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[Série] Le Seigneur des Anneaux - Les Anneaux de Pouvoir
(27.08.2022, 21:01)Naïn a écrit :
(26.08.2022, 21:53)Hofnarr Felder a écrit : Adapter, enfin, c'est s'adresser à un public d'un autre temps, voire d'un autre milieu culturel.

Qu'est-ce que tu entends par là ?

J'ai écrit ça à la va-vite, je voulais surtout souligner ce que j'ai explicité juste après : le lectorat anglais des années 50 n'a pas forcément grand-chose à voir, en termes d'attentes, de références, de pratiques même de consommation culturelle, avec l'audience américaine des séries en VOD des années 2020. Vouloir coller à la lettre, ce serait passer à côté de son public.

Prenons un exemple extrême : adapter l'Illiade au grand écran aujourd'hui. C'est compliqué, car une sorte de transposition du livre à l'écran qui voudrait rester au plus près de la lettre risquerait d'être assez largement cryptique pour la grande majorité des spectateurs. On a vu ce que Troie a donné... et on ne voit pas trop comment ça pourrait être largement autrement. Il faut respecter des canons narratifs du film hollywoodien, une certaine esthétique péplum, une moralisation des personnages pour ne pas les rendre antipathiques, etc.

Par ailleurs, même lorsqu'il y a adaptation livre > film, on vise a priori à viser une audience différente (et même pour la part de téléspectateurs qui sont aussi lecteurs, ils ne regardent probablement pas un film sur le même mode qu'ils lisent des livres, ne serait-ce qu'en termes de durée, ou même de medium narratif : il faut raconter par le dialogue et par l'image ce que le livre raconte par la prose, par exemple pour ce qui relève de la psychologie des personnages). Adaptation suppose non seulement de s'adapter au medium, mais aussi de de s'adapter aux attentes et aux codes de lecture de l'audience correspondante.

EDIT : Je viens de voir la pléthore de réponses écrites entre temps, pas lues donc avant d'écrire ce message.
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(27.08.2022, 23:09)Naïn a écrit : Pour moi adapter c'est adapter l'œuvre à un média, pas à un public. Adapter c'est raconter la même histoire, sur le fond, c'est à dire les mêmes enjeux, les mêmes thématiques, du moins les plus importantes, d'un média à un autre. Au lieu de la raconter avec des mots, on la raconte avec la grammaire cinématographique, avec une narration non plus littéraire mais visuelle.

C'est là je pense qu'on diffère. Il n'y a pas une fonction univoque qui permette de passer d'une narration littéraire à une narration visuelle, car les choix en ce sens sont innombrables, et les moyens tout à fait variables. Adapter, c'est forcément adapter l'oeuvre à un public, autrement il n'y aurait pas besoin de refaire les adaptations filmiques passées ; or si le besoin s'en fait parfois sentir, c'est parce que l'adaptation ne correspond plus à l'audience. Pourquoi adapter si on ne se soucie pas du public ?

Par ailleurs, je pense que tout est adaptable (mais toute adaptation n'est pas heureuse et loin s'en faut) ; mais tout ne transparaîtra pas dans l'adaptation et c'est un fait qu'il vaut mieux accepter d'emblée. Une oeuvre est une somme de composantes diverses : son style littéraire, son intrigue, son univers, etc.. On peut adapter certaines composantes et pas d'autres. Là encore, pour les mythes antiques, il existe quantité d'adaptations, et pourtant celles-ci sont vouées à être d'énormes distortions. Je viens de relire la Théogonie et ce n'est pas une approche facile de la titanomachie ; je suis heureux qu'il en existe des adaptations (même littéraires). Au-delà du récit religieux que cet épisode véhicule, il y a une bonne histoire qu'on est tout à fait en droit de vouloir reprendre. D'ailleurs, est-ce que Tolkien ne dit pas quelque chose en ce sens dans Du conte de fées ?

Enfin, il y a le contexte culturel américain actuel, assez explosif, notamment pour tout ce qui touche aux questions de représentativité. Un film où toutes les figures féminines sont reléguées au second voire au troisième plan, c'est difficile, et on comprend les choix d'adaptations de vouloir les mettre plus en avant (voire de les inventer carrément). Un téléspectateur américain veut voir un film qu'il peut apprécier selon ses critères moraux actuels et la représentativité en est une. C'est tout. Et à partir du moment où il existe des contraintes de ce genre, il est nécessaire de prendre ses libertés vis-à-vis du matériau d'origine. Est-ce que c'est le trahir ? Je ne pense pas ; c'est en faire vivre certains de ses aspects, différemment, autrement, dans d'autres contextes. C'est toujours la même histoire de soupe au final !
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Hofnarr Felder a écrit :c'est l'adaptation d'une trilogie obscure de Shannara et plonge dedans sans a priori !
Si les personnages s'appellent Goldria, Rauso, Fazarim ou encore Rundi, que ça se passe durant l'ère du milieu dans les Terres du centre et à Runomer, et que ça met en scène des alfes, des daims et des erques, pourquoi pas. Eh bien non, c'est censé crier de partout "c'est la Terre du Milieu", donc c'est un peu dur à faire pour moi.

Hofnarr Felder a écrit :c'est beaucoup plus que ces ouvrages, qu'on le veuille ou non
Sauf qu'on pourrait distinguer, après tout, Tolkien de "Tolkien" : c'est déjà ça de gagné. La réception directe, la réception indirecte, les œuvres inspirées par, les adaptations, les créations dérivées, les produits commerciaux... autant de degrés différents. De même que les anglophones notamment finissent par parler (pour ceux qui veulent être bienveillants) d'un seul et unique "fandom". De même qu'on finit par poser l'idée que de toute façon, toutes ces Terres du Milieu diverses valent bien celle de Tolkien et sont la même chose - après tout, "c'est de la fantasy", et puis comme les univers partagés sont à la mode…

Hofnarr Felder a écrit :Adapter, enfin, c'est s'adresser à un public d'un autre temps, voire d'un autre milieu culturel.
Mais adapter dans ce sens-là est-il nécessaire ? Je perçois la nécessité de la traduction et de la retraduction. Mais en ce qui concerne l'adaptation, je trouve que c'est un domaine différent.

Nalzur a écrit :Au final la seule vraie question est juste de savoir quel est le public visé, les puristes ou le grand public?
La cible principal est effectivement, forcément, le public le plus vaste possible, mais un projet comme cela a la marge nécessaire pour faire ce qu'il faut afin d'essayer de séduire telle ou telle catégorie de lecteurs - comme ailleurs.

Naïn a écrit :Au contraire même, sa diatribe contre le monde industriel et la destruction du monde naturel trouve un écho d'autant plus retentissant aujourd'hui...
Il y a aussi sur le plan proprement littéraire des aspects qu'on ne met pas assez souvent en avant mais qui sont importants. Par exemple, le Seigneur des Anneaux n'est pas un novel, c'est plutôt un romance sui generis assez hybride ; Le Hobbit relève du conte du genre de fées, même si c'est hybride aussi. Pour le SdA, c'est un ensemble assez particulier qui peut se lire comme un roman et qui doit sans doute une part de son efficacité de cette possibilité, mais ça dépasse ce cadre-là, ce qui d'ailleurs a pu troubler les critiques habitués au roman moderne ou même plus classique.
Le reste de l'œuvre de Tolkien est marqué par la recherche de réécritures et d'adaptations-réécritures modernisées sur des modes spécifiques de textes médiévaux, par la diversité des tentatives, certaines d'ailleurs plus modernes que d'autres mais souvent assez idiosyncrasiques (je pense à The Notion Club Papers par exemple), d'autres fondées sur le pari littéraire de passer par dessus les modes, y compris celle de "la Littérature" (telle qu'elle est depuis le XIXe siècle notamment, même si elle-même a beaucoup influencé Tolkien évidemment), et de faire revivre l'inspiration médiévale (voire antique) en l'acclimatant. L'histoire même du SdA montre que l'aspect commercial et attendu, le cahier des charges, n'a cessé de passer derrière l'amplification, la singularité, et ce qui rend cette œuvre singulière. Je vous épargne le reste.
Tout cela n'est pas anodin par rapport aux intentions de Tolkien, à ses apports à la littérature, au fait aussi qu'en réalité il n'a pas eu énormément de "vrais" continuateurs, que ce soit en général ou sur le plan plus précisément littéraire, car une part de la fantasy ultérieure s'est faite en reprenant la superficialité de son œuvre, et du côté de ce qui est intéressant, une autre part s'est faite contre Tolkien.
Dès lors, la spécificité de Tolkien, d'une œuvre dont l'essentiel, d'ailleurs, était complètement à côté d'enjeux économiques (même si Tolkien a évidemment essayé de publier "le Silmarillion" avec le SdA), tient aussi à des écarts par rapport, précisément, à ce qui est mis en place dans les grands projets commerciaux dont l'on parle : le cahier des charges, la recherche y compris trop complaisante de ce qu'attend le public, l'inscription dans ce qui est censé marcher, être rentable et peu risqué, à savoir les recettes narratives "commerciales" éprouvées, auxquelles se sont ajoutées désormais dans le monde culturel de nombreuses considérations extra-artistiques qui ont causé bien des polémiques récemment.

J'ai eu un petit débat sur tel réseau social aujourd'hui à propos de la série. Cela m'a valu d'ailleurs d'être bloqué plus vite que mon ombre par quelqu'un de connu sur Youtube pour ses vidéos sur la culture populaire, et qui n'a manifestement pas compris que l'on peut parler en général des fondations de ce projet, critiquer les commentaires sur l'œuvre de Tolkien elle-même par les responsables de celui-ci, en distinguant ça des autres aspects de la série évidemment pas encore sortie. Bon, vu les horreurs qu'on trouve sur les réseaux en termes d'arguments, je comprends que certains puissent être fermés, mais j'ai du mal à supporter qu'on se retrouve dans une situation où il faudrait défendre un projet à un milliard d'euros, pendant qu'en même temps on entend plein d'âneries sur l'œuvre de Tolkien. En tant que littéraire, ça me fait mal au cœur.
J'ai trouvé ça symptomatique de la complexité de la période pour aller un peu au fond des choses mais aussi défendre cette spécificité évoquée plus haut, mais aussi, eh bien, tout simplement, la défense de l'œuvre de Tolkien elle-même, notamment lorsque certains propos ont tendance à aller dans le sens inverse de ses intentions.
Par exemple, considérer qu'il faut forcément des Hobbits dans une œuvre censée se passer en Terre du Milieu, c'est un contresens évident par rapport à l'œuvre de Tolkien en général. Considérer qu'on est en train d'écrire "le roman [certes adapté] que Tolkien n'a pas pu écrire" sur le Second Âge, c'est à la fois orgueilleux et ça passe à côté et du fait que la recherche littéraire de Tolkien n'était pas de ce côté-là, et qu'il n'a pas voulu précisément faire ce genre d'opération. Cela peut sembler minime ou futile, mais en fait, c'est riche d'implications et de conséquences, notamment de nos jours. Certes, il faut peut-être être particulièrement littéraire ou être passé par les études dans ce domaine-là pour saisir en quoi plus distinctement.
Même certains points qui semblent uniquement porter sur la cohérence du monde fictionnel de façon interne sont parfois liés à des questions plus larges comme celle-là. La décision d'intégrer des Hobbits dans la série passe à travers quelque chose de pas complètement inadéquat aux yeux du Légendaire puisque les Harfoots sont présentés comme leurs ancêtres - et pourraient dans la série rester discrets et ne pas influer directement, de façon visible pour les autres peuples, sur l'intrigue, tout en interagissant avec d'autres personnages (cf. l'Étranger). Sauf que Tolkien avait ses raisons pour décider de ne placer les Hobbits dans l'histoire du monde fictif *et* dans l'intrigue que tardivement durant le Troisième Âge. Considérer que "ce n'est pas la Terre du Milieu" sans les Hobbits, ce qu'a prétexté peu ou prou l'un des concepteurs de la série, et décider d'en inclure alors que Tolkien a spécialement décidé de ne pas le faire à tel moment, c'est assez remarquable.
Au fond, bien sûr, beaucoup de monde aime les Hobbits, évidemment - mais est-ce qu'on veut d'un Hobbit dans les pattes de Túrin Turambar, par exemple ? Ou est-ce qu'on a besoin de la médiation d'un Hobbit pour entrer dans telle œuvre sur le 1er ou le 2e âge ? Oh, peut-être que ça peut, dans une adaptation, permettre à un certain public de s'investir, mais au bout d'un moment, ça ressemblerait tout simplement à l'application d'un procédé pur dans un contexte où ce n'est pas adéquat, et d'une façon potentiellement risquée…
Et ça ressemblerait aussi furieusement au fait d'appliquer, là où l'auteur de l'œuvre originelle ne l'a pas fait, des motifs et des schémas pris ailleurs, dans une autre de ses œuvres - ce qui correspond assez bien à la volonté de "même" très présente dans les productions culturelles de masse aujourd'hui, qui va jusqu'à une complaisance souvent risquée par rapport à la logique ou à l'intégrité des univers fictionnels. J'en parlais déjà il y a des mois : rien de plus tentant que de former une "communauté/fraternité" du Deuxième âge…
Je pensais ce midi à la série Obi-Wan Kenobi, qui peut s'avérer assez puissante pour qui était désireux de voir plus d'interaction entre des personnages centraux des deux premières trilogies, mais me semble être un bon exemple des risques que ça pose par rapport au scénario et à la vraisemblance des événements dans l'univers de fiction (je me demande si ceux qui veulent une deuxième saison ne se rendent pas compte qu'à ce rythme-là, il vaut mieux instituer un "what if" ou un multiverse marvelien plutôt que de prétendre que tout se passe dans la même continuité). Là est la mode actuelle.

Désolé, c'est un peu long et décousu.

Nalzur a écrit :Le Hobbit par exemple, a été écrit par Tolkien pour ses enfants, tandis que Jackson visait un public beaucoup plus large avec son adaptation.
Du coup, il y a des bribes de The Hobbit dans ces films, mais le reste et donc l'ensemble est tout à fait... autre chose.
Cela étant dit, l'objectif était avant tout de faire une bonne grosse trilogie commerciale très grand public. Et il n'était pas vraiment caché. Mais si je compare au Dune de Villeneuve, par exemple - sans nier tous les efforts artistiques qu'il peut y avoir dans les films The Hobbit - vous pouvez deviner lequel des deux projets a ma préférence... Heureusement, l'industrie cinématographique et télévisuelle permet aussi, encore, et parfois malgré tout ou par chance, des pépites incroyables (petite larme en pensant à la fin de Better Call Saul).
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Des pépites sont possibles, oui, et fort heureusement d'ailleurs, mais pour reprendre Dune, ça ne s'est pas fait sans risques, la prod ayant été extrêmement frileuse et la suite clairement pas gagnée d'avance.
Et si c'est bel et bien un chef d'oeuvre d'adaptation, ça reste une vision modernisée du roman (On pourrait s'amuser à citer plein de petits points). Modernisée, mais pas trahie.

Il ne faut pas confondre les deux, qui peuvent aller de pair, mais pas forcément.
Dune transpire de partout le style de Villeneuve, et c'est une bonne chose pour ma part, étant fan, mais ça ne ressemble sans doute en rien à la visualisation que devaient se faire les gens à l'époque de la sortie du livre. Les deux sont de temps différents, ça se voit clairement, mais comme c'est bien fait, ça passe bien Smile
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(28.08.2022, 00:12)Hofnarr Felder a écrit :
(27.08.2022, 23:09)Naïn a écrit : Pour moi adapter c'est adapter l'œuvre à un média, pas à un public. Adapter c'est raconter la même histoire, sur le fond, c'est à dire les mêmes enjeux, les mêmes thématiques, du moins les plus importantes, d'un média à un autre. Au lieu de la raconter avec des mots, on la raconte avec la grammaire cinématographique, avec une narration non plus littéraire mais visuelle.

C'est là je pense qu'on diffère. Il n'y a pas une fonction univoque qui permette de passer d'une narration littéraire à une narration visuelle, car les choix en ce sens sont innombrables, et les moyens tout à fait variables. Adapter, c'est forcément adapter l'oeuvre à un public, autrement il n'y aurait pas besoin de refaire les adaptations filmiques passées ; or si le besoin s'en fait parfois sentir, c'est parce que l'adaptation ne correspond plus à l'audience. Pourquoi adapter si on ne se soucie pas du public ?

Oui mais là il ne faut pas confondre deux choses. D'une part les remakes ne sont pas des adaptations à proprement parlé. Du moins, il ne s'agit pas d'adaptation d'un média à un autre. Il s'agit de réactualiser (pour prendre l'exemple cinématographique car c'est le plus connu) une œuvre. Il n'y a pas de changement de médias là, ça se fait uniquement dans le sens que tu entends (adapter à un public actuel). Et puis s'adapter à un nouveau public tout dépend aussi. On parle ici de cinéma, c'est un art visuel, qui vieillit bien plus que n'importe quel autre. Il suffit de prendre pour exemple le remake de King Kong de Jackson par exemple, qui colle assez fidèlement à l'original, mais avec des effets spéciaux et un "spectacle" plus actualisé. Je ne suis pas sûr que ce soit particulièrement pertinent de citer ça pour parler d'une adaptation de l'œuvre de Tolkien. Et une œuvre qui ne se préoccupe que de son public actuel est vouée à tomber dans l'oubli, car elle est destinée à devenir obsolète. Si elle ne raconte pas quelque chose de plus profond et moins superficiel que ça, ce qui me semble-t-il n'est pas le cas de l'œuvre de Tolkien, quel est donc son réel intérêt ? Je ne vois toujours pas en quoi, par ailleurs, l'œuvre de Tolkien devrait être "réactualisée".
La deuxième chose c'est croire que ne pas céder aux exigences du public c'est ne pas s'en soucier. Bien au contraire. On remarquera que ceux qui se soucient le plus d'aller dans le sens du public, ce sont les entreprises uniquement tournées vers l'aspect commercial, et non artistique, d'une œuvre. Est-ce pour autant qu'ils le respectent, ce public ? Bien sûr que non. Là encore, bien au contraire. Le public ne sait pas ce dont il a besoin, le plus généralement. Et lui passer de la crème ce n'est pas faire une œuvre ça. Ce n'est pas le faire réfléchir sur la culture, lui montrer d'autres points de vue, d'autres manière de faire, de raconter des histoires. Donc non, "adapter" d'un média à un autre en restant fidèle à l'œuvre originale d'un point de vue fondamental, dans ses thématiques etc... sans la modifier pour qu'elle ne heurte pas les sensibilités actuelles, ce n'est pas se moquer de son public. C'est au contraire le respecter. On peut également promouvoir une œuvre littéraire en l'adaptant à un autre média. C'est à dire que là, la volonté du créateur va être non pas de modifier l'œuvre là encore pour la faire correspondre aux sensibilités actuelles, mais peut-être pour se servir de ses thématiques pour dénoncer un problème actuel, toujours d'actualité mais sensiblement différent. Je ne sais pas, par exemple une pièce de théâtre qui à la base se passait durant la peste, et qui serait adaptée dans les années 1990 avec cette fois un déplacement de l'action à une époque contemporaine, avec l'épidémie de sida remplaçant la peste. La forme change, non le fond. On peut aussi mentionner des œuvres comme le Jeanne d'Arc de Bruno Dumont, ou le Perceval le Gallois d'Eric Rohmer. Là encore il s'agit d'adaptations, de passage de l'histoire du format littéraire au cinéma. Et là les réalisateurs souhaitent moins adapter l'œuvre à un public, que de permettre de mieux faire connaitre l'œuvre originale. La volonté artistique n'est donc pas la même, pour reprendre ton exemple de la Titanomachie. Il s'agit de promouvoir l'œuvre originale. Et c'est là le calcul du TE (je suppose), pas celui d'Amazon qui n'en a que faire. Entre Amazon qui loue la diversité pour des raisons commerciales et une partie du casting qui le fait par idéologie, on est très loin de promouvoir l'œuvre littéraire de Tolkien.
Donc non, je ne vois pas où se trouve ni la nécessité, ni l'intérêt artistique dans un projet consistant à s'adapter à un public, sous-entendant qu'il est trop idiot pour accepter que certaines œuvres ne sont pas comme d'autres, et ne sont pas pour autant à oublier, ou à forcément modifier. Doit-on donc se tourner intégralement vers un cinéma de la représentativité ethnique pour "respecter" et aller dans le sens du public ? Ou plus encore une culture de la représentativité ethnique ? La culture n'est-ce pas justement la multiplicités des œuvres, des regards, des opinions, des sentiments ? On ne fait pas un film aux Etats-Unis comme on fait un film en France, tout comme on ne fait pas de la littérature aujourd'hui comme on le faisait au Moyen-Âge. Elle est là la vraie diversité de la culture. Et les vrais œuvres qui respectent leur public, ce sont celles qui lui permette de prendre conscience de ça, et non celles qui se tordent dans son sens pour acquérir son abonnement.
Oyez Elfes, vous tous, oyez ! Qu'on ne dise plus jamais des Nains qu'ils sont cupides et désobligeants ! Galadriel
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Bien résumé. Pour ma part, je trouve que derrière l'adaptation on inclut désormais bien commodément quelque chose qui relèverait, en littérature, de la réécriture et de la réinvention. Cette série semble entre deux eaux sur ce point car ses concepteurs la présentent à la fois comme une adaptation et quelque chose d'assez librement inspiré de...
Je suis assez content qu'on puisse discuter en profondeur de ce genre de choses ici ou ailleurs, alors que d'autres types de discussion sont impossibles. Il y a du reste tellement de filtres et d'enjeux qui s'entrecroisent que cela rend l'échange compliqué (ailleurs). Je trouve intéressant de considérer l'entrecroisement des débats avec les présupposés et les positions plus générales des intervenants sur de grands enjeux : conception de la littérature, de la "culture populaire", du divertissement...
Ce qui me chagrine le plus, ça reste la déformation de propos ou de notions de Tolkien utilisées "contre lui-même" (je pense à l'ironie de voir une certaine lettre peu souvent lue en détail être utilisée pour défendre une adaptation télévisuelle ou cinématographique, à savoir *le* genre et l'art que Tolkien laisse de côté dans ladite lettre !), ou, comme je l'ai écrit l'autre fois, des commentaires qui finissent par confondre les niveaux. Je lisais un avis sur les deux premiers épisodes qui relevait l'idée que des lecteurs sont frustrés et trouvent la lecture du Silmarillion ardue "parce qu'il n'y a pas de Hobbits". Ce n'est pas faux, mais il faut comprendre que tirer de cela l'idée qu'on "améliore Tolkien" (!) en ajoutant des Hobbits ici ou là et que c'est une "idée géniale", cela ne peut qu'être discutable en plus de froisser de nombreux autres lecteurs... sans parler du problème littéraire que cela pose. Bon, je ne vais pas m'éterniser, en tant que professeur de lettres classiques, sur ce que m'inspire ce genre de choses. En revanche, je trouve essentiel de rappeler que ce n'est pas parce qu'un écrivain a écrit un ouvrage plus populaire et accessible que c'est une bonne idée de modifier le reste de son œuvre en suivant le modèle et le schéma de l'ouvrage supposé de référence. C'est d'ailleurs pour cela que je trouve que Christopher Tolkien a fait un excellent travail d'exécuteur testamentaire et d'éditeur, dans l'ensemble et même en ce qui concerne le Silmarillion pour lequel il a eu quelques regrets (d'un autre ordre).
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Je vous lis attentivement et aimerais beaucoup avoir le temps de me joindre véritablement à la conversation, mais à défaut de pouvoir faire cela, je vous partage un lien vers un article très équilibré/mesuré/juste je trouve à propos"phénomène" autour de la série avant même sa sortie (c'est en anglais par contre, désolée): https://www.avclub.com/lord-of-the-rings...1849466894
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L'article évoque un peu la question de l'adaptation ou du respect de l'œuvre, mais surtout, ensuite, les problèmes liés aux grandes polémiques et aux véritables folies liées à la question de la diversité, du casting de la série, etc.
Je ne sais pas, du coup, si l'on peut dire qu'il est mesuré. La difficulté, c'est que l'ampleur et l'horreur des polémiques en question a plutôt eu comme conséquence une assimilation des avis critiques légitimes sur d'autres points à ceux des "rageux"/haters (pour reprendre les termes utilisés sur les réseaux) ayant surtout parlé de couleur de peau. Cela a d'ailleurs pu être utilisé comme biais dans le cadre de la véritable querelle des Anciens et des Modernes à l'œuvre sur les réseaux en ce qui concerne le sujet. Je parle de la querelle sur le plan littéraro-esthétique. Elle admet aussi un plan politique et idéologique, évidemment, mais les deux ne se recoupent évidemment pas forcément (contrairement à ce que l'on voudrait faire croire) et pas tout le temps. Autrement dit, on a vite fait de qualifier de troll aussi celui qui ne le mérite pas...
Cela étant dit, il n'a pas fallu longtemps, jadis, pour que Tolkien soit lu et trituré en tous sens, y compris les plus opposés, de la contre-culture de gauche au discours le plus identitaire d'extrême-droite. Ce n'est donc pas une nouveauté, bien sûr.

Cependant, j'ai peu vu ou entendu de personnes aborder l'affaire sous l'angle qui importe le plus concernant Tolkien et son œuvre - à savoir le genre de points que j'ai essayé d'aborder plus haut, notamment parce que c'est plus difficile à faire et que ça intéresse un public plus restreint.

Cela étant dit, je conçois aisément que les nouvelles générations soient désormais acquises aux nouveaux projets de ce genre. Je dois être de la dernière qui a connu - même jeune - un monde sans la trilogie de Peter Jackson, par exemple.
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(30.08.2022, 17:45)Forfirith a écrit : Je vous lis attentivement et aimerais beaucoup avoir le temps de me joindre véritablement à la conversation, mais à défaut de pouvoir faire cela, je vous partage un lien vers un article très équilibré/mesuré/juste je trouve à propos"phénomène" autour de la série avant même sa sortie (c'est en anglais par contre, désolée):  https://www.avclub.com/lord-of-the-rings...1849466894

Equilibré, sérieusement ? Je cite rapidement quelques points (désolé, je ne prends pas le temps de traduire) :
- Définition du problème selon la journaliste :
Cindy White a écrit :While backlash campaigns to revivals of popular franchises have been growing in the past few years, particularly when those projects touch on inclusivity, the digital trolls seem to have dialed up their intensity in the lead-up to The Rings Of Power

- Antithèse rapidement écartée, quoiqu'il soit reconnu (sans rentrer le moins du monde dans les détails) que certaines critiques se focalisent légitimement sur les changements effectués par les scénaristes :
Cindy White a écrit :It might be tempting to chalk up these social media skirmishes to a fight between loyal fans who simply want to preserve the integrity of the thing they love and a multinational corporation looking to cash in on that devotion with little understanding of the work that inspired it. To be fair, that’s partly true.

- Objectif "raisonnable" de la série selon la journaliste :
Cindy White a écrit :Let’s not pretend the primary goal of this production isn’t to add to the company’s bottom line. To think any differently would be naive. [...] Meanwhile the show had to be at least somewhat faithful to Tolkien...

- Thèse de la journaliste, selon laquelle arguer que les écrits de Tolkien ne contiennent aucun argument en faveur d'Elfes à la peau sombre est une preuve de racisme latent :
Cindy White a écrit :Predictably, some have used their criticisms as a smokescreen for their own racist and sexist reactions. [...] These critics may not believe labels like racist and sexist apply to them, but their opinions give them away. “I’m all for diversity in media,” they assert, “I just don’t think Black dwarves or dark-skinned elves belong in Middle-earth.”

- Argument supplémentaire dans ce sens, assimilant les critiques précédemment ciblées aux activistes d'extrême-droite sur les réseaux sociaux :
Cindy White a écrit :And then, at the far end of the spectrum, there are the outrage brokers who use emotional manipulation to boost their channels or promote their own agendas, ranging from mainstreaming alt-right ideologies to the monetization of anger for clout. [...] That’s a pretty good sign there are ulterior motives behind the rant you’re watching and that it has nothing to do with The Lord Of The Rings.

- Conclusion :
Cindy White a écrit :We’ll have to see what happens when the show premieres for the rest of the world on September 1, and beyond as more episodes air, but it’s looking like Amazon’s big gamble might just pay off, despite the efforts of the usual toxic suspects.

Note bien que je ne critique pas la journaliste en tant que telle, ni le fait qu'elle écrive un article engagé (c'est bien son droit), mais de là à dire qu'il est objectif... Pour ma part, je ne me reconnais aucunement dans les obsessions de ceux qui ramènent tout à la couleur de peau, que ce soit pour dénigrer le genre de modernisation diversitaire auquel nous assistons ou pour le défendre.

A vrai dire, s'il fallait s'intéresser aux points sur lesquels la série s'annonce fort peu fidèle à l'œuvre de Tolkien, j'avoue que la compression temporelle annoncée (faire passer les 3500 ans du D.Â. en l'espace de 1000) m'inquiète nettement plus. En effet, je crains que cela ne revienne à mélanger la guerre des Elfes contre Sauron à l'occasion du façonnement de l'Anneau Unique (chute de l'Eregion, fondation d'Imladris, etc.) et les événements qui mènent à la chute de Númenor et à la Dernière Alliance. C'est un peu comme si l'on choisissait de faire de la bataille des Cinq Armées un événement contemporain de celle des Champs du Pelennor.
Rollant est proz e Oliver est sage.
Ambedui unt merveillus vasselage :
Puis que il sunt as chevals e as armes,
Ja pur murir n’eschiverunt bataille.
La Chanson de Roland
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Tout à fait, Elendil.
Pour moi, si je synthétise certains des problèmes posés jusqu'à présent :

1) Une communication assez ambivalente et parfois plutôt mensongère par rapport à la question de la fidélité, en faisant miroiter dans un premier temps un respect quand même très cadré par rapport à la trame du Deuxième âge, avant de battre tout cela en brèche, cette fois-ci de façon plus franche, en révélant la décision non seulement de changer la chronologie, mais aussi de "tout raconter en même temps" (peu ou prou). Je suis tout à fait d'accord avec ta comparaison : c'est bien un point qui me gêne dans le manque de réactions de beaucoup de lecteurs, si on considère l'affaire en termes d'adaptation, alors on peut tout à fait comparer le récit (par exemple le passage sur les rois de Númenor) mais aussi la chronologie comme étant sur le même plan, par exemple, que la narration du récit principal du Seigneur des Anneaux. Un bouleversement aussi important de la chronologie, qui est une intrigue donnée sous une autre forme par Tolkien, peut tout à fait être comparé de la façon que tu le fais, Elendil, avec le bouleversements des événements du reste du SdA ou du Hobbit - au sujet duquel ça jaserait bien plus, évidemment. Et là, le problème, c'est que des "fans" font comme si c'était "obligé", "obligatoire", "nécessaire", en reprenant les éléments de langage un peu faciles de l'équipe.

2) En effet, la justification de cette licence et de cette décision créative est trop facile. Même en pensant aux innombrables contraintes du projet. On renverse parfois la cause et la conséquence. Rien n'obligeait, même pour faire une série à grand spectacle, de laisser de côté l'idée d'une anthologie où la continuité serait portée par les thèmes, les personnages immortels ou de grande longévité et les paysages, pour décider que tout se passerait dans un laps de temps extrêmement plus réduit. D'un autre côté, la décision de faire cinq saisons est commerciale : c'est une contrainte venant du studio, pour assurer le projet et lutter contre la concurrence, et elle explique entre autres la part d'invention énorme qui va être présente dans la série, qui trouve aussi sa raison d'être dans d'autres aspects du cahier des charges.

3) L'existence de polémiques houleuses sur les aspects déjà bien évoqués et que tu rappelles, Elendil, fournit un argument facile pour dénigrer les arguments des sceptiques ou des personnes ayant des problèmes avec l'existence du projet. C'est le problème de l'article : le mot de troll est vite sorti. Ils existent, ils font peur - mais ils existent dans les deux camps, en fait. Je suis centriste, progressiste mais agacé ou même plus parfois par certaines tendances progressistes sans autocritique et peu réfléchies ; même si j'ai vu passer des horreurs incroyables du côté de certains lecteurs/"fans" parfois tout à fait réactionnaires sur le plan politique (apparemment), j'ai été assez marqué aussi par les détournements de la pensée ou des propos de Tolkien et des bizarreries de l'autre côté (sans placer d'équivalence entre les deux). Mais cela a concerné plutôt le plan esthétique. Je trouve toujours très ironique l'utilisation de la fameuse lettre, qui parle des créations dérivées dans les autres arts à l'exception du cinéma, pour justifier l'affaire, mais j'ai l'impression que c'est un combat un peu "perdu".

À part ça, je ris un peu dans ma barbe, car quand je vois les tweets des admirateurs de la série et des gros comptes, je vois quand même des avis qui parlent de sourcils froncés ou levés durant le visionnage des deux épisodes - ce qui veut dire que ça va vraiment jaser du côté de ceux qui croyaient encore à un certain suivi de la trame.
Le problème, c'est que dans tous les cas de projets d'adaptation ou de création un peu proches de TROP auquel je pense, même en prenant surtout ou seulement en compte la fiction dérivée et ses propres règles, ce genre de choix aboutissait souvent à des situations illogiques, à des défaillances dans la cohérence interne de l'univers, ou à des scénarios vraiment en deçà de ce qui est comparable chez l'auteur originel. On a pu parler de Game of Thrones l'autre jour. À chaque fois, on trouvait des gens pour dire que "l'adaptation rend cela indispensable", ce qui est souvent très pratique pour essayer de faire oublier des facilités, des faiblesses voire de vraies bévues.
À partir de là, il y a des centaines de sensibilités différentes, y compris chez les tolkiendili les plus attachés à l'œuvre et qui ne sont automatiquement spécialement pro-adaptations (ou autre) en général. D'aucuns l'ont déjà écrit. S'il y a des paysages, une atmosphère, une musique, certaines scènes évocatrices... c'est déjà ça. Mais rien n'empêche de considérer le scénario et la trame, et la question de la fidélité à l'œuvre, comme indispensables dans le jugement ou l'appréciation.

Citation :Note bien que je ne critique pas la journaliste en tant que telle, ni le fait qu'elle écrive un article engagé (c'est bien son droit), mais de là à dire qu'il est objectif...

Certes. L'article résume plutôt bien une certaine doxa, au fond, plutôt orientée, que j'ai souvent pu constater chez les commentateurs. Entre ça et les horreurs d'en face, un discours nuancé - et qui rappelle les autres enjeux ou encore restitue l'échelle des enjeux dans la matière - a du mal à exister.

4) Maintenant qu'on entre décidément dans la période des grandes fan fictions (après avoir vécu la situation un peu intermédiaire de la trilogie The Hobbit), quid de l'approche des nouveaux lecteurs et des prochaines générations aux textes de Tolkien ?
Si je me pose la question, c'est parce que, eh bien, je ne suis pas certain que, ignorant des œuvres, j'aurais été poussé à la lecture du Hobbit, par exemple, après un visionnage de la trilogie cinématographique correspondante. Concernant la trilogie du SdA de Jackson, je peux supposer que lire l'œuvre m'aurait tout de même intrigué. Reste à voir l'ampleur de l'écart concernant la nouvelle série...
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Je passe sur l'article de Forfirith et la discussion qui s'en est suivie, pas du tout de mon ressort, pour revenir sur les questions (passionantes!) liées à l'adaptation.

J'évoquerai l'Iliade, encore. Pour comprendre les enjeux de l'adaptation, il faut d'abord s'interroger sur ceux de la réception ; une adaptation réussie, serait-on tenté de dire, c'est celle qui parvient à susciter des sentiments esthétiques similaires à l’œuvre qu'elle adapte, à reprendre ses enjeux, ses tensions narratives, à restituer son cadre moral, social, culturel, et ses dynamiques propres. (Avec cette définition, il va sans dire qu'il n'existe a priori pas d'adaptation réussie.) Mais précisément, un lecteur de l'Iliade aujourd'hui, même averti, ne serait pas capable de saisir tous les enjeux qui traversent ce poème épique, toutes les subtilités de son cadre culturel. Il faut lire, pour s'en approcher, des articles de recherche, dont on peut toujours s'interroger sur le caractère partiel et orienté de la perspective qu'ils reconstruisent (je pense, pour l'Iliade, aux excellents travaux de Jean-Pierre Vernant). Ces jours-ci, je lis un ouvrage de critique de certains chapitres du Tchouang-Tseu, qui montre, en replaçant les épisodes choisis dans leur contexte d'époque, le jeu qui se déroule avec ce contexte (par exemple le fait que, faire intervenir un boucher découpant un bœuf, c'est déjà dire quelque chose des institutions rituelles liées au sacrifice).

En somme, ces œuvres nous sont, désormais, pour leur plus grande part inaccessible. Donc on a beau jeu de dire qu'une adaptation, effectuée avec un décalage temporel conséquent, néglige certains aspects clefs de l’œuvre, quand l’œuvre elle-même ne nous parle plus comme elle est censée le faire. Pour le Seigneur des Anneaux, n'étant pas catholique, j'étais complètement passé à côté des aspects de l’œuvre qui évoquent certains aspects de ce corps de croyances. De fait, mes attentes liées à ce que pourrait constituer une adaptation de l’œuvre ne sont pas les mêmes que celles d'un autre lecteur, plus averti. De même, un lecteur qui aura lu une critique littéraire de l'ouvrage, ou qui aura effectué un cheminement critique propre, apercevra des aspects de l’œuvre qu'on ne saurait s'étonner de ne pas voir rendre dans une adaptation. Ce que l’œuvre est pour chacun est finalement le résultat d'une perspective idiosyncratique. Et c'est pourquoi une adaptation est presque toujours vouée à décevoir ; et c'est pourquoi aussi je ne fais pas, a priori, ce reproche à une adaptation, puisqu'il m'apparaît comme systématiquement opérant.

Enfin, je terminerai par un exemple de ce qui, pour moi, constitue une adaptation réussie, et pourtant audacieuse ; qui montre qu'on peut s'écarter de l’œuvre, et l'éclairer avec une force nouvelle et une fidélité authentique. J'aime beaucoup le poème de Beowulf. Je l'ai lu de nombreuses fois, j'en ai lu plusieurs critiques (celle de Tolkien évidemment), et je me fais un plaisir de considérer les adaptations qui en ont été faites. Prenons par exemple celle de Robert Zemeckis. La trame est peu ou prou respectée, mais pour moi, ce film, outre son esthétique douteuse, effectue un contresens complet du poème (et je tiens depuis Neil Gaiman en piètre estime ; d'autres éléments ont par ailleurs renforcé cette opinion depuis) ; en ignore totalement ce qui en constitue la vitalité, la raison d'être, pour ne plus le réduire qu'à une succession d'épisodes brutaux sans queue ni tête.

En revanche, je considère Grendel, de John Grisham, comme un jeu littéraire absolument délectable et brillant avec le poème original. Il en est pourtant très loin, que ce soit par la forme, la trame, ou même les considérations post-modernes. Mais il met le doigt sur certains aspects qui sont uniques de l’œuvre, saisit avec éclat ce qui fait le sel des personnages de Hrothgar et de Wealhtheow, et n'hésite pas à s'affronter aux épisodes les plus complexes du poème. Beowulf, en tant que poème médiéval, est enrichi par cette adaptation contemporaine et déroutante ; sa signification en ressort d'autant mieux à travers cette adaptation. Ce qui m'amène à penser qu'une adaptation n'a pas besoin d'être soi-disant fidèle (voire pesamment obséquieuse, comme l'adaptation guindée de Dune par Villeneuve, déjà citée dans la discussion) pour être en "résonance esthétique" avec son modèle.

(Et, non, je ne m'attends pas à ça de la part de la série Amazon, j'espère juste un bon spectacle, comme dit plus haut, et qui se tienne en tant que tel, peu m'important la cohérence avec le prétendu modèle.)
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Je ne suis pas intervenu dans le présent fuseau de discussion depuis longtemps, réservant plutôt mes quelques commentaires sur le sujet au forum de JRRVF (dans un fuseau dédié au même sujet et parfois ailleurs sur ledit forum), mais je lis ce qui est partagé ici, et je constate être plutôt en accord notamment avec ce qu'écrit Mairon, et en particulier avec son sentiment d'avoir affaire à une époque assurément peu propice, hélas, à la recherche de l'équilibre...

Je l'ai donc déjà dit sur le forum de JRRVF : je n'ai personnellement aucune attente en ce qui concerne la fan-fiction géante autorisée qu'est cette série Amazon... mais il est vrai que l'on peut franchement se demander, dans le contexte actuel, ce que le processus de réception de l'œuvre de Tolkien gagnera in fine dans cette affaire.

(29.08.2022, 08:02)Mairon a écrit : Je suis assez content qu'on puisse discuter en profondeur de ce genre de choses ici ou ailleurs, alors que d'autres types de discussion sont impossibles. Il y a du reste tellement de filtres et d'enjeux qui s'entrecroisent que cela rend l'échange compliqué (ailleurs).

Tu as toi-même pu constater que j'ai pu (en essayant d'y mettre un peu d'humour, même si ce n'est pas amusant sur le fond) décrire succinctement sur JRRVF les deux types de discours clivants occupant le terrain des "débats" en ligne autour de la série Amazon... sans pour autant faire l'objet d'anathèmes pouvant venir de tous bords ou d'une censure quelconque, comme cela aurait sans doute pu être promptement le cas ailleurs, et notamment sur les "rézosocios". ^^ Mais ceci dit, il convient de ne pas nous voiler la face : si des forums/fora tolkieniens actifs de longue date peuvent apparaître comme des havres de paix (peut-être une sorte de Lórien pour Tolkiendil et une sorte de forêt de Fangorn pour JRRVF... Wink ...) où l'on peut échanger dans le calme, c'est qu'il s'agit là, de nos jours, de lieux de discussion en ligne largement passés de mode : aujourd'hui, si l'on veut vraiment attirer l'attention pour "débattre" et faire tout ce que l'on peut pour recevoir des pruneaux en retour, il vaut mieux aller sur Twitter ou dans les rubriques pour commentaires au bas de vidéos sur YouTube, entre autres... Le fait est que le temps où l'on s'écharpait plus ou moins joyeusement sur des forums/fora autour de la première trilogie de PJ commence à être bien lointain, a fortiori à l'échelle de l'histoire de la Toile et des échanges courants du grand public en son sein. ^^'

(29.08.2022, 08:02)Mairon a écrit : Je trouve intéressant de considérer l'entrecroisement des débats avec les présupposés et les positions plus générales des intervenants sur de grands enjeux : conception de la littérature, de la "culture populaire", du divertissement...

C'est effectivement intéressant, mais compliqué à appréhender dans le contexte actuel déjà évoqué, comme tu l'as écrit toi-même... et cela même dans un espace de discussion comme le présent forum. Moi-même, quand j'emploie par exemple la notion de fanariat (qui est de mon cru, très modestement), j'essaye comme je peux d'appréhender cette réalité complexe et foisonnante (autour des grands enjeux culturels, artistiques, dont tu parles) sur laquelle nous manquons forcément de recul...

(29.08.2022, 08:02)Mairon a écrit : ... ce n'est pas parce qu'un écrivain a écrit un ouvrage plus populaire et accessible que c'est une bonne idée de modifier le reste de son œuvre en suivant le modèle et le schéma de l'ouvrage supposé de référence.

Sans doute... et a fortiori quand on se souvient que Tolkien n'était pas un écrivain professionnel (comme l'était Robert E. Howard, pour prendre un exemple que je connais bien, mais on pourrait aussi bien citer Balzac ou Maupassant...), et que la partie de son œuvre publiée de son vivant qui est devenu si populaire à partir des années 1960, l'est précisément devenu plutôt malgré lui (avec notamment une édition "pirate" du SdA aux États-Unis qui l'obligea, bon gré mal gré, à se positionner sur le marché de l'édition de poche, qui ne l'intéressait pas à la base).

***

(31.08.2022, 11:23)Elendil a écrit : Pour ma part, je ne me reconnais aucunement dans les obsessions de ceux qui ramènent tout à la couleur de peau, que ce soit pour dénigrer le genre de modernisation diversitaire auquel nous assistons ou pour le défendre.

Moi non plus, je ne me reconnais pas dans tout cela, mais n'oublions pas qu'aux États-Unis d'Amérique, on voit cela tout le temps...
Il y a quelques jours, en prenant connaissance d'un entretien accordé par John Boorman (au passage : impossible de ne pas penser à lui, en ces lieux, et à son travail d'adaptation de la matière de Bretagne avec Excalibur, dès lors qu'il est notamment question ici d'adaptations réussies [de mon point de vue, Excalibur en est une, en sus d'être en soi un excellent film]...) à une revue appelée Ciné-Bazar (N°8, juin 2020), je suis tombé sur un entretien accordé également à cette même revue par Fred Williamson, réalisateur, producteur et acteur américain, sans doute bien placé pour juger de ces fameuses "obsessions de ceux qui ramènent tout à la couleur de peau", et qui à un moment de l'entretien, me parait avoir bien résumé le problème en déclarant : « Aux États-Unis, la mentalité est étriquée, tout est basé sur la religion et les couleurs. »
Dommage que l'on ne puisse pas aller au-delà des obsessions en question compte tenu du contexte actuel : cela tend semble-t-il à prouver, hélas, que même avec les meilleures intentions du monde, les choses n'évoluent pas tant que cela vers du "mieux", contrairement à ce que voudraient faire croire certains discours (entre autres) de promotion des divertissements audiovisuels à la mode de nos jours...

***

Je souhaite un bon visionnage à celles et ceux qui pensent pouvoir au moins se divertir avec cette série Amazon... Pour ma part, et du moins pour l'heure, je passe mon tour.

Amicalement,

B.
All night long they spake and all night said these words only : "Dirty Chu-bu," "Dirty Sheemish." "Dirty Chu-bu," "Dirty Sheemish," all night long.
(Lord Dunsany, Chu-Bu and Sheemish)
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Je relève au passage déjà deux critiques des premiers épisodes de la série :
https://tvmag.lefigaro.fr/programme-tv/s...o-20220831

https://www.theguardian.com/tv-and-radio...ok-amateur
(en anglais)
Rollant est proz e Oliver est sage.
Ambedui unt merveillus vasselage :
Puis que il sunt as chevals e as armes,
Ja pur murir n’eschiverunt bataille.
La Chanson de Roland
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Merci !

La critique du Guardian est presque dithyrambique, à l'image de quelques retours sur les "rézosocios" que j'ai pu lire de membres de la TS invités à la première à Londres.

TV magazine a écrit :Dure étiquette d'être la série la plus chère de l'histoire à un milliard de dollars et de venir vingt ans après la trilogie parfaite (sic) du Seigneur des Anneaux de Peter Jackson.

Je n'ai pas été plus loin dans la lecture de cette seconde critique, ayant été victime d'une paralysie faciale subite Mr. Green

I
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Pas mal d'articles et de critiques sont tombés dans la presse française depuis hier.

Critique de France Info :
https://www.francetvinfo.fr/culture/seri...31811.html

Article de Libération (article réservé aux abonnés, mais j'ai la possibilité de l'avoir entièrement si ça intéresse du monde) :
https://www.liberation.fr/culture/series...directed=1

Critique de RTL :
https://www.rtl.fr/culture/cine-series/l...7900180692

Dans la presse régionale :
- Critique de l'Est Républicain : https://www.estrepublicain.fr/amp/societ...es-anneaux
- Critique de la Voix du Nord : https://www.lavoixdunord.fr/1222555/arti...-video-des

Critique de Télérama :
https://www.telerama.fr/ecrans/le-seigne...011848.php

Critique d'Allociné :
https://www.allocine.fr/article/ficheart...13324.html

Critique de Première :
https://www.premiere.fr/Series/News-Seri...--critique

La presse plutôt orientée "high-tech" s'est aussi prêtée à l'exercice de la critique :
- exemple chez CNet : https://www.cnetfrance.fr/news/les-annea...946218.htm
- chez Numerama : https://www.numerama.com/pop-culture/109...ilers.html
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Concernant les questions de représentation, j’ai finalement trouvé quelque chose à dire.

Je pense qu’il faut distinguer ici trois questions, ou plutôt trois niveaux, que je suis tenté d’appeler : le niveau conceptuel, le niveau sémiotique, le niveau pragmatique.

Le niveau conceptuel consiste à considérer si, oui ou non, les Elfes et les Nains de la Terre du Milieu, chez Tolkien, présentent une diversité comparable à celle d’une société métropolitaine américaine contemporaine (car c’est de cette diversité dont il s’agit, pas de la diversité en général). On peut toujours arguer que le contraire n’est pas explicitement dit, mais que je sache, cela permettrait de légitimer la présence d’à peu près n’importe quoi en Terre du Milieu.

Le niveau sémiotique est plus intéressant ; car l’acteur n’est pas un personnage, il est le signe de ce personnage. Ce décalage permet, par exemple, d’accepter que différents acteurs jouent un même personnage (par exemple, Spock dans les différentes séries Star Trek), ou qu’un acteur ne présente pas nécessairement les caractéristiques que l’on associerait au personnage. L’important ici, c’est de déterminer quelles sont les caractéristiques qui paraissent pertinentes pour camper le personnage. Si effectivement la couleur de peau n’a pas d’importance, alors qu’un acteur noir interprète un Nain ou un Elfe ne pose, a priori, aucune sorte de problème. Ce n’est effectivement pas la même chose de dire « il y a des Nains noirs en Terre du Milieu » que de dire « il n’y a aucun obstacle à ce qu’un acteur noir interprète un Nain de la Terre du Milieu ». Bien sûr, on peut en débattre, surtout dans un contexte plus fermement historique : Omar Sy pourrait-il jouer Louis XIV ? On s’est accommodé de Christian Bale dans le rôle Moïse encore tout récemment ; je pense aussi à Tinda Swilton qui prête ses traits à l’archange Gabriel dans Constantine, à mon avis un choix de casting réussi. Personne n'a ne serait-ce que haussé le sourcil en voyant un acteur d'ascendance irlandaise endosser le costume d'un roi grec dans 300. Mais là encore, cela revient à poser la question de l'importance de la carnation dans l’inventaire des caractéristiques physiques ; car, de fait, et je le répète, on s’est accommodé de toutes sortes d’entorses avec une cohérence historique stricte (qui supposerait par ailleurs de pouvoir comparer le lignage génétique des acteurs avec celui des personnages historiques, ce qui est non seulement impossible, mais pose certainement son lot de problèmes éthiques).

Le niveau pragmatique enfin ; il faut voir ce que l’on cherche à faire d’une œuvre, quel message on cherche à véhiculer. La série Amazon s’adresse, avant tout, à un public américain. Or la société américaine est divisée, elle souffre de cicatrices graves et vivaces, de fractures toujours systémiques (je me suis retrouvé une ou deux fois dans les ghettos noirs quand je vivais à Atlanta, et ça m’a fait comprendre quelques réalités). On sait que cette série est vouée à rencontrer un certain succès – par les lettres de noblesse qu’elle produit en invoquant le nom de Tolkien, par son budget, etc. En tant que producteurs, souhaite-ton que cette série laisse pour compte, dans sa représentation, une frange de la société qui souffre déjà d’être mise à la marge ? Du point de vue pragmatique, du point de vue de l’effet et de l’impact sur la société qu’on espère donner à son œuvre, surtout à une œuvre dont la large diffusion est assurée d’avance, il fait sens de chercher à envoyer un message positif, à montrer l’unité de la nation derrière certaines différences physiques choisies. Ce choix est sans doute en porte-à-faux avec le niveau conceptuel ; on peut débattre de sa pertinence sur le plan sémiotique ; mais sur le plan pragmatique, il me paraît se défendre assez bien.
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On peut éventuellement ajouter un autre aspect, qui est celui de la diversité ou de l'accès aux rôles à l'intérieur de la profession des acteurs, qui peut intervenir aussi dans ce que tu dis pour le quatrième paragraphe, Hofnarr Felder - dans ce cas-là, il me semble en effet que classiquement, par exemple au théâtre, on peut facilement être dans la scission que tu indiques, au niveau sémiotique - d'autant plus que tout le monde peut se décider, par exemple, à jouer Hamlet ou Phèdre, que ce soit en Asie, en Afrique, quelle que soit la couleur, l'ethnie, ou que sais-je encore, évidemment.

Pour le premier aspect, c'est là que se trouve une difficulté que je résumerai simplement ainsi : "au fond, c'est de la fantasy, donc tout est possible". Cela rend d'ailleurs l'univers ou le texte de fantasy beaucoup plus perméable aux variations de l'air du temps, quelles qu'elles soient... Et finalement, tant pis pour l'auteur, y compris lorsqu'il s'est beaucoup préoccupé de cohérence interne.

Hofnarr Felder a écrit :Or la société américaine est divisée, elle souffre de cicatrices graves et vivaces, de fractures toujours systémiques
On peut aussi y ajouter le rapport à l'Histoire et aux fondements culturels, qui explique certaines polémiques ou certains débats qui peuvent d'ailleurs initialement paraître incompréhensibles d'un point de vue français ou européen. Je pense par exemple aux polémiques (régulièrement montées en épingle ou détournées mais qui existent et qui méritent plus d'attention que certaines réactions habituelles, qu'elles viennent de tel bord ou de tel autre) sur la perception et l'enseignement des classics et les humanities, notamment gréco-romains, et en fait Tolkien n'est pas si loin que cela de ces considérations.
Il n'en reste pas moins que la série a aussi une audience globale au-delà des seuls États-Unis et que les questions, du côté du racisme, de la diversité, de la couleur de peau, de la représentativité, ne se posent pas de la même manière partout. Évidemment, il est très fréquent de voir le point de vue américain prédominer dans les productions qui viennent d'Hollywood ou des États-Unis dans un sens large.

Hofnarr Felder a écrit :En tant que producteurs, souhaite-ton que cette série laisse pour compte, dans sa représentation, une frange de la société qui souffre déjà d’être mise à la marge ?
Il n'en reste pas moins que ce genre de question peut finir par devenir obsédant ou paralysant dans la production culturelle de masse (ou dans tout domaine), à introduire de l'exogène dans ce qui devrait prioritairement être artistique. On finit aussi par tomber, à mon avis, dans l'embarras, entre une recherche de représentation compensatrice aussitôt célébrée et saluée de façon un peu automatique et en fait très contestable (cf. la réception contrastée de Black Panther de Marvel), le choix d'introduire de la diversité dans tel domaine/univers où ce n'est pas forcément attendu alors qu'on va traiter différemment un imaginaire rattaché à une culture différente, les accusations de détournement culturel et j'en passe. Sans oublier, d'un autre côté, la question du genre, avec là aussi pas mal de débats. L'actrice jouant Disa célébrait le fait qu'elle incarnait le premier personnage de femme naine dans cet univers et qu'il fallait rétablir l'équilibre, par exemple.
Je vous renvoie à ce tweet par rapport à la notion des Elfes noirs, nouveau régime dans le cadre de la série et du débat occasionné :
https://twitter.com/arondirs/status/1564720336905568258
Ce n'est pas apparemment le fait qu'un acteur joue un Elfe, mais bien qu'un Elfe "de Tolkien" puisse être noir. Le problème étant que si Tolkien fait des Elfes des êtres physiquement marqués par une beauté et un caractère ariel supérieurs à ceux des Hommes, et que si on fait correspondre ça au type physique européen-caucasien-blanc, on peut arriver à un genre de déduction auquel, en réalité, je pense que Tolkien n'avait pas du tout songé... Il y a donc à la fois la question de la représentativité, de la diversité, mais aussi ce genre de question.

Je donne le lien vers une tribune de Michael D. C. Drout parue dans le New York Times :

Please Don’t Make a Tolkien Cinematic Universe

Citation :But not all stories are equally suited to being exploited by studios, and a Middle-earth that’s spread out — “like butter that has been scraped over too much bread,” to quote Bilbo Baggins — may not have the same appeal. [...] And [color=#363636][size=large][font=nyt-imperial, georgia,]there’s a huge gulf between Tolkien’s originality, moral sophistication and narrative subtlety and the culture of Hollywood in 2022 — the groupthink produced by the contemporary ecosystem of writers’ rooms, Twitter threads and focus groups. The writing that this dynamic is particularly good at producing — witty banter, arch references to contemporary issues, graphic and often sexualized violence, self-righteousness — is poorly suited to Middle-earth, a world with a multilayered history that eschews both tidy morality plays and blockbuster gore.
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Elle est intéressante cette tribune du New York Times. Je voudrais réagir à deux phrases :

Citation :Entertainment executives can hardly be blamed for thinking Middle-earth could become just another lucrative “cinematic universe.”
Is it fair to the legacies of writers like Tolkien to build franchises from their works without their knowledge or permission? 

En effet, on voit bien l'intérêt pour une entreprise comme Amazon de faire une série basée sur l'univers de la Terre du Milieu. Et les showrunners peuvent être tout à fait sincères quand ils disent qu'ils veulent être fidèles à Tolkien, mais ils ont forcément des contraintes à respecter pour ce type de méga-production.

Mais le Tolkien Estate ne peut pas ignorer ce que peut donner une série développée par une société commerciale comme Amazon. Alors pourquoi le Tolkien Estate, qui si j'ai bien compris est constitué en partie d'héritiers de Tolkien, et qui est si regardant pour les droits d'auteur, a-t-il donné sa "bénédiction" à cette série ? Si elle trahit l'œuvre de Tolkien, il me semble que ça aurait plus d'impact sur l'image de Tolkien et de ses écrits qu'une obscure cryptomonnaie appelée JRR Token...
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Passé un bon moment devant ces 2 épisodes !

Le plus gros écueil reste l'impression de voir une série qui, en permanence, veut me rappeler qu'elle se déroule en Terre du Milieu alors que mon instinct me dit qu'elle prend place dans un univers indéfini Mr. Green
A part cela, je retiens surtout que c'est visuellement très beau et très réussi, notamment les paysages et les costumes qui sont absolument splendides.
Il ne manque plus que l'histoire se mette en route, car pour le moment, on a surtout eu droit à 2 épisodes qui plantaient le décor (tant l'histoire que les lieux et personnages).

A voir comment évoluera la série donc, mais comme dit en préambule, j'ai passé un bon moment et j'ai hâte de voir la suite !

PS : Je l'ai déjà dit mais je le répète, au cas où. J'ai acté depuis un bon moment que les incohérences vis à vis du légendaire établi par les livres feraient partie de la série donc, pour le moment, j'arrive sans problème à faire abstraction de cela Wink
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(02.09.2022, 16:25)Erin a écrit : Mais le Tolkien Estate ne peut pas ignorer ce que peut donner une série développée par une société commerciale comme Amazon. Alors pourquoi le Tolkien Estate, qui si j'ai bien compris est constitué en partie d'héritiers de Tolkien, et qui est si regardant pour les droits d'auteur, a-t-il donné sa "bénédiction" à cette série ? Si elle trahit l'œuvre de Tolkien, il me semble que ça aurait plus d'impact sur l'image de Tolkien et de ses écrits qu'une obscure cryptomonnaie appelée JRR Token...

Il y a des rumeurs qui semblent aller dans le sens d'un accord entre la Warner et le TE lors du procès de 2012 qui s'est fini à l'amiable. Le Tolkien Estate a reçu un dédommagement et aurait accepté d'ouvrir les droits télévisuels des Appendices, plutôt que d'aller au procès.
What's the point of all this pedantry if you can't get a detail like this right?
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J’ai été agréablement surpris et bien que, comme le disait les anciens Romains : comparaisons n’est pas raison, je rejoins la critique des différents journaux notamment celle de The Guardian

https://amp.theguardian.com/tv-and-radio...ok-amateur


Je n’ai juste pas compris encore ce qu’étaient les chasseurs. Leurs espèces d’ailes sont-elles un camouflage ?
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Photo 
De mon côté, je serai bien plus négatif. Je m’attendais au pire et je n’ai pas été déçu hélas. A part les noms propres des personnages et les cartes de la TdM il n’y a rien de commun entre cette production et Tolkien
Le pauvre ne méritait pas cela, il n’a pas fini de se retourner dans sa tombe !
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Hé bonjour  Very Happy

Ca fait longtemps et je me disais que c'était l'occasion avec la série de repasser vous dire coucou et surtout connaître les impressions de l'élite  Wink .

De mon côté c'est un "mouais, pourvu que ça s'accélère un peu". Je trouve que certaines intrigue aurait pu être raccourcie (voir effacé ?) pour donner plus de place au retour du seigneur des ténèbres.

Certain passage j'ai carrément face palm : 
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A voir la suite.
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Pour répondre à ton spoil, je crois que le géant n’est pas celui que l’on croit
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J'ai beaucoup aimé ces deux épisodes. C'est beau, la musique est chouette, le jeu d'acteur est globalement top. À voir ce que l'histoire va donner sur le long terme, vu que ça va être la grosse interrogation de cette fan-fiction.

Si je devais toutefois avoir deux déceptions, je dirais l'intro qui résume le premier âge, trop court et du pur bulshit, mais bon sans les droits du Silma, j'imagine que c'est dur d'en dire plus. Bon, ça permet de vaguement nommer Morgoth en tant que gros méchant, et que Saumon était son préféré. En soi, ça suffit à lancer l'intrigue.

Et seconde déception, la seule qui m'embête vraiment, c'est Galadriel, vraiment très loin de l'image que j'en avais. Elle passe un peu pour la jeune noob de service alors qu'elle a  sans doute donné le biberon à quasi tous les autres elfes qu'on voit.

Très agréablement surpris par Elrond, toutefois ! Je trouve l'acteur très bon et son rôle est pour l'instant fort interessant. Alors que pourtant j'étais pas convaincu au départ.
J'avais aussi des craintes sur l'aspect visuel, les photos promo etc semblaient montrer un visuel trop lisse, trop propre, et sans âme, mais au final ça rend vraiment bien, et le tout semble parfaitement crédible.
Mention spéciale à Khazad Dum, tout bonnement magnifique.

Pour résumer, j'ai envie de voir la suite, c'est que la série a bien fait le taff Very Happy

Et pour les débats sur la diversité, je n'y ai vu aucun problème. Contrairement à d'autres films/séries actuels, il n'y a pas de forcing et de mise en avant purement idéologiques. Oui Disa est noire, mais elle est avant tout une naine, et c'est la seule chose que l'on voit au final, et la seule chose qui compte. Iidem pour chaque personnage, quel qu'il soit, homme, femme, blanc, noir, etc.
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Cela fait un bout de temps que je n'avais pas mis mon nez ici et je profite de la sortie de cette fameuse série pour le faire ^^

Je viens donc de voir le premier épisode et moi qui ne suis pas un grand "consommateur" de série (et c'est peu dire), je l'ai trouvé très bien. C'est très beau, les acteurs sont bons, je trouve que l'on retrouve bien l'esprit de l'œuvre de Tolkien, dans les limites de ce qu'il est possible de faire aujourd'hui et compte tenu de la nécessité de s'adapter un minimum au public d'aujourd'hui pour rentrer dans les frais monumentaux de cette production.

Je ne m'attendais pas du tout à quelque chose qui colle à l'œuvre du maître (contraintes d'une adaptation, droits qui ne recouvrent que le Hobbit et le SdA etc.), aussi je ne suis pas choqué par les libertés qui ont été prises.

J'ai lu et entendu ici et là des gens se plaindre de la lenteur de ce premier épisode et j'en suis très surpris. Il faut croire que les spectateurs d'aujourd'hui sont habitués à un rythme frénétique car je n'ai pas trouvé ça lent ni ennuyeux. Le premier épisode pose les personnages, le contexte, l'histoire, posément et avec une certaine poésie aussi. Je trouve cela très bien.

Je n'ai pas été choqué par la présence d'acteurs "noirs", je ne vois pas le problème et je me fiche de savoir si c'est "raccord" avec le "lore" (pour reprendre l'insupportable langage de cette logique contemporaine du "fandom"), les acteurs sont bons et j'ai accepté pendant des années que des acteurs blancs jouent des japonais ou des indiens, alors je ne vais certainement pas m'en offusquer. J'aime beaucoup le personnage d'Arondir que je trouve très touchant.

Je trouve étrange ce qui a été fait avec les hobbits dans cet épisode. Je suppose qu'il s'agit de montrer une société hobbit à un autre stade de son "développement" avant la venue du 3e âge, mais, je ne sais pas, j'ai plus l'impression d'être face à quelque chose de nouveau, un nouveau peuple, que face aux hobbits de cette époque (si c'est bien de cela qu'il s'agit). Je ne sais pas comment dire, j'ai trouvé cela très curieux. Peut-être Tolkien a écrit sur le sujet dans des textes tardifs, mais ça ne me dit vraiment rien. C'est probablement une invention et pourquoi pas. Mais... bon, je ne suis pas vraiment convaincu mais ça ne me gêne pas non plus tant que ça. Et puis là aussi les acteurs sont très sympathiques.

Je comprends bien ce qu'ils veulent faire avec Galadriel, la thématique de la vengeance, l'ombre et la lumière, ok, pourquoi pas encore une fois. On retrouve un peu quelque chose du drame grec avec une symbolique presque chrétienne de l'oscillation entre la lumière et les ténèbres, et en cela c'est assez fidèle à l'œuvre de Tolkien, mais je ne voyais pas du tout Galadriel à cet endroit (et je sais que c'est un pan de son histoire totalement inventé). Alors, encore une fois, pourquoi pas, mais c'est une autre Galadriel pour moi. Par contre on imagine son retour dans les Terres du Milieu à la nage et ça, c'est un peu ridicule.

Je ne sais plus si c'est ici, ou ailleurs, que quelqu'un a parlé d'énorme fanfiction. Et oui, il y a de cela, et c'est précisément la raison pour laquelle je suis ok avec ce que je vois. C'est une autre vision, avec des variations, des choix, de la Terre du Milieu et de ses légendes, et je trouve cela très bien.

Dans le fond il s'agit de contiuner avec l'œuvre de Tolkien ce que ce dernier a fait lui-même avec les mythes et les légendes traditionnels. Sa Chute d'Arthur est une lecture personnelle du mythe arthurien et c'est très bien.

Je trouve cela très bien que l'on se rapproprie de tels textes, cela montre qu'ils sont vivants et qu'ils continuent d'être la source de nouvelles créations, qu'ils enrichissent les cultures actuelle et celles à venir.

C'est aussi la raison pour laquelle l'esprit contemporain des "fandom", le respect scrupuleux du "lore", m'agacent au plus haut point quand cela en arrive à une rigidification d'une œuvre autour de ce que l'on imagine son unique "vérité". Tolkien lui-même réécrivait ses textes voire en proposait plusieurs versions. Ne soyons pas plus royaliste que le roi (je ne dis pas qu'il aurait apprécié cette série, ni même qu'il aurait aimé qu'on s'empare de son œuvre de cette manière, mais qu'en se libérant un peu de lui son œuvre marche dans les pas des grands textes fondateurs tel que l'Iliade, ce qui est la marque qu'il a quelque part réussit son projet initial : donner un mythe pour l'Angleterre, a ceci que c'est au monde qu'il l'a offert).

Bref, j'ai bien conscience qu'il ne s'agit pas d'une reproduction "historique" des événements du 2e Âge, et ça n'est pas ce que j'attendais, mais pour le moment ça me plaît.
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"J'ai lu et entendu ici et là des gens se plaindre de la lenteur de ce premier épisode et j'en suis très surpris. Il faut croire que les spectateurs d'aujourd'hui sont habitués à un rythme frénétique car je n'ai pas trouvé ça lent ni ennuyeux. Le premier épisode pose les personnages, le contexte, l'histoire, posément et avec une certaine poésie aussi. Je trouve cela très bien."

Pour comparer avec "GOT House of the dragon" et ça sera ma seul comparaison entre ces deux série ne vous inquiétez pas, GOT pose les bases en 2 épisodes mais en bien mieux écrit et rythmé (de mon point de vue) je n'ai pas vu le temps passer. 

Ici dans ROP y a un soucis de découpage j'ai l'impression que les deux premiers épisodes auraient pu tenir en un seul et je me surprenais à mettre pause pour voir combien de temps il restait, mais je sais pas c'est peut être moi.

Et j'anticipe tout de suite, GOT et ROP n'ont pas les mêmes auteurs et donc la même écritures. Qu'il n'y ai pas de sexe ou de gore dans ROP me convient très bien car ce n'est pas le style de Tolkien et là dessus la série est très bien pour l'instant.

Voilà c'était juste pour comparer la construction des épisodes de ces deux séries.
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J'ai regardé à mon tour (au passage c'était la première série que je regardais avec ma femme depuis que mon fils est né il y a plus de trois ans donc rien que pour ça j'étais content!).

C'était sympathique, un peu comme je l'imaginais, quoique un peu trop mou du genou à mon goût (il faut dire que je suis habitué à regarder les séries Marvel qui sont beaucoup plus vives et rythmées). Cela me fait beaucoup penser à LA grande série fantasy de ces dernières années, du moins pour moi, à savoir Dark Crystal: Age of Resistance, que j'ai trouvée beaucoup plus magique et enchanteresse. Là encore, il s'agit d'une préquelle pour donner à voir la "naissance du mal", donc les similitudes thématiques sont fortes. En tout cas, pour le moment, je préfère nettement Dark Crystal. Ce qui ne veut pas dire que je n'ai pas apprécié regarder ces deux épisodes.

S'il y a vraiment un point qui m'a gêné, c'est le traitement du voyage à Valinor, considéré ici comme une récompense octroyée par les pouvoirs séculaires, ce qui me paraît complètement en contre-sens avec le sens du "retour à Aman" tel qu'il apparaît dans l’œuvre originale.
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Oui, c'est vrai, ce voyage à Valinor n'a pas beaucoup de sens.

En ce qui concerne le rythme, ne regardant que très très peu de série je ne suis pas bon juge, et puis j'ai une tolérance à la lenteur au cinéma très élevée.
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(04.09.2022, 13:55)Hofnarr Felder a écrit : J'ai regardé à mon tour (au passage c'était la première série que je regardais avec ma femme depuis que mon fils est né il y a plus de trois ans donc rien que pour ça j'étais content!).

C'était sympathique, un peu comme je l'imaginais, quoique un peu trop mou du genou à mon goût (il faut dire que je suis habitué à regarder les séries Marvel qui sont beaucoup plus vives et rythmées). Cela me fait beaucoup penser à LA grande série fantasy de ces dernières années, du moins pour moi, à savoir Dark Crystal: Age of Resistance, que j'ai trouvée beaucoup plus magique et enchanteresse. Là encore, il s'agit d'une préquelle pour donner à voir la "naissance du mal", donc les similitudes thématiques sont fortes. En tout cas, pour le moment, je préfère nettement Dark Crystal. Ce qui ne veut pas dire que je n'ai pas apprécié regarder ces deux épisodes.

Ah, c'est le JOUR et la NUIT (et ce indépendamment des thématiques tolkieniennes). Dark Crystal était une réussite à tous les niveaux.
Oyez Elfes, vous tous, oyez ! Qu'on ne dise plus jamais des Nains qu'ils sont cupides et désobligeants ! Galadriel
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