Une collègue linguiste m'a fait l'honneur d'étudier mes quelques vers. En voici l'analyse. Et encore merci à vous !
Tout au long de la lecture de ce poème nous découvrons que le motif de la "vision" constitue sa charpente thématique. Dès la première strophe dont le sujet est "mon regard" et cela jusquà la dernière où nous trouvons la désignation directe "la sereine vision", nous observons la mise en poème dun paysage esquissé dune manière simple, par seule évocation de différentes parties du monde naturel, végétal et maritime : "les collines", "des blanches montagnes", "les longs méandres du fleuve", "les champs printaniers", "de clochettes dorées", "les vagues".
Cependant, à partir de la cinquième strophe, il sopère un changement de perspective. Le paysage concret devient peu à peu le reflet du paysage imaginaire "les champs printaniers invitent
", "les champs printaniers mappellent
» et la vision réaliste cède la place à la représentation imaginaire les rêves, le souvenir. La perception du monde extérieur (le regard) se transforme en sensation du bien-être résumé dans le poème par "la belle mélancolie".
Ce changement de la perspective que nous pouvons qualifier de "passage" constitue, à mon sens, lélément le plus intéressant du poème. Pourquoi ?
Tout dabord, il convient de souligner que ce "passage dun état à lautre" est présenté comme positif voire bienfaisant bien quil sagisse de la mélancolie état de tristesse accompagné de rêverie, le synonyme du chagrin voire de la douleur au sens physique. Les adjectifs "belle", "doux", "sublime", "subtile" ornent certes les éléments constitutifs de la vision dEldamar en même temps quils reflètent létat émotionnel du sujet lyrique car cest lui qui nous traduit, en utilisant un tel vocabulaire, lobjet de sa perception. Il le fait non seulement à travers son regard mais aussi à travers son émotion que lui procurent la beauté, la douceur, la subtilité et la sublimité de limage dEldamar.
Le procédé rythmique tel que la répétition dun même couple de vers : "vers la mer" / "de la mer" suggère particulièrement bien le mouvement de la mer, ce va-et-vient des vagues dont le bruit nous berce, nous calme, apaise et console peut-être notre chagrin. Au mouvement de va-et-vient sinterpose le mouvement descendant rendu par le jeu de rimes observé dans la mise en parallèle de substantifs "
mer", "outre
mer" qui sopposent au mot "Elda
mar". Le contraste phonétique entre la voyelle e et a crée leffet de glissement, glissement dans une autre réalité. Et la répétions suivante "dEldamar" / "Eldamar", telle une incantation, traduit de nouveau cette même sensation du bien-être que procure cette fois-ci la sérénité de la vision dEldamar.
En guise dune brève conclusion, je souhaite souligner que mon regard dun linguiste nest quun des plusieurs regards que nous pouvons poser sur ce poème. Jai voulu juste de mettre en évidence ce qui a retenu particulièrement mon attention dans ce poème, à savoir la transcription poétique de la sensation.