26.07.2017, 08:49
Tout d'abord, je trouve un peu rapide de rapprocher la philosophie de Sartre, Camus et Tolkien. Qu'ils soient contemporains et se soient intéressés aux thèmes de la liberté et de la mort n'est certainement pas un motif suffisant. Les deux premiers apportent des réponses athées, relativement comparables, mais cependant distinctes. Quant à Tolkien, il se rapprocherait certainement plus d'un Bernanos (auteur de la Liberté, pour quoi faire ?, on peut le souligner) ou d'un Chesterton, qui lui sont tout autant contemporains. Le philosophie de Tolkien n'a vraiment rien à voir avec l'absurde de Camus, sinon dans le fait que Tolkien conçoit le plan divin comme caché et souvent incompréhensible aux habitants d'Arda, ce qui correspond d'ailleurs à une position chrétienne parfaitement orthodoxe.
Pour rentrer dans la thèse, je ne vois pas en quoi on pourrait considérer Frodo comme un homme révolté. Un homme anxieux, qui a l'impression que le destin l'attend au tournant, certainement, mais c'est tout autre chose. L'allusion au film et à l'adolescence permet de mieux comprendre que Marquis fait — à dessein ou non — un amalgame entre le Frodo de Tolkien et celui de Jackson. Cela pourrait expliquer la méprise, car le Frodo de Jackson est lui bien plus en phase avec la génération Y, tant par l'âge que par son caractère.
De la même manière, je ne vois guère comment on pourrait comparer le périple de Frodo avec le parcours pleinement absurde de Sisyphe chez Camus. Dans le premier cas, le but est connu et n'a pas été choisi par Frodo, donc l'unique mission est de chercher le trajet qui permettra d'arriver aux Samath Naur. Dans le second, Sisyphe n'a aucun but en vue, puisque son parcours est un éternel recommencement, dont il connaît le trajet par avance. Dans un cas, c'est le plus improbable des espoirs qui sert de moteur, dans l'autre, c'est précisément l'acception de l'absence d'espoir qui rend le parcours supportable.
C'est finalement le présentateur qui montre sans s'en apercevoir la différence entre les deux philosophies, puisqu'il affirme que la lecture du projet de Frodo pourrait donner de l'espoir à la génération Y. Or effectivement, le parcours de Frodo est porteur d'espoir, et même d'espérance. À l'inverse, Camus prône l'absence d'espoir pour embrasser une vie dénuée de sens : on voit là l'opposition fondamentale.
NB : Incidemment, Camus est un autre de mes auteurs préférés. Pour moi, sa position philosophique est effectivement la seule tenable dès lors qu'on se considère athée. C'est d'ailleurs pour cela que je le considère diamétralement opposé à Tolkien, sauf sur un point de style : les personnages de Camus dévoilent leur psychologie profonde principalement par leurs actions, sans qu'on connaisse vraiment leurs pensées. En cela, il se rapproche de Tolkien. C'est donc sur un plan littéraire que la comparaison me paraîtrait fructueuse. Et si l'on voulait aller jusqu'au bout des similitudes, plutôt que de prendre l'exemple de Frodo, on pourrait choisir celui de Túrin, qui se voulait maître de son destin : il n'aurait pas forcément déparé dans le rôle-tire de l'Étranger...
Pour rentrer dans la thèse, je ne vois pas en quoi on pourrait considérer Frodo comme un homme révolté. Un homme anxieux, qui a l'impression que le destin l'attend au tournant, certainement, mais c'est tout autre chose. L'allusion au film et à l'adolescence permet de mieux comprendre que Marquis fait — à dessein ou non — un amalgame entre le Frodo de Tolkien et celui de Jackson. Cela pourrait expliquer la méprise, car le Frodo de Jackson est lui bien plus en phase avec la génération Y, tant par l'âge que par son caractère.
De la même manière, je ne vois guère comment on pourrait comparer le périple de Frodo avec le parcours pleinement absurde de Sisyphe chez Camus. Dans le premier cas, le but est connu et n'a pas été choisi par Frodo, donc l'unique mission est de chercher le trajet qui permettra d'arriver aux Samath Naur. Dans le second, Sisyphe n'a aucun but en vue, puisque son parcours est un éternel recommencement, dont il connaît le trajet par avance. Dans un cas, c'est le plus improbable des espoirs qui sert de moteur, dans l'autre, c'est précisément l'acception de l'absence d'espoir qui rend le parcours supportable.
C'est finalement le présentateur qui montre sans s'en apercevoir la différence entre les deux philosophies, puisqu'il affirme que la lecture du projet de Frodo pourrait donner de l'espoir à la génération Y. Or effectivement, le parcours de Frodo est porteur d'espoir, et même d'espérance. À l'inverse, Camus prône l'absence d'espoir pour embrasser une vie dénuée de sens : on voit là l'opposition fondamentale.
NB : Incidemment, Camus est un autre de mes auteurs préférés. Pour moi, sa position philosophique est effectivement la seule tenable dès lors qu'on se considère athée. C'est d'ailleurs pour cela que je le considère diamétralement opposé à Tolkien, sauf sur un point de style : les personnages de Camus dévoilent leur psychologie profonde principalement par leurs actions, sans qu'on connaisse vraiment leurs pensées. En cela, il se rapproche de Tolkien. C'est donc sur un plan littéraire que la comparaison me paraîtrait fructueuse. Et si l'on voulait aller jusqu'au bout des similitudes, plutôt que de prendre l'exemple de Frodo, on pourrait choisir celui de Túrin, qui se voulait maître de son destin : il n'aurait pas forcément déparé dans le rôle-tire de l'Étranger...
Rollant est proz e Oliver est sage.
Ambedui unt merveillus vasselage :
Puis que il sunt as chevals e as armes,
Ja pur murir n’eschiverunt bataille.
— La Chanson de Roland
Ambedui unt merveillus vasselage :
Puis que il sunt as chevals e as armes,
Ja pur murir n’eschiverunt bataille.
— La Chanson de Roland