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Bonjour à tous,
Je suis actuellement en train de lire les lettres de Tolkien. Elles sont passionnantes et souvent drôles.
Il y aurait beaucoup à dire (et je n'en suis rendu qu'à la moitié), mais voilà, une m'a particulièrement frappée, non qu'elle soit la plus riches en informations diverses, mais parce qu'elle contient un petit passage qui m'a beaucoup étonné. Jugez plutôt :
183. Note concernant la critique du Retour du Roi faite par Auden p. 258 (Pocket) [238] (édition anglaise)
Citation :Dans mon histoire, je ne parle pas du Mal Absolu. Je ne crois pas qu'il existe une telle chose, puisqu'elle équivaut au Zéro. Je ne crois pas en tout cas qu'aucun être rationnel soit totalement malfaisant. Satant a chuté. Dans ma mythologie, Morgoth a chuté avant la création du monde physique. Dans mon histoire Sauron représente ce qui s'approche aussi près que possible de la volonté totalement malfaisante. Il a suivit le chemin de tous les tyrans : commençant bien, du moins dans le sens que, tout en souhaitant ordonner toute chose en fonction de son propre jugement, il prenait encore en compte, au début, le bien-être (économique) des autres habitants de la Terre. Mais il est allé plus loin que les tyrans humains dans son orgueil et son désir de domination, étant à l'origine un esprit immortel (angélique. Note : de même nature que Saruman et Gandalf, mais d'un ordre bien supérieur.). Dans le Seigneur des Anneaux, le conflit ne concerne pas foncièrement la liberté, bien que naturellement elle soit en jeu. Il concerne Dieu, et Son droit unique à la vénération divine. Les Eldar et les Numenoréens croyaient en l'Unique, le Dieu véritable, et considéraient que tout culte rendu à une autre personne était une abomination. Sauron souhaitait être un Dieu-roi, et était vu comme tel par ses serviteurs. S'il avait été victorieux, il aurait exigé de toutes les créatures rationnelles cette vénération divine, et un pouvoir temporel absolu sur le monde entier.
Sur le fond "théologique", il n'y a rien de fondamentalement étonnant. Que le Mal Absolu n'existe pas chez Tolkien, c'est une évidence pour toute personne qui connaît l'opposition profonde qui existe entre le catholicisme et le manichéisme.
Il y a dans le catholicisme identification de l'Être, de Dieu et du Bien. Ce qui est est bon, et ce qu'il y a de mauvais n'est mauvais que par privation du bien, et non par participation à un Mal Absolu qui n'a pas d'être, qui n'est pas, qui n'existe.
Les manichéens pensaient au contraire l'existence de deux "entités", une du Bien et une du Mal.
Satan est déchu, c'est-à-dire qu'il a été bon, mais il a refusé Dieu, il a voulu être son propre maître et s'est donc privé de lui-même de la source de tout bien (il reste que Satan existe et est donc participant en cela, en tant que créature, du Bien.).
Au fond, c'est aussi le cas de Morgoth. S'il tombe bien vite dans le légendaire de Tolkien, il reste que Morgoth n'était pas toujours habité par de mauvaises intentions, mais sa volonté d'être Créateur l'a totalement corrompu jusqu'à n'être quasiment plus qu'un destructeur.
Car si le Bien peut-être foncièrement assimilé à l'Être, c'est en ce sens que créer est en soi un acte d'amour, et qu'un désir de création qui se coupe de la source du Bien par orgueil ne peut, in fine, qu'aboutir à la destruction.
Donc, sur ce plan, ce texte ne révèle rien qu'un peu de connaissance de la théologie catholique et de la vie de Tolkien ne permettaient de voir immédiatement à la lecture du Silmarillon (Eru fait "advenir à l'être" dans le Silmarillon, c'est de la pure terminologie thomiste !) et du Seigneur des Anneaux.
En revanche ce qui m'a personnellement frappé, c'est cette phrase :
" Dans le Seigneur des Anneaux, le conflit ne concerne pas foncièrement la liberté, bien que naturellement elle soit en jeu. Il concerne Dieu, et Son droit unique à la vénération divine."
Car enfin on peut toujours reconnaître comme évident que Sauron est une figure de Satan voulant être un dieu parmi les hommes et être maître du monde (Tolkien parle de "pouvoir temporel", le propos est précis. Le pouvoir spirituel n'appartient qu'à Dieu. Sauron ne peut donc pas l'obtenir.)
Il reste que cette phrase, si elle ne change pas le "fond théologique" qui structure l'œuvre de Tolkien, éclaire en revanche (pour moi du moins qui découvre cette lettre) d'une lumière nouvelle, ma lecture du Seigneur des Anneaux.
Je n'avais jamais lu le Seigneur des Anneaux comme le récit de la lutte pour le droit unique à la vénération due à Dieu (Eru). Mais plutôt, comme Tolkien le remarque, comme celui de la lutte pour la préservation de la liberté contre un être qui, c'est manifeste, se prend pour un dieu.
L'éclairage est vraiment différent, le récit s'épaissit d'une dimension qui le rattache directement au mythe de Numénor.
Qu'en pensez-vous ? Est-ce selon-vous une phrase qui peut être au fond "anecdotique", ne relever que d'une impression de Tolkien sur son œuvre à un moment précis, ou au contraire une "révélation" de l'un des sens profond du Seigneur des Anneaux ?
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Tout ça est très profond. Et Tolkien en parle: "le droit unique de Dieu à la vénération divine". (Merci de présenter cette citation). C'est pour cela que le mot "adorer" ne s'adresse qu'à Dieu dans le catholicisme, dans son sens premier "Tu adoreras ton Dieu" premier des dix commandements, et je me le suis fait dire déjà par une très pratiquante catholique, car je l'employais pour dire qu'on adore quelque chose qu'on aime. J'ai arrêté d'utiliser ce mot à toutes les sauces depuis, même s'il a aussi un sens figuré.
Voilà pourquoi Numenor à eu ce destin tragique. Numenor n'a pas été détruit pour rien : ses rois ont profané le premier des dix commandements. Ils ont cru qu'ils pourraient devenir dieu. Peut-être que je réalise plus ce soir la portée de ce message qu'avant.
Pour moi, tel que je comprends Tolkien, ce n'est aucunement anecdotique, parce que Tolkien connaissait la profondeur et le sens de sa religion. Lorsqu'il était étudiant, il a fait énormément de recherches sur le catholicisme et c'est comme cela, qu'un jour, il a découvert le poème sur Éarendel et que tout s'est enclenché par la suite.
Un des plus grands thèmes de Tolkien et le plus noble.
Une opinion !
Bonne nuit !
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(01.10.2013, 06:24)Ingieris a écrit : et je me le suis fait dire déjà par une très pratiquante catholique, car je l'employais pour dire qu'on adore quelque chose qu'on aime. J'ai arrêté d'utiliser ce mot à toutes les sauces depuis, même s'il a aussi un sens figuré.
Ça sonne bien extrême à mes oreilles quand même ce genre de remarques.
De même que je ne suis pas spécialement fan de l'expression "adorer son Dieu" qui est une forme de soumission pas très rationnelle ; mais là n'est pas le propos.
Je ne considère pas le Seigneur des Anneaux comme le récit de la lutte pour le droit unique à la vénération due à Dieu. Les Elfes peut-être, combattent Sauron pour ce droit, mais pour moi le Gondor, qui est le voisin du Mordor, fait cette guerre pour la protection de son peuple et sans doute pour le Mal qu'a causé Sauron à Numénor. De même que les Nains qui sont plutôt centrés sur leur propre vie, ont fait la guerre aux Orcs et Gobelins pour le maintien de leurs royaumes.
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Dans numenor, sauron a deja commencé un culte pour morgoth que les fideles refusaient et eux ila etaient pour l'adoration d'Eru seulement et on n'oublie pas que les rois de Gondor et d'Arnor proviennent directement de ces fideles là. Donc je les vois bien combattant sauron afin de preserver leur foi et ne pas revenir aux faits qui ont precedé la chute de numenor (adoration de morgoth, sacrifices humains...)
Sinon j'ai ete attiree par une autre phrase dans la citation de Tolkien : sauron est de la meme nature que gandalf et saruman mais d'un ordre inferieur. Mais les trois restent des Maiar non?
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01.10.2013, 13:06
(Modification du message : 01.10.2013, 13:15 par Faerestel.)
Je pense qu'il faut distinguer ce qui est en filigrane dans le roman, soit, selon Tolkien, la préservation du culte d'Eru, et les motivations plus conjoncturelles des peuples et personnages.
C'est pour cette raison, parmi d'autres, que je considère Tolkien comme un mystique plus que comme un prédicateur prosélyte malgré la ferveur de sa foi. Si, pour ne parler que de ce livre, le Seigneur des Anneaux avait été un appel permanent à se rendre à la messe, il n'aurait pas eu le succès qui est le sien. Un succès dû à ces nombreux niveaux de lecture et d'analyses.
D'ailleurs dans le SdA il n'est jamais question de culte. Et pour autant que je le sache, la seule véritable mention à un culte s'inscrit dans l'histoire de Numenor.
En ce qui concerne les Maiar, et au-delà de la citation particulière concernant Gandalf, Saruman et Sauron, il semble que certains peuvent être nantis de pouvoirs plus importants que les autres sujets de cette nature. Il suffit de penser à Ossë, à Melian ou au Balrog, que Gandalf ne peut vaincre, comme des Elfes avant lui (Echtelion et Glorfindel), sans y perdre son corps physique.
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(01.10.2013, 12:07)Arwen a écrit : Sinon j'ai ete attiree par une autre phrase dans la citation de Tolkien : sauron est de la meme nature que gandalf et saruman mais d'un ordre inferieur. Mais les trois restent des Maiar non?
D'un ordre supérieur, tu veux dire ?
Je comprends que Tolkien sous-entend par là que Sauron est un des plus puissants des Maiar, comme Melkor était le plus puissant des Valar. D'où le fait que Gandalf ou Saruman n'auraient pu le vaincre en confrontation directe que s'ils avaient eu l'Anneau Unique en leur possession.
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merci pour la correction Elendil ^^''
... et pour la reponse
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Merci Miura-Fingolfin pour ta remarque. En fait, c'est très personnel, et pas aussi extrême que tu peux le penser, je fais la part des choses.
Le but de Tolkien d'écrire le SDA n'était pas d'amener ses lecteurs à l'église; plutôt d'écrire une suite, qui il me semble le hantait vu le succès inattendu du Hobbit, en y ajoutant de la profondeur en passant par certaines dimensions du Silmarillion, (trop déçu de ne pouvoir faire éditer sa grande œuvre qu'est le Sil.)
Numenor amèna ce lien de vénération pour Eru et sera détruit de ne pas l'avoir respecté, ce qui restera unique dans l'oeuvre. Mais qui sait justement si les descendants de Numenor, ceux du Gondor en particulier, ne gardent pas en filigrane dans leurs pensées ce souvenir de vénération perdue pour Eru, quand il combattent Sauron.
Est-ce que Tolkien parlerais quelque part de cela ?
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02.10.2013, 11:23
(Modification du message : 04.10.2013, 20:46 par Peredhel.)
Je pense qu'en l'occurrence il s'agit d'une remarquable utilisation du principe d'applicabilité (du moins tel que je le comprends). Comme le fait remarquer Faerestel il n'y a pas de cérémonies religieuses dans le Seigneur des Anneaux. Ce qui s'en rapproche le plus, à mon sens, est cependant souvent lié à Numenor (le "regard vers l'Ouest" à Henneth Annûn ou le couronnement d'Aragorn).
(je parle ici de cérémonies "laïques" en TdM qui se rapprochent de pratiques religieuses et pas des passages du livre qui se rapproche de thème chrétiens comme le partage du pain ou le pardon)
Le thème de la liberté est beaucoup plus perceptible du coup et, pour les athées comme moi et Miura, il devient le thème principal. Mais j'imagine qu'aux yeux d'un catholique fervent comme Tolkien la liberté de croire est primordiale et évidente face à un Dieu-Roi comme Sauron.
Sans idéaliser le personnage c'est (à mes yeux) une grande vertu de son œuvre maîtresse que de reléguer la religion dans un arrière-plan flou fait de valeurs et de symboles, qui parlent à tous ceux qui ont une culture chrétienne, voire au-delà, sans se faire le parangon d'un prosélytisme actif.
A mes yeux la Guerre de l'Anneau prend effectivement forme de "guerre sainte" par beaucoup d'aspects mais est une guerre qui transcende le catholicisme et le christianisme, voire apparemment la religion.
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(02.10.2013, 11:23)Peredhil a écrit : Je pense qu'en l'occurrence il s'agit d'une remarquable utilisation du principe d'applicabilité (du moins tel que je le comprends). Comme le fait remarquer Faerestel il n'y a pas de cérémonies religieuses dans le Seigneur des Anneaux. Ce qui s'en rapproche le plus, à mon sens, est cependant souvent lié à Numenor (le "regard vers l'Ouest" à Henneth Annûn ou le couronnement d'Aragorn).
[...]
Le thème de la liberté est beaucoup plus perceptible du coup et, pour les athées comme moi Miura, il devient le thème principal. Mais j'imagine qu'aux yeux d'un catholique fervent comme Tolkien la liberté de croire est primordiale et évidente face à un Dieu-Roi comme Sauron.
Sans idéaliser le personnage c'est à mes yeux une grande vertu de son œuvre maîtresse (à mes yeux) que de reléguer la religion dans un arrière-plan flou fait de valeurs et de symboles, qui parlent à tous ceux qui ont une culture chrétienne, voire au-delà, sans se faire le parangon d'un prosélytisme actif.
Tout à fait d'accord avec toi. On sait d'ailleurs que Tolkien était assez critique du Monde de Narnia, de C.S. Lewis, dans lequel il trouvait que les thèmes chrétiens étaient beaucoup trop transparents et que cela en faisait une œuvre didactique, purement allégorique, plutôt qu'un vrai conte de fées au sens où Tolkien l'entendait.
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03.10.2013, 01:41
(Modification du message : 03.10.2013, 01:42 par Hisweloke.)
(02.10.2013, 11:23)Peredhil a écrit : Comme le fait remarquer Faerestel il n'y a pas de cérémonies religieuses dans le Seigneur des Anneaux. Ce qui s'en rapproche le plus, à mon sens, est cependant souvent lié à Numenor (le "regard vers l'Ouest" à Henneth Annûn ou le couronnement d'Aragorn).
Avec toutes les nuances utiles, se rappeler néanmoins que les Elfes (en particulier, pour le SdA, Gildor et sa troupe, mais aussi Arwen chez Elrond) chantent des hymnes à Varda / Elbereth, « cela et d'autre références à la religion dans le SdA sont souvent oubliées » (Tolkien dans RGEO).
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03.10.2013, 10:37
(Modification du message : 03.10.2013, 10:39 par jbbourgoin.)
En ce qui concerne la volonté de Tolkien de ne pas "parler de religion", de ne pas faire "oeuvre didactique", c'est une absolue certitude, c'est un fait et il le confirme de lui-même à plusieurs reprises.
Cependant, il y a une petite chose qui n'est pas comprise je pense. Et je crois qu'elle est difficilement compréhensible quand on n'est pas chrétien. C'est la notion de "culte", ou même "d'adoration".
Le culte chrétien n'est pas qu'un rituel "administratif", c'est avant toute chose un acte de la volonté et du coeur manifestant l'amour que nous portons réellement au Créateur. Ce culte est "codifié" (en réalité il est assez souple) car à l'amour de Dieu il faut donner une réponse juste, et la liturgie est la réponse juste et construite au fil du temps par le peuple chrétien lui-même : le Christ le dit, nous sommes tous rois et prêtres. C'est historiquement très concret : la liturgie catholique s'est constitué culturellement de manière locale et par les communauté de fidèles. Les "réformes" liturgiques n'ont été qu'un nettoyage successif de cette "création culturelle" multi-millénaire, afin que la liturgie soit unifiée (et représenter ainsi toute l'Eglise priant d'une même voix), soit purifié des éléments hétérodoxes (qui répondent improprement à l'amour de Dieu) et soit nettoyée des alourdissements successifs du temps.
Bref, tout cela pour dire que l'expression de l'amour pour le Créateur, qui est la liturgie même, n'est pas liée directement à celle de la mission évangélique. Quand bien même il y aurait eu des formes de cultes dans le SdA, cela n'aurait pas pour autant constituer un "appel à la messe".
Le fond de la liturgie c'est la prière (la réponse de l'homme à l'amour de Dieu) et les sacrements (la réponse de Dieu à l'amour des hommes). Et l'importance des sacrements pour Tolkien affleure dans le SdA (le lembas ou les cadeaux de Galadriel par exemple).
La réaction naturelle d'un athée, aujourd'hui, et de percevoir toute forme d'allusion, consciente ou inconsciente, voir d'expression directe de la foi comme une forme d'atteinte à la liberté et/ou comme une forme de prosélytisme.
Ca n'est pas le cas. Quand Tolkien dit que la lutte contre Sauron et une lutte pour la préservation de l'adoration du seul vrai Dieu, il ne s'agit ni de prosélytisme, ni de culte administratif. Il ne fait que dire ce qui est pour lui une évidence et une vérité qui transcende tout récit : l'homme se perd et perd sa propre liberté s'il adore (au sens d'aimer comme on aime la source de tout amour) autre chose que Dieu. C'est l'idolâtrie.
Tolkien raconte une histoire en des temps imaginaires, sur une terre qui est la notre. Et son histoire dit des choses vraies. Pour lui la liberté a un certains sens précis, et son histoire rend compte de cela. Je crois que c'est cela, tout simplement.
Il est absolument évident, et normal, que le lecteur s'approprie le conte. Et c'est la force du conte justement. Il est normal qu'un athée ne fasse pas le lien entre la fausse adoration, l'esclavage et la domination des choses mauvaises dans le SdA. Il aimera voir dans le récit une lutte contre l'esclavage, et pas autre chose.
Mais c'est une chose de s’approprier une oeuvre, c'en est une autre d'essayer de comprendre ce que l'auteur à voulu dire.
Dans mon message je ne voulais pas discuter de l'appropriation que l'on se fait d'une oeuvre, cela relève de la liberté et des convictions de chacun, et il n'y a rien de mal à cela.
Dans mon message je voulais simplement étudier une partie de ce que Tolkien a voulu dire, et en cette affaire, nous ne pouvons pas complètement mettre de côté ce que nous ne partageons pas, comme convictions, avec lui.
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Citation :A mes yeux la Guerre de l'Anneau prend effectivement forme de "guerre sainte" par beaucoup d'aspects mais est une guerre qui transcende le catholicisme et le christianisme, voire apparemment la religion.
Je ne suis pas sûr que "transcender" soit le terme adéquat, mais que cette s'abstrait des questions religieuses (au sens actuel, dans ce monde-ci), c'est une certitude.
Tolkien a bien perçu la force du conte en cet endroit (sa détestation de l'allégorie).
Je crois aussi qu'il a fondamentalement raison. Si on veut écrire sur le christianisme, on écrit sur le christianisme (ou autre sujet).
Finalement, intégrer des références implicites, non dites, mais directes et conscientes et structurelles à des éléments précis d'une religiosité (ou autre) étrangère au monde ou à l'époque que l'on raconte, c'est une forme d'entourloupe. C'est pas honnête.
En revanche, et c'est là où peut-être nous divergerons, je pense que Tolkien a intégré naturellement des éléments fondamentaux de sa foi qui ne sont pas dissociables de la réalité essentielle de l'histoire qu'il raconte.
Tolkien raconte l'histoire du mal qui émerge d'une créature qui se prend pour le Créateur car cela est pour lui une vérité qui concerne tout le monde, quelque soit le temps et l'époque.
La vérité est pour lui pleinement dans le christianisme. Mais il raconte une histoire qui se déroule bien avant la Révélation chrétienne, il n'y a donc pas lieu de parler de christianisme. Mais la vérité, pour lui, c'est aussi qu'il y a un Créateur. Et c'est la raison pour laquelle Tolkien n'hésite pas construire sa "genèse" sur Eru, l'Unique. La vérité c'est que l'adoration d'un sub-créateur est une idolâtrie mortifère pour toute créature et c'est la raison pour laquelle Sauron doit être vaincu.
Au final, il y a de vrais "affirmations" dans son oeuvre (comment pourrait-il en être autrement), mais la "liberté d'interprétation" laissée aux lecteurs athées (ou autres), et qui est somme toute relative (le Commencement avec Eru est significatif), est liée directement à l'époque à laquelle se situe l'histoire.
Dans tout les cas tout cela ne me semble pas lié à la question du "prosélytisme". C'est la question de la vérité qui est en jeu, ce qui est vrai pour Tolkien et qui ne pouvait pas ne pas faire partie de son oeuvre sans qu'il mente.
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(03.10.2013, 10:37)jbbourgoin a écrit : C'est historiquement très concret : la liturgie catholique s'est constitué culturellement de manière locale et par les communauté de fidèles. Les "réformes" liturgiques n'ont été qu'un nettoyage successif de cette "création culturelle" multi-millénaire, afin que la liturgie soit unifiée (et représenter ainsi toute l'Eglise priant d'une même voix), soit purifié des éléments hétérodoxes (qui répondent improprement à l'amour de Dieu) et soit nettoyée des alourdissements successifs du temps.
C'est oublier que
1) le catholicisme est lui-même hétérodoxe (voir la discussion sur la trinité). L'organisation de la liturgie n'est qu'affaire d'hommes si je puis dire.
2) l'unification des rites c'est faite sous l'impulsion du politique (Nicée en 325 le "consacrant" religion d'Etat) et à des fins politiques tout au long des 1500 ans qui suivirent.
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Je ne souhaite pas entrer dans ce débat qui n'a pas sa place sur ce fil de discussion.
Je ne suis pas du tout d'accord avec ce que vous dites. On peut discuter du filioque, pourquoi pas, mais vous passez totalement à côté de la question liturgique.
De toute manière revenir sur cela serait trop long et ferait gravement dévier le sujet. J'ai parlé de liturgie car le sujet a été levé par rapport aux textes de Tolkien, et je souhaitais essayer de faire entendre ce qu'était la liturgie pour un catholique et en quoi la question du culte telle qu'elle commençait à se poser semblait rendre compte avec difficultés des intentions de Tolkien dans le SdA.
J'espère ne pas vous blesser en ne souhaitant pas poursuivre cette discussion. Sur un autre forum, pourquoi pas, mais ici ça n'a pas sa place.
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04.10.2013, 22:45
(Modification du message : 04.10.2013, 22:50 par Peredhel.)
(03.10.2013, 10:37)jbbourgoin a écrit : Le fond de la liturgie c'est la prière (la réponse de l'homme à l'amour de Dieu) et les sacrements (la réponse de Dieu à l'amour des hommes). Et l'importance des sacrements pour Tolkien affleure dans le SdA (le lembas ou les cadeaux de Galadriel par exemple).
Je perçois ce que tu veux dire. Mais si Frodo en appelle à son créateur de façon "explicite" pour un chrétien pratiquant ça n'est pas dit dans le texte. A ce niveau il s'agit bien d'une interprétation, cohérente avec la vision de l'auteur mais qui n'est pas "contenue" à proprement parler dans le texte. Ce que tu dis apporte une explication sur la construction que fait Tolkien dans le texte, puisqu'il respecte cette définition volontairement, mais pas sur l’œuvre prise séparément de son auteur.
(03.10.2013, 10:37)jbbourgoin a écrit : La réaction naturelle d'un athée, aujourd'hui, et de percevoir toute forme d'allusion, consciente ou inconsciente, voir d'expression directe de la foi comme une forme d'atteinte à la liberté et/ou comme une forme de prosélytisme.
C'est une généralisation facile et fausse sur l'atteinte à la liberté, je ne considère pas en lisant la Bible que les auteurs portent atteinte à ma liberté. Sur le prosélytisme (qui est un acte militant pas une atteinte à la liberté) oui je suis d'accord, et il ne s'agit pas d'athéisme. A partir du moment où l'on décrit haut et fort un système de valeur ou de croyances c'est très souvent pour emporter l'adhésion et convaincre. C'était d'ailleurs l'objectif de Lewis et ce que Tolkien lui reprochait comme le rappelait Elendil.
(03.10.2013, 10:37)jbbourgoin a écrit : Ca n'est pas le cas. Quand Tolkien dit que la lutte contre Sauron et une lutte pour la préservation de l'adoration du seul vrai Dieu, il ne s'agit ni de prosélytisme, ni de culte administratif. Il ne fait que dire ce qui est pour lui une évidence et une vérité qui transcende tout récit : l'homme se perd et perd sa propre liberté s'il adore (au sens d'aimer comme on aime la source de tout amour) autre chose que Dieu. C'est l'idolâtrie.
Oui mais il donne ici la lecture personnelle qu'il fait de son œuvre, elle apporte un éclairage mais rappelle aussi que c'est par un acte volontaire qu'il a rejeté la présence ouverte de la religion de son livre.
Je ne t'apprendrais rien en disant que l'écrivain n'est pas propriétaire de son livre, de la même façon que certains critiques perçoivent dans une œuvre des symboliques qui n'étaient pas voulues (ou du moins pas consciente) chez l'auteur.
(03.10.2013, 10:37)jbbourgoin a écrit : Mais c'est une chose de s’approprier une œuvre, c'en est une autre d'essayer de comprendre ce que l'auteur à voulu dire.
(...)
Dans mon message je voulais simplement étudier une partie de ce que Tolkien a voulu dire, et en cette affaire, nous ne pouvons pas complètement mettre de côté ce que nous ne partageons pas, comme convictions, avec lui.
Effectivement, le problème c'est que tu semble penser que la vérité de l'auteur prime alors que Tolkien a justement fait le choix de ne pas imposer sa vérité au lecteur au détriment de la qualité littéraire de son œuvre.
(03.10.2013, 10:54)jbbourgoin a écrit : Je ne suis pas sûr que "transcender" soit le terme adéquat.
Si. Dans la théologie chrétienne il a certes un sens plus restreint mais moi mon langage c'est la langue française.
(03.10.2013, 10:54)jbbourgoin a écrit : Finalement, intégrer des références implicites, non dites, mais directes et conscientes et structurelles à des éléments précis d'une religiosité (ou autre) étrangère au monde ou à l'époque que l'on raconte, c'est une forme d'entourloupe. C'est pas honnête.
En revanche, et c'est là où peut-être nous divergerons, je pense que Tolkien a intégré naturellement des éléments fondamentaux de sa foi qui ne sont pas dissociables de la réalité essentielle de l'histoire qu'il raconte.
Bien au contraire, j'en suis tout à fait conscient.
Le catholicisme de Tolkien est une composante indissociable de l'écriture du Seigneur des Anneaux et de la création de la Terre du Milieu, je suis d'accord. Néanmoins la compréhension du christianisme n'est pas nécessaire pour appréhender la Terre du Milieu, seulement pour appréhender le processus de création de cet univers par Tolkien ce qui est différent.
Tu as tout à fait raison quand tu dis que c'est une erreur de penser que Tolkien n'est pas honnête et sincère lorsqu'il introduit des références chrétiennes dans son livre. Il est évident qu'il s'agit juste pour lui d'associer des valeurs qu'il considère comme positives à des personnages positifs du roman, comme n'importe quel auteur, on est bien loin de délivrer un message argumenté.
(03.10.2013, 10:54)jbbourgoin a écrit : Et c'est la raison pour laquelle Tolkien n'hésite pas construire sa "genèse" sur Eru, l'Unique.
La vérité c'est que l'adoration d'un sub-créateur est une idolâtrie mortifère pour toute créature et c'est la raison pour laquelle Sauron doit être vaincu.
Tu oublie un fait essentiel : l'Ainulindalë n'est pas dans le Seigneur des Anneaux et n'a jamais été publié du vivant de Tolkien. Tolkien ne parle jamais directement du créateur dans le SdA et celui-ci n'apparaît qu'en filigrane, la réalité de la Providence n'est par exemple jamais affirmée, seulement suggérée (par Gandalf notamment). Partant de là Sauron s'affirme certes comme un Dieu créateur (et pas "sub-créateur" puisqu'il nie l'existence même du créateur comme le faisait Morgoth) et l'on peut penser selon son bon vouloir que c'est l'adoration d'un sub-créateur que condamne le Sda mais aussi simplement l'adoration tout court.
Bref j'aime toujours lire un chrétien, catholique de surcroit, expliquer tel ou tel point de l’œuvre. Le Seigneur des Anneaux est un ouvrage "chrétien" indubitablement, puisque écrit par un chrétien pour qui la foi joue un rôle majeur et donc en tant qu'athée n'ayant une connaissance que limitée du christianisme et un rapport uniquement culturel à la religion c'est souvent instructif. Mais tu tente de prouver que si l'interprétation autre que Catholique du Seigneur est un "droit" elle reste tout de même une erreur. C'est donner une lecture unique à une œuvre que Tolkien a justement jugé bon de débarrasser de toute lecture unique éventuelle.
Tu passe justement à coté du concept pour moi.
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(03.10.2013, 10:37)jbbourgoin a écrit : Le fond de la liturgie c'est la prière (la réponse de l'homme à l'amour de Dieu) et les sacrements (la réponse de Dieu à l'amour des hommes). Et l'importance des sacrements pour Tolkien affleure dans le SdA (le lembas ou les cadeaux de Galadriel par exemple).
Je perçois davantage les présents de Galadriel comme des cadeaux d'adieu ou plus exactement, comme une aide qu'elle apporte aux membres de la Communauté. Si elle donne la Fiole à Frodon, c'est parce qu'elle pressent qu'il en aura besoin dans son parcours à travers les ténèbres.
Il y a bien quelque chose de cérémoniel, mais rien de sacré. Par le passé les Elfes ont aussi offert des présents à d'autres, en cas de besoin ou de reconnaissance.
(03.10.2013, 10:37)jbbourgoin a écrit : La réaction naturelle d'un athée, aujourd'hui, et de percevoir toute forme d'allusion, consciente ou inconsciente, voir d'expression directe de la foi comme une forme d'atteinte à la liberté et/ou comme une forme de prosélytisme.
Comme le dit Peredhil c'est une généralisation que tu nous fais là. Je précise, pour ma part, que je suis plutôt agnostique et j'ai été élevé dans une famille purement chrétienne et pratiquante. Je suis loin d'être étranger à la religion (et en fait ça m'arrive d'aller encore à la messe).
(03.10.2013, 10:37)jbbourgoin a écrit : Ca n'est pas le cas. Quand Tolkien dit que la lutte contre Sauron et une lutte pour la préservation de l'adoration du seul vrai Dieu, il ne s'agit ni de prosélytisme, ni de culte administratif. Il ne fait que dire ce qui est pour lui une évidence et une vérité qui transcende tout récit : l'homme se perd et perd sa propre liberté s'il adore (au sens d'aimer comme on aime la source de tout amour) autre chose que Dieu. C'est l'idolâtrie.
Adorer "Dieu" est aussi une forme d'idolâtrie, même si c'est un peu plus profond que ça. Preuve en est avec cette "très pratiquante catholique" dont parlait Ingieris qui lui reprochait d'employer le terme adorer pour autre chose que Dieu. Pour moi ce genre de remarque est très grave par rapport à la liberté d'expression.
(03.10.2013, 10:37)jbbourgoin a écrit : Il est absolument évident, et normal, que le lecteur s'approprie le conte. Et c'est la force du conte justement. Il est normal qu'un athée ne fasse pas le lien entre la fausse adoration, l'esclavage et la domination des choses mauvaises dans le SdA. Il aimera voir dans le récit une lutte contre l'esclavage, et pas autre chose.
Là encore c'est une généralisation de l'athée, sorte d'énergumène qui ne comprend rien et qui rejette tout ce qui semble le transcender.
Le lecteur s'approprie le conte, c'est vrai. On a chacun notre propre point de vue sur le SdA. Certains mêmes y voient un livre érotique...
(--> ce sujet de discussion )
(03.10.2013, 10:37)jbbourgoin a écrit : Mais c'est une chose de s’approprier une oeuvre, c'en est une autre d'essayer de comprendre ce que l'auteur à voulu dire.
Pour ma part j'y vois surtout une oeuvre monumentale sur un univers unique et extrêmement détaillé et cohérent, inspiré en grande partie des contes anglo-saxons & scandinaves (je me trompe ?), par un homme qui écrit surtout par passion.
S'il y a implicitement du contenu religieux je dirais "Ok pourquoi pas, Tolkien était un fervent catholique, la religion aurait pu l'inspirer inconsciemment", mais je pense que s'il y avait une réelle volonté d'inclure une notion de culte ou de religion dans son univers, tout l'aspect magique qui fait la beauté de ses livres s'en trouverait amoindri, voire anéanti.
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(04.10.2013, 22:45)Peredhil a écrit : (03.10.2013, 10:37)jbbourgoin a écrit : Le fond de la liturgie c'est la prière (la réponse de l'homme à l'amour de Dieu) et les sacrements (la réponse de Dieu à l'amour des hommes). Et l'importance des sacrements pour Tolkien affleure dans le SdA (le lembas ou les cadeaux de Galadriel par exemple).
Je perçois ce que tu veux dire. Mais si Frodo en appelle à son créateur de façon "explicite" pour un chrétien pratiquant ça n'est pas dit dans le texte. A ce niveau il s'agit bien d'une interprétation, cohérente avec la vision de l'auteur mais qui n'est pas "contenue" à proprement parler dans le texte. Ce que tu dis apporte une explication sur la construction que fait Tolkien dans le texte, puisqu'il respecte cette définition volontairement, mais pas sur l’œuvre prise séparément de son auteur.
C'est toute la différence entre l'allégorie et l'applicabilité, on est tous d'accord là-dessus, me semble-t-il.
(04.10.2013, 22:45)Peredhil a écrit : Oui mais il donne ici la lecture personnelle qu'il fait de son œuvre, elle apporte un éclairage mais rappelle aussi que c'est par un acte volontaire qu'il a rejeté la présence ouverte de la religion de son livre.
Et il ne faut pas oublier que Tolkien a qualifié le SdA d'œuvre catholique, « inconsciemment au début, mais consciemment lors de la révision » (Lettre n° 142). Comme toujours, Tolkien adopte une position complexe, réfractaire aux simplifications dans un sens ou dans l'autre.
(04.10.2013, 22:45)Peredhil a écrit : Tu oublie un fait essentiel : l'Ainulindalë n'est pas dans le Seigneur des Anneaux et n'a jamais été publié du vivant de Tolkien. Tolkien ne parle jamais directement du créateur dans le SdA et celui-ci n'apparaît qu'en filigrane, la réalité de la Providence n'est par exemple jamais affirmée, seulement suggérée (par Gandalf notamment). Partant de là Sauron s'affirme certes comme un Dieu créateur (et pas "sub-créateur" puisqu'il nie l'existence même du créateur comme le faisait Morgoth) et l'on peut penser selon son bon vouloir que c'est l'adoration d'un sub-créateur que condamne le Sda mais aussi simplement l'adoration tout court.
Nonobstant, Tolkien aurait voulu publier le Silm. en même temps que le SdA, car il considérait les deux indissociables. Essayons de ne pas réinventer l'histoire. De ce fait, supposer que Tolkien condamne l'adoration tout court constitue clairement un raisonnement biaisé et partial.
(05.10.2013, 10:48)Miura-Fingolfin a écrit : Je perçois davantage les présents de Galadriel comme des cadeaux d'adieu ou plus exactement, comme une aide qu'elle apporte aux membres de la Communauté. Si elle donne la Fiole à Frodon, c'est parce qu'elle pressent qu'il en aura besoin dans son parcours à travers les ténèbres.
Il y a bien quelque chose de cérémoniel, mais rien de sacré. Par le passé les Elfes ont aussi offert des présents à d'autres, en cas de besoin ou de reconnaissance.
Les deux approches sont valables, voire complémentaire. Dire qu'il n'y aurait « rien de sacré » là-dedans, c'est volontairement exclure d'autres éléments de l'œuvre, comme la nature du lembas (cf. PM, p. 403 ff.) Au demeurant, toute cérémonie se fonde à la base sur une certaine notion du sacré, tous les anthropologues le confirmeront.
(05.10.2013, 10:48)Miura-Fingolfin a écrit : (03.10.2013, 10:37)jbbourgoin a écrit : La réaction naturelle d'un athée, aujourd'hui, et de percevoir toute forme d'allusion, consciente ou inconsciente, voir d'expression directe de la foi comme une forme d'atteinte à la liberté et/ou comme une forme de prosélytisme.
Adorer "Dieu" est aussi une forme d'idolâtrie, même si c'est un peu plus profond que ça. Preuve en est avec cette "très pratiquante catholique" dont parlait Ingieris qui lui reprochait d'employer le terme adorer pour autre chose que Dieu. Pour moi ce genre de remarque est très grave par rapport à la liberté d'expression.
Là, je pense que tu as tendance à conforter la position de jbbourgoin, Miura : par définition, l'idolâtrie est un « Culte rendu à l'idole d'un dieu au même titre que si elle était Dieu lui-même ». Dès lors qu'on croit en l'existence du Dieu que postule la foi chrétienne, il est légitime et nécessaire de lui rendre un culte.
Et de fait, au sens propre, adorer signifie « rendre un culte à... », d'où la condamnation dont parlait Ingieris — condamnation qui portait sur le vocabulaire, non sur les personnes susceptibles de mal employer le vocabulaire, me semble-t-il.
(05.10.2013, 10:48)Miura-Fingolfin a écrit : S'il y a implicitement du contenu religieux je dirais "Ok pourquoi pas, Tolkien était un fervent catholique, la religion aurait pu l'inspirer inconsciemment", mais je pense que s'il y avait une réelle volonté d'inclure une notion de culte ou de religion dans son univers, tout l'aspect magique qui fait la beauté de ses livres s'en trouverait amoindri, voire anéanti.
Il y a pourtant culte à Númenor. Il y existe clairement une pratique religieuse chez les Elfes d'Imladris et l'ensemble des Dúnedain (à Númenor, au Gondor, etc.) En revanche, il n'y a pas calque direct de la religion mosaïque ou chrétienne — ce qui est logique. Et c'est sans doute cet aspect du SdA qui lui procure une partie de sa richesse : on ne connaît pas de peuple sans religion ou sans culte, bien que culte et religion puissent prendre de nombreuses formes et s'adresser à des objets bien différents les uns des autres. Tolkien ne s'enferme pas dans une vision étroite et allégorique, pas plus qu'il n'invente un culte qui n'aurait rien à voir avec ceux d'aujourd'hui. Il reste volontairement dans un flou qui permet à l'imagination du lecteur de ne pas se sentir prisonnière.
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05.10.2013, 13:04
(Modification du message : 05.10.2013, 13:06 par Faerestel.)
(05.10.2013, 12:27)Elendil a écrit : Là, je pense que tu as tendance à conforter la position de jbbourgoin, Miura : par définition, l'idolâtrie est un « Culte rendu à l'idole d'un dieu au même titre que si elle était Dieu lui-même ». Dès lors qu'on croit en l'existence du Dieu que postule la foi chrétienne, il est légitime et nécessaire de lui rendre un culte.
Et de fait, au sens propre, adorer signifie « rendre un culte à... », d'où la condamnation dont parlait Ingieris — condamnation qui portait sur le vocabulaire, non sur les personnes susceptibles de mal employer le vocabulaire, me semble-t-il.
J'ajouterais que l'idolâtrie est un terme qui n'est employé que par les détenteurs d'une opinion religieuse pour dénigrer d'autres qui en ont une différente. Personne ne se réclame de l'idolâtrie. Il y a toujours une idée derrière la statue(tte) ou l'image. Et que penser alors des reliques chrétiennes?
Je voudrais préciser un poil l'étymologie d'"Adorer". Ad orare c'est au sens propre "adresser une prière à" et cette adresse doit être comprise dans un cadre collectif (voir oraison).
Le Seigneur des Anneaux nous présente effectivement des oraisons, soit des formules ou chansons ritualisées destinées à célébrer tel Vala (Elbereth Gilthoniel) ou à comprendre comme des bénédictions (Elen sila lumenni omentielvo).
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05.10.2013, 17:53
(Modification du message : 05.10.2013, 18:10 par Thorin II Ecu-de-Chêne.)
Attention de ne pas dévier.
D'une façon générale, l'oeuvre de Tolkien sourd de considérations judéo-chrétiennes sous des habits germano-celtiques. L'oeuvre de Tolkien est, à mon sens, une oeuvre d'édification morale (plus que ce que Tolkien voulait, c'est-à-dire une mythologie nationale alternative).
Il y a deux possibilités de s'y appliquer : ou en faisant comme Lewis avec un parallèle évident et des questions posées franchement, le tout donnant par essence une oeuvre chrétienne affichée quoi qu'à mon avis un peu vulgaire par son côté appuyé. Il y a ensuite une version que je pense plus érudite, moins manifeste mais, puisque les abords n'en sont pas ouvertement moralistes, aptes à toucher un public plus large que celui "en éducation" (la jeunesse, qui apprend les concepts moraux de notre culture) ou "compatibles" (des adultes qui comprennent et sont d'accord avec les parallèles). Tolkien a eu la force, la finesse et le talent suffisants pour toucher une population qui n'était pas raccordée au culte, même inconsciemment : les libertaires de Berkeley auraient ri d'un texte où on aurait trop clairement affiché une volonté moraliste.
Une petite remarque de rien du tout : le terme "adorer" était utilisé dans le mariage car la femme devait "adorer" son mari (qui lui en retour lui devait respect et protection). Donc l'adoration dans l'Histoire chrétienne est un très, très long sujet, qui n'est peut-être pas inutile d'aborder mais pas sans échauffement, sinon gare au claquage.
De là à considérer que Sauron ou Morgoth se présentent comme des "dieux créateurs", je ne serais pas d'accord parce que je pense qu'on n'en sait rien. Le problème du culte dans le SdA, sauf effectivement à Numenor, n'est pour ainsi dire jamais abordé. Lorsqu'il l'est (à Numenor justement, où sur le Meneltarma), il n'y avait à proprement pas parler d'édifice à Eru, ce qui renverrait donc à un culte individuel dans la profondeur de chaque âme, dans le palais de sa conscience, ce que l'on peut rapprocher du fait que Dieu, pour les Chrétiens, est là où on est rassemblé pour lui. Mais il n'est pas certain que Morgoth et à défaut Sauron se fassent adorer comme des dieux créateurs plutôt que comme des prophètes -en somme ceux qui auraient compris Eru plutôt que "la fange des médiocres". Nous savons par exemple que les Orques craignent Sauron et ses représentants mais il n'est pas, pour eux du moins, mention d'un culte ni d'amulettes ni même d'objet fédérateur d'un culte propre à exciter la combativité (comme la Vraie Croix). Il n'est même pas dit qu'ils n'aient pas la capacité de révérer puisque Tolkien n'a jamais arrêté sa décision sur la conscience des Orques. Donc ce qu'imposent Sauron ou Morgoth comme culte, on n'en sait rien.
La Terre du Milieu est peut-être un monde de croyants, mais pas un monde de religion : même dans le Rath Dinen il n'est pas mention d'un symbole ; on peut y exprimer son respect pour ses ancêtres mais c'est tout. Il est fait mention de "rois barbares" qui se feraient brûler mais il n'est même pas dit que ce soit commandité par le culte sauronique.
Donc dire que le SdA raconte la lutte entre une volonté de liberté de culte et une imposition de culte, je ne sais pas mais je pense que non. Pour autant, l'absence de l'emprise de Sauron semble propice à ce qui fait le beau (une nature préservée, des champs fertiles, une population heureuse et paisible) et, au travers de cela, il me semble que c'est davantage la volonté de paix qui est célébrée (rappelez-vous les derniers mots de Thorin). Ces aspects sont dans la droite ligne de ce qui est perçu comme le Bien en Occident (le Beau, la Paix, la Liberté), dans la veine de ce que le Nouveau Testament indique comme les deux commandements majeurs ("aime" et "comprend"), ce qui peut s'opposer aux commandements d'autres religions (l'Islam serait plutôt "lis" et "obéis", le Bouddhisme (oui je sais ce n'est pas une religion) "détache-toi pour te sublimer" etc.) mais qui, dans l'oeuvre de Tolkien, ne sont pas même énoncés pour, peut-être ! ne pas fustiger. Malgré le verbe riche de Tolkien, il a à sa façon fait dans la concision césarienne...
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(05.10.2013, 17:53)Thorin II Ecu-de-Chêne a écrit : Lorsqu'il l'est (à Numenor justement, où sur le Meneltarma), il n'y avait à proprement pas parler d'édifice à Eru, ce qui renverrait donc à un culte individuel dans la profondeur de chaque âme, dans le palais de sa conscience, ce que l'on peut rapprocher du fait que Dieu, pour les Chrétiens, est là où on est rassemblé pour lui.
Pas uniquement. L'une des caractéristiques du paganisme germanique, c'est que nous n'en avons conservé aucun lieu de culte des dieux et que ces lieux de cultes étaient pour la plupart en plein air, avec extrêmement peu d'accessoires (roc servant d'autel, anneau qu'on prend en main pour les serments...) Les mentions de statues de dieux germaniques restent extrêmement rares, même si les amulettes semblent elles avoir été fréquentes.
(05.10.2013, 17:53)Thorin II Ecu-de-Chêne a écrit : Mais il n'est pas certain que Morgoth et à défaut Sauron se fassent adorer comme des dieux créateurs plutôt que comme des prophètes -en somme ceux qui auraient compris Eru plutôt que "la fange des médiocres". Nous savons par exemple que les Orques craignent Sauron et ses représentants mais il n'est pas, pour eux du moins, mention d'un culte ni d'amulettes ni même d'objet fédérateur d'un culte propre à exciter la combativité (comme la Vraie Croix). Il n'est même pas dit qu'ils n'aient pas la capacité de révérer puisque Tolkien n'a jamais arrêté sa décision sur la conscience des Orques. Donc ce qu'imposent Sauron ou Morgoth comme culte, on n'en sait rien.
La Terre du Milieu est peut-être un monde de croyants, mais pas un monde de religion : même dans le Rath Dinen il n'est pas mention d'un symbole ; on peut y exprimer son respect pour ses ancêtres mais c'est tout. Il est fait mention de "rois barbares" qui se feraient brûler mais il n'est même pas dit que ce soit commandité par le culte sauronique.
En tout cas, Sauron à Númenor nie l'existence d'Eru et présente Morgoth comme le dieu prééminent, le « Seigneur de Tout » (cf. Akallabêth). C'est donc une affirmation plus forte que ce que tu dis. Par ailleurs, Tolkien affirme explicitement que Melkor se fait révérer comme dieu et roi (MR, p. 344). Même chose pour Sauron (SD, p. 404 ; Silm. « Les Anneaux de Pouvoir... »). Je t'incite vivement à mieux sourcer tes propos, car là tu sembles oublier un bon nombre d'occurrences très explicites.
Quant aux amulettes et autres objets du même type, on peut arguer que l'Œil de Sauron, comme le certh « S » et la Main Blanche de Saruman, constituent des symboles à même de représenter un culte, même si ce n'est effectivement pas explicite dans le texte — mais l'attitude des anciens païens indo-européens (Germains, Latins, Grecs, etc.) à l'égard des objets représentatifs de leurs croyance est encore largement sujette à controverse, pour autant que je sache. Les Égyptiens semblent clairement avoir attaché à ces objets un rôle magique, mais cela ne semble pas nécessairement avoir été le cas dans toutes les cultures.
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La liberté est mouvante comme la foi peut l'être aussi. Nous ne croyons pas toute une vie de la même manière: la foi rend libre et elle est clairvoyante. La foi c'est une disposition, une ouverture vers quelque chose ou quelqu'un. Pour ma part, ce n'est pas la compréhension qui donne la foi, mais le geste vers...
"Croyez sans voir! dit Jésus.
Ces quelques réflexions ne plaident pas en faveur d'une foi catholique ici. Ni dans l'œuvre de Tolkien: je crois qu'il a transcendé tout cela, car il avait le goût de raconter des légendes très anciennes glanées dans toutes sortes de cultures et d'en faire son monde.
Je crois que le grand amour que Tolkien avait pour Dieu, c'est d'abord l'amour pour et de sa mère qui l'y a mené. Il a été imprégné par cet amour. Il aurait très bien pu rester anglican comme ses deux familles l'étaient, mais cet amour filial l'a rendu disponible à recevoir, rencontrer autre chose. Et un jour, ce fut la rencontre d'Éarendel de Cynewulf.
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(Modification du message : 05.10.2013, 19:57 par Ingieris.)
Je ne crois pas que le SDA sont un ouvrage chrétien. Ni aucune des œuvres de Tolkien. C'est Tolkien qui était chrétien. Sa mythologie part d'une essence catholique (un seul Dieu), mais s'en éloigne tout de suite lorsqu'il crée les Ainur et la musique créatrice. J'ai déjà lu quelque part que l'église catholique rejetait l'œuvre de Tolkien parce que trop près de cultes païens. (Je le dis sous toute réserve).
Il ne faut pas oublier que Lewis et Tolkien, lorsqu'ils étaient dans les Inklinks, avaient choisi d'inventer chacun un univers différent: un basé sur le temps et l'autre sur l'espace, ou quelque chose dans le genre. Ils se lisaient mutuellement des extraits de leur écrits. Quelqu'un est-il en mesure de confirmer ou non ?
Donc, ce choix limitait leurs possibilités, non ?
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(05.10.2013, 19:44)Ingieris a écrit : Sa mythologie part d'une essence catholique (un seul Dieu), mais s'en éloigne tout de suite lorsqu'il crée les Ainur et la musique créatrice. J'ai déjà lu quelque part que l'église catholique rejetait l'œuvre de Tolkien parce que trop près de cultes païens. (Je le dis sous toute réserve).
C'est plus compliqué que cela, il me semble. Je renvois une fois de plus à l'article de Didier sur l' angélologie et aux articles sur le rapport entre Ainur et anges dans la Feuille de la Compagnie n° 2
(05.10.2013, 19:44)Ingieris a écrit : Il ne faut pas oublier que Lewis et Tolkien, lorsqu'ils étaient dans les Inklinks, avaient choisi d'inventer chacun un univers différent: un basé sur le temps et l'autre sur l'espace, ou quelque chose dans le genre. Ils se lisaient mutuellement des extraits de leur écrits. Quelqu'un est-il en mesure de confirmer ou non ?
Donc, ce choix limitait leurs possibilités, non ?
Je confirme partiellement : l'exercice concernait, pour Tolkien, une histoire de voyage dans le temps, « La Route perdue » (abandonné ; voir l'ouvrage éponyme dans la série des HdlTdM), pour Lewis, une histoire de voyage dans l'espace, qui devint Au-delà de la planète silencieuse et ses deux suites. Mais chez Tolkien, ce « pari » n'englobait que son roman abandonné, pas l'ensemble de son Légendaire. On ne peut donc pas dire qu'il ait été limité par celui-ci.
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05.10.2013, 22:19
(Modification du message : 05.10.2013, 22:24 par Thorin II Ecu-de-Chêne.)
Elendil, je maintiens ce que je dis.
Explication : pour les Germains etc, qui ont des cultes en plein air, eh bien ces cultes (pour le peu que l'on en sache) sont adossés à des originalités géologiques ou botaniques. Yrminsul était un arbre déifié et sa destruction a été un coup dur pour les Saxons. Comme on en est réduit à des conjectures à leur propos, le vrai souci va être de savoir ce qui était cru comme sûr comme connaissance à ce sujet par les contemporains de Tolkien; autant on peut discuter de sites/objets/êtres vivants déifiés maintenant autant il me semble bien que borner le culte germanique auxdits objets/sites/êtres était ce que l'on pensait savoir dans les années 1930-1950.
Pour l'aspect liturgique, maintenant. Le fait que Melkor se fasse révérer comme dieu et roi n'interdit pas la présence d'autres dieux (à commencer par ses propres lieutenants) et il ne me semble pas que Tolkien ait indiqué, par exemple, que Sauron ait fait détruire les temples à Morgoth; une filiation est plus plausible. Quant au terme "Seigneur de Tout", eh bien il faut définir "Seigneur" et "Tout" car l'opposition peut se borner à se placer au-dessus des Valar ; le culte que fait rendre Sauron à Numenor même ne veut d'ailleurs pas dire que c'était le culte qui était rendu du temps de la présence de Melkor sur ses territoires, et peut aussi bien avoir été une farce puisque Sauron a vu la chute de Numenor avec un cynisme parfait. En clair, une "religion" qui n'aurait eu pour but que la chute, donc en transgressant quelque chose qui n'avait pas été transgressé du temps de Morgoth, peut-être de peur du courroux d'Eru.
Au final, on en revient à l'adoration et à sa complexité : il s'est vu des adorations par réfraction, où l'on devait adorer tel personnage (humain si possible, question d'autorité) à qui il était dévolu le culte d'une entité immatérielle supérieure. Etre révéré comme dieu et roi n'interdit pas le polythéisme, ou des architectures théogoniques diverses, pouvant inclure des entités plus puissantes que soi... Je suis très preneur si tu as des sources !
Enfin, je ne suis pas (du tout) convaincu par l'argument "d'amulettes" qui semblent bien davantage à de simples marques héraldiques. Il n'est nulle part mention d'une attention particulière qu'auraient porté les Orques à une amulette ou autre objet sacré ou sacramentel. Par exemple, il n'y a pas d'exemple de combat où un objet se décroche et où un Orque (ou un Homme "sauronique" d'ailleurs) est décrit comme rompant le combat pour retrouver ledit objet perdu.
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Tu as raison Elendil, c'est plus compliqué que cela, ayant lu cet article sur l'angéologie.
Merci pour l'explication du pari Lewis/Tolkien.
Ingieris
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(05.10.2013, 22:19)Thorin II Ecu-de-Chêne a écrit : Explication : pour les Germains etc, qui ont des cultes en plein air, eh bien ces cultes (pour le peu que l'on en sache) sont adossés à des originalités géologiques ou botaniques. Yrminsul était un arbre déifié et sa destruction a été un coup dur pour les Saxons. Comme on en est réduit à des conjectures à leur propos, le vrai souci va être de savoir ce qui était cru comme sûr comme connaissance à ce sujet par les contemporains de Tolkien; autant on peut discuter de sites/objets/êtres vivants déifiés maintenant autant il me semble bien que borner le culte germanique auxdits objets/sites/êtres était ce que l'on pensait savoir dans les années 1930-1950.
Je pense que tu ignores ou passe volontairement sous silence les occurrences de culte bien attestées en Norvège et particulièrement en Islande. Ni dans la Saga de Snorri le Godi, ni dans celle de Saga de Hrafnkell Godi-de-Freyr (pour n'en citer que deux où l'élément sacré est fondamental) on ne peut dire que les lieux de culte mentionnés constituent des particularités géologiques (encore moins botaniques) notables. De nombreux textes laissent penser qu'il était possible de temporairement réaffecter sa maison pour en faire un temple temporaire à l'occasion d'un sacrifice.
Au demeurant, la rareté des objets cultuels et des temples dans le paganisme germanique (et c'est encore plus vrai dans le paganisme spécifiquement nordique) ne veut pas dire que ce culte se bornait à ces objets : on observe dans les sagas de nombreux exemples de prières, en particulier à Odin, sans qu'aucun objet spécifique ne soit mentionné.
(05.10.2013, 22:19)Thorin II Ecu-de-Chêne a écrit : Enfin, je ne suis pas (du tout) convaincu par l'argument "d'amulettes" qui semblent bien davantage à de simples marques héraldiques. Il n'est nulle part mention d'une attention particulière qu'auraient porté les Orques à une amulette ou autre objet sacré ou sacramentel. Par exemple, il n'y a pas d'exemple de combat où un objet se décroche et où un Orque (ou un Homme "sauronique" d'ailleurs) est décrit comme rompant le combat pour retrouver ledit objet perdu.
Argument faible, j'en conviens, mais dans les textes de Tolkien les objets à valeur sacrée (voire simplement spéciale) sont déjà à peine mentionnés chez les héros — voir notamment le peu de cas que Tolkien fait de l'Elessar, qui est pourtant la pierre qui donne à Aragorn son nom. Il n'est donc pas surprenant qu'on n'ait encore moins de détails sur les Orques et leurs divers cousins, d'autant que leurs habitudes sont à peine esquissées.
Toujours est-il que le blason, surtout s'il s'agit d'un meuble (au sens héraldique du terme), a fréquemment une valeur symbolique, ce qui nous amène indirectement dans le domaine du sacré. Et dès lors qu'on sait que Melkor puis Sauron cherchèrent à se faire adorer par les peuples qu'ils ont asservis, on est en droit de se demander par quel biais était représenté ce culte obligatoire.
Rollant est proz e Oliver est sage.
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— La Chanson de Roland
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Rappelons-nous d'abord que tu as rebondi sur une de mes phrases, qui se bornait à dire que Tolkien a fait une oeuvre chrétienne sous des atours celto-germaniques.
Je ne parlais donc que des cultes germaniques.
Pour les cultes germaniques, on sait aujourd'hui bien plus que ce que l'on savait il y a 80 à 50 ans. L'archéologie est passée par là, et on n'a pas spécialement chômé ni du côté des investigations sur le terrain ni du côté des développeurs d'outils qui permettent de remonter sur ce qui s'est passé au premier millénaire. Tolkien n'a pu faire qu'avec la perception de son temps, et celle-ci faisait la part belle à un culte germanique que l'on pensait fortement adossé à des sites.
Pour ce qui est des lieux de culte scandinaves (que tu introduis dans ton message immédiatement au-dessus mais que je n'abordais pas), il y a ce qui est écrit dans les saga et il y a ce que l'archéologie savait ou pensait savoir du vivant de Tolkien. Si Tolkien connaissait des textes, il était aussi dans un milieu qui ne lui interdisait pas de prendre les informations à d'autres sources, en poussant la porte du bureau d'à côté ou en écoutant des thèses. Les choses ont bien bougé depuis plus d'un demi-siècle mais aussi durant le demi-siècle de rédaction de son monde par Tolkien. C'est aussi l'une de mes méfiances (sur laquelle, de grâce, ne revenons pas) sur pas mal de sources diffusées après la mort de Tolkien : un bon nombre peut ne retranscrire que l'avis de l'auteur jusqu'à ce qu'il croise un collègue qui lui fasse part d'une découverte et que Tolkien reprenne des aspects de son oeuvre sans qu'on en ait nécessairement trace.
Revenons à la discussion sur le sacré :, Le sommet du Meneltarma est, malgré tout, un site non neutre géographiquement parlant et comme il est supposé avoir survécu à la Submersion, la décorrélation du site, du temple et du divin chez Tolkien reste un élément récurrent (y compris la tombe de Turin inviolée par les flots etc.).
Ce qui me maintient dans l'idée que Tolkien n'a pas abordé (pour ne pas dire qu'il a fuit, c'est peut-être sa force) l'aspect cultuel est qu'à plusieurs reprises on peut découvrir l'intérieur des installations orques voire mordoriennes (Cirith Ungol). Il n'est jamais fait mention d'un autel ou d'une effigie "sacrée", pas davantage de "prières à Sauron". Qui plus est, les forces du "Mal" (Sauron, Morgoth...) sont surtout des altérateurs, ils n'innovent que rarement. Comme il n'est nulle part fait mention de cultes par le "Bien" (même dans les sites funéraires), je regarde les aspects cultuels avec prudence. Rappelons-nous quand même qu'était sorti dans l'entre-deux-guerres, outre Lewis, toute une sous-littérature "sword and sorcery" où les cultes étaient abordés (d'autant plus qu'ils pouvaient induire des vierges vêtues de seules entraves à secourir ou des prêtresses en petite tenue à tuer ou séduire).
Dans la mesure où il n'est pas mention, par les forces du "Bien", de confusion entre l'aspect pratique de l'héraldique et son mélange avec le sacré (un aspect d'ailleurs très médiéval et moins fort auparavant), je pense que les meubles héraldiques sont surtout de memento pour le trouffion du Mordor qu'il est surveillé... L'attachement au drapeau ou aux aigles n'implique pas forcément qu'on le divinise... même si on y tient assez pour se faire tuer plutôt que de le laisser à l'ennemi.
Mais bon, chacun son point de vue !
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Thorïn II Ecu-de-Chêne
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(06.10.2013, 19:05)Thorin II Ecu-de-Chêne a écrit : Pour ce qui est des lieux de culte scandinaves (que tu introduis dans ton message immédiatement au-dessus mais que je n'abordais pas), il y a ce qui est écrit dans les saga et il y a ce que l'archéologie savait ou pensait savoir du vivant de Tolkien.
Pour info, les Scandinaves sont un sous-groupe des peuples germaniques, donc quand je parlais de peuple germanique, j'incluais nécessairement les Scandinaves dedans. Au demeurant, les différences entre la mythologie germanique continentale et scandinave sont extrêmement ténues, voire quasi inexistantes. Pour la pratique cultuelle, c'est plus difficile de juger, vu le peu de données laissées par les Germains continentaux, mais on ne voit guère de différences non plus.
(06.10.2013, 19:05)Thorin II Ecu-de-Chêne a écrit : Ce qui me maintient dans l'idée que Tolkien n'a pas abordé (pour ne pas dire qu'il a fuit, c'est peut-être sa force) l'aspect cultuel est qu'à plusieurs reprises on peut découvrir l'intérieur des installations orques voire mordoriennes (Cirith Ungol). Il n'est jamais fait mention d'un autel ou d'une effigie "sacrée", pas davantage de "prières à Sauron".
Relit donc les informations concernant Dunharrow et les passages sur « la Main Blanche qui nous donne de la chair humaine à manger... » et on en reparle.
(06.10.2013, 19:05)Thorin II Ecu-de-Chêne a écrit : Qui plus est, les forces du "Mal" (Sauron, Morgoth...) sont surtout des altérateurs, ils n'innovent que rarement. Comme il n'est nulle part fait mention de cultes par le "Bien" (même dans les sites funéraires), je regarde les aspects cultuels avec prudence.
Encore un exemple qui pourrait assez littéralement être tiré d'une saga : le serment de Cirion. Il y a serment sacré : c'est une forme de culte rendu. J'ai de plus en plus le sentiment que tu réduis le culte avec ce que tu perçois du culte chrétien et de ses déformations (les rituels de la sword and sorcery, que tu invoques, se basent beaucoup sur les rituels de messes noires inventées dans l'aire culturelle chrétienne), or c'est nécessairement trompeur vu qu'il existe bien d'autres pratiques cultuelles passées et présentes.
(06.10.2013, 19:05)Thorin II Ecu-de-Chêne a écrit : Dans la mesure où il n'est pas mention, par les forces du "Bien", de confusion entre l'aspect pratique de l'héraldique et son mélange avec le sacré (un aspect d'ailleurs très médiéval et moins fort auparavant), je pense que les meubles héraldiques sont surtout de memento pour le trouffion du Mordor qu'il est surveillé... L'attachement au drapeau ou aux aigles n'implique pas forcément qu'on le divinise... même si on y tient assez pour se faire tuer plutôt que de le laisser à l'ennemi.
On va dire que je ne suis pas d'accord, hein. Parce que l'Arbre Blanc du Gondor, si ce n'est pas un symbole sacré, je ne sais pas ce que c'est... Et on n'en est pas loin avec les symboles de Durin sur la Porte de la Moria, surtout s'ils sont encadrés par les Deux Arbres... On pourrait continuer...
Si on est prêt à se faire tuer pour récupérer un drapeau, alors on va dire que ce que le drapeau représente est supérieur à la valeur qu'un individu attache à sa propre vie : il y a donc culte (sacrifice humain), vénération, même si ce drapeau ne se rattache pas à une vision transcendantale de la réalité.
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Je ne crois pas que le SDA sont un ouvrage chrétien. Ni aucune des œuvres de Tolkien. C'est Tolkien qui était chrétien.
Tu as oublié la lettre 142, Tolkien qualifie le Sda d'oeuvre fondamentalement catholique!
Mais il ne cherche pas à imposer ça, c'est une lettre privée à un ami prêtre.
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