(23.10.2019, 11:48)Elendil a écrit : Déjà, on ne peut envisager de signifié sans signifiant et vice-versa : selon l'analogie de Saussure, ce sont comme les deux faces de la même pièce de monnaie. Sans signifiant, on a tout juste un objet (physique ou conceptuel). Sans signifié, on a simplement un son dénué de sens. L'un va donc avec l'autre et une connaissance minimale de l'un et de l'autre est donc requise.
À l'exception des noms propres, pour lesquels il y a débat, il est assez universellement admis que les connaissances relatives au signifiant (étymologie, rapport avec les mots voisins de la langue et avec les mots équivalents dans d'autres langues, proxémie, etc.) permettent une meilleure analyse du signifié, tout simplement parce que l'analyse passe nécessairement par une verbalisation (mentale, orale ou écrite). Il n'y a pas forcément besoin d'une connaissance exhaustive en la matière, mais plus la connaissance est poussée, plus l'analyse se permettra d'être fine. Ce n'est pas un hasard si bien des essais philosophiques commencent par une définition des concepts employés.
Il est vrai que l'analyse n'est pas la seule méthode de compréhension d'un signifié (les émotions et les sensations y jouent aussi un rôle, qui n'a pas forcément besoin d'être verbalisé), mais c'est un enjeu de compréhension majeur, ne serait-ce que parce que la communication des émotions et des sensations nécessite à son tour bien souvent d'être verbalisée pour être effective.
Je te suis tout à fait quant à la relation signifiant/signifié. Néanmoins, certains signifiants sont quelque peu conventionnels et sont perçus différemment selon les personnes. Par exemple, l'Amour (hier chauvin, aujourd'hui fleur bleue, je me demande de quoi demain sera fait), il est admis qu'il représente un attachement, néanmoins chacun le vit à sa façon, en tant que sentiment personnel et ayant de multiples objets. Et ce concept résiste quelque peu à l'analyse comme tu l'as souligné.
De fait, aimer une oeuvre litéraire, c'est exprimer un sentiment (on peut certes user de sa raison pour comprendre les langues du Professeur) qui je pense est au-delà de la Raison. Chacun est donc libre de raisonner ce sentiment ou non. Ca me fait penser au célèbre "Cellar Door", ce signifiant est communément admis comme beau, néanmoins peut-on dire la même chose de son signifié ? En élargissant, on arrive en fait à la perception qu'on a de la beauté d'une langue, regroupement de signifiants qui peut être, ou non, appréciée sans connaître les liens entre ces derniers et les constructions logiques les articulant entre eux. On en arrive en fin de compte à la perception de la beauté, car doit-on comme Boileau penser qu'elle est liée au Bien et au Vrai (et de fait liée et à la Morale et à la Raison) ou peut-on, tel Baudelaire, trouver de la beauté dans le putride (Les Fleurs du Mal) ? On ne va pas refaire la querelle Romantiques Vs Classiques Vs Modernes, d'autant qu'on peut même se demander si elle est vraiment utile ^^.
Un signifiant peut être beau sans que l'on s'attarde sur son signifé (notamment dans la poésie plutôt récente), et un signifié peut être beau (une montagne par exemple) sans que l'on puisse mettre de signifiants sur les sentiments qu'elle nous inspire (c'est la aussi un des enjeux de la poésie, et de l'art d'une manière générale, d'essayer de représenter le Réel, ou même l'imaginaire, de façon tangible).
But do not despise the lore that has come down from distant years; for oft it may chance that old wives keep in memory word of things that once were needful for the wise to know.