24.12.2012, 16:05
(Modification du message : 26.12.2012, 16:38 par Thorin II Ecu-de-Chêne.)
@ Elendil : Dans ton dernier message, tu soutiens que ce film n'est que "de très loin" du Tolkien.
Tout d'abord, je pense qu'il faut distinguer ce que tu appelles "du Tolkien", c'est-à-dire en partie "comment je me suis imaginé les Terres du Milieu en lisant Tolkien", qui ne vaut intrinsèquement pas mieux que la façon dont l'équipe du film s'est imaginée les Terres du Milieu. On retombe sur ma remarque du champ de maïs dans la Comté, qui m'avait choqué : nous pouvons augurer que notre imaginaire d'Européen doit être plus proche de ce que Tolkien avait en tête en écrivant que ce que des transpositions de Kiwis.
Si tu fais l'effort du détail de ce qui diverge du livre au film, tu verras que trois cas de figure se présentent :
-La levée d'incongruité : Bilbo qui veut voler le lare-feuille d'un Troll... franchement, personne n'aurait compris. Tout ce qu'un porte-feuille sous-tend est en contradiction avec la logique des Terres du Milieu développées par la suite. On entre dans ce que tu me demandais à propos de ce que Tolkien regrettait d'avoir écris (et édité). Dans ces incongruités, se retrouve (à mon sens) le fait que la Compagnie parte sans armes. Personnellement, je ne vois pas de problèmes majeurs à ces "libertés" : Bilbo n'avait pas vocation à être une oeuvre majeure dans l'esprit de Tolkien, qui désespérait déjà de voir son (alors) proto-Silmarilion publié. Ce genre de bévues est moins présent dans le SdA, que Tolkien a travaillé plus longuement et dans le cadre d'un monde plus abouti.
-Des tentatives d'explication. Introduire Radagast le Brun (et ses lièvres) permet de décrire Mirkwood et une altération du monde "accélérée". C'est assez justifié dans une vision holistique des évènements mais cela n'est pas exempt d'incongruités. Le Conseil Blanc qui se tient chez Elrond en même temps que le dîner de la Compagnie, pourquoi pas. On sait tous ici que c'est faux, mais cela a l'avantage d'être mentionné; la chute de Smaug tient presque de l'épi-phénomène tactique face à l'attaque stratégique sur Dol Guldur. D'autant plus que cela repose l'ambiance de création du monde autour de Bilbo : la Paix Vigilante ressemble beaucoup à la fin de l'Entre-deux-guerres. Les critiques cinéma ont considéré qu'il s'agissait de caméo, personnellement je trouve leur point de vue moins valide que celui de PJ, car cela montre qu'ils n'ont pas une culture "tolkiennienne" bien solide, alors que justement ils se campent sur des positions de donneurs de leçon... Par contre, je redoute la suite car on y doit Gandalf se battre au bâton avec un homme barbu : d'ici que ce soit les mages bleus ou, pire, Thraïn ou Sauron lui-même...
Après, cela n'a pas empêché Jackson de se prendre les pieds dans le tapis à quelques reprises (comment un traîneau de lièvres arrive t'il à passer les Monts Brumeux ? Comment se fait-il que Radagast soit à tourner autour de Fondcombe sans être au Conseil, pour une fois qu'il est loin de Rhosgobel ?) ni quelques évocations grossières : voir les Araignées qui s'éloignent avec leur gros popotin tout propre mollement en pleine lumière dans la forêt m'a fait penser à des poneys vus de dos, alors qu'en restant dans le mystère il aurait pu créer de la peur du fait de l'inconnu.
-De franches libertés : D'un point de vue narratif, je ne vois pas ce que cela apporte mais ces excroissances sont là : l'attaques des Wargs (en pleine journée et à proximité de Fondcombe !... :/ ), donc l'interception par la patrouille d'Elrond, Elrond en armure... Lui qui est toujours présenté comme un érudit, il déboule à la charge sur des Nains en vadrouille chez lui. C'est à la fois inutile, impropre et humiliant. La seule once d'utilité pourrait être de souligner combien les Nains sont devenus quantité négligeables et combien Thorin doit être humilié par la situation. Mais cela me semble bien davantage être le fantasme jacksonnien sur les Elfes, forcément "blond-platinement" stratosphériques (j'attends de voir les gardes Elfes ronds comme une queue de pelle tellement saouls que les Nains en arrivent à s'évader). Passons sur la relation de vassalité invraisemblable Erebor-Thranduil, même si cela a l'avantage d'introduire Thranduil (voilà bien un personnage prometteur ! je l'attends avec impatience pour la suite !). Pour ce qui est d'éviter d'expliquer l'inimitié entre les Nains et les Elfes, je laisserai le dernier mot à Gandalf qui disait en substance chez Elrond (SdA) que si les querelles entre les Nains et les Elfes devaient être vidées, autant lever tout de suite la réunion. Dans la même veine, le personnage d'Azog : montrer un fils Orque éploré devant la dépouille de son père aurait permis du fluff facile.
Donc, à mon sens, la vision kiwie de Bilbo semble à peu près complète, et de fait bien plus fidèle au livre que le SdA-film : contrairement au SdA-film où les "manques" étaient légion et même en version longue (Magotte, la maison au Pays de Bouc, Bombadil, les Galgals, l'attaque des Wargs en Houssaye, la cérémonie des dons en Lorien, le discours de Gimli sur le Kheled-Zâram, Gollum à l'assaut d'un flet, la scène sur le fleuve avec le même Gollum quand Aragorn et Frodon essaient de le prendre au piège...), là, "tout y est" -même parfois jusqu'au trop ostentatoire, comme la scène des boutons que Bilbo perd au ralenti en se glissant derrière Gollum, quand bien même ces objets soient utilisés par la suite pour déterminer qui il est vraiment.
Le problème est davantage dans les rajouts, outre ceux qui sont explicables (Conseil Blanc), comme l'attaque des Orques montés, ou des scènes qui n'en finissent pas comme l'évasion de Gobelineville.
En résumé, pour moi il n'y a pas d'infidélités énormes au livre, mais davantage un traitement artistique discutable, dû à mon sens à la part qu'on pris les FX sur lesquels PJ s'est tellement reposé qu'il en a oublié de tirer le meilleur de lui-même et de ses acteurs.
Pour répondre sur le caractère impérissable de l'oeuvre de Tolkien : il a formé un nouveau rameau à la littérature mondiale. Oeuvre humaine, elle est perfectible. Mais n'oublions ni Descartes ni Hegel : l'Homme n'est pas fils de Dieu par son intelligence, qui est limitée, mais par volonté, qui est illimité ; et avoir un destin, c'est avoir conscience de soi comme d'un ennemi. je me plais à croire que Tolkien a toujours eu un aiguillon qui le poussait à avancer, et il a formé sa légende, ce qui implique l'inconfort et l'épuisement.
C'est l'insatisfait qui se rapproche de la perfection qui, elle, n'est pas de ce monde.
Tout d'abord, je pense qu'il faut distinguer ce que tu appelles "du Tolkien", c'est-à-dire en partie "comment je me suis imaginé les Terres du Milieu en lisant Tolkien", qui ne vaut intrinsèquement pas mieux que la façon dont l'équipe du film s'est imaginée les Terres du Milieu. On retombe sur ma remarque du champ de maïs dans la Comté, qui m'avait choqué : nous pouvons augurer que notre imaginaire d'Européen doit être plus proche de ce que Tolkien avait en tête en écrivant que ce que des transpositions de Kiwis.
Si tu fais l'effort du détail de ce qui diverge du livre au film, tu verras que trois cas de figure se présentent :
-La levée d'incongruité : Bilbo qui veut voler le lare-feuille d'un Troll... franchement, personne n'aurait compris. Tout ce qu'un porte-feuille sous-tend est en contradiction avec la logique des Terres du Milieu développées par la suite. On entre dans ce que tu me demandais à propos de ce que Tolkien regrettait d'avoir écris (et édité). Dans ces incongruités, se retrouve (à mon sens) le fait que la Compagnie parte sans armes. Personnellement, je ne vois pas de problèmes majeurs à ces "libertés" : Bilbo n'avait pas vocation à être une oeuvre majeure dans l'esprit de Tolkien, qui désespérait déjà de voir son (alors) proto-Silmarilion publié. Ce genre de bévues est moins présent dans le SdA, que Tolkien a travaillé plus longuement et dans le cadre d'un monde plus abouti.
-Des tentatives d'explication. Introduire Radagast le Brun (et ses lièvres) permet de décrire Mirkwood et une altération du monde "accélérée". C'est assez justifié dans une vision holistique des évènements mais cela n'est pas exempt d'incongruités. Le Conseil Blanc qui se tient chez Elrond en même temps que le dîner de la Compagnie, pourquoi pas. On sait tous ici que c'est faux, mais cela a l'avantage d'être mentionné; la chute de Smaug tient presque de l'épi-phénomène tactique face à l'attaque stratégique sur Dol Guldur. D'autant plus que cela repose l'ambiance de création du monde autour de Bilbo : la Paix Vigilante ressemble beaucoup à la fin de l'Entre-deux-guerres. Les critiques cinéma ont considéré qu'il s'agissait de caméo, personnellement je trouve leur point de vue moins valide que celui de PJ, car cela montre qu'ils n'ont pas une culture "tolkiennienne" bien solide, alors que justement ils se campent sur des positions de donneurs de leçon... Par contre, je redoute la suite car on y doit Gandalf se battre au bâton avec un homme barbu : d'ici que ce soit les mages bleus ou, pire, Thraïn ou Sauron lui-même...
Après, cela n'a pas empêché Jackson de se prendre les pieds dans le tapis à quelques reprises (comment un traîneau de lièvres arrive t'il à passer les Monts Brumeux ? Comment se fait-il que Radagast soit à tourner autour de Fondcombe sans être au Conseil, pour une fois qu'il est loin de Rhosgobel ?) ni quelques évocations grossières : voir les Araignées qui s'éloignent avec leur gros popotin tout propre mollement en pleine lumière dans la forêt m'a fait penser à des poneys vus de dos, alors qu'en restant dans le mystère il aurait pu créer de la peur du fait de l'inconnu.
-De franches libertés : D'un point de vue narratif, je ne vois pas ce que cela apporte mais ces excroissances sont là : l'attaques des Wargs (en pleine journée et à proximité de Fondcombe !... :/ ), donc l'interception par la patrouille d'Elrond, Elrond en armure... Lui qui est toujours présenté comme un érudit, il déboule à la charge sur des Nains en vadrouille chez lui. C'est à la fois inutile, impropre et humiliant. La seule once d'utilité pourrait être de souligner combien les Nains sont devenus quantité négligeables et combien Thorin doit être humilié par la situation. Mais cela me semble bien davantage être le fantasme jacksonnien sur les Elfes, forcément "blond-platinement" stratosphériques (j'attends de voir les gardes Elfes ronds comme une queue de pelle tellement saouls que les Nains en arrivent à s'évader). Passons sur la relation de vassalité invraisemblable Erebor-Thranduil, même si cela a l'avantage d'introduire Thranduil (voilà bien un personnage prometteur ! je l'attends avec impatience pour la suite !). Pour ce qui est d'éviter d'expliquer l'inimitié entre les Nains et les Elfes, je laisserai le dernier mot à Gandalf qui disait en substance chez Elrond (SdA) que si les querelles entre les Nains et les Elfes devaient être vidées, autant lever tout de suite la réunion. Dans la même veine, le personnage d'Azog : montrer un fils Orque éploré devant la dépouille de son père aurait permis du fluff facile.
Donc, à mon sens, la vision kiwie de Bilbo semble à peu près complète, et de fait bien plus fidèle au livre que le SdA-film : contrairement au SdA-film où les "manques" étaient légion et même en version longue (Magotte, la maison au Pays de Bouc, Bombadil, les Galgals, l'attaque des Wargs en Houssaye, la cérémonie des dons en Lorien, le discours de Gimli sur le Kheled-Zâram, Gollum à l'assaut d'un flet, la scène sur le fleuve avec le même Gollum quand Aragorn et Frodon essaient de le prendre au piège...), là, "tout y est" -même parfois jusqu'au trop ostentatoire, comme la scène des boutons que Bilbo perd au ralenti en se glissant derrière Gollum, quand bien même ces objets soient utilisés par la suite pour déterminer qui il est vraiment.
Le problème est davantage dans les rajouts, outre ceux qui sont explicables (Conseil Blanc), comme l'attaque des Orques montés, ou des scènes qui n'en finissent pas comme l'évasion de Gobelineville.
En résumé, pour moi il n'y a pas d'infidélités énormes au livre, mais davantage un traitement artistique discutable, dû à mon sens à la part qu'on pris les FX sur lesquels PJ s'est tellement reposé qu'il en a oublié de tirer le meilleur de lui-même et de ses acteurs.
Pour répondre sur le caractère impérissable de l'oeuvre de Tolkien : il a formé un nouveau rameau à la littérature mondiale. Oeuvre humaine, elle est perfectible. Mais n'oublions ni Descartes ni Hegel : l'Homme n'est pas fils de Dieu par son intelligence, qui est limitée, mais par volonté, qui est illimité ; et avoir un destin, c'est avoir conscience de soi comme d'un ennemi. je me plais à croire que Tolkien a toujours eu un aiguillon qui le poussait à avancer, et il a formé sa légende, ce qui implique l'inconfort et l'épuisement.
C'est l'insatisfait qui se rapproche de la perfection qui, elle, n'est pas de ce monde.
Que vos barbes poussent toujours plus longues
Thorïn II Ecu-de-Chêne
Roi Sous la Montagne
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