25.10.2019, 07:22
(25.10.2019, 02:49)Hyarion a écrit : Le sens de mon propos, c'est que l'étude des langues de Tolkien n'a selon moi d'intérêt ("général") qu'en ce qu'elle est mise en rapport avec l'œuvre littéraire (soit ce pourquoi Tolkien est lu), cette dernière ne devant pas, à cette aune, être subordonnée à la spécialité professionnelle universitaire de Tolkien et a fortiori à l'ultraspécialisation de certains tolkienologues.
Si la controverse me vise ( ), je tiens tout de même à préciser ici que je ne prétends pas subordonner l'une à l'autre, mais justement mettre l'une et l'autre sur le même plan. Mon hypothèse personnelle est que Tolkien continue à être autant lu et apprécié justement à cause du pan mythologique et linguistique de ses récits, qui dépassent largement le cadre du roman classique. C'est ce qui explique selon moi pourquoi son impact ne se ternit pas, contrairement à bien d'autres écrivains célèbres de fantasy, qui sombrent lentement, mais sûrement, dans l'oubli.
Et justement, si je conviens que Tolkien n'est pas seul dans son genre (encore moins seul tout court, mais je ne vais pas faire ici la liste de mes autres admirations littéraires, ce serait assez long), j'affirme quand même qu'il n'est objectivement pas « comme tant d'autres ». Chacun a bien sûr le droit absolu de préférer d'autres écrivains, ou d'en apprécier un grand nombre sans vouloir en mettre aucun au pinacle (et mettre Tolkien absolument seul au sommet de la littérature serait effectivement un genre d'idolâtrie littéraire auquel je ne souscris pas), mais son succès est quand même hors du commun. Pour moi, Tolkien a eu sur la fantasy le même genre d'influence que Chrétien de Troyes sur la matière de Bretagne, ce qui n'est pas peu dire. Pour ceux qui ne seraient pas convaincus par l'analogie, je leur donne rendez-vous dans cinquante ans pour en rediscuter.
(25.10.2019, 02:49)Hyarion a écrit : La philologie, à cette aune, devrait être considérée comme une spécificité, une originalité, mais non comme en soi un gage de qualité, et encore moins de supériorité.
Sur le plan littéraire pur, je te l'accorde bien volontiers. L'avis d'Edmund Wilson sur Tolkien en témoigne. Simplement, j'affirmerais avec Tolkien que la mythopoétique et la création des langues sont aussi des arts en eux-mêmes. Et dans cette mesure, la capacité à tisser étroitement les trois formes d'art en une seule tapisserie monumentale comme Tolkien l'a fait est clairement un gage de qualité à mes yeux. Si je le vois à part, c'est précisément parce que sa création dépasse pour moi la seule dimension littéraire. D'ailleurs, son activité d'illustrateur et de calligraphe en témoigne. Ça ne fait pas d'Herbert, par exemple, un écrivain moins remarquable, mais les langues chez Herbert ne sont qu'un prétexte pour donner plus de crédibilité à son univers. Malgré mon admiration pour le monde de Dune, qui m'a profondément marqué, j'ai été déçu de constater que chez Herbert, les langues et les livres fictifs cités n'avaient pas d'autre existence que les citations qui émaillaient le roman. En d'autres termes, qu'il ne s'agissait que d'un trompe-l'œil destiné à donner une illusion (assez réussie) de profondeur. À l'inverse, j'ai été fasciné de découvrir que chez Tolkien, c'était l'inverse : le SdA n'est en fin de compte que le splendide rideau de théâtre qui masque l'univers inventé.
Tout ce discours n'a toutefois pas pour but de prétendre que Tolkien serait la perfection dans tous les domaines, ni même qu'il serait indépassable. Mais j'y reviendrai une prochaine fois, car il est l'heure d'aller m'occuper de mes poules. :p
Rollant est proz e Oliver est sage.
Ambedui unt merveillus vasselage :
Puis que il sunt as chevals e as armes,
Ja pur murir n’eschiverunt bataille.
— La Chanson de Roland
Ambedui unt merveillus vasselage :
Puis que il sunt as chevals e as armes,
Ja pur murir n’eschiverunt bataille.
— La Chanson de Roland