Merci beaucoup pour cette information. Précisons que le chercheur en question est Simon Horobin, professeur à l'université d'Oxford, qui a découvert un compte-rendu d'une réunion du Michaelmas Club, fondé par C.S. Lewis, qui était alors
fellow du Magdalen College.
Comme le lien fourni ne permet pas de lire tout l'article, voici un article similaire publié par
Times Now. Plus intéressant encore, le compte-rendu complet est visible
sur X. Je transcris :
Citation :At the final meeting of the Trinity Term, 1930, the following private business took place.
[...]
Professor Tolkien then read a paper on privately constructed languages. Tracing the growth of these through various elementary forms such as 'Animalic', and "Nevbosh" or "the new nonsense", he produced two or more highly polished philologies of his own, and read poems from its literature. It was a language of noticeably fluid, labial, characteristics, especially suited to verse.
It is impossible to describe by catalogue or summary the content and temper of this paper. To those reading the above account it might appear but a brilliant intellectualist passtime, a higher development of the odious cross-word mind. No impression could be more false. Such complete private philologies were merely to take their place in the system of a private mythology. Most unfortunately several members, including the secretary, were forced by pressure of examinations to leave before the discussion. So that I cannot write of the further advancement into these mysteries which undoubtedly took place.
Si je traduis rapidement :
Citation :Lors de la réunion finale du Trinity Term [avril-juin], 1930, les affaires privée suivantes eurent lieu [il s'agit d'élections internes au club en question].
[...]
Le professeur Tolkien lut ensuite un papier sur les langues construites à titre privé. Retraçant leur croissance au travers de diverses formes élémentaires comme l'"animalique" et le "nevbosh" ou "nouveau nonsense", il présenta plusieurs philologies de son cru, hautement élaborées, au nombre de deux ou plus, et lut des poèmes qui en étaient tirées. C'était une langue aux caractéristiques remarquablement fluides et labiales, particulièrement adaptées à la poésie.
Il est impossible de décrire au moyen d'un catalogue ou d'un résumé le contenu et le tempérament de ce papier. Pour ceux qui lisent le compte-rendu ci-dessus, il pourrait sembler ne s'agir que d'un brillant passe-temps intellectualiste, un développement d'ordre supérieur de l'odieux esprit des mots croisés. Rien ne pourrait être plus faux que cette impression. De telles philologies personnelles complètes devaient uniquement prendre place dans le système d'une mythologie personnelle. Par malheur, plusieurs membres, y compris le secrétaire, furent forcés de quitter les lieux avant la discussion, à cause de la pression des examens. Je ne peux donc rien écrire de la progression ultérieure dans ces mystères qui eut indubitablement lieu.
Le texte complet est particulièrement intéressant, parce qu'il permet de préciser la date, qui devait très certainement être fin mai ou courant juin 1930. Par ailleurs, les éléments absents du compte-rendu journalistique permettent de confirmer que c'est bien la conférence "Un vice secret" qui fut donnée à cette occasion. Notons que Fimi et Higgins, dans leur édition de
A Secret Vice, signalent la présence d'une carte postale datée du 7 juin 1930 dans les manuscrits de ce papier, ce qui fait pencher en faveur d'une lecture au mois de juin. Cette conférence est donc antérieure de près de 18 mois à celle que Tolkien donna devant la Johnson Society du Pembroke College en novembre 1931.
Cela permet de résoudre un mystère qui persistait depuis 41 ans, car plusieurs éléments de cette conférence laissaient supposer qu'elle avait été données deux fois, particulièrement la phrase :
I can sympathize with the shrinking of other language-makers, as I experience the pain of giving away myself, which is little lessened by now occurring for a second time. (je souligne). Toutefois, Christopher Tolkien avait noté que les modifications qui semblaient présager une deuxième lecture pointaient vers une date postérieure de 15 à 20 ans, puisqu'une référence à la date à laquelle Tolkien cessa de pratiquer le nevbosh passe de "plus de vingt ans" à "presque 40 ans". Or aucune trace d'une lecture donnée dans les années 1945-1950 n'a pu être trouvée, ce qui laisse supposer qu'elle n'eut finalement pas lieu.
Par ailleurs, puisque l'introduction du papier faisait référence au congrès sur l'espéranto qui se tint à Oxford en août 1930, il avait assez logiquement été supposé que cette conférence devait lui être postérieure. Il est désormais acquis que le texte dont nous disposons devait être une version déjà révisée de cette conférence, et que le texte antérieur est perdu (contrairement à ce que la légende veut, Tolkien ne conservait pas tout). Preuve en est qu'entre les manuscrits de notes disjointes publiés par Fimi et Higgins et le texte déjà élaboré (même s'il a été révisé à de nombreux endroits), il n'existe apparemment aucun brouillon complet de la conférence. Par ailleurs, deux des traductions des poèmes elfiques sont tapés sur un papier brunâtre, plus fragile que le texte principal, lequel est écrit à l'encre (avec des révisions à l'encre et au crayon) sur des cahiers d'examens de l'université d'Oxford. Il me semble probable que ces deux feuillets sont tout ce qui reste du texte initial de mai-juin 1930.
Rollant est proz e Oliver est sage.
Ambedui unt merveillus vasselage :
Puis que il sunt as chevals e as armes,
Ja pur murir n’eschiverunt bataille.
— La Chanson de Roland