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Transcription/translitération ? (et mode/système ?)
#1
Bonjour,

N'étant pas du tout expert en linguistique, j'espère que ma question n'est pas trop absurde.

Mes notions concernant ces deux termes transcription et translittération partent de Wikipédia. J'ai cherché d'autres pages sur internet mais je n'ai pas trouvé d'information que j'interprétais différemment de Wikipédia. J'ai aussi fait une recherche par mot-clé "translittération" sur le forum et je n'ai pas trouvé de réponse : le mot est beaucoup moins utilisé que "transcription" et, à chaque occurrence, la différence entre les deux termes n'était pas le sujet.

Ma seule autre vague connaissance personnelles de notions similaires concerne le hanyu pinyin utilisé pour écrire le chinois avec l'alphabet latin. La page Wikipédia parle de transcription alors que, compte tenu de la définition donnée plus haut, j'ai vraiment l'impression que cela relève davantage de la translittération. Je suis un peu perdu.

Pour passer des tengwar à l'alphabet latin, j'ai toujours entendu parler de transcription mais, compte tenu des définitions de Wikipédia, je fais la même analyse que pour le pinyin et j'ai plutôt l'impression qu'il s'agit de de translittération.

En faisant la même recherche sur le site (et non le forum), j'ai trouvé une mention intéressante à la fin de l'introduction sur la page des index des spécimens de tengwar du Mellonath Daeron : "Pour éviter les problèmes d’une vraie translittération, les transcriptions sont données en caractères latins avec une orthographe normalisée. Les espaces, mais pas la ponctuation, sont également ajoutés si nécessaires." Armé de ma compréhension de la page Wikipédia sus-citée, j'avoue ne pas du tout comprendre cette phrase ! La "normalisation de l'orthographe" des tengwar ne prend en l'occurrence pas compte de la langue d'arrivée (que ce soit l'anglais de la page originale ou le français de celle du site) et est donc à priori plutôt de la translittération.

D'après ce que je comprends, il me semble que le "Saroumane" de Francis Ledoux serait un bon exemple de transcription, qui respecterait donc la prononciation française (et cela a ses avantages puisque très peu de français prononcent "ça-rue-ment"). L'écriture "Saruman" serait quant à elle une translittération, puisqu'elle est indépendante de la langue cible : chaque langue inventée de Tolkien a une écriture latine "officielle", avec ses propres règles phonétiques indépendantes et j'ai donc vraiment l'impression qu'on ne peut pas parler de transcription (même pour l'anglais où des phonèmes existants en anglais sont bien représentés par des graphèmes non utilisés en anglais - comme le dh du sindarin par exemple).

Je parle donc de "transcription des tengwar" avec assurance depuis belle lurette et j'avoue être assez perturbé par ce que je viens de lire.

Où ai-je loupé un wagon ?

Deuxième question (mais j'avoue ne pas avoir creusé par contre) : on parle de mode pour la transcription/translittération des tengwar mais sur le net j'ai plutôt lu système ; je crois que le terme mode est utilisé par Tolkien mais a-t-on des précisions à ce sujet ?
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#2
Aiya Irwin,

Je ne sais pas ce qu'utilisait Tolkien, mais en revanche j'ai trouvé ce qu'en dit Gandalf dans le Seigneur des Anneaux (^^) dans le si précieux chapitre The Shadow of the past :
Citation :‘No,’ said Gandalf, ‘but I can. The letters are Elvish, of an ancient mode, but the language is that of Mordor, which I will not utter here. 

Plus spécifiquement, dans les Appendices du Seigneur des Anneaux , le terme "mode(s)" est utilisé, au début du II. de l'Appendice E, et y revient même à plusieurs reprises :
Citation :The scripts and letters used in the Third Age were all ultimately of Eldarin origin, and already at that time of great antiquity. They had reached the stage of full alphabetic development, but older modes in which only the consonants were denoted by full letters were still in use.

Tiens d'ailleurs, j'ajoute à la suite de mon message initial cet élément que je viens de repérer : Tolkien lui-même utilise le terme "transcription" dans cette Appendice E. La transcription fait correspondre dans l'alphabet second des sons du premier tandis que la translitération fait correspondre des lettres.

Ainsi, les lettres sont interchangeables quand on parle de translitération quand bien même les sons ne sont pas toujours les mêmes, alors que dans la transcription une lettre de l'alphabet premier peut être rendue par plusieurs du second suivant la sonorité de la langue d'origine.

Cela n'empêche pas les usages abusifs ou inappropriés de l'un l'autre. Difficile de parler de transcription quand il n'y a pas de changement d'alphabet, pour moi le Saroumane de Francis Ledoux relève plutôt d'un troisième phénomène : l'adaptation (ou réappropriation).

Pour un propos détaillé sur le sujet dans un article de tenue scientifique, se référer à Thierry Grass qui est maître de conférence en techniques de traduction via les systèmes informatisés : https://www.erudit.org/en/journals/meta/.../014333ar/

aravanessë
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#3
(21.11.2023, 20:09)aravanessë a écrit : Je ne sais pas ce qu'utilisait Tolkien, mais en revanche j'ai trouvé ce qu'en dit Gandalf dans le Seigneur des Anneaux (^^) dans le si précieux chapitre The Shadow of the past : (...)
Plus spécifiquement, dans les Appendices du Seigneur des Anneaux , le terme "mode(s)" est utilisé, au début du II. de l'Appendice E, et y revient même à plusieurs reprises : (...)
Tiens d'ailleurs, j'ajoute à la suite de mon message initial cet élément que je viens de repérer : Tolkien lui-même utilise le terme "transcription" dans cette Appendice E.

Nickel, merci !

(21.11.2023, 20:09)aravanessë a écrit : Ainsi, les lettres sont interchangeables quand on parle de translitération quand bien même les sons ne sont pas toujours les mêmes, alors que dans la transcription une lettre de l'alphabet premier peut être rendue par plusieurs du second suivant la sonorité de la langue d'origine.

Ce qui semble à priori le plus important, c'est que la transcription tient compte de la façon d'écrire certains sons dans la langue d'arrivée (moins qu'il y ait plusieurs façon de l'écrire). La réversibilité est plus un objectif théorique qu'une réalité concrète d'après les définitions que j'ai pu lire (Wikipédia dit que ça "tend à l'être" mais j'ai lu sur d'autres pages une analyse similaire), ce qui me paraît d'ailleurs un peu plus juste pour les tengwar.

(21.11.2023, 20:09)aravanessë a écrit : Cela n'empêche pas les usages abusifs ou inappropriés de l'un l'autre. Difficile de parler de transcription quand il n'y a pas de changement d'alphabet, pour moi le Saroumane de Francis Ledoux relève plutôt d'un troisième phénomène : l'adaptation (ou réappropriation).

Je parlais d'une transcription de Saroumane à partir des tengwar (et pas à partir de la forme Saruman). On peut faire une passerelle entre Beijing et Pékin mais l'un et l'autre ne sont en fait pas lié directement : ils découlent dans les deux cas des caractères originaux 北京 (en chinois simplifié même si, pour le coup, l'un découle peut-être du caractère traditionnel et pas l'autre !) sans se référer l'un à l'autre. D'un point de vue externe, Saroumane découle bien évidemment de Saruman mais ce n'est pas ce qui m'intéresse là Smile

(21.11.2023, 20:09)aravanessë a écrit : Pour un propos détaillé sur le sujet dans un article de tenue scientifique, se référer à Thierry Grass qui est maître de conférence en techniques de traduction via les systèmes informatisés : https://www.erudit.org/en/journals/meta/.../014333ar/

Je confesse ne pas avoir tout lu mais les points 6 et 7 du paragraphe 2.2 vont vraiment dans le sens de ce qu'il me semble avoir compris de Wikipédia, tant pour le coté "translittération" des règles établies pour les "modes des tengwar" (c'est à priori quasiment réversible) que pour l'interprétation du "Saroumane" évoqué plus haut.
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#4
Je n'avais pas considéré la chose depuis un angle interniste concernant Saruman/Saroumane : effectivement, de la sorte, cela fonctionne très bien !

aravanessë
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#5
Je confirme que "mode" est le terme tolkienien pour les différentes variétés de tengwar. Måns Björkman en discute d'ailleurs à propos des sarati, où il se refuse à employer ce terme pour en distinguer les différentes variétés, vu que Tolkien ne l'emploie pas pour ce système d'écriture. Et de fait, il serait assez ambigu de parler de "système" dans ce cas, car c'est le terme que nous employons pour distinguer les trois grands systèmes alphabétiques de Tolkien : tengwar, cirth et sarati (ainsi que leurs prédécesseurs conceptuels respectifs).

Quant à la différence entre transcription et translittération, elle est un peu plus floue dans l'usage que ce qu'en dit Wikipédia, car l'usage du premier terme est assez large (voir sa définition dans le TLFi), tandis que le second est nettement plus technique (ibid.). Par ailleurs, Tolkien emploie explicitement le terme de transcription pour parler de l'opération consistant à représenter les tengwar en caractères latins, notamment dans l'App. E (je ne mets que la v.o.) :

J.R.R. Tolkien a écrit :Both v and w are used in the transcription of Quenya, in spite of the assimilation of its spelling to Latin, since the two sounds, distinct in origin, both occurred in the language.
[...]
The representation of the sounds here is the same as that employed in transcription and described above, except that here ch represents the ch in English church
[...]
But the diphthongs were often written out in full, as in the transcription.

On pourrait ainsi supposer que Tolkien emploie ce terme au sens large (d'autant qu'il ne mentionne de translittération nulle part dans ce texte), ce qui serait tout à fait logique dans un appendice qui ne s'adresse pas à des spécialistes de la linguistique. Toutefois, on pourrait aussi argumenter que Tolkien emploie ce mot à dessein parce qu'il parle là d'une romanisation des tengwar qui s'inspire fortement de l'écriture du latin et non d'une représentation scientifique visant à l'exactitude, qui seule mériterait le qualificatif de translittération. Or il emploie de telles représentations dans un certain nombre de ses textes phonologiques publiés de manière posthume (voir notamment le PE 22, p. 18-19, où Tolkien me semble implicitement faire cette différence [EDIT : à propos du caractère qu'il commence par représenter par ŋ et dont il dit juste après qu'il est habituellement transcrit par n]).

E.
Rollant est proz e Oliver est sage.
Ambedui unt merveillus vasselage :
Puis que il sunt as chevals e as armes,
Ja pur murir n’eschiverunt bataille.
La Chanson de Roland
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#6
Ok je serai plus à l'aise pour évoquer le sujet ce soir a l'INALCO, devant des étudiants qui connaissent sans doute bien mieux que moi ces notions Mr. Green. Un grand merci !
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