurs qui ne les intéressent pas (la nature de certaines "expertises" se joue parfois seulement à ça, me semble-t-il).

Le livre d'Anne Besson chez Klincksieck me parait bien faire le point sur ce sujet complexe. Elle distingue une sorte de "cœur de genre" où se mêle l'épique et l'héroïque, et de nombreuses périphéries ayant toutes intérêt à revendiquer leur singularité sans avoir forcément la légitimité pour le faire.

À mon humble avis, tout ce que tu évoques dans ton message sur les distinctions ou les non-distinctions en matière de fantasy dans les écrits en anglais, tu devrais tout simplement l'indiquer, fusse succinctement, dans ta thèse... surtout si ton jury n'est pas spécialiste en fantasy ! Wink Si tu souhaites être claire, tu pourrais peut-être simplement expliquer que certains en anglais s'amusent à sous-catégoriser avec des "low", des "high", des "heroic", des "light", etc., mais qu'en réalité, pour paraphraser Anne Besson, tous ces classements ne sont absolument pas stables, se concurrencent, se confondent... et peuvent beaucoup varier d'un auteur à l'autre, voire d'une langue à l'autre. S'il te faut une définition générale de la fantasy, tu peux éventuellement reprendre celle d'Anne Besson dans l'Encyclopædia Universalis, si tu veux (je ne suis pas monomaniaque en matière de références, mais il se trouve que Anne Besson me parait avoir une approche intéressante du sujet Wink ).

Je n'ai pas la VO du livre de Karen Haber, mais je ne peux qu'encourager sa consultation, même partielle, pour s'assurer de ce que les contributeurs anglophones du recueil racontent vraiment... Wink Pour ma part, cet outil m'a bien dépanné quand j'en ai eu besoin : http://books.google.fr/books?hl=fr&id=LO...sy&f=false

Amicalement,

Hyarion.
All night long they spake and all night said these words only : "Dirty Chu-bu," "Dirty Sheemish." "Dirty Chu-bu," "Dirty Sheemish," all night long.
(Lord Dunsany, Chu-Bu and Sheemish)
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#3
Merci Hyarion pour ta réponse!

Je suis entièrement d'accord avec toi au sujet des catégories et sous-catégories du genre fantasy comme toutes les œuvres que tu me cites. Smile
Seulement pour ma part, je juge important d'opérer la distinction entre fantasy et fantastique, puisque le fait que l'on puisse s'aventurer en lecture dans un monde différent de nous, inconnu, non régi par les mêmes lois, est la particularité du genre fantasy, et comme disait Anne Besson la promesse d'une monde textuel infini et complet en est le pacte de réception (je crois qu'elle reprend une expression de St-Gelais, "une rêverie de la forme" tu te souviens? à moins que je confonde). C'est donc super important (Je suis sociologue d'où l'obsession pour la réception Very Happy).

Je crois que c'est dans cet ouvrage de Anne Besson, où il est aussi à un moment question de ces formes hybrides, telles que Harry Potter, qui flirtent avec les limites de notre monde connu et une dimension cachée = ce qui signifie, comme tu le disais, qu'encore une fois les catégories sont des entraves.
Néanmoins je connais des lecteurs qui n'aiment pas le fantastique car l'irruption du merveilleux dans nos réalités leurs semble trop absurde. Je ne veux pas discuter de leur goût de lecture ^^, c'est juste pour te montrer pourquoi je tiens à cette distinction. Lorsque je lis ces ouvrages "académiques", les français parlent de cette fantasy là, celle d'un monde second différent. Le problème que j'ai se situe sur des sources anglaises: ils ne parlent pas seulement de "cette fantasy là" mais y incluent le fantastique. Un mot. Deux emplois. Je ne sais pas si tu vois ce que je veux dire ? Dans un sens j'ai plus de mal à mettre sur le même plan Lovecraft (fantastique) et Tolkien (fantasy), que Tolkien et Howard (bien que tout dépende toujours des écrits et non des auteurs). Bon ok c'est encore moins clair maintenant , c'est ça ? Sad Erf! je suis désolée! Du coup pour tes recherches tu ne fais aucune distinction entre fantastique et fantasy ?
D'ailleurs, tu travailles sur la littérature fantasy? sur J.R.R. Tolkien? En littérature comparée ? Smile *curieuse*

Merci pour ta réponse et désolée pour la prise de tête Wink

Sahne
« Car il s'agit d'une "résistance" au monde, à l'évolution du monde donnée comme inévitable »
J.R.R. Tolkien, Du conte de fées
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#4
Bonjour Sahne,

J'ai la VO du livre de Haber, mais il faudrait que je le relise pour consulter toutes les occurrences, et je n'ai hélas pas le temps pour ça avant... longtemps. Si tu passes à Toulouse, tu es la bienvenue pour consulter mon exemplaire. Smile

Cela dit, je partage plutôt l'avis de Hyarion sur l'inadéquation des catégories au-delà d'un certain niveau de détail : certes les catégories sont intéressantes pour structurer notre image mentale d'un genre littéraire, mais les frontières sont forcément poreuses et indécises. Si le Seigneur des Anneaux est indiscutablement de la fantasy, qu'en est-il de la Chute d'Arthur ou des Archives du Notion Club ?

Tu cites à juste titre Lovecraft comme relevant du genre du fantastique : c'est vrai pour beaucoup de ses ouvrages, mais qu'en est-il de ses nouvelles qui sont entièrement situées dans les Contrées du Rêve, sachant que certains personnages récurrents font la navette entre ces contrées et notre Terre ?

J'ai récemment lu le petit recueil Jirel de Joiry, de Catherine Moore, dont l'héroïne vit dans le haut Moyen Âge français, un Moyen Âge peuplé de sorciers et de démons. Elle fait fréquemment des voyages dans des mondes parallèles et rencontre même dans une aventure un astronaute vivant sur Mars, qui provient d'un autre cycle de récits : comment donc classifier une telle œuvre ?

Amicalement,
Elendil
Rollant est proz e Oliver est sage.
Ambedui unt merveillus vasselage :
Puis que il sunt as chevals e as armes,
Ja pur murir n’eschiverunt bataille.
La Chanson de Roland
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#5
Je ne connais pas un domaine, à l'exception des mathématiques "pures" peut-être, où les catégories ne soient pas indispensables tout en étant impertinentes. Je pense que notre perception du monde a un profond, voire un premier, besoin de ce concept et que les découvertes, la connaissance ou l'émerveillement, sont au-delà.

J'ose croire que personne n'a jamais rien inventé en se situant dans un rapport catégoriel au monde.

Grand amateur des auteurs de langue anglaise de Fantasy, je trouve ce terme tout à fait suffisant. Faute de quoi, il faudrait pratiquement une catégorie par oeuvre et l'on perdrait tout intérêt d'avoir des catégories! Razz
Dorées les feuilles tombent, mais le rêve se poursuit
Là où l'espoir demeure, les eaux chantent sous la nuit
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#6
Je comprends ce que vous dites et je suis même partisane de ces points de vue (l'absurdité des catégorisations etc), je suis pour réhabiliter une certaine forme de pensée complexe, cela dit à mon sens dire qu'il y a de la fantasy et que cela correspond globalement à tout ce qui est imaginaire aujourd'hui est très réducteur. Trop de catégories n'ont plus de sens, mais pas assez de différenciations et on passe alors à côté de la richesse qu'offre le merveilleux. Vous ne parlez pas de science-fiction est-ce parce que vous ne l'incluez pas ? Si oui pourquoi? Si non pourquoi? Qu'est ce qui différencie le merveilleux scientifique d'un merveilleux traditionnel (type magie) ? et où placer Lovecraft dans ce cas, star wars, ou warhammer 40K ?
En gros n'est ce pas parce qu'il existe des catégories que je peux interroger ce qui fait la spécificité des oeuvres et leurs liens entre elles, leurs influences réciproques...

Elendil, Tu dis "l'inadéquation des catégories au-delà d'un certain niveau de détail ": je dis oui, depuis le début, mais c'est le "certain niveau de détail" que j'interroge justement, la variable "univers complet séparé du nôtre" n'est peut être pas la bonne mais ce n'est pas un détail. "certes les catégories sont intéressantes pour structurer notre image mentale d'un genre littéraire, mais les frontières sont forcément poreuses et indécises. Si le Seigneur des Anneaux est indiscutablement de la fantasy, qu'en est-il de la Chute d'Arthur ou des Archives du Notion Club ?". Les catégories sont en effet intéressantes pour saisir cette richesse littéraire, ensuite que les frontières soient poreuses et mouvantes c'est normal, ce sont des catégories théoriques et non de la phénoménologie.
D'où mon questionnement, car vous n'êtes aussi pas sans savoir l'importance d'une approche formelle au sein de l'académisme universitaire aujourd'hui. ça ne veut pas dire que toute l'analyse ne peut pas être ensuite relativisée, nuancée etc (faites moi confiance la dessus, le relativisme c'est ma grande déformation professionnelle). Comment dire?
Je vais présenter l'état de mes recherches sur la place de l'oeuvre de Tolkien dans nos sociétés modernes (pour faire très court...). Pour cela j'ai une approche sociologie du public et sociologie de la littérature - du genre -et de la réception. J'aurais face à moi des gens qui n'ont jamais lu Tolkien, qui ne connaissent pas le mot fantasy, et qui auront énormément de mal à me comprendre quand je vais digresser longuement sur les peuples merveilleux de la Terre du Milieu aux pieds poilus et longues oreilles... OO' Ma seul option c'est d'être didactique, de prendre les membres du jury par la main et de les aider à me suivre. Et selon moi, ça ne peut pas commencer par dire que tout se vaut dans les littératures imaginaires ou que du moins il y a trop de singularités pour les regrouper dans des catégories pertinentes. Je dirai qu'il faudrait que j'ai à ce moment là une catégorisation claire et simple qui permette aux lecteurs de situer l'objet de mes travaux et de comprendre pourquoi je m'intéresse à des caractéristiques spécifiques ensuite (sentiment épique, univers imaginaires, tapisserie mythique ....). Puis dans un second temps, j'amène les nuances pour rendre compte de la complexité du genre, y compris chez un même auteur, parce que je ne vois pas pourquoi un auteur n'écrirait que pour un genre. Du coup ce qui vaut pour Harry Potter, vaut pour Lovecraft aussi, ou pour n'importe quel auteur du genre, nombreux sont les univers qui flirtent avec les limites de notre monde connu. Mais si on ne considère plus de différence de catégories alors on ne fait plus de comparaison, et donc on ne s'interroge plus sur les spécificités de chaque oeuvre ou ses ressemblances, son adhésion à un coeur commun etc.

Quand à mon questionnement de base sur la différence de vocabulaire, c'est parce que, catégories pertinentes ou non, tout le monde semble parlait de la même chose et pourtant il n'en est rien. Les catégories sont barbantes certes, mais un laxisme sur les définitions, même simple et amples, est catastrophique, c'est ainsi qu'on se retrouve avec des gens qui parlent d'Heroic fantasy pour parler en fait de fantasy épique, de fantastique pour parler de science-fiction, rien de grave! Mais ça rend l'élaboration d'études communes très compliquée. La solution serait selon moi de définir des grands ensembles autour de variables précises, mais non comme des genres, c'est à dire non contradictoires, ainsi une oeuvre se définirait par les ensembles qu'elle recouvre: médiéval fantastique / univers imaginaire / magie / Technologique / etc. Bon les exemples sont nuls Very Happy, mais c'est pas le but, ce serait un super sujet de thèse pour quelqu'un qui a étudié la littérature, ce n'est pas mon cas, je n'y "connais rien", donc je vais éviter ce genre d'entreprise ^^, d'autant que si j'ai abandonné toute stratégie universitaire, je veux néanmoins valider ma thèse, au moins ça ! Very Happy
Cela dit en oubliant le but premier de ma question initiale, le débat sur les catégorisations et leurs pertinences est très intéressant, et c'est pas au labo que je l'aurais ! Wink

Merci pour vos réponses,
Sahne

ps: Merci Elendil pour l'invitation, promis si je passe par Toulouse, je t'appelle Wink ! Tu me raconteras comment s'est passé ton cycle de conférence cet été!
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#7
(03.10.2014, 11:37)Sahne a écrit : Dans un sens j'ai plus de mal à mettre sur le même plan Lovecraft (fantastique) et Tolkien (fantasy), que Tolkien et Howard (bien que tout dépende toujours des écrits et non des auteurs).

En effet, tout dépend de la focale que l'on choisit pour une étude donnée, vis-à-vis de tel ou tel auteur et de tel ou tel aspect de son oeuvre. Tolkien est surtout connu pour sa Terre du Milieu. Howard est surtout connu pour son Âge Hyborien. Dans les deux cas, il y a deux mondes secondaires relevant de la fantasy. C'est là que des choses peuvent éventuellement être mises sur le même plan, sachant que les œuvres de ces deux auteurs ne se limitent cependant pas à ce pourquoi ils sont surtout connu sur le plan littéraire. Concernant Lovecraft, il est surtout connu pour des récits relevant plutôt du fantastique (irruption du surnaturel dans le "réel"), ce qui le rend a priori distinct des œuvres que je viens d'évoquer. Mais d'une part, il n'a pas écrit que ces récits-là, et d'autre part des parallèles peuvent évidemment diversement être faits entre les travaux de ces trois écrivains : c'est particulièrement le cas avec Howard, qui connaissait très bien Lovecraft au point d'avoir longuement correspondu avec lui, mais ce peut être aussi le cas avec Tolkien, qui est à peu près de la même génération que Lovecraft, tout deux ayant notamment eu Lord Dunsany parmi leurs lectures commune, etc.

(03.10.2014, 11:37)Sahne a écrit : Bon ok c'est encore moins clair maintenant , c'est ça ? Sad Erf! je suis désolée! Du coup pour tes recherches tu ne fais aucune distinction entre fantastique et fantasy ?

Ne t'inquiètes pas, Sahne : pour moi, c'est très clair. Wink
Concernant la distinction entre fantastique et fantasy, pour prendre des exemples du XIXe siècle, il y a clairement une différence pour moi entre Le Horla de Guy de Maupassant et The Water of the Wondrous Isles (Le Lac aux Îles Enchantées) de William Morris, deux auteurs que j'aime beaucoup par ailleurs. Wink

(03.10.2014, 14:16)Sahne a écrit : En gros n'est ce pas parce qu'il existe des catégories que je peux interroger ce qui fait la spécificité des oeuvres et leurs liens entre elles, leurs influences réciproques...

Absolument !
C'est pour cela que, personnellement, je ne suis pas d'accord, par exemple, avec le discours consistant à dire "il faut distinguer Tolkien de l'heroic fantasy" en sous-entendant, en fait, que dans cette case-là se trouverait des auteurs supposés a priori complètement différents de Tolkien, alors qu'ils ont surtout souvent le défaut de ne pas intéresser la personne qui tient ce discours : s'il faut remettre en cause les sous-catégorisations - et il le faut ! -, cela doit concerner absolument tous les auteurs de fantasy, sans chercher à privilégier un auteur plutôt qu'un autre.
Si l'on veut interroger ce qui fait la spécificité des œuvres et leurs liens entre elles, comme tu l'écris, il me parait essentiel de revenir aux auteurs, sans vouloir hiérarchiser ou utiliser des sous-catégories convenues comme repoussoir, et contextualiser vis-à-vis de la réception de ces auteurs de façon plus globale.
La fantasy européenne (celle de Tolkien, notamment) et la fantasy américaine (celle de Howard, notamment) ont convergé à partir des années 1960-1970, en particulier via le jeu de rôle, vers ce qui est devenu un ensemble commun, appréhendé comme tel par un large public, et qui est devenu un phénomène culturel planétaire loin de se limiter à la littérature. C'est dans ce contexte-là qu'il me parait intéressant de revenir aux sources littéraires, aux auteurs, pour voir d'où tout est parti, sans chercher isoler tel ou tel écrivain : ni l'isoler des autres écrivains sous prétexte de sous-catégorisation, ni l'isoler de la réception sans laquelle son oeuvre ne serait pas ce qu'elle est.

(03.10.2014, 14:16)Sahne a écrit : Elendil, Tu dis "l'inadéquation des catégories au-delà d'un certain niveau de détail ": je dis oui, depuis le début, mais c'est le "certain niveau de détail" que j'interroge justement, la variable "univers complet séparé du nôtre" n'est peut être pas la bonne mais ce n'est pas un détail. "certes les catégories sont intéressantes pour structurer notre image mentale d'un genre littéraire, mais les frontières sont forcément poreuses et indécises. Si le Seigneur des Anneaux est indiscutablement de la fantasy, qu'en est-il de la Chute d'Arthur ou des Archives du Notion Club ?". Les catégories sont en effet intéressantes pour saisir cette richesse littéraire, ensuite que les frontières soient poreuses et mouvantes c'est normal, ce sont des catégories théoriques et non de la phénoménologie.

C'est pour cela qu'il me parait important de ne pas enfermer non plus les écrivains dans le seul genre de la fantasy, car cette dernière peut renvoyer à certaines œuvres de tel ou tel écrivain mais pas forcément à toutes, à l'évidence. C'est tout particulièrement le cas de Robert E. Howard, qui est surtout connu pour ses récits de fantasy, mais qui a écrit beaucoup d'autres récits relevant de nombreux autres genres (notamment des récits d'aventures historiques), ainsi que de la poésie. C'est un peu moins le cas pour Tolkien, qui a consacré l'essentiel de son œuvre à son "Légendaire", mais tous ses écrits ne relèvent pas cependant pour autant de la fantasy. Quant à H. P. Lovecraft, comme Elendil l'a évoqué, certaines de ses œuvres, influencées par Lord Dunsany, relèvent de la fantasy, quand d'autres récits, souvent les plus connus, peuvent être rattachés au fantastique, voire à la science-fiction.

Bref, il y a plusieurs possibilités, et tout dépends du postulat de départ, mais je crois qu'en fait il faut tenir compte conjointement de deux aspects essentiels :
- l'auteur considéré pour lui-même d'une part (sans catégorisation ni hiérarchie a priori vis-à-vis d'autres écrivains) ;
- l'œuvre de fantasy de cet auteur d'autre part, en lien avec la réception du genre.
Les deux aspects ne me paraissent pas incompatibles dès lors que les choses sont clairement posées dès le départ.

(03.10.2014, 14:16)Sahne a écrit : D'où mon questionnement, car vous n'êtes aussi pas sans savoir l'importance d'une approche formelle au sein de l'académisme universitaire aujourd'hui.

J'avoue avoir fréquenté suffisamment longtemps l'université pour apprécier aujourd'hui la liberté formelle (qui n'empêche pas le sérieux sur le fond) du travail en free lance... Wink

(03.10.2014, 14:16)Sahne a écrit : Quand à mon questionnement de base sur la différence de vocabulaire, c'est parce que, catégories pertinentes ou non, tout le monde semble parlait de la même chose et pourtant il n'en est rien. Les catégories sont barbantes certes, mais un laxisme sur les définitions, même simple et amples, est catastrophique, c'est ainsi qu'on se retrouve avec des gens qui parlent d'Heroic fantasy pour parler en fait de fantasy épique, de fantastique pour parler de science-fiction, rien de grave! Mais ça rend l'élaboration d'études communes très compliquée.

Prenons la définition d'Anne Besson que j'ai évoqué : "La fantasy est un genre fictionnel aux expressions plurimédiatiques et très diversifiées : prenant le contre-pied de la modernité industrielle, elle fait régner le merveilleux dans des cadres imaginaires, passés ou actuels, à destination d'un large public." Personnellement, je me permets de compléter cette définition en rajoutant qu’en ce qui concerne les "cadres imaginaires, passés ou actuels", ceux-ci peuvent également se situer dans le futur : je pense notamment à des œuvres comme celles d'Anne McCaffrey ou de Robert Silverberg, dans lesquelles se mêlent des éléments relevant de la fantasy et des éléments relevant de la science-fiction.

En partant de ce postulat de base, et en tenant compte des deux aspects essentiels que j'ai évoqué précédemment, je pense que, malgré tout, il existe des marges de manœuvre pour l'élaboration d'études communes. Il ne faut simplement pas avoir peur de bousculer quelques "certitudes" sous prétexte que personne n'a jamais su ou voulu remettre en cause certaines "expertises" n'ayant pas vocation à incarner une "vérité" éternelle. La fantasy est un genre en perpétuelle évolution et redéfinition, malgré la réputation passéiste et statique du genre. Et d'autre part, comme l'a écrit Isabelle Pantin dans son article publié dans le recueil Tolkien aujourd'hui, "c'est une vérité première : la succession perpétuelle de lectures non répétitives est la seule chose qui maintienne en vie les œuvres littéraires." Bref, dans le domaine des auteurs de fantasy, en soignant son vocabulaire et en s'efforçant d'être clair dans sa démarche, je pense qu'il y a matière à sortir intelligemment des sentiers battus.

Et pas de complexe d'infériorité ! Que l'on soit ou non universitaire, nous sommes tous des êtres humains, faillibles et imparfaits. Wink

(03.10.2014, 11:37)Sahne a écrit : D'ailleurs, tu travailles sur la littérature fantasy? sur J.R.R. Tolkien? En littérature comparée ? Smile *curieuse*

Disons que je travaille un peu sur tout cela, en free lance donc. Je t'envoie plus de précisions en message privé. Wink

Amicalement,

Hyarion.

(EDIT: corrections de fautes dans mon message)
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(Lord Dunsany, Chu-Bu and Sheemish)
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#8
(03.10.2014, 12:31)faerestel a écrit : J'ose croire que personne n'a jamais rien inventé en se situant dans un rapport catégoriel au monde.

Je n'irais sûrement pas jusque-là : c'est parfois en analysant un marché de manière catégorielle qu'on peut s'apercevoir qu'un besoin potentiel n'est pas satisfait et donc mettre au point une innovation qui y réponde. Wink

(03.10.2014, 14:16)Sahne a écrit : Vous ne parlez pas de science-fiction est-ce parce que vous ne l'incluez pas ? Si oui pourquoi? Si non pourquoi? Qu'est ce qui différencie le merveilleux scientifique d'un merveilleux traditionnel (type magie) ? et où placer Lovecraft dans ce cas, star wars, ou warhammer 40K ?

C'est plutôt toi qui n'en parlait pas, non ? Wink Pour ma part, j'évoque implicitement la science-fiction en mentionnant Jirel de Joiry. Et en fait, j'ai tendance à penser qu'une des rares catégories non-traditionnelles réellement pertinentes est celle de la science-fantasy (i.e. la présence d'aptitudes considérées comme magiques ou d'animaux typiques de la fantasy dans un contexte de technologie plus avancée que la nôtre). Lovecraft n'en ferait pas partie (sauf pour une ou deux nouvelles), mais Star Wars et Warhammer 40k si, au même titre que la Romance de Ténébreuse (Bradley) ou la Ballade de Pern (McCaffrey).

(03.10.2014, 14:16)Sahne a écrit : Les catégories sont en effet intéressantes pour saisir cette richesse littéraire, ensuite que les frontières soient poreuses et mouvantes c'est normal, ce sont des catégories théoriques et non de la phénoménologie.

J'avoue que les théories qui ne se fondent pas dans la phénoménologie m'inspirent généralement le plus grand scepticisme. Toutefois... je ne suis pas un universitaire. Wink

(03.10.2014, 14:16)Sahne a écrit : Je vais présenter l'état de mes recherches sur la place de l'oeuvre de Tolkien dans nos sociétés modernes (pour faire très court...). Pour cela j'ai une approche sociologie du public et sociologie de la littérature - du genre -et de la réception.

Dans ce cas-là, je m'interroge encore plus sur l'intérêt de subdiviser les catégories classiques en petites cases : ceux qui lisent aujourd'hui de la fantasy lisent généralement tous les sous-genres de fantasy — ou presque (j'exclus la bit-lit de ma bibliothèque :p).

(03.10.2014, 14:16)Sahne a écrit : Et selon moi, ça ne peut pas commencer par dire que tout se vaut dans les littératures imaginaires ou que du moins il y a trop de singularités pour les regrouper dans des catégories pertinentes. Je dirai qu'il faudrait que j'ai à ce moment là une catégorisation claire et simple qui permette aux lecteurs de situer l'objet de mes travaux et de comprendre pourquoi je m'intéresse à des caractéristiques spécifiques ensuite (sentiment épique, univers imaginaires, tapisserie mythique ....).

Plutôt que les catégories, pourquoi ne pas rendre compte de la notion d'école, très importante en littérature blanche ? Après tout, Tolkien et Lewis s'inscrivent tous deux dans la mouvance de William Morris plutôt que dans celles des pulps américains. De la même manière, après le SdA et jusqu'au Trône de fer (ou du moins jusqu'à Donjons & Dragons, comme le suggère Hyarion) les écrivains de fantasy se répartissent pour la plupart en deux familles : ceux qui se revendiquent de Tolkien et ceux qui s'inspirent de Howard et Lovecraft.
Rollant est proz e Oliver est sage.
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La Chanson de Roland
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#9
Bonjour à tous,
c'est une excellente discussion, très importante, et un succès qui peut être abordé de diverses manières, pour cet auteur comme pour d'autres. je me permets 2 remarques en passant :
- dans les études littéraires, on a toujours besoin d'étiquettes, de catégories, comme en sciences ; alors que ces catégories ne sont que des points de repère, servant à permettre la discussion, mais aussi (par nature) vouées à être discutées, affinées, remises en question. c'est aussi cela, la recherche
cette remarque est simple, mais elle vise aussi à replacer Tolkien dans un contexte plus large : beaucoup de critiques se sont demandé quoi faire des "romans" que sont "Ulysse" de Joyce ou "A la recherche du temps perdu" de Proust ; et certains ont milité pour l'abandon de toute catégorie, préférant parler de Littérature. puis les réflexions sur le genre ont connu une nouvelle dynamique, dans les années 90/2000.
- dans ce cas précis, il ne faut pas oublier le contexte : à titre personnel, je ne cesse de faire la distinction entre fantasy et heroic fantasy... quand je parle à des journalistes qui ont tendance à écrire "heroic fantasy" ou "médiéval fantastique" à tout bout de champ, méconnaissant par ex le fait que l'on ne peut traduire "fantasy" par "fantastique" en français. En revanche, lorsque je travaille sur Tolkien dans la perspective d'éclairer un personnage, ou de réfléchir à la mise en abyme dans Le Seigneur des Anneaux, je n'ai pas besoin de ces étiquettes.

cordialement
Vincent F
Répondre
#10
N' y a t-il pas aussi que les images jouent un rôle dans cette histoires d' "étiquettes", en donnant plus ou moins de subjectivité à celles-ci, et plus quand elle veut trop séduire un public ciblé (... un peu la problématique d' une "pollution" par l' image industrielle) ?

Sinon je ne crois pas qu' il y ait une oeuvre approchée avec autant de variété artistique que le Seigneur des Anneaux et autres récit de Tolkien de par le monde, officiellement ou non, en tout cas dans ce genre littéraire, ce qui se justifie certainement par la richesse des ingrédients qui figurent virtuellement au dos de l' emballage, et par leur cohésion dans un monde qui ressemble tant au nôtre, à ce qu' il fut, à ce qu' il est, et à ce qu' il pourrait devenir, même si le cachet de l' ambiance est plutôt féodale.
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#11
Bonsoir,
Je ne sais si un de vous pourrait expliquer quelles sont les critères du style d'écriture de ceux qui s'inspirent de Howard et de Lovecraft. Je connais ces deux auteurs, mais je n'ai jamais rien lu d'eux. Dans quelle catégorie sont-ils classée ?

Dans un deuxième temps, j'aimerais vous parler de mon point de vue de simple lectrice. Pour moi, le fait que les auteurs de fantasy soient catégorisés m'aide à choisir. Tout de suite ça me situe si je vais aimer ou non le livre. Mais, il me semble que ce genre a explosé dans tellement de directions aujourd'hui que ça pourrait devenir très complexe.
Je prends le cas de G.R.R Martin, dont j'ai la collection des 4 gros volumes du "Trône de Fer" et les films. Dans quelle catégorie est-il classée ?
Actuellement, je lis "Méditations sur la Terre du Milieu" et ça m'aide à justement comprendre les catégories. C'est très intéressant ! On y lit les réflexions des participants sur la TdM, car eux-mêmes écrivent dans diverses catégories de la fantasy.

Ingieris
L'esprit devient ce qu'en font les pensées, car les pensées de quelqu'un déteignent sur son âme. Marc-Aurèle (121-180)
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#12
Re-Bonjour Tous, désolée de ne répondre que maintenant!
Je vois que le sujet intéresse plein de gens, et j'en suis contente pour l'aide que ça m'apporte, merci.

Pour rebondir sur ce qui a été dit, j'ai relu nos échanges depuis le début. Et la perplexité que j'ai eu sur les premières réponses a disparu au fil de la conversation. Car je réalise que nous parlons de la même chose. Nous ne sommes qu'en apparence en désaccord. Mon premier soucis consistait à savoir comment gérer la différence qui s'opère en français entre fantastique et fantasy, sachant que ce n'est pas le cas en anglais. J'ai d'abord cru que vous me disiez que dans le terme fantasy il fallait inclure toutes les œuvres relevant de l'imaginaire. Puis le débat sur la pertinence ou non des catégories de genre littéraire a révélé que non. Je crois que j'ai jeté sans le vouloir un flou artistique sur mes analyses en vous parlant d'auteur pour l'exemple au lieu de leurs œuvres. Car oui je suis d'accord avec vous, c'est l’œuvre et non l'auteur qu'il faut interroger pour une potentielle catégorisation de genre. J'airai même un peu plus loin en disant que selon moi c'est l'univers qui doit être classé plus que l’œuvre.
Cela dit toute cette conversation me fait dire qu'il demeure un léger flou quant à l'adéquation entre le terme fantasy dans un essaie analytique français et le terme fantasy utilisé dans les ouvrages anglais. Je pense que le "monde secondaire", l'idée d'univers imaginaire, ce que je lis dans la définition de Anne Besson à travers l'expression "cadres imaginaires", est une variable parfaite pour distinguer fantastique et fantasy en français. La différence est importante à mes yeux parce qu'elle a une conséquence sur l'explication des éléments surnaturels qui prennent part au récit.
[NB: J'avais travaillé pour mes travaux de master à partir de l'ouvrage de Marshall B. Tymn, Kenneth J. Zahorski, et Robert H. Boyer : Fantasy Literature, An historical survey and critical guide to the best of fantasy. C'est dans cet ouvrage que j'ai compris la non différence entre fantastique et fantasy en anglais. Et selon les auteurs tous deux sont des récits qui relèvent d'éléments surnaturels non explicables par nos seuls lois naturelles et scientifiques connues.]
Dans le cas du fantastique, on a l'irruption d'un élément surnaturel dans notre monde connu. Il en résulte une rupture de l'ordre établi comme le dit Roger Caillois, et une difficulté à expliquer par nos lois naturelles connues le dit élément. On peut aussi considérer le schéma inverse, lorsqu'un personnage de notre monde se trouve projeté dans une autre dimension avant d'en revenir. Alors qu'en fantasy, la question ne se pose pas, le lecteur accepte le temps de la lecture de suspendre sa compréhension du monde, pour adopter le point de vu des personnages que l'on suit. De ce fait, les éléments surnaturels ne peuvent toujours pas être expliqués par nos lois naturelles connues, mais ils s'expliquent par d'autres lois/ d'autres logiques, celles qui sont propres à l'univers imaginaire arpenté, et que le lecteur acceptent en entrant dans ce monde. [C'est cette différence que les auteurs de l'ouvrage dont je vous ai parlé font dans un second temps entre low fantasy et high fantasy]. Je ne sais pas si vous voyez ce que je veux dire ? Voilà pourquoi à mon sens cette différence est importante. Et je te rejoins Elendil sur la pertinence de la Science-fantasy, qui mêlent non-explication et explication par nos lois naturelles connues, par nos logiques de compréhension du monde.
ça ne veut pas dire sur un plan empirique que les œuvres peuvent être classée strictement dans l'une ou l'autre catégorie, on l'a assez dit, il en est beaucoup d'entre elles qui jouent avec ses frontières.

Citation :Elendil: "Plutôt que les catégories, pourquoi ne pas rendre compte de la notion d'école, très importante en littérature blanche ?"
Vincent: "En revanche, lorsque je travaille sur Tolkien dans la perspective d'éclairer un personnage, ou de réfléchir à la mise en abyme dans Le Seigneur des Anneaux, je n'ai pas besoin de ces étiquettes."

J'ai retravaillé mes définitions avec tout ça, j'essaie de me dire que l'important c'est que ce soit clair, en adéquation avec les ouvrages français majeures de ma biblio et que je m'y tienne. Cela sera pour l'introduction permettant juste à mon jury de situer ce dont je parle dans le vaste ensemble des littératures de l'imaginaire. Puis je n'en tiendrai plus compte puisque ce n'est pas l'objet de mes recherches, que je ne m'intéresse qu' à la Terre du Milieu et son public, donc effectivement je n'aurai plus besoin d'étiquettes. Et quand j'aurais besoin d'ouvrir avec des comparaisons (autres auteurs, autres oeuvres) alors je pense adopter ton idée d'école, Elendil, plus souple et moins compliqué. J'espère que mon directeur ne considèrera pas que je botte en touche, mais ça c'est une autre histoire!^^ Restera à faire attention lorsque je me réfère à un article/ouvrage anglais. Merci beaucoup pour vos conseils!

Citation :N' y a t-il pas aussi que les images jouent un rôle dans cette histoires d' "étiquettes", en donnant plus ou moins de subjectivité à celles-ci, et plus quand elle veut trop séduire un public ciblé (... un peu la problématique d' une "pollution" par l' image industrielle) ?
Je pense oui, et ça rejoint ce que disait Vincent sur le langage médiatique, où tout se confond et se mélange, rattaché à tort à une sorte de communauté médiatiquement imaginaire, considérée homogène et souvent rattachée au terme "Geek", parce que pour le grand public ce n'est pas la peine d'aller plus loin dans l'analyse.

Quant à tes questions Ingieris, sur les oeuvres de Howard, Lovecraft ou Martin, je ne me risquerais pas à te répondre Wink visiblement je ne suis pas d'accord avec ceux qui connaissent mieux ces oeuvres que moi.
J'ai arpenté l'univers Lovecraft autour des mythes de Cthulhu par la pratique du jeu plus que de la lecture (en dehors de quelques nouvelles): les intrigues concernent souvent le réveil ou l'arrivée de grandes entités inimaginables pour notre compréhension humaine, sur fond de démonisme et de recherche scientifique douteuse au début du siècle dernier. Je le classais en fantastique (horreur) personnellement mais Elendil le classe en fantasy, et je pense qu'il le connait mieux que moi. Pour Howard Je pense que Hyarion saura également mieux te dire ! ^^ Je le classerais en fantasy comme Martin d'ailleurs mais ça ne t'aide pas j'imagine !

Bien à vous,
Sahne
« Car il s'agit d'une "résistance" au monde, à l'évolution du monde donnée comme inévitable »
J.R.R. Tolkien, Du conte de fées
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#13
Pour Lovecraft, cela dépend : il a écrit beaucoup d'oeuvres qu'on peut classer en fantasy et d'autres qui relèvent clairement du fantastique, ainsi qu'une ou deux nouvelles de SF. Le truc est que toutes ces oeuvres sont supposées coexister dans un seul et même univers, puisque par exemple les Grands Anciens figurant aussi bien dans notre monde que dans les Contrées du Rêve. D'où la difficulté de classer son oeuvre. Wink
Rollant est proz e Oliver est sage.
Ambedui unt merveillus vasselage :
Puis que il sunt as chevals e as armes,
Ja pur murir n’eschiverunt bataille.
La Chanson de Roland
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#14
Ce débat est très éclairant quand on est que lectrice.
J'aime beaucoup cette notion d'école proposée par Elendil, ce qui, à mes yeux, simplifierait les choses. Mais c'est simplement un avis de néophyte.

Si je voulais lire une seule œuvre de Lovecraft en fantasy, laquelle conseilleriez-vous ?
Bonne soirée
L'esprit devient ce qu'en font les pensées, car les pensées de quelqu'un déteignent sur son âme. Marc-Aurèle (121-180)
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#15
(05.10.2014, 03:37)Ingieris a écrit : Actuellement, je lis "Méditations sur la Terre du Milieu" et ça m'aide à justement comprendre les catégories. C'est très intéressant ! On y lit les réflexions des participants sur la TdM, car eux-mêmes écrivent dans diverses catégories de la fantasy.

Attention, tout de même, à ne pas se limiter à ce livre pour se faire une idée de ce qu'est la fantasy. Wink L'ouvrage est évidemment très intéressant, mais il ne faut pas oublier qu'il a plus ou moins été conçu avant tout comme un hommage à J. R. R. Tolkien, ce qui conditionne forcément beaucoup le contenu des discours des auteurs sollicités pour l'occasion, et ne fait donc pas de ce livre, à mon avis, un guide de lecture pour appréhender la variété de la fantasy, sauf à vouloir considérer que Tolkien serait l'alpha et l'oméga du genre, ce qui serait très exagéré. Smile

(06.10.2014, 14:03)Sahne a écrit :
Crayon Volant a écrit :N' y a t-il pas aussi que les images jouent un rôle dans cette histoires d' "étiquettes", en donnant plus ou moins de subjectivité à celles-ci, et plus quand elle veut trop séduire un public ciblé (... un peu la problématique d' une "pollution" par l' image industrielle) ?

Je pense oui, et ça rejoint ce que disait Vincent sur le langage médiatique, où tout se confond et se mélange, rattaché à tort à une sorte de communauté médiatiquement imaginaire, considérée homogène et souvent rattachée au terme "Geek", parce que pour le grand public ce n'est pas la peine d'aller plus loin dans l'analyse.

Je suis d'accord. Sur ce sujet, comme sur tant d'autres, il ne faut pas sous-estimer la puissance d'influence des images ainsi que celle du miroir volontiers déformant des médias de masse.

(06.10.2014, 14:03)Sahne a écrit : Quant à tes questions Ingieris, sur les oeuvres de Howard, Lovecraft ou Martin, je ne me risquerais pas à te répondre Wink [...] Pour Howard Je pense que Hyarion saura également mieux te dire ! ^^ Je le classerais en fantasy comme Martin d'ailleurs mais ça ne t'aide pas j'imagine !

Je pense que le Trône de fer de George R. R. Martin est un peu le résultat représentatif de la convergence opérée au fil des dernières décennies entre les deux branches de la fantasy que j'ai évoqué : la fantasy européenne (tendance Tolkien) et la fantasy américaine (tendance Howard).

Ceci dit, je ne comprends pas l'obsession de certains commentateurs à vouloir sans arrêt associer Martin à Tolkien, et uniquement à lui. En dehors du succès public planétaire et du souci de développement poussé du monde secondaire de l’œuvre, le lien entre l'univers du Trône de fer et celui du "Légendaire" tolkienien me parait extrêmement ténu. Par contre, sur le fond comme sur la forme, on peut trouver bien des similitudes entre l'œuvre de Martin et la fantasy américaine à laquelle est rattachée l’œuvre de fantasy de Howard. Si l'on prend le cas d'un lecteur du Trône de fer qui découvrait ensuite les aventures de Conan écrites par Robert E. Howard, dans un cas comme dans l'autre, il trouvera un univers de fantasy volontiers sombre, une omniprésence de la violence et d'affrontements sanglants, une morale pouvant être trouble, des éléments érotiques, et un souci de réalisme rappelant les récits historiques (un des genres dans lesquels s'est particulièrement illustré Howard par ailleurs, je le rappelle). À noter que la fantasy de Howard ne se limite pas aux histoires de Conan, puisqu'il a notamment écrit aussi des récits mettant en scène Kull, roi atlante de Valusie, récits volontiers imprégnés de questionnements métaphysiques.

George R. R. Martin dit avoir toujours aimé la fantasy depuis sa découverte de Robert E. Howard et de J. R. R. Tolkien au lycée. Il me semble que Martin est un peu l'héritier des deux traditions que représentent respectivement Howard et Tolkien, des deux "écoles" si vous voulez (même s'il faudrait plus précisément définir ce que l'on entend par école, un terme qui pour moi renvoie plutôt à l'histoire de la peinture dans l'usage), mais qu'en y regardant bien, la balance me parait davantage pencher plutôt du côté de la fantasy américaine que de la fantasy européenne s'agissant du Trône de fer.

Précisons que la spécificité de Howard, tout comme de Lovecraft, est d'avoir surtout écrit des nouvelles, un format littéraire propice à la publication dans les pulps magazines de l'époque. Il me parait donc facile de découvrir cet auteur, sans avoir besoin de s'embarquer dans une de ces "sagas" en 36 volumes dont la Big Commercial Fantasy d'aujourd'hui s'est faite une spécialité.

Que conseiller comme lecture pour découvrir l’œuvre de fantasy de Robert E. Howard ? Au lecteur simplement curieux, je conseillerai, une fois de plus, la Grande Anthologie de la Fantasy dirigée par Marc Duveau Arrow http://www.noosfere.org/icarus/livres/ni...re=-320121

[Image: omnibus05858-2003.jpg]

J'en ai déjà parlé ailleurs, maintes fois, et encore assez récemment, mais je continuerai à en parler jusqu'à ce qu'Ingieris me dise qu'elle en a un exemplaire entre ses mains ! Wink

Le recueil a été publié chez Omnibus en 2003, mais il s'agit d'une compilation issue de recueils parus assez longtemps auparavant, entre 1978 et 1982. Les textes les plus anciens de cette anthologie (notamment des œuvres de Lord Dunsany, Robert E. Howard, Thomas Burnett Swann, etc.) ont en effet déjà fait l'objet, il y a plus de trente ans, d'une publication dans le cadre du "Livre d'or de la science-fiction" [sic], paru en quatre volumes de poche chez Pocket : Le manoir des roses, La citadelle écarlate, Le monde des chimères et La cathédrale de sang.
Cette anthologie offre une assez vaste vue d'ensemble de la fantasy moderne depuis William Morris et Lord Dunsany jusqu'à Michael Moorcock et George R. R. Martin, en passant par Robert E. Howard, J. R. R. Tolkien, Fritz Leiber, Clark Ashton Smith, Jack Vance, Ursula K. Le Guin, et beaucoup d'autres auteurs de référence. Les textes de présentation de Marc Duveau ont pour l'essentiel été repris, presque tels quels, des anciens volumes de poche de 1978-1982, en n'ayant été que légèrement retouchés et mis à jour pour l'occasion (les mises à jour concernant surtout les auteurs encore en activité depuis les années 1980). Il faut donc prendre ces textes pour ce qu'ils sont : une vision de la fantasy largement tributaire de la façon dont elle existait sur un plan éditorial à la fin des années 1970 et au début des années 1980, avec notamment des catégorisations propres à l'époque.

Dans cette Grande Anthologie de la Fantasy, s'agissant d'écrits de Robert E. Howard, on trouvera quatre poèmes, une nouvelle mettant en scène Kull (Le Crâne du silence) et une nouvelle mettant en scène Conan (La Citadelle écarlate). De quoi avoir un premier aperçu de l’œuvre de Howard, tant en disposant d'une anthologie très riche en récits de nombreux autres auteurs.

Si l'on souhaite aller plus loin, l’œuvre de Robert E. Howard a fait l'objet, grâce au travail d'édition de Patrice Louinet tant aux États-Unis qu'en France, d'une réédition solide chez Bragelonne en France. Je ne citerais ici que les recueils de récits de Kull et Conan (plusieurs autres recueils d'histoires ont été publiés) :
- Kull le roi atlante Arrow http://www.noosfere.org/icarus/livres/ni...2146577008
- Conan le Cimmérien (premier volume, 1932-1933) Arrow http://www.noosfere.org/icarus/livres/ni...2146571545
- Conan - L'Heure du Dragon (deuxième volume, 1934) Arrow http://www.noosfere.org/icarus/livres/ni...2146572509
- Conan - Les Clous rouges (troisième volume, 1934-1935) Arrow http://www.noosfere.org/icarus/livres/ni...2146573900

Pour le lecteur qui chercherait une alternative à l'achat de tous ces volumes, il faut savoir que Milady, la collection de poche de Bragelonne, a aussi publié une petit florilège des meilleures histoires de Conan, en petit volume et à petit prix. La couverture est très moche, mais les nouvelles de Howard que contient le recueil sont excellentes :
- Conan (sélection de nouvelles) Arrow http://www.noosfere.org/icarus/livres/ni...2146579884

(07.10.2014, 02:04)Ingieris a écrit : Si je voulais lire une seule œuvre de Lovecraft en fantasy, laquelle conseilleriez-vous ?

Concernant la fantasy de H. P. Lovecraft, je me permets de signaler un recueil de récits réédité en format de poche (chez J'ai Lu) en 2012 :
- Les Contrées du rêve Arrow http://www.noosfere.org/icarus/livres/ni...2146583050

Le recueil contient notamment Celephais, que j'aime bien, ainsi que La Malédiction de Sarnath, une nouvelle de Lovecraft que Tolkien a lu (on sait du reste que Tolkien a aussi lu au moins une nouvelle de Howard, une histoire de Conan intitulé Chimères de Fer dans la Clarté Lunaire [in Conan le Cimmérien]).

Bonnes lectures et bonne (fin de) nuit ! Wink

Amicalement,

Hyarion.
All night long they spake and all night said these words only : "Dirty Chu-bu," "Dirty Sheemish." "Dirty Chu-bu," "Dirty Sheemish," all night long.
(Lord Dunsany, Chu-Bu and Sheemish)
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#16
... Le Gargantua de Rabelais est aussi un must en matière de divertissement fantastique, autant que comme oeuvre littéraire culte.
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#17
(07.10.2014, 02:04)Ingieris a écrit : Si je voulais lire une seule œuvre de Lovecraft en fantasy, laquelle conseilleriez-vous ?
Bonne soirée

Si on souhaite s'intéresser aux récits fantastiques de Lovecraft, une excellente intoduction est le petit volume poche Le Mythe de Cthulhu, qui reprend certaines des nouvelles les plus caractéristiques de son œuvre.
Rollant est proz e Oliver est sage.
Ambedui unt merveillus vasselage :
Puis que il sunt as chevals e as armes,
Ja pur murir n’eschiverunt bataille.
La Chanson de Roland
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#18
C'est fait Hyarion, je viens de commander la Grande Anthologie de la Fantasy à ma librairie de quartier, car encore disponible.
Sûr qu'il me faut ce livre. Merci d'en avoir parlé. Depuis le temps que je cherchais vers où me diriger.

Mon opinion, bien qu'il me manque beaucoup de connaissances, est que l'école de Tolkien ne se rencontre plus telle quelle aujourd'hui, car, peut-être que plus jamais personne n'inventera un monde aussi fouillé, profond et attachant. Pour moi !Mais qui sait ?
Je trouve l'écriture de G. R. R. Martin, extrêmement dense, très loin de celle de Tolkien, pure et limpide. Alors donc, Martin est de l'école européenne de Tolkien et américaine de Howard. Martin ne pourrait-il pas se trouver plus près de Howard que de Tolkien ?
Il s'agit maintenant de connaitre Howard pour comprendre mieux le style de Martin.

Je vais me lancer dans Les contrées du Rêve. Ce titre me parle.

Merci Elendil.
Je te dirais Crayon Volant que j'ai un appétit gargantuesque pour connaitre tout ce qui tourne de loin ou de près autour de Tolkien. Et je pense être ici à la meilleure école, de mon lointain Québec.

Ing.
L'esprit devient ce qu'en font les pensées, car les pensées de quelqu'un déteignent sur son âme. Marc-Aurèle (121-180)
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#19
Grande anthologie commandée, tu l'as trop bien vendue Hyarion Wink
a.k.a Mairon
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