C'est une très bonne question, qui nécessite une réponse un peu détaillée.
Tolkien détaille la prononciation du
hw dans l'Outline of Phonology. Il y explique que ce qu'il note là
khw en quendien primitif devint d'abord [χw], puis, dès l'époque du parmaquesta, un "
w sourd spirantisé", se prononçant "avec plus de friction que le
wh sourd de l'anglais". Il ajoute que "[c]ette combinaison était rare médialement en eldarin commun, mais pas inhabituelle initialement" (PE 19, p. 75).
De fait, dans la section sur les combinaisons consonantiques médiales, il précise que le
hw avait une longueur de consonne simple en position initiale, mais de consonne double en position médiale en parmaquesta, tandis que le
h voyait sa prononciation spirantisée en [χ] comme s'il s'agissait d'une consonne isolée. Par la suite, la combinaison
hw vit sa longueur abrégée en tarquesta, et finalement (mais déjà avant l'Exil) le
h vint à être prononcé comme un simple [h] aspiré (p. 88, cf. p. 71)*.
Jusque là, même si c'est assez compliqué, c'est clair, y compris lorsque Tolkien donne
comme lettre fëanorienne pour le son descendant du
kh primitif (p. 71) et lorsqu'il précise que la longueur d'une lettre aspirée médiale en parmaquesta pouvait être représentée en rajoutant le caractère fëanorien
devant celle-ci (p. 88 ).
J'ai en revanche un souci avec la phrase d'après (tardivement ajoutée par Tolkien) où il écrit : "Ainsi
=
hw initial [...],
=
hw médial. Je ne m'explique pas cet usage, alors qu'on attendrait ici
. Il me semble envisageable que Tolkien se soit trompé de signe, ou que les éditeurs aient fait une erreur de transcription (mais je doute de cette dernière hypothèse).
Si l'on omet cette phrase problématique, on peut conclure qu'au moment de l'Exil, le
devait réellement se prononcer [ʍ], son que Tolkien note avec un signe un peu spécial, que je n'arrive pas à reproduire ici. A ce stade, la phrase un peu cryptique de l'App. E du SdA s'éclaire :
J.R.R. Tolkien a écrit :hwesta sindarinwa or ‘Grey-elven hw' was so called because in Quenya 12 had the sound of hw, and distinct signs for chw and hw were not required.
Puisque la prononciation du
chez les Ñoldor était déjà [ʍ], c'est que le son noté
hw devait lui encore se prononcer [χw], au moins au moment de leur arrivée en Beleriand. Et de fait, on note qu'en face du q.
hwindë "bouleau", Tolkien propose deux variantes du nom sindarin :
chwind et
hwinn (PE 17, p. 23). Je serais tenté d'y voir là en premier la prononciation en sindarin du P.Â. et en second la prononciation plus tardive, en vigueur à la fin du T.Â. (mais je ne me prononcerai pas sur la date du changement). On ne dispose pas de l'étymologie de ces deux noms, mais on peut les contraster avec un mot visible un peu plus loin dans le PE 17 : sind.
hwâ, hwa, dérivé de √WĀ (p. 34), mot apparemment sans parent quenya, mais qui ne peut en aucun cas avoir été anciennement prononcé **[χwā].
J'en conclurais donc qu'au P.Â., le sindarin devait simultanément disposer de deux sons que Tolkien note
hw, l'un prononcé [ʍ] et noté
, l'autre prononcé [χw] et noté
. Par la suite, les deux sons ont vraisemblablement fusionné en [ʍ], mais je suppose que l'orthographe est restée figée, au moins selon l'usage reconnu correct. Si l'on veut donc écrire les mots concernés, il faut donc idéalement connaître leur étymologie supposée... Pour une fois, le problème ne se pose pas en quenya, car cette langue a connu les deux prononciations uniquement de manière séquentielle, ce qui permet de n'utiliser que le premier des deux signes.
E.
* Je note au passage qu'il n'existe aucun mot quenya attesté avec
hw médian. C'est donc un cas actuellement tout théorique.
Rollant est proz e Oliver est sage.
Ambedui unt merveillus vasselage :
Puis que il sunt as chevals e as armes,
Ja pur murir n’eschiverunt bataille.
— La Chanson de Roland