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Quelles sont les causes du changement linguistique chez Tolkien ?
#1
Bonjour,

J'ai souvent lu que les langues du Legendarium tolkienien obéissaient aux lois d'évolutions phonétiques mises en évidence au XIXème siècle. Ma question principale est alors : Tolkien indique-t-il les causes de ce changement ? La question se pose d'autant plus avec les Elfes, qui peuvent vivre plusieurs millénaires. Le changement linguistique se trouve-t-il alors ralenti pour ceux-ci ? Observe-ton que le langage d'un individu suit les évolutions générales de la langue ?

Je serais heureux d'en savoir plus sur la question et de bénéficier de votre expertise pour en ébaucher une réponse.
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#2
Je ne saurais pas très bien te répondre, mais je vais essayer.
Les changements linguistiques semblent en effet TRÈS lents chez les elfes, ils ne changent qu'à peine en plusieurs miliénaires.
Je ne comprends pas bien ce que tu veux dire par « le langage d'un individu suit les évolutions générales de la langue ? »

Il y a plusieurs raisons qui peuvent expliquer qu'une langue évolue, et ne reste pas identique au cours du temps.

1) Elle est trop pauvre, et est assez instable : *bábbabababbaabaab pourait devenir si on le prononce rapidement : bappǝbǝbǝppābāp
2) La principale raison, c'est la paresse articulatoire. En gros, plus un mot est compliqué plus il va se simplifier : *ptamna => tama
3) Un phénomène assez présent en français, c'est l'hypercorrection : on pense qu'un mot est fait, donc on le corrige, comme en rajoutant un < h > derrière un < t > ou un < r >. (*rhythme au lieu de rythme)
4) Une autre chose qui modifie la prononciation, c'est l'environnement (mais c'est une thèse encore débattue) : les langues parlées en altitude possèdent plus d'éjectives, celles dans les milieux froids possèdent peu de voyelles ouvertes, etc.
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#3
Ma question concernait les causes du changement linguistique reconnues par Tolkien et éventuellement mises en scène ou en tout cas identifiables dans ses écrits, plutôt que les causes du changement linguistique en général. Mais merci pour cette réponse !

Quant aux individus, supposons par exemple qu'à une date A tel mot prenne la forme P1 et qu'à une date B plus tardive il prenne la forme P2. Je crois bien que de tels exemples sont nombreux chez Tolkien, non ? Maintenant, dans le monde des hommes de notre âge, il est assez peu probable qu'un même individu soit vivant aux dates A et B, qui sont généralement très éloignées l'une de l'autre (quoique cela soit matière à débat, mais là n'est pas le lieu). Or, pour les Elfes, qui n'ont pas de cause de mortalité interne, ceci doit bien arriver. Donc, disons que tel Elfe soit vivant à la fois aux dates A et B. Est-ce que l'on aurait alors un exemple, chez Tolkien, que ce même individu emploie, à la date A, la forme P1, et à la date B, la forme P2 ? Ou bien, parce qu'il utilisait P1 à la date A, il n'a pas actualisé le changement dans son propre langage, alors qu'il a eu lieu dans la langue ?

Je m'attends à ce qu'on n'ait pas d'exemple si précis, mais sait-on jamais. C'est en tout cas une question qui, je pense, s'inscrit bien dans les préoccupations de Tolkien, aussi peut-on s'attendre à ce qu'elle ait pu trouver sa réponse quelque part, même si ce n'est que d'une manière implicite.
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#4
Il doit y avoir pas mal de réponses dans les nombreux articles de la section langues. Si on veut débroussailler un peu, le mieux est peut-être de se limiter aux Elfes et de commencer par s'intéresser à leur langue primitive, le quendien primitif qui a engendré toutes les autres :
https://www.tolkiendil.com/langues/langu...f_histoire

Ce genre de phénomènes est discuté dans le Lhammas, dans la Route Perdue (Histoire de la Terre du Milieu vol. 5), il me semble bien ; ainsi que dans certains des Parma Eldalamberon (mais je ne saurais pas dire lesquels avec certitude).

Et par rapport à ton exemple de P1/P2, cela me rappelle assez le texte du Schibboleth de Fëanor, résumé ici : https://www.tolkiendil.com/tolkien/resum..._of_feanor
What's the point of all this pedantry if you can't get a detail like this right?
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#5
Dans un texte paru dans The Peoples of Middle-earth, Tolkien prête au sage Pengoloð une explication des raisons pour lesquelles les langues des Elfes changent, et se sont éloignées les unes des autres. Les changements sont beaucoup plus lents que pour les langues des Hommes, mais néanmoins se produisent peu à peu invitablement, en raison de la séparation des peuples, de leurs migrations et de leur rencontres avec les Hommes. A cela s'ajoute le plaisir de l'invention linguistique qu'éprouvent les Elfes, qui aiment ainsi altérer et modifier leur langue, qui reste vivante et non figée dans le passé de leur enfance. Pengoloð précise que ces modifications, qu'elles soient volontaires ou non, ressemblent, sur le plan linguistique, à l'évolution des langues des Hommes.

Ce bref résumé ne donne évidemment pas toute la saveur de l'explication de ce bon vieux Pengoloð -- dont le savoir n'est pas absolu non plus Wink

Didier.
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#6
Merci pour ces réponses tout à fait pertinentes et précises. Il ne me reste plus qu'à aller voir les textes en question (et me les procurer, d'abord, vu que les volumes en langue originale de l'Histoire de la Terre du Milieu ne semblent pouvoir être consultés nulle part).

Mais faut-il comprendre d'après Pengoloð que les causes du changement linguistique seraient différentes pour les Elfes et pour les Hommes ? Le changement serait alors chez les Elfes lié à un souci d'esthétique, si je comprends bien, éventuellement entériné par une sorte de convention sociale (dans le Schibboleth de Fëanor). Et pour les Hommes ? Des indices ?

D'ailleurs, pourrait-on, à partir de la langue des Orques, retrouver les racines linguistiques qui permettraient d'indiquer (sans certitude évidemment) quelle est, sur le plan linguistique du moins, leur origine la plus plausible (sur les autres plans, j'ai déjà lu l'article très intéressant de Tolkiendil sur le sujet) ? Ou alors, leur aurait-elle enseignée par Morgoth qui, pour "déconstruire" leur origine première, déconstruirait également leur langage, les forçant à parler une nouvelle langue détachée de toutes les racines qui auraient pu leur être familières ?
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#7
Il en est ici qui ont de bien plus considérables connaissances linguistiques dans les mondes primaire et secondaire que moi et qui te renseigneront bien mieux. Je pense à Elendil qui va finir, c'est sûr, par passer ici! Wink

Néanmoins je ne pense pas me tromper en disant que l'orquin ne nous fournit pas assez de matériaux pour comprendre son évolution, ni même son état à la fin du Troisième Age. Nous ne connaissons que quelques phrases et mots isolés (comme "Sharkû").
Sauron a bien tenté d'imposer sa "novlangue", le Noir Parler, celui que l'on peut lire sur l'anneau unique (Ash nazg durbatulûk...) mais sans succès...
Dorées les feuilles tombent, mais le rêve se poursuit
Là où l'espoir demeure, les eaux chantent sous la nuit
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#8
(10.01.2016, 19:38)faerestel a écrit : Il en est ici qui ont de bien plus considérables connaissances linguistiques dans les mondes primaire et secondaire que moi et qui te renseigneront bien mieux. Je pense à Elendil qui va finir, c'est sûr, par passer ici! Wink

Forcément...

(10.01.2016, 16:16)Hofnarr Felder a écrit : Quant aux individus, supposons par exemple qu'à une date A tel mot prenne la forme P1 et qu'à une date B plus tardive il prenne la forme P2. Je crois bien que de tels exemples sont nombreux chez Tolkien, non ? Maintenant, dans le monde des hommes de notre âge, il est assez peu probable qu'un même individu soit vivant aux dates A et B, qui sont généralement très éloignées l'une de l'autre (quoique cela soit matière à débat, mais là n'est pas le lieu). Or, pour les Elfes, qui n'ont pas de cause de mortalité interne, ceci doit bien arriver. Donc, disons que tel Elfe soit vivant à la fois aux dates A et B. Est-ce que l'on aurait alors un exemple, chez Tolkien, que ce même individu emploie, à la date A, la forme P1, et à la date B, la forme P2 ? Ou bien, parce qu'il utilisait P1 à la date A, il n'a pas actualisé le changement dans son propre langage, alors qu'il a eu lieu dans la langue ?

Déjà, il semble qu'on ait au moins un excellent de changement linguistique brutal et massif dans notre monde, rien moins que le grand changement vocalique qui a donné naissance à la prononciation moderne de l'anglais. D'après un linguiste de mes connaissances, le changement a été si brusque qu'en une génération les gens avaient complètement changé leur prononciation de certaines voyelles.

Par ailleurs, le « Dangweth Pengoloð » (PM, p. 395–402) que cite Hiswelókë répond exactement à ta question au sens où le sage y Pengolodh affirme que les Elfes, qui ont une excellente mémoire, peuvent se souvenir de discussions dans un passé très lointain, mais transfèrent sur le souvenir de cette discussion la manière dont ils parlent à l'instant présent (autrement dit, s'ils ont prononcé le mot P1 à la date A, quand ils se remémorent ces paroles à la date B, ils se souviennent avoir utilisé le mot P2 ; cf. PM, p. 399) :

J.R.R. Tolkien a écrit :For we have much lore concerning the languages of old, whether stored in the mind or in writings; but we hear not ourselves speak again in the past save with the language that clothes our thought in the present.

(10.01.2016, 17:36)Hisweloke a écrit : Dans un texte paru dans The Peoples of Middle-earth, Tolkien prête au sage Pengoloð une explication des raisons pour lesquelles les langues des Elfes changent, et se sont éloignées les unes des autres. Les changements sont beaucoup plus lents que pour les langues des Hommes, mais néanmoins se produisent peu à peu invitablement, en raison de la séparation des peuples, de leurs migrations et de leur rencontres avec les Hommes. A cela s'ajoute le plaisir de l'invention linguistique qu'éprouvent les Elfes, qui aiment ainsi altérer et modifier leur langue, qui reste vivante et non figée dans le passé de leur enfance. Pengoloð précise que ces modifications, qu'elles soient volontaires ou non, ressemblent, sur le plan linguistique, à l'évolution des langues des Hommes.

Ce bref résumé ne donne évidemment pas toute la saveur de l'explication de ce bon vieux Pengoloð -- dont le savoir n'est pas absolu non plus Wink

C'est toutefois un excellent résumé de l'essentiel. Wink

(10.01.2016, 18:11)Hofnarr Felder a écrit : Mais faut-il comprendre d'après Pengoloð que les causes du changement linguistique seraient différentes pour les Elfes et pour les Hommes ? Le changement serait alors chez les Elfes lié à un souci d'esthétique, si je comprends bien, éventuellement entériné par une sorte de convention sociale (dans le Schibboleth de Fëanor). Et pour les Hommes ? Des indices ?

En effet, pour les Elfes, c'est à peu près ça, notamment à Valinor. En Terre du Milieu, les changements aléatoires et involontaires arrivent aussi chez les Elfes, comme en témoigne l'éloignement considérable entre le sindarin (très transformé) et le quenya (relativement conservateur). Pour les Hommes, les changements se font comme le reconnaissent les linguistes du Monde Primaire : au hasard et sans intention particulière.

(10.01.2016, 18:11)Hofnarr Felder a écrit : D'ailleurs, pourrait-on, à partir de la langue des Orques, retrouver les racines linguistiques qui permettraient d'indiquer (sans certitude évidemment) quelle est, sur le plan linguistique du moins, leur origine la plus plausible (sur les autres plans, j'ai déjà lu l'article très intéressant de Tolkiendil sur le sujet) ? Ou alors, leur aurait-elle enseignée par Morgoth qui, pour "déconstruire" leur origine première, déconstruirait également leur langage, les forçant à parler une nouvelle langue détachée de toutes les racines qui auraient pu leur être familières ?

(10.01.2016, 19:38)faerestel a écrit : Néanmoins je ne pense pas me tromper en disant que l'orquin ne nous fournit pas assez de matériaux pour comprendre son évolution, ni même son état à la fin du Troisième Age. Nous ne connaissons que quelques phrases et mots isolés (comme "Sharkû").
Sauron a bien tenté d'imposer sa "novlangue", le Noir Parler, celui que l'on peut lire sur l'anneau unique (Ash nazg durbatulûk...) mais sans succès...

Assez d'accord avec Faerestel : ce n'est pas avec le vocabulaire orquien existant qu'on peut faire une étude comparative robuste.

Toutefois, on peut noter la proximité de l'orquien ghâsh « feu », dit être dérivé du parler noir avec le valarin #(i)gas « chaleur » (extrait d'Aþâraigas « Soleil », litt. « Chaleur établie » ; cf. WJ, p. 399, 401). Cela laisse penser que Sauron s'est inspiré du valarin lors de l'invention de sa langue personnelle, ce qui est d'ailleurs assez logique. Par ailleurs, au moins un autre mot est explicitement affirmé avoir été repris au quenya : l'orquien tark « Númenórien » est à priori une abréviation du quenya tarkil, de même sens. Compte tenu de la date tardive d'apparition de ce mot elfique, il ne peut que s'agir d'un emprunt et non d'un héritage. Toutefois, d'autres mots pourraient dérivés ou avoir été emprunté à une langue elfique dans une époque reculée, comme agh « et », qui peut évoquer les mots quenya ar et sindarins a, ah, de même sens. Dans un cas comme celui-là, il me semble impossible de trancher, d'autant qu'on connaît de manière encore plus fragmentaire les langues des Edain et des Nains, qui auraient permis de fournir des éléments de comparaison.
Rollant est proz e Oliver est sage.
Ambedui unt merveillus vasselage :
Puis que il sunt as chevals e as armes,
Ja pur murir n’eschiverunt bataille.
La Chanson de Roland
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#9
Merci pour tous ces développements. Pourriez-vous m'orienter vers un article concernant la genèse de l'orquien ? Vous avez l'air de dire qu'il s'agirait d'une création de Sauron (ce qui est très intéressant) ; c'est-à-dire que les Orques ne s'exprimaient pas avant qu'il ne les domine ? Que sous Morgoth, ils n'étaient que des bêtes de combat, sans pouvoir de parole ? Ou bien est-ce que cette incompréhension est simplement due à ma méconnaissance de certains développements du légendaire (sachant que j'ai plus à l'esprit les premières versions du Quenta Silmarilion que le Silmarilion édité en tant que tel) ?

Autre chose : enregistre-t-on également des changements qui ne soient pas que phonétiques, des glissements de sens par exemple ? Ou même (et en fait c'est ma spécialité) des exemples de grammaticalisation, c'est-à-dire des changements de sens ayant pour effet, pour un mot lexical, d'endosser des fonctions grammaticales (prépositionnelles, typiquement, ou marqueurs de modalité, comme ce fut le cas en anglais) ?

Toutes ces questions concernent le monde interne à l’œuvre. Dans le monde externe, sait-on ce que Tolkien savait et pensait des changements linguistiques ? Il a en effet eu le souci de rendre apparentes les lois d'évolution phonétique dans les transformations de ses langues, mais était-il au courant des travaux de linguistes comme Gabelentz en Allemagne, ou Bréal et Meillet en France, qui mettaient plutôt l'accent sur les changements sémantiques ?

Une fois encore je vous remercie.
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#10
Réponse un peu rapide pour un peu de lecture sur l'orquien : https://www.tolkiendil.com/langues/langu...mi/orquien
"L'urgent est fait, l'impossible est en cours, pour les miracles prévoir un délai."
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#11
(12.01.2016, 14:12)Hofnarr Felder a écrit : Autre chose : enregistre-t-on également des changements qui ne soient pas que phonétiques, des glissements de sens par exemple ? Ou même (et en fait c'est ma spécialité) des exemples de grammaticalisation, c'est-à-dire des changements de sens ayant pour effet, pour un mot lexical, d'endosser des fonctions grammaticales (prépositionnelles, typiquement, ou marqueurs de modalité, comme ce fut le cas en anglais) ?

En orquien, on n'aura certainement jamais ce niveau de détail, mais ce sont en revanche des phénomènes qu'on observe clairement dans les langues elfiques, comme en témoignent les derniers Parma Eldalamberon.

(12.01.2016, 14:12)Hofnarr Felder a écrit : Toutes ces questions concernent le monde interne à l’œuvre. Dans le monde externe, sait-on ce que Tolkien savait et pensait des changements linguistiques ? Il a en effet eu le souci de rendre apparentes les lois d'évolution phonétique dans les transformations de ses langues, mais était-il au courant des travaux de linguistes comme Gabelentz en Allemagne, ou Bréal et Meillet en France, qui mettaient plutôt l'accent sur les changements sémantiques ?

Il faudrait consulter les articles linguistiques de Tolkien dans le détail pour avoir une idée de ses opinions en la matière. C'est un sujet qui a été fort peu défriché, hormis par Tom Shippey. Je signalerai juste que Tolkien a quand même tenu pendant trois années de suite (1923–1925) la rubrique « Philology: General Works » de The Year's Work in English Studies, donc les noms de Bréal et de Meillet devaient nécessairement lui être connus. Quant à Gabelentz, sauf erreur, c'était plutôt un sinologue, domaine qui ne semble guère avoir intéressé Tolkien. J'ignore ce qu'il pouvait connaître de lui. Et je ne saurais dire précisément ce que Tolkien pensait d'eux, faute d'avoir lu tous les vieux articles philologiques de Tolkien (et à fortiori d'avoir fait attention à toutes les notes de bas de page).

Incidemment, cela pourrait constituer la base d'un petit article original et intéressant qui permettrait de mieux replacer Tolkien dans le contexte des recherches philologiques de son temps. Si quelqu'un veut un jour se lancer...
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#12
Je serais ravi de m'y essayer pour peu que j'aie accès aux sources, car c'est quelque chose sur lequel j'ai souhaité me documenter sans pouvoir rien trouver.

Quant aux changements sémantiques dans les langues elfiques, pourriez-vous m'orienter vers une référence précise (et si possible, accessible) ?

D'ailleurs, comment faites-vous en général pour accéder à tous les documents nécessaires ? Les Tolkien Studies, par exemple, sont souvent intéressantes, mais il n'est pas facile de mettre la main dessus ; et certains livres, je pense par exemple à Tolkien and the Invention of Myth que j'avais voulu consulter l'autre jour, ne figurent dans le catalogue de presque aucune bibliothèque, faute d'une association marquée, en France, entre Tolkien et le domaine universitaire.

Et concernant Gabelentz, il était certes spécialisé dans les langues d'extrême-orient, mais il a également fait quelques travaux sur la linguistique en général, par exemple Die Sprachwissenschaft. Il est notamment connu pour avoir décrit comment les mots "perdent leur couleur" au fil de leur évolution, et d'autres choses encore, mais je n'ai pas le livre qui en parle sous la main.
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#13
(13.01.2016, 09:18)Hofnarr Felder a écrit : faute d'une association marquée, en France, entre Tolkien et le domaine universitaire.

J'ai envie de te dire que c'est nous, Tolkiendil, l'association marquée entre les deux Mr. Green

Concernant les Parma Eldalamberon, tu peux trouver les sommaires de tous les volumes et les liens vers le site de vente de ceux encore disponibles sur notre fiche :
https://www.tolkiendil.com/tolkien/biblio/pe

Ensuite, selon les ouvrages ou articles qui t'intéressent, on peut voir s'il y a des moyens de les obtenir de quelque manière que ce soit.
What's the point of all this pedantry if you can't get a detail like this right?
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#14
(13.01.2016, 11:22)Druss a écrit : Ensuite, selon les ouvrages ou articles qui t'intéressent, on peut voir s'il y a des moyens de les obtenir de quelque manière que ce soit.

Shocked

Rolling Eyes

En toute légalité bien sûr! Laughing
Dorées les feuilles tombent, mais le rêve se poursuit
Là où l'espoir demeure, les eaux chantent sous la nuit
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#15
En contactant l'auteur par exemple oui Rolling Eyes
Nous avons pas mal de contact et obtenons souvent des autorisations pour consulter voire traduire et republier des articles.
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#16
Il ne faut pas se leurrer, une étude sérieuse de Tolkien nécessite à la fois des relations étendues afin de partager les informations — c'est notamment à ça que sert l'association — et un investissement financier personnel. Aucune bibliothèque publique française ne dispose d'une collection Tolkien anglophone particulièrement fournie.

Cela dit, si tu passes par Toulouse et que tu recherches des références, pas de souci pour que tu jettes un œil dans ma bibliothèque. Je pense avoir aujourd'hui une collection Tolkien raisonnablement bien achalandée en matière linguistique.
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#17
(13.01.2016, 13:11)Zelphalya a écrit : En contactant l'auteur par exemple oui Rolling Eyes
Nous avons pas mal de contact et obtenons souvent des autorisations pour consulter voire traduire et republier des articles.

Je ne faisais qu'un peu d'humour autour d'un double sens involontaire de l'intervention de Druss... sans douter que la travail de recherche et de diffusion des Tolikiendili leur ouvre bien des portes.
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#18
Si c'était de l'humour, les deux premiers smileys étaient alors largement de trop Wink
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#19
En fait ce sont surtout les 2 premiers smileys qui sont à prendre au second degré...
Pas simple les p'tites vannes à l'écrit...Wink
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#20
(12.01.2016, 23:21)Elendil a écrit : Il faudrait consulter les articles linguistiques de Tolkien dans le détail pour avoir une idée de ses opinions en la matière. C'est un sujet qui a été fort peu défriché, hormis par Tom Shippey. Je signalerai juste que Tolkien a quand même tenu pendant trois années de suite (1923–1925) la rubrique « Philology: General Works » de The Year's Work in English Studies, donc les noms de Bréal et de Meillet devaient nécessairement lui être connus.

Merveilleux ! J'ai pu y avoir accès via l'université et les télécharger (donc en toute légalité !). Cependant, il semblerait que Tolkien ait en fait participé aux numéros de 1924, 1926 et 1927 (pas de numéro en 1925), c'est-à-dire les numéros IV, V et VI. En tout cas un grand merci, jamais je n'aurais réussi à dénicher ça. Je vais maintenant m'offrir le petit plaisir de lire tout ceci plus attentivement.
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#21
(19.01.2016, 17:15)Hofnarr Felder a écrit : Cependant, il semblerait que Tolkien ait en fait participé aux numéros de 1924, 1926 et 1927 (pas de numéro en 1925), c'est-à-dire les numéros IV, V et VI.

Il y a un décalage de numérotation, en fait. Les volumes sont numérotés d'après l'année de rédaction, mais publiés l'année ou deux ans après. Dans le cas de Tolkien, c'est bien 1923-1925 qu'il faut mettre en référence, le cas échéant.
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#22
Ah ! Merci pour cet éclaircissement !
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#23
Hum ! Moi qui m'attendais à voir Tolkien développer plaisamment ses opinions philologiques, j'ai vite déchanté. Pour ceux qui ne connaîtraient pas ces textes, il s'agit de compte-rendus de certains articles et ouvrages parus dans l'année précédant la rédaction de chacun de ces documents (si je ne m'abuse). Ces compte-rendus reviennent sur certains détails hautement techniques, et sont pratiquement incompréhensibles si l'on ne connaît pas le contenu des travaux dont il discute.

L'intérêt semble alors purement biographique, en ce qu'il nous permet de connaître avec une presque certitude certains ouvrages que Tolkien a lus lors de sa carrière de philologue (la courte période de temps couverte limitant malheureusement beaucoup les indications qu'on pourrait en tirer). Ces ouvrages sont, par ailleurs, principalement en langue anglaise et allemande, parfois en langue française. Ils concernent en grande partie des questions d'étymologie et d'évolution phonétique, mais également comme c'était je crois l'usage à l'époque, des tentatives de reconstructions d'états antérieurs de certains de mots.

Enfin on notera avec intérêt que Tolkien discute de manière assez approfondie une étymologie/reconstruction proposée pour le pronom Edith ; on ne s'étonnera guère de cette attention toute particulière pour une question qui devait le toucher de manière un peu plus intime !
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#24
(12.01.2016, 14:12)Hofnarr Felder a écrit : enregistre-t-on également des changements qui ne soient pas que phonétiques, des glissements de sens par exemple ?

Oui, on observe des glissements de sens externes, avec un usage différent par Tolkien d'un même terme dans le temps, ainsi que des usages internes, dans une même langue ou à partir d'un même étymon donnant des termes de formes proches mais ayant des signification (plus ou moins) différentes.

(12.01.2016, 14:12)Hofnarr Felder a écrit : Ou même (et en fait c'est ma spécialité) des exemples de grammaticalisation, c'est-à-dire des changements de sens ayant pour effet, pour un mot lexical, d'endosser des fonctions grammaticales (prépositionnelles, typiquement, ou marqueurs de modalité, comme ce fut le cas en anglais) ?

Tout comme Elendil, je réponds oui pour me souvenir en avoir vu, mais je n'ai plus l'exemple en tête.
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#25
(04.02.2016, 21:32)Lomelinde a écrit :
(12.01.2016, 14:12)Hofnarr Felder a écrit : Ou même (et en fait c'est ma spécialité) des exemples de grammaticalisation, c'est-à-dire des changements de sens ayant pour effet, pour un mot lexical, d'endosser des fonctions grammaticales (prépositionnelles, typiquement, ou marqueurs de modalité, comme ce fut le cas en anglais) ?

Tout comme Elendil, je réponds oui pour me souvenir en avoir vu, mais je n'ai plus l'exemple en tête.

On en trouve d'excellents exemples dans le PE 21 Qenya Noun Structure ; voir notamment ce qu'en dit Tolkien dans la section « Common Eldarin: Noun Structure », p. 72 :

J.R.R. Tolkien a écrit :In Common Eldarin inflexional development proceeded a great deal further, and the pronominal inflexion of verbs had been constructed out of the 'enclitic' forms: see Verb Structure. But the relation between the independent pronouns and the affixed forms still remained in general close and easy to perceive.

Note ¶ Verbal and substantival stems were less sharply distinguished in Eldarin than in some human languages, e.g. of "Indo-european" type. For example the tense­ stem was at once substantival and infinitive, and with addition of a pronominal element verbal and finite. But they were not identical: many bases could not provide verbs without suffixal elaboration. The marks of number were not identical in both cases: see below.

Ces généralités sont suivies de nombreux exemples de chaque type.
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#26
Je vous remercie beaucoup pour toutes ces réponses très informées !

Je suis par ailleurs en train de lire le Premier Livre des Contes Perdus, et il y est écrit, à la page 71 (édition poche) :

Citation :
"Mon cœur est plus que satisfait, dit Eriol, d'avoir appris cette seule belle langue que parlent les Eldar en cette île de Tol Eressëa - mais je m'étonnai à vous entendre parler comme s'il y avait de nombreuses langues parmi les Eldar : en est-il ainsi ?"
"Oui, dit Rumil, car il y a cette langue à laquelle les Noldoli s'agrippent encore - et auparavant les Teleri, les Solosimpi, et les Inwir avaient tous leurs différences. Mais celles-ci étaient moindres et se sont maintenant mêlées dans cette langue des Elfes de l'Ile que vous avez apprise. Encore y a-t-il les groupes perdus, qui restent à errer tristement dans les Grandes Terres, et peut-être parlent-ils très étrangement maintenant, car cela fait des âges depuis que cette marche se fit de Kôr, et comme je le maintiens ce ne fut que la longue errance des Noldoli de par la Terre, et les âges noirs de leur esclavage tandis que leurs frères demeuraient encore en Valinor, qui causa la profonde séparation de leur langage.

La cause du changement proposée ici (et contredite par les œuvres plus tardives, comme vous me l'avez fait savoir) est une cause entièrement externe : le langage ne change pas spontanément, à travers l'usage, et ses modifications, essentiellement, reflètent un milieu, une certaine identité sociétale ; en somme le langage est modelé par les vicissitudes historiques du peuple qui le parle, ce qui fait de la langue comme un témoignage de cette histoire. Des histoires divergentes conduisent à des langues divergentes. Je suppose que c'est ainsi que Tolkien concevait (alors !) la diversification indo-européenne (oui, oui, je sais, c'est ma marotte, mais enfin, c'est quelque chose qui m'a toujours fasciné), mais c'est là une extrapolation que je me permets qui n'est pas du tout justifiée.
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#27
Tolkien compare explicitement les langues des Elfes avec nombre de langues indo-européennes, jusque dans leur évolution, donc c'est parfaitement justifié. Wink

Par ailleurs, Tolkien a dès le début émis une distinction capitale : en Valinor, et d'une manière générale en temps de paix, les Elfes maîtrisent globalement l'évolution de leurs langues ; en Terre du Milieu, c'est beaucoup moins le cas, et plus du tout en période de guerre ou d'insécurité généralisée.

Le sindarin est un excellent exemple : il diverge très brutalement du telerin commun suite aux errances des Teleri en Beleriand. Les différents dialectes sindarins résultants, très différents entre le Nord et le Sud du Beleriand, se mélangent et refusionnent à la fin du Premier Âge suite à la destruction des petits territoires des Sindar et leur rassemblement aux Bouches du Sirion. Ensuite, le sindarin « classique » perdure sous forme de deux dialectes étroitement apparentés qui restent mutuellement intelligibles jusqu'à la fin du Troisième Âge, grâce à des échanges fréquents, l'un en Eriador (Lindon et Imladris), l'autre en Rhovanion (Lórien et Royaume Sylvain).
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#28
(11.02.2016, 10:26)Elendil a écrit : Tolkien compare explicitement les langues des Elfes avec nombre de langues indo-européennes, jusque dans leur évolution, donc c'est parfaitement justifié. Wink

Où ça exactement ?
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#29
Queques passages à la volée :

J.R.R. Tolkien a écrit :
Verbal and substantival stems were less sharply distinguished in Eldarin than in some human languages, e.g. of "Indo-european" type. For example the tense stem was at once substantival and infinitive, and with addition of a pronominal element verbal and finite.

But Eldarin frequently employed an 'objective' form, where (say) an Indo-european language of later days would employ a 'vocative'.

Where no subject was expressed; or when the "action" was strictly impersonal, as in "(it) rains, (it) seems," the bare stem of the verb (or tense) was used uninflected. This was also (unlike Indo-European) the normal form when the subject was expressed by a full noun or name, except a person.

The unemphatic pronominal object thus originally as a rule followed immediately after the verbal stem. From this already in Common Eldarin grew up a system of inflexions for the objective pronoun - not subjective (as in Indo-European).
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#30
Sans parler des notes associées aux « Comparative Tables » (c. 1937) où Tolkien compare l'évolution phonologique de différentes langues elfiques, telles qu'il les conçoit alors, avec celle de différentes langues indo-européennes ; cf. PE 19, p. 22 :

J.R.R. Tolkien a écrit :Telerin is of an approximately Latin type, but with labialization of qu > p. Note sl, sr > fl, fr, and initial change of th, þ generally to f. Note anomalous khr, khl > cr, cl (cf. Lat. ghr).
Noldorin is approximate of Welsh type, but without ancient loss of p, ph. Note w > gw.
Danian has in general a Germanic type. Note skw > sw; gw > w. The chief peculiarity is early change of initial p > ph hence > f, so that except in loans (from Noldorin chiefly) Ilkorin, Danian have no initial p. Ossir[iandic] has approx[imately] Old English type, East Danian Old Norse, Taliska Gothic.
Doriath[rin] etc. = Noldorin (viz. as it used to be).
The Avarin groups are not connected.
West Avarin is nearest connected to Eldarin. It has approx. Irish type with coalescence of k, kj, kw but labialization of gw, ŋw ; with w, j > ƕ, ɧ* > f, h (sim[ilarly] initial sp, sw, sj); with early weakening and loss of p, ph here only reaching h initially. But it shows, as East Lemberin and as no Eldarin language, stops for the aspirates kh, th.
North Lemberin is peculiar — approx. of Finnish type. No initial groups. Coalesc[ence] of kj, k, kw &c. Conversion of voiced stops into voiceless (init[ial] only).
East Lemberin is of Lithuanian type.

* Ce caractère n'est pas exactement comme ça dans le texte, c'est plutôt un « h » avec la jambe d'un « ŋ ».
Rollant est proz e Oliver est sage.
Ambedui unt merveillus vasselage :
Puis que il sunt as chevals e as armes,
Ja pur murir n’eschiverunt bataille.
La Chanson de Roland
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