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Qu'avez-vous découvert aujourd'hui à propos de Tolkien et son univers ?
(18.03.2016, 13:41)Hofnarr Felder a écrit : Au sujet des treize nains barbus de Meneldur, j'ai lu par hasard dans les lettres de Tolkien qu'il a privilégié des noms islandais pour ses Nains - ce qui pointe bien dans le même sens.

Ce qui pointe dans quel sens exactement ? Je ne suis pas sûr de t'avoir compris.
Rollant est proz e Oliver est sage.
Ambedui unt merveillus vasselage :
Puis que il sunt as chevals e as armes,
Ja pur murir n’eschiverunt bataille.
La Chanson de Roland
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Dans le sens de l'inspiration islandaise pour la Compagnie.
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Ben oui, mais Meneldur est un personnage, pas un lieu.
Il doit y avoir un petit cafouillage, là.Laughing
Eclaire-nous.
Anar kaluva tielyanna
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Cela fait référence au message de Meneldur ici http://forum.tolkiendil.com/thread-5702-...#pid152394
"L'urgent est fait, l'impossible est en cours, pour les miracles prévoir un délai."
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Merci Zelphalya ! J'aurais effectivement dû préciser...
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J'ai découvert que Tolkien, en 2002, a fait l'objet d'un article écrit en latin (moderne), par Sigrides Albert: "De Iohanne Ronaldo Tolkien eiusque opere", in commentariis Vox Latina, tomo 38 fasciculo 148, pp. 204-216.
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Et cette revue est-elle disponible à la vente pour le grand public ?
Rollant est proz e Oliver est sage.
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Puis que il sunt as chevals e as armes,
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Je n'en ai pas la moindre idée. J'ai vu qu'elle a publié de nombreux numéros. Vu que c'est en latin, je ne pense pas qu'il y ait eu des tirages à beaucoup d'exemplaires. Je vais faire des recherches en rentrant cette après-midi, ce matin, épreuve de suédois !
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En faisant de petites recherches, j'ai trouvé quatre exemplaires sur Abebooks. J'ai donc pris un exemplaire que je traduirai une fois arrivé à la maison !
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Je viens tout juste de recevoir la revue qui comporte un article consacré à Tolkien et écrit en latin ! (Rappel des références bibliographiques : Sigrides Albert : "De Iohanne Ronaldo Tolkien eiusque opere", in commentariis Vox Latina, tomo 38, fasciculo 148, pp. 204-216).

Je l'ai lu en diagonale, il n'apporte rien d'intéressant. C'est une rapide présentation de la vie de l'auteur et un petit résumé du Seigneur des Anneaux. 26 euros pour 12 pages, si ce n'est pas de l'abus Evil or Very Mad.

Ci-dessous les deux premières pages de l'article :

https://scontent-cdg2-1.xx.fbcdn.net/v/t...e=57A5E303
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En cherchant autre chose, je suis tombé sur ce passage du Livre d'Isaïe (chapitre 14) qui s'adresse à Lucifer / Satan :

Citation :12. Comment es-tu tombé des cieux, astre brillant, fils de l'aurore ? Tu es abattu jusqu'à terre, toi qui subjuguais les nations !
13. Et toi, tu as dit dans ton cœur : Je monterai aux cieux, j'élèverai mon trône au-dessus des étoiles de Dieu, et je m'assiérai sur la montagne de l'assignation, au fond du nord.

Un ange déchu qui se révolte et s'établit loin dans le Nord ? Ça me rappelle quelqu'un.
The gods forgot they made me, so I forget them too
I listen to the shadows, I play among their graves
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À la base, la prophétie s'applique au roi de Babylone (NB : ma traduction est légèrement différente, j'emploie la Bible de Jérusalem) :

Isaïe, 14:4 a écrit :tu entonneras cette satire sur le roi de Babylone, et tu diras : Comment a fini le tyran, a fini son arrogance ?

C'est dans la suite de la tradition juive et surtout chrétienne que la prophétie a aussi été comprise comme s'appliquant à Satan (en hébreu : « l'accusateur »), qui y gagne — en latin — son surnom de Lucifer (« porteur de lumière »), ici traduit par « astre brillant » dans la traduction de Meneldur. Je remets le même passage dans la Nova Vugata :

Isaïe, 14:12 a écrit :Quomodo cecidisti de caelo, lucifer, fili aurorae? Deiectus es in terram, qui deiciebas gentes,

Le passage trouve bien sûr un écho dans le Nouveau Testament, où Jésus dit notamment :

Luc, 10:18 a écrit :Il leur dit : « Je voyais Satan tomber du ciel comme l'éclair ! »

Quoi qu'il en soit, la présence du Nord dans cette prophétie est effectivement notable. On peut également citer les passages qui encadrent celui cité, où il est prédit que le personnage en question sera précipité dans les profondeurs de l'abîme (le Shéol), ce qui peut bien sûr faire penser aux forteresses souterraines d'Utumno et d'Angband :

Isaïe, 14:11, 15 a écrit :Ton faste a été précipité au shéol, avec la musique de tes cithares. Sous toi s'est formé un matelas de vermine, les larves te recouvrent.
[...]
Mais tu as été précipité au shéol, dans les profondeurs de l'abîme.

On pourrait continuer la comparaison en cherchant plus précisément les manières dont Melkor (q. « le puissant qui se dresse », encore un parallèle) se manifeste de manière visible peu après son arrivée en Arda, mais je n'ai pas le temps de pousser la recherche plus loin aujourd'hui. Wink
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En fait, je suis tombé là-dessus via la Genèse du manuscrit Junius. Ça ne m'étonnerait pas que Tolkien ait lui aussi remarqué ça – on sait qu'il a beaucoup travaillé sur l'Exode du même manuscrit.
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Dans la même trempe, je vous revoie à ce message posté sur un autre forum, où une personne croit retrouver dans le palimpseste gotique de Bologne une forme *Auzandil liée étymologiquement à éarendil.

Sa lecture du palimpseste est très discutable, car il lit un *Auzandil à la place dans satana di..., comme calque du Ἑωσφόρος grec. Mais il fait partie de ces gens qui voit dans la Bible gotique une simple glose d'une version grecque, alors qu'on sait que le texte grec mis en parallèle dans l'édition de Streitberg par exemple est fautif et que la traduction gotique s'est certainement faite sur plusieurs versions grecques et latines ! Je vous laisse regarder la démarche de vous même, mais les rapprochements faits au début sont corrects.

http://lotrplaza.com/showthread.php?7865...d-Auzandil
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(21.12.2016, 13:05)Alkar a écrit : Sa lecture du palimpseste est très discutable, car il lit un *Auzandil à la place dans satana di..., comme calque du Ἑωσφόρος grec.

Intéressant, je ne savais pas. Une version numérisée du palimpseste existe-elle quelque part ? La lecture en question est peut-être fautive, mais vu le contenu du passage, on pourrait effectivement y retrouver une forme étymologiquement apparentée à Earendel. Ce serait utile de disposer d'une reproduction pour se faire une idée.

Quant à savoir si la Bible gotique dérive du grec uniquement, je la laisse aux spécialistes de l'une et l'autre langues.
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Cf. ce site : http://www.gotica.de/bononiensia.html
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Je suis en train de lire la Heimskringla (ou Histoire des rois de Norvège) de Snorri Sturluson, texte assez massif, dans le style des sagas islandaises. Je suis encore dans le premier quart du livre, mais j'ai déjà noté deux ou trois éléments dont Tolkien pourrait s'être inspiré :
- Saga des Ynglingar :
> Le roi Egil est tué par un taureau après avoir vaincu tous ses ennemis, ce qui constitue un parallèle lointain avec la mort du roi de la Marche Folca en chassant le grand sanglier d'Everholt

> Risquant d'être écrasé militairement par un rival, le roi Ingjald se suicide avec sa fille en faisant brûler sa demeure sur lui, après avoir faire boire tous ses partisans afin qu'ils soient ivres-morts et meurent avec lui : c'est le meilleur parallèle que j'ai vu avec le suicide de Denethor et les reproches émis par Gandalf à ce sujet

- Saga de Hakon le Bon :
> Installation d'un système de feux d'alarmes du Sud au Nord du pays afin de prévenir tous les habitants d'une incursion viking étrangère (je ne crois pas avoir déjà lu d'exemple similaire dans la matière du Nord ou dans la matière celtique)

> Envoi de flèches de guerre par le roi pour rassembler des troupes suite à une invasion surprise (j'ai déjà vu d'autres exemples dans certaines sagas légendaires).

NB : pour les gens intéressé, j'ai pris la traduction anglaise de Lee M. Hollander, que je crois être la meilleure des traductions intégrales actuellement disponibles. La seule traduction française de la Heimskringla est encore incomplète : le premier volume (seul publié à ce jour) ne couvre environ que le premier tiers de l'oeuvre.
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Tu sais qu'Alkar va nous donner une conférence sur le sujet en janvier, dans le cadre du séminaire ENS ? En tout cas ces premières remarques me donnent d'autant plus envie de l'écouter.

EDIT : Excusez-moi tous les deux, je ne sais pas pourquoi mais j'avais trop rapidement lu et Norvège était devenu Dannemark, Snorri était devenu Saxo... Tss tss. Il faut dire pour ma décharge que, dans les deux cas, la seule traduction française ne donne accès qu'à plus ou moins un tiers de l’œuvre.
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Je l'avais surement déjà lu mais sans le retenir : Tolkien aurait préféré que le titre du 3ème volume du Seigneur des Anneaux soit la Guerre de l'Anneau plutôt que le Retour du Roi afin de ne pas spoiler.
"L'urgent est fait, l'impossible est en cours, pour les miracles prévoir un délai."
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Je vais répondre de manière écourtée, tu sais ce que c'est d'avoir un emploi du temps de ministre...

Je me concentre sur la dernière partie de ton message, les passages relevés sont intéressants. Signalons d'un Gandalf aussi, personnage mauvais. Il y en a d'ailleurs un autre dans les Gesta Danorum (Livre VIII, ii, [8]) évoqué à la va-vite.

Citation :NB: pour les gens intéressé, j'ai pris la traduction anglaise de Lee M. Hollander, que je crois être la meilleure des traductions intégrales actuellement disponibles. La seule traduction française de la Heimskringla est encore incomplète : le premier volume (seul publié à ce jour) ne couvre environ que le premier tiers de l'oeuvre.

Comme je suis une personne intéressée, je vais te répondre à propos de cette traduction anglaise et des autres points que tu abordes. Personnellement, pour des questions de fréquentation des textes norrois, je dirai que la meilleure traduction anglaise actuelle est celle d’Anthony Faulkes, publié dans la Viking Society et disponible en ligne. Pour examiner avec minutie des passages de la Heimskringla avec F.-X. Dillmann, traducteur de la première partie de la Heimskringla en traduction française (il existe également d'autres traductions de certaines sagas de cette première partie, elles sont mauvaises et ne méritent pas d'être mentionnées) à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes tous les vendredis matins (ce que fit Kloczko au passage, qui suivait les cours de Dillmann dans les années 90), je peux dire que Hollander propose une traduction, dans les grandes lignes intéressantes, mais qu'il fait souvent de malheureux contresens. A contrario, je pense que la traduction de Faulkes, bien que fautive parfois, est beaucoup plus prudente quant à la manière de traduire des passages épineux (et ils sont nombreux chez Snorri, ce n'est pas pour rien que c'est un auteur phare, et c'est sans compter sur les nombreuses citations de poésie, très difficiles à comprendre, et donc à traduire).
Quant à la traduction française. Je t'avais déjà dit que le deuxième tome était en cours de préparation depuis neuf années déjà. La publication, sans doute en fin d'année, je l'espère, fera date. C'est tout simplement monstrueux : 300 pages de traduction de la saga de Saint óláf, accompagnées de 700 pages de notes d'explicatives. D'autre part, une monographie de 300-400 pages du même auteur sortirait à côté, étant donné que Dillmann ne peut pas tout donner dans ce deuxième volume (il faudra quelqu'un pour traduire la troisième partie !), qui sera déjà assez onéreux comme ça chez l'Aube des Peuples. Il faut donc être patient. La première partie déjà traduite en français est déjà bien longue à ingurgiter, de quoi être repu, le temps de la parution tant attendue ! D'autre part, on peut se reporter aux études publiées dans la revue Proxima Thulé ou en téléchargeant les comptes-rendus des communications que Dillmann a prononcées à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres au sujet de la Heimskringla, ces dernières années (disponibles sur Persée).

A.
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Effectivement, pour le Gandalf, j'ai omis de le signaler, car l'homonymie ne me paraît pas suffisante, compte tenu de l'absence de points communs avec le personnage de Tolkien. De plus, on sait que dans les premiers brouillons, Gandalf était le chef des Nains du Hobbit. C'était le nom du personnage qui s'est ultérieurement vu renommer Thorin, tandis que le magicien se nommait alors Bladorthin. Tout cela confirme s'il était besoin que le nom de Gandalf vient directement du Dvergatal, sans emprunt envisageable à la Heimskringla.

Par contre, je citerais volontiers un autre parallèle, sans doute plus général, car on le retrouve dans plusieurs sagas, mais assez intéressant. Il est notable que dans les successions généralement assez compliquées des premiers rois de Norvège, beaucoup d'héritiers du trône commencent par partir en expéditions au loin et se mettent un temps au service d'un souverain étranger, avant de rassembler suffisamment de forces pour reconquérir leur propre trône. C'est notamment le cas de Saint Olaf, dont les premiers exploits sont décris en grand détail, notamment lorsqu'il aide Æthelred à reconquérir l'Angleterre. Je ne serais pas surpris que Tolkien se soit inspiré de l'une ou l'autre saga royale pour imaginer les premières errances d'Aragorn et ses années au service du Rohan et du Gondor. Il existe sans doute quelques exemples parallèles dans d'autres maisons royales, mais je n'ai jamais vu de cas aussi systématiques que ce qui est décrit dans la Heimskringla.

Alkar, j'espérais bien que tu interviendrais au sujet de la traduction de Hollander, puisque c'est toi le spécialiste. Wink J'ai bien l'intention d'acheter les deux volumes de la traduction de Dillmann quand sortira le deuxième tome, et peut-être la monographie avec. Pourrais-tu en revanche me donner un exemple de contresens commis par Hollander ? Est-ce uniquement lié aux poèmes scaldiques (ce que je peux aisément comprendre) ou en trouve-t-on aussi dans le texte en prose (ce qui serait plus ennuyeux) ?
Rollant est proz e Oliver est sage.
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La Chanson de Roland
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Oui, les Gandálfar des autres sources que le « Dvergatal » de Vǫluspá, il suffit simplement de mentionner leur présence dans les textes, mais de rappeler ce que tu as dit. A contario, c'est plus complexe avec Frodo par exemple, étant donné que les sources germaniques qui en parlent le plus sont, à mon avis, la tradition norroise et latine scandinaves ; Fróda dans Beowulf ou Widsith, en regard des sources scandinaves, tout cela mène à une sorte de patchwork (cf. par exemple l'épineux problème des Frothones dans les Gesta Danorum qui recomposés à partir de Frið-Fróði et de Fróda. J'aborderai tout cela dans l'étude en cours, car il était déjà souligné du temps où Tolkien attaquait de manière sérieuse l'étude du poème vieil-anglais [cf. notamment l'ouvrage de M.G. Clarke intitulé Sidelights on teutonic hitory during the migration period being studies from Beowulf and other english poems, Cambridge, at the University Press, 1911]).


(10.01.2017, 08:53)Elendil a écrit : Il est notable que dans les successions généralement assez compliquées des premiers rois de Norvège, beaucoup d'héritiers du trône commencent par partir en expéditions au loin et se mettent un temps au service d'un souverain étranger, avant de rassembler suffisamment de forces pour reconquérir leur propre trône. C'est notamment le cas de Saint Olaf, dont les premiers exploits sont décris en grand détail, notamment lorsqu'il aide Æthelred à reconquérir l'Angleterre. Je ne serais pas surpris que Tolkien se soit inspiré de l'une ou l'autre saga royale pour imaginer les premières errances d'Aragorn et ses années au service du Rohan et du Gondor. Il existe sans doute quelques exemples parallèles dans d'autres maisons royales, mais je n'ai jamais vu de cas aussi systématiques que ce qui est décrit dans la Heimskringla.

Ce que tu dis est en effet intéressant. Je pense que c'est quelque chose d'assez manifeste dans cette littérature septentrionale. Mais ce n'est pas à mon humble avis un cas littéraire inhérent à Heimskringla uniquement. A titre d'exemple, on peut voir des récits de ce type dans les Gesta Danorum, cf. par exemple l'histoire d'Amlethus, qui donnera, par voie française, le Hamlet de Shakespeare (d'où les besoins du fameux article !), car le récit d'Amlethus présente des similitudes. Il y en a certainement d'autres, mais c'est surtout cette figure qui m'avait marquée.

Pour Hollander, j'ai des exemples en prose, mais ils ne sont pas à portée de main. Il y a cependant moins d'erreurs dans les passages en prose qu'en poésie, mais ils existent tout de même. Pour donner un exemple sur le lequel nous nous sommes attardés récemment :

Si tu peux te rendre au chapitre CCXXVII de l'Óláfs saga helga de la Heimskringla, str. 154 de l'Erfidrápa de Sigvatr Þórðarson. Je donne la strophe en norrois dans l'édition normalisée de Bjarni Aðalbjarnarson (Íslenzk fornit, vol. XXVII, p. 382), puis l'explication de certains mots qui, avec une traduction précise (celle de Dillmann, inédite), restitue mieux le sens de la strophe :

Undr láta þat ýtar |
eigi smátt, es mátitt |
skæ-Njǫrðungum skorðu |
skýlauss rǫðull hlýja. |
Drjúg varð á því dœgri, |
dagr náðit lit fǫgrom |
orrostu frák austan |
atburð, konungs furða. |

Reconstruite, la strophe est ainsi rendue par Bjarni Aðalbjarnarson :

Ýtar láta þat eigi smátt undr, es skýlauss rǫðull máttit hlýja skorðu skæ-Njǫrðungum. Drjúg varð furða konungs á því dœgri; dagr náðit fǫgrom lit; frák atburð orrostu austan.

Il y a beaucoup de choses à dire ici. J'en retiens deux :

1) Les traducteurs cette strophe, ne saisissaient pas le sens qu'avaient les mots furða et undr, quand ils se trouvaient dans un même texte. Furða ne signifie pas simplement "présage", mais véritablement "présage de mort" quand il est lié à undr, présage de mort qui va advenir. Pour cela, voir également Eyrbyggja saga, chap. LI, ainsi que Heiðarvíga saga, chap. XXVI où on retrouve le même type de construction qui indique le même de sens de "présage de mort". Les précédents traducteurs sont donc passés à côté de quelque chose d’essentiel, le présage de la mort du roi Óláfr !

2) Le dernier mot dans la reconstruction de Bjarni Aðalbjarnarson est difficile à traduire, car il peut signifier plusieurs choses. En effet, austan signifie soit :
- l'état d'être à l'est
- en provenance de l'est
- vers l'est

Mais où est Sigvatr quand il entend parler de la bataille ? L'est désigne communément, quand on est en Islande, la Norvège. Il aurait appris de l'est la bataille (il peut donc se trouver en Islande, en Angleterre, en Normandie, voire à Rome, cela n'a pas d'importance). Ou alors, il était à l'est lorsqu'il apprit la bataille. Dans les commentaires faits de ce passage, Finnur Jónsson dit quelque chose de très intéressant dans l'édition et la traduction danoise de ses Skjaldedigtning : autan ne se rapporterait pas àfrák, mais à atburð, à l'événement (de la bataille). Sigvatr a donc appris la nouvelle de la bataille (se déroulant) à l'est. Beaucoup de traducteurs, là encore, sont passés à côté. On pourrait multiplier ainsi les exemples, mais je pense qu'avec du concret, mon avis peut sembler ou non plus clair.

Et voici dans une traduction française fidèle et élégante ladite strophe :

Ce n'est pas une mince merveille déclarent les hommes que le soleil libre de nuages ne put réchauffer les fidèles du cheval des tins. Puissant fut en cette journée le présage de mort pour le roi. Radieuses couleurs le jour n'obtint pas. J'appris la nouvelle de la bataille à l'est. (trad. Dillmann, sous réserve de changements ultérieurs)

J'espère qu'on m'épargnera la longueur de ce bien trop long message !

A.
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(10.01.2017, 08:53)Elendil a écrit : Par contre, je citerais volontiers un autre parallèle, sans doute plus général, car on le retrouve dans plusieurs sagas, mais assez intéressant. Il est notable que dans les successions généralement assez compliquées des premiers rois de Norvège, beaucoup d'héritiers du trône commencent par partir en expéditions au loin et se mettent un temps au service d'un souverain étranger, avant de rassembler suffisamment de forces pour reconquérir leur propre trône. [...] Il existe sans doute quelques exemples parallèles dans d'autres maisons royales, mais je n'ai jamais vu de cas aussi systématiques que ce qui est décrit dans la Heimskringla.

Ce serait, d'après cet article, un trait indo-européen assez largement répandu (également très présent, je crois, dans la culture médiévale). La mythologie grecque regorge également d'exemples de la sorte.
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Citation :“Spiders,” observed Professor JRR Tolkien, cradling the word with the same affection that he cradled the pipe in his hand, “are the particular terror of northern imaginations.”

Je viens de tomber sur ça dans un interview de Tolkien, et ça m'a laissé perplexe. Je ne savais absolument pas que l'araignée cristallisait de manière particulière les peurs nordiques ; est-ce que certains d'entre vous auraient des sources à m'indiquer sur ce point ?

Cela fait en tout cas écho à un passage des Contes perdus que j'avais trouvé très mystérieux, le canevas dépouillé d'une des premières histoires d' Eärendil, encore sans lien avec la Terre du Milieu, et qui décrit un voyage dans des lieux géographiques connus, puis vers l'Ouest fantastique, où justement se trouve l'Araignée, la Grande Ombre du Nord, ou un truc comme ça. (Il est d'ailleurs amusant de voir qu'Ungoliant précède Morgoth en matière de genèse littéraire !)
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Je ne vois pas de source spécifique justifiant cette affirmation. En fait, ce sont plutôt dans les récits africains ou aborigènes que les araignées jouent des rôles importants.

Il semblerait d'ailleurs que la peur qu'éprouvait Tolkien pour les araignées vienne du fait qu'il ait été piqué par une grosse araignée venimeuse alors qu'il était encore tout jeune et que sa mère résidait toujours vers Bloemfontein (voir la biographie de Carpenter).
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De quelle interview s'agit-il ?
What's the point of all this pedantry if you can't get a detail like this right?
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Celle-ci :

http://www.telegraph.co.uk/films/2016/04...e-odyssey/

Ce que tu m'apprends me surprend, Elendil, puisqu'il est également écrit dans les Lettres :

Lettre 163 a écrit :But I did know more or less all about Gollum and his pan, and Sam, and I knew that the way was guarded by a Spider. And if that has anything to do with my being stung by a tarantula when a small child, people are welcome to the notion (supposing the improbable, that any one is interested). I can only say that I remember nothing about it, should not know it if I had not been told; and I do not dislike spiders panicularly, and have no urge to kill them. I usually rescue those whom I find in the bath!
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Et voici le texte de Carpenter :

Citation :And many months later, when Ronald was beginning to walk, he stumbled on a tarantula. It bit him, and he ran in terror across the garden until the nurse snatched him up and sucked out the poison. When he grew up he could remember a hot day and running in fear through long, dead grass, but the memory of the tarantula itself faded, and he said that the incident left him with no especial dislike of spiders. Nevertheless, in his stories he wrote more than once of monstrous spiders with venomous bites.
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Est-ce qu'au moins l'interview est authentique ? Car Tolkien y apparaît pour le moins fermé, notamment en ce qui concerne la littérature ; et certainement, je suis un peu déçu.

Par ailleurs, j'ai reçu aujourd'hui la version "Rock progressif" du Kalevala (A Finnish Progressive Rock Epic), et l'image imprimée sur les CDs est la carte de Thrór, aussi inapproprié que cela puisse paraître ! Je crois que le Kalevala "profite" bien de son association avec Tolkien -aussi lâche que celle-ci puisse être quand on y regarde de près.
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Oh l'interview est parfaitement authentique. Certains éléments mentionnés là sont cités maintes fois ailleurs, y compris par Carpenter, si je ne m'abuse (notamment les passages sur Dante et l'Arioste). Après, il faut quand même mentionner qu'elle contient certaines erreurs mineures. Dans le passage suivant, il conviendrait de lire « Nord-Ouest » pour « Nord-Est » :

Charlotte & Denis Plimmer a écrit :Tolkien’s Middle-earth, with people, histories, languages all logically integrated, corresponds spiritu­ally to north-eastern Europe.

Quant à la position de Tolkien par rapport aux autres auteurs, elle est complexe. Tolkien a souvent fait profession de détester nombre de ses prédécesseurs, particulièrement quand ils lui étaient comparé. Pour autant, il lisait beaucoup, contrairement à ce qu'il affirme, et une grande variété d'ouvrages. On sait qu'il aimait lire les légendes germaniques, celtiques, etc., mais aussi de la science-fiction et de la fantasy ; il lui est arrivé de citer avec intérêt Simonne de Beauvoir et James Joyce, alors qu'il affectait de ne rien lire de moderne.

Dans sa jeunesse, Tolkien affectait de détester Wagner, qu'il ne connaissait pas : cet élément est à tort repris par Carpenter, mais l'on sait désormais que C.S. Lewis a plus tard emmené Tolkien voir les opéras de Wagner et que ce dernier est devenu un de ses compositeurs favoris avec Sibelius. De même, Tolkien entretenait une relation ambivalente avec Shakespeare, qu'il critiquait souvent, mais pour le connaître aussi bien, il a dû lire ou voir certaines de ses pièces à plusieurs reprises. Il admirait certainement son talent, mais voyait d'un mauvais œil la façon dont Shakespeare avait traité la faërie dans ses pièces pour lui donner un air plus crédible (Macbeth) ou plus enfantin (Le Songe d'une nuit d'été).

Quoi qu'il en soit, il reste certain que Tolkien avait des goûts assez tranchés — il le dit lui-même — et pouvait facilement être désappointé par un auteur dès lors que ce dernier allait dans des directions que Tolkien n'appréciait pas. Cela posé, c'est précisément l'un des moteurs de Tolkien écrivain : rédiger des récits qui lui plaisent et dont il n'avait pas réussi à trouver d'équivalent ailleurs. D'une certaine manière, c'est une chance pour nous que Tolkien n'ait pas été « bon public ».
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