Rooh... Je ne bâche pas si souvent les gens, si ?? Et puis je ne suis certainement pas "le spécialiste" du sindarin, s'il existe une pareille chose !! Ce seraient de bien vilaines réputations que je serais vraiment attristé d'avoir... (ça pourrait me rendre très brumeux, voire un brin draconien, du genre à se terrer dans ma tanière sans oser en sortir affronter l'éclat métallique du monde *rire*). Bref...
Je suis tout aussi perplexe que vous face à cette entrée dans PE 17... Ce que j'en comprends, c'est que Tolkien semble hésiter quant à savoir si ce mot est muté ou non... Il marque le mot tel quel (ce qui supposerait qu'il ne soit pas muté), puis ajoute "ou lénition d'une base en t" (ce qui présupposerait alors à ma compréhension un *
taur sous forme non mutée), puis il ajoute néanmoins derrière ce qui semble une forme primitive en d- (ce qui présumerait que le mot n'est à nouveau pas muté), avec cependant un dérivé quenya en t- (alors qu'en principe, les racines en D- donnent plutôt des mots en l- en quenya...). Tout ceci paraît contradictoire...
Les notes éditoriales nous indiquent Tolkien a aussi envisagé, avant de les rayer, des formes primitives en nd- et n-. La première pourrait impliquer que
daur ne soit pas muté, mais les racines en ND- donnent généralement des mots en n- en quenya, donc c'est là encore assez contradictoire. La seconde est encore moins satisfaisante...
On connaissait un
daur (forme non mutée) comme unité de distance dans CLI (UT p. 279, 285), dont le sens initial était "pause, arrêt" - Ce mot vient probablement de la même racine DAR que
daro dans le SdA et dans les Etymologies (p. 353), et comme je le disais, les racines en D- donnent plutôt des mots en l- en quenya, donc le
lár quenya s'expliquerait assez bien selon cette interprétation. Evidemment, vu le sens, cela n'a vraisemblablement rien à voir avec notre Frodo...
Outre le
taur bien connu signifiant "forêt", on connaissait un autre
taur dans les Etymologies (p. 389, p. 391), tournant autour des notions de royauté et de grandeur, par confusion de plusieurs racines (TAR, TUR), avec entre autres comme mot voisin
tára en quenya, mais signifiant ici "élevé, noble". On a longtemps pensé notre Daur pouvait en être la forme mutée, et que de "élevé, noble" à "sage", il n'y avait qu'un simple pas à franchir - La supposition la plus fréquente était que Daur n'est pas une "traduction" exacte de Frodo, mais une sorte d'épithète vertueux, en quelque sorte pour "Frodo le Grand" (à prendre au sens de grand par la sagesse et la noblesse d'âme)... C'est peut-être un brin tiré par les cheveux, mais c'est ce qui paraissait le plus plausible. Tolkien a pu avoir cela en tête (la mention d'un
tára quenya signifiant maintenant "sage" alors qu'on a toujours un
tári signifiant "reine" dans Elentári pourrait s'accorder avec une collusion de sens)...
Mais soit cela ne lui plaisait plus, soit il l'avait oublié, soit il avait encore autre chose en tête au moment où il a écrit le SdA, qui peut le dire... En tout cas, l'entrée dans PE démontre surtout, j'en ai toute l'impression au vu des hésitations et contradictions, qu'il ne savait plus vraiment, beaucoup plus tard quand il a rédigé les notes reprises dans ce PE, comment interpréter le Daur publié... (Autrement dit, j'ai vraiment l'impression que cette entrée ne forme pas un tout cohérent mais est plutôt une succession de diverses tentatives incertaines)...
Pour
Maura, je n'ai rien de mieux que ton hypothèse, Druss, avec les mêmes arguments que Lome et Elendil. Les Gondoriens ont cherché à traduire les noms de nos hobbits en sindarin, mais autant celui de Sam était interprétable en parler commun (si l'on suit PMe p. 51), autant celui de Frodo était obscur dans cette langue (toujours si l'on suit PMe p. 50)... Par conséquent ils ont très bien pu opter pour une approximation vaguement phonétique (ce qui relance la thèse de l'épithète vertueux, au détriment de ce qu'indique PE 17). Cela expliquerait la ressemblance, sans que le sens ait à être exactement le même.
C'est en tout cas un beau sujet
Didier.