20.02.2023, 11:06
Pour commémorer un an de guerre à nos portes et les centaines de milliers de victimes du conflit, voici un texte qui me semble de circonstance : le discours qu'aurait pu tenir Morgoth à Húrin lorsque celui-ci fut ramené prisonnier à Angband. Je crois qu'il est de circonstances. Inutile d'y ajouter la réponse de Húrin : elle figure dans les CdH.
.oOo.
-- Húrin Thalion ! Húrin l’Inébranlable ! Tu avais hâte de parvenir ici, sois donc le bienvenu. Tu voulais un trône pour ton fils, je crois ? Le tien est déjà prêt. De là, tu domineras la terre entière. Prends place !
-- Te voilà à ton aise. Vois les corps de tes compagnons entassés sur la plaine. Entends les cris des prisonniers sous tes pieds. Hume les effluves de peur qui se répandent au loin. Touche du doigt la pierre froide sur laquelle se sont brisés tes rêves. Et goûte, oui goûte à mon triomphe, au triomphe du prince de ce monde. Par deux fois déjà, j’ai vaincu les Elfes. Toute l’aide que vous avez pu leur apporter a autant pesé que des feuilles mortes dans le vent. Bientôt mes derniers adversaires se courberont devant moi pour m’appeler “Maître”. Déjà Hithlum est tombée sous mon ombre. Tandis que tu t’obstinais à défendre une couronne déjà condamnée, mes fidèles serviteurs pénétraient à Dor-lómin. Ils ont été les seuls à répondre aux échos des cris des femmes qui demandaient où étaient leurs maris. Tu as été bien imprévoyant et ta femme bien orgueilleuse ! Elle attend toujours ton retour avec ses enfants. Mais peut-être a-t-elle raison, songe-y, peut-être pourrais-tu revenir ? Non, pas en fugitif, tu t’en doutes. Tu sais bien que personne ne viendra à ton secours et que ceux qui auraient pu le faire voient désormais leurs os blanchir au milieu des cendres. Non, mais revenir en seigneur, qui sait ? Et pourquoi pas à la tête d’un peuple aussi nombreux que le tien l’était jadis ? Il faudra un chef pour administrer ces terres en mon nom. Il est vrai que je les ai promises aux hommes qui m’ont débarrassé de Maedhros. Toutefois, leurs chefs ont péri dans l’affaire et il va falloir les guider, mettre de l’ordre, organiser un partage équitable, un partage que tu pourrais arbitrer, oui. Qui oserait contester les décisions du premier capitaine de mes armées ? Tu n’as qu’à incliner la tête pour me signifier ton assentiment. Et me dire un mot, un nom, un lieu. Ai-je besoin de dire lequel ? Ton frère est mort et tu n’auras pas à partager la récompense avec lui. Alors parle. Que dis-je, contente-toi d’y songer. Le reste me regarde.
-- Tu ne dis rien ? Tu ne me crois pas ? Tu as tort. Si tu ne veux pas de récompense pour toi, pense à ta famille. Tu pourrais l’emmener où bon te sembles, oui. Même chez les elfes, si tu crois qu’ils t’accueilleraient, maintenant que tu as perdu toute valeur à leurs yeux. Car je te le dis : tu t’es laissé manipuler. Tu crois connaître les desseins de Turgon et tu juges noble de les taire. Mais penses-tu vraiment que ce roitelet se soucie de ton sort ? Il t’a abandonné derrière lui pour se tapir dans sa tanière comme un blaireau. Il compte bien y rester jusqu’à ce que tes enfants soient morts dans les chaînes. Ne vois-tu pas ta femme, tout là-bas, qui regarde en ce moment même dans ta direction, sans savoir que tu la contemples en retour grâce à mon pouvoir, plus loin que les yeux des elfes ne sauraient porter ? Tu étais fier de la nommer Eledhwen, Lustre des Elfes. Veux-tu qu'elle soit bientôt réduite à lustrer les chausses des nouveaux arrivants ? L’imagines-tu mendiante, les dents brisées, le dos cassé par la vieillesse, mourir seule adossée à un roc, le long d’un chemin, méprisée de tous ? Tu peux l’empêcher, oui. Il est encore temps. Le prix n’est pas cher payé.
-- Tu te tais donc ? Sache que nul ne me résiste qui ne s’en repente amèrement. Tu ne crains pas la mort, je le sais. Crains plutôt la vie, si tu encours ma colère. Sans quoi tu sauras bientôt que le sort de Gelmir était miséricordieux en comparaison de celui qui t’attend.
-- Te voilà à ton aise. Vois les corps de tes compagnons entassés sur la plaine. Entends les cris des prisonniers sous tes pieds. Hume les effluves de peur qui se répandent au loin. Touche du doigt la pierre froide sur laquelle se sont brisés tes rêves. Et goûte, oui goûte à mon triomphe, au triomphe du prince de ce monde. Par deux fois déjà, j’ai vaincu les Elfes. Toute l’aide que vous avez pu leur apporter a autant pesé que des feuilles mortes dans le vent. Bientôt mes derniers adversaires se courberont devant moi pour m’appeler “Maître”. Déjà Hithlum est tombée sous mon ombre. Tandis que tu t’obstinais à défendre une couronne déjà condamnée, mes fidèles serviteurs pénétraient à Dor-lómin. Ils ont été les seuls à répondre aux échos des cris des femmes qui demandaient où étaient leurs maris. Tu as été bien imprévoyant et ta femme bien orgueilleuse ! Elle attend toujours ton retour avec ses enfants. Mais peut-être a-t-elle raison, songe-y, peut-être pourrais-tu revenir ? Non, pas en fugitif, tu t’en doutes. Tu sais bien que personne ne viendra à ton secours et que ceux qui auraient pu le faire voient désormais leurs os blanchir au milieu des cendres. Non, mais revenir en seigneur, qui sait ? Et pourquoi pas à la tête d’un peuple aussi nombreux que le tien l’était jadis ? Il faudra un chef pour administrer ces terres en mon nom. Il est vrai que je les ai promises aux hommes qui m’ont débarrassé de Maedhros. Toutefois, leurs chefs ont péri dans l’affaire et il va falloir les guider, mettre de l’ordre, organiser un partage équitable, un partage que tu pourrais arbitrer, oui. Qui oserait contester les décisions du premier capitaine de mes armées ? Tu n’as qu’à incliner la tête pour me signifier ton assentiment. Et me dire un mot, un nom, un lieu. Ai-je besoin de dire lequel ? Ton frère est mort et tu n’auras pas à partager la récompense avec lui. Alors parle. Que dis-je, contente-toi d’y songer. Le reste me regarde.
-- Tu ne dis rien ? Tu ne me crois pas ? Tu as tort. Si tu ne veux pas de récompense pour toi, pense à ta famille. Tu pourrais l’emmener où bon te sembles, oui. Même chez les elfes, si tu crois qu’ils t’accueilleraient, maintenant que tu as perdu toute valeur à leurs yeux. Car je te le dis : tu t’es laissé manipuler. Tu crois connaître les desseins de Turgon et tu juges noble de les taire. Mais penses-tu vraiment que ce roitelet se soucie de ton sort ? Il t’a abandonné derrière lui pour se tapir dans sa tanière comme un blaireau. Il compte bien y rester jusqu’à ce que tes enfants soient morts dans les chaînes. Ne vois-tu pas ta femme, tout là-bas, qui regarde en ce moment même dans ta direction, sans savoir que tu la contemples en retour grâce à mon pouvoir, plus loin que les yeux des elfes ne sauraient porter ? Tu étais fier de la nommer Eledhwen, Lustre des Elfes. Veux-tu qu'elle soit bientôt réduite à lustrer les chausses des nouveaux arrivants ? L’imagines-tu mendiante, les dents brisées, le dos cassé par la vieillesse, mourir seule adossée à un roc, le long d’un chemin, méprisée de tous ? Tu peux l’empêcher, oui. Il est encore temps. Le prix n’est pas cher payé.
-- Tu te tais donc ? Sache que nul ne me résiste qui ne s’en repente amèrement. Tu ne crains pas la mort, je le sais. Crains plutôt la vie, si tu encours ma colère. Sans quoi tu sauras bientôt que le sort de Gelmir était miséricordieux en comparaison de celui qui t’attend.
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Rollant est proz e Oliver est sage.
Ambedui unt merveillus vasselage :
Puis que il sunt as chevals e as armes,
Ja pur murir n’eschiverunt bataille.
— La Chanson de Roland
Ambedui unt merveillus vasselage :
Puis que il sunt as chevals e as armes,
Ja pur murir n’eschiverunt bataille.
— La Chanson de Roland