27.09.2022, 20:12
(Modification du message : 27.09.2022, 20:17 par sam sanglebuc.)
Chapitre 4.3
Nous marchâmes toute la nuit, espérant ne pas avoir étés repérés par les habitants de la cabane de bûcherons. Le lever du soleil fut une délivrance, d’autant qu’il fut accompagné d’une courte mais bienfaisante éclaircie. Mes compagnons étaient tout étonnés que j’ai pu résister au vieil arbre et à ses artifices. Alors que les racines commençaient leur œuvre de mort ils m’avaient entendu dire ces mots étranges qui les avaient délivrés. Mais l’étonnement laissa la place à l’admiration quand j’exhibai le troisième morceau du parchemin. Lothíriel nous mit tous à nouveau en route avant d’avoir pu commencer la lecture du document.
« Fé-dan est trempé jusqu’aux os »
Elle me débarrassa de mon manteau et de ma chemise, les confia à Orodreth et me donna son propre manteau.
« Marchons encore malgré la fatigue ou notre ami attrapera la mort juste après lui avoir échappé »
Ce n’est qu’une fois installés chez une famille de Larnomir qu’Orodreth nous en dit davantage sur ce nouveau morceau de parchemin.
Portion 3 du texte voir discord
EDITION du 07/05/2023 (par Irwin, vu avec Sam Sanglebuc) : ajout d'une image.
L’ensemble demeurait confus, sauf peut-être la fin : il y aurait encore deux morceaux à trouver. Les tentatives d’interprétation occupèrent alors une bonne partie de notre voyage de retour.
Lond galen nous accueillit avec soulagement et l’hiver se terminait sur une absence d’événements en provenance de Verlamin. Le calme annonçait-il la tempête ?
Trois semaines de soleil avaient suivi de nombreuses chutes de neige, puis le vent tourna. De lourds nuages arrivèrent du sud apportant des averses de neige fondue. Les orques ne supportent pas la brillante lumière du soleil sur la neige immaculée. Ils attendaient patiemment que le temps se couvre pour agir de nouveau.
Longval, petit bourg fortifié situé à mi-chemin de Verlamin et Pinnornost, dont les défenses venaient d’être renforcées, fut l’objet d’une attaque brutale et sauvage. Les rares survivants parlèrent de très nombreux orques, accompagnés de trolls et de loups. Mais pas de cette terreur de feu qui s’était abattue sur Verlamin.
Les bourgs de Piedlon et Malefaux furent renforcés autant que faire se peut et mes compagnons Akôèmes, qui étaient devenus d’habiles bretteurs, partirent eux aussi pour en assurer la défense.
Alors que le printemps pointait son nez, tous ceux et celles qui n’étaient pas devenus soldats défrichèrent et labourèrent les environs de Lond galen afin de remplacer les terres perdues du nord.
Et se présentèrent deux personnes aux portes de la cité.
Chapitre 4.4
Morwen convoqua notre groupe.
« Je vous présente Anolien et Vunamé, du clan Dunéen Meurdié-solé. Hirluin était ami pour sang du clan et c’est au nom de cette amitié qu’ils sollicitent notre aide. »
Anolien était un jeune homme, trapu, brun de cheveux et de peau, portant une fine moustache aux pointes tombantes. Ses vêtements rustiques étaient de peaux simplement tannées, mais son regard était fier et dur.
Vunamé quant à elle portait une tunique très ornementée, pierres, végétaux et petits objets y étaient accrochés ainsi que dans ses cheveux.
« Féliquèl, le chamane du clan Lodreumila vient de faire alliance avec des orques de l’Ered ethryn. Il a évincé le chef Méléreu lors d’un duel rituel et assume les deux fonctions. Il a convaincu les clans de Péré-lomère et Brolénian de saisir enfin leur chance de rejeter les gondoriens à la mer par la force. Il va provoquer en duel les deux chefs et compte bien forcer ensuite les Meurdié-solé à le suivre. Malgré les différends qui nous opposent, ce clan refuse une telle violence, et par-dessus tout une alliance avec les orques. »
Morwen avait parlé lentement, se tournant régulièrement vers les deux dunéens et un gondorien de sang mêlé qui pouvait traduire en cas de besoin.
« Vous partez donc dès aujourd’hui pour tenter de bloquer ce projet belliqueux. Prenez garde au sens de l’honneur des Dunéens : s’il vous arrivait de défier ce chamane, en public, vous devenez chef à sa place ; si vous aidez un chef, toujours au vu de tous, vous l’humiliez et il devra vous céder sa place.
Durant la quinzaine de jours de voyage qui nous séparait des terres dunéennes, nous eûmes tout loisir d’apprendre à nous connaître davantage.
De l’avis des Gondoriens, les Dunéens ne sont qu’un peuple de sauvages montagnards. Un peuple dont les pères s’étaient ralliés aux Ténèbres lors des premiers âges du monde, et dont il faut se garder à défaut de pouvoir s’en débarrasser, menace permanente, source de conflit. Un peuple belliqueux, jaloux des hommes de l’ouest. Mais ce n’était pas l’avis de Hirluin, comme de tous ceux qui lui étaient proches. Hirluin avait de très bonnes relations avec certains Dunéens. Sa connaissance de la montagne, son attention aux choses et aux gens – il était capable d’écouter, d’observer et de tirer sa subsistance de la nature rude des Pinnath Gelin – avaient forcé le respect chez les membres du clan Meurdié-solé. En bon lettré, il gardait en mémoire l’histoire ancienne des Númenoréens. Comment, d’explorateurs nobles et bienveillants, ils étaient devenus de vils exploiteurs, tirant tribu de cette terre. Les forêts rasées pour la construction de leurs navires, les peuples chassés voire pourchassés.
Beaucoup de choses avaient changé lors de l’engloutissement de Númenor et l’arrivée des Fidèles, rescapés de la catastrophe : les deux peuples devaient maintenant partager la même terre. Le Gondor, fondé par ces Fidèles, était partagé. Pour les uns, la terre est propriété des hommes de l’ouest et toute revendication a été rejetée depuis des générations par la force des armes. Les Dunéens ayant définitivement choisi les Ténèbres doivent être contenus, à défaut d’être éliminés. C’est ce choix qu’avaient fait Castamir et ses partisans quand ils avaient refusé l’union du prince Eldacar avec une étrangère. S’en était suivi dix années d’une terrible guerre civile. Aujourd’hui encore, mais dans une moindre mesure, les seigneurs de Pinnen-losse, Larnomir et Odeledh poursuivent cette voie. Ils n’hésitent pas à taxer fort cher les routes qu’empruntent les clans Dunnéens pour conduire leurs bêtes vers des pâturages plus riches du sud. Le sol du Nan-i-feryth ne retient que très peu l’eau, et le vent soutenu assèche ce qui reste. Plutôt qu’un conflit ouvert comme dans d’autres régions plus au nord, ces seigneurs ont choisi le biais de l’impôt sur la transhumance pour asseoir leur domination.
Pour les autres, la solution passe par une cohabitation, voire une assimilation.
Mais ce n’est pas tout à fait le point de vue des quatre clans Dunnéens du Nan-i-feryth ! Au contraire de la majorité des Dunnéens du Gondor qui a choisi de s’intégrer, soit par les liens du sang, soit en se sédentarisant, ceux-ci ont choisi de garder leur mode de vie ancestral. Certes leur vie est dure en ces terres où ils souffrent du froid et de l’humidité, mais ils y vivent libres et fiers.
« Comment nous voyons les hommes de Gondor ? » disait Anolien en réponse à Mardil.
« Nous vous nommons méchamment les mangeurs de paille. On dit aussi : les hommes des bateaux vivent dans des demeures de pierre où ils confisquent la chaleur en hiver, le sec sous la pluie en nous coupant les routes. »
Il fit hennir son cheval, un petit animal aussi trapu que lui et partit au galop en criant :
« Aucun mur de pierre ne nous enfermera jamais ! »
Anolien ralenti l’allure, puis se tint debout sur sa selle en revenant vers nous. Parvenu à notre hauteur, il s’adressa à nous d’une voix forte :
« Les Meurdié-solé ne seront jamais les esclaves ni des orques ni des sorciers. »
Vunamé était quant à elle moins exubérante mais tout aussi décidée. L’alliance que cherchait à imposer Féliquèl était insupportable. Mais c’était aussi son attitude de chamane qui allait à l’opposé du chemin de marche des Dunéens. Il brisait l’équilibre des pouvoirs, préparait en cachette des barrières sur le chemin dégagé. Et par-dessus tout, il commençait à déranger les ancêtres.
« Déranger les ancêtres ? » s’étonna Anborn.
« Il veut marcher dans les pas des sorciers des temps oubliés, ceux qui suivaient le Ténébreux de l’est. Il fouille les cauchemars, veut lier à son service les esprits des morts. »
C’est après avoir dépassé Larnomir que nous eûmes nos premières nouvelles fraîches. Un groupe de femmes du clan Brolénian se dirigeant vers les pâturages du sud nous apprit que Féliquel avait remporté son duel contre leur chef Bénian et qu’il affronterait celui de Péré-lomère au premier quartier de la lune. De là où nous nous trouvions, il fallait encore moins de deux jours de trajet pour atteindre le clan du sorcier Féliquel et deux autres jours pour atteindre celui du prochain duel qui avait donc lieu dans six jours.
Nous avions eu le temps d’échafauder plusieurs plans d’action, mais aucun n’était pleinement satisfaisant. Vunamé se sentait en devoir d’affronter Féliquel, mais nous craignions tous que son honnêteté soit une faiblesse en face d’un tel personnage. Orodreth portait la même responsabilité en tant qu’envoyé du seigneur de la région, mais je voyais bien qu’il se sentait démuni face à des sortilèges maléfiques. Personnellement, après mes derniers exploits, je me sentais en position de force. Mais comme les autres, et bien que mon peuple ait eu à souffrir de l’action de sorciers, je ne savais comment aborder un tel défi.
Il fallait aussi compter avec les orques. Vunamé savait qu’ils étaient une troupe de quinze menés par leur chef Leûrk. Leur principale attente était de recevoir de la chair d’homme à manger et pour cela ils comptaient sur une alliance avec le chamane-sorcier.
Alors que nous n’étions plus qu’à quelques heures du campement Lodreumila, trois enfants qui conduisaient un petit troupeau de chèvres nous apprirent que les orques étaient arrivés et que Féliquèl avait convoqué un feu de clan. Pas question pour nous de nous montrer à découvert, mais Vunamé savait quoi faire. Elle nous conduisit aux abords du campement par le chemin venant de la rivière.
« Le jonc du matin s’habille de rosée, la berge du soir souffle le brouillard et l’esprit des ancêtres veille sur les vivants »
Nous n’étions plus très loin maintenant et la chamane ne prenait encore aucune précaution pour une arrivée discrète. L’après-midi touchait à sa fin et soudain une lourde brume se fit sentir derrière nous. Elle montait de la rivière, nous enveloppa et nous dépassa. Vunamé, nullement désorientée nous amena jusqu’à une petite butte où nous nous allongeâmes, dans des herbes hautes étonnamment sèches. Le feu de clan commençait.
Nous marchâmes toute la nuit, espérant ne pas avoir étés repérés par les habitants de la cabane de bûcherons. Le lever du soleil fut une délivrance, d’autant qu’il fut accompagné d’une courte mais bienfaisante éclaircie. Mes compagnons étaient tout étonnés que j’ai pu résister au vieil arbre et à ses artifices. Alors que les racines commençaient leur œuvre de mort ils m’avaient entendu dire ces mots étranges qui les avaient délivrés. Mais l’étonnement laissa la place à l’admiration quand j’exhibai le troisième morceau du parchemin. Lothíriel nous mit tous à nouveau en route avant d’avoir pu commencer la lecture du document.
« Fé-dan est trempé jusqu’aux os »
Elle me débarrassa de mon manteau et de ma chemise, les confia à Orodreth et me donna son propre manteau.
« Marchons encore malgré la fatigue ou notre ami attrapera la mort juste après lui avoir échappé »
Ce n’est qu’une fois installés chez une famille de Larnomir qu’Orodreth nous en dit davantage sur ce nouveau morceau de parchemin.
Portion 3 du texte voir discord
EDITION du 07/05/2023 (par Irwin, vu avec Sam Sanglebuc) : ajout d'une image.
L’ensemble demeurait confus, sauf peut-être la fin : il y aurait encore deux morceaux à trouver. Les tentatives d’interprétation occupèrent alors une bonne partie de notre voyage de retour.
Lond galen nous accueillit avec soulagement et l’hiver se terminait sur une absence d’événements en provenance de Verlamin. Le calme annonçait-il la tempête ?
Trois semaines de soleil avaient suivi de nombreuses chutes de neige, puis le vent tourna. De lourds nuages arrivèrent du sud apportant des averses de neige fondue. Les orques ne supportent pas la brillante lumière du soleil sur la neige immaculée. Ils attendaient patiemment que le temps se couvre pour agir de nouveau.
Longval, petit bourg fortifié situé à mi-chemin de Verlamin et Pinnornost, dont les défenses venaient d’être renforcées, fut l’objet d’une attaque brutale et sauvage. Les rares survivants parlèrent de très nombreux orques, accompagnés de trolls et de loups. Mais pas de cette terreur de feu qui s’était abattue sur Verlamin.
Les bourgs de Piedlon et Malefaux furent renforcés autant que faire se peut et mes compagnons Akôèmes, qui étaient devenus d’habiles bretteurs, partirent eux aussi pour en assurer la défense.
Alors que le printemps pointait son nez, tous ceux et celles qui n’étaient pas devenus soldats défrichèrent et labourèrent les environs de Lond galen afin de remplacer les terres perdues du nord.
Et se présentèrent deux personnes aux portes de la cité.
Chapitre 4.4
Morwen convoqua notre groupe.
« Je vous présente Anolien et Vunamé, du clan Dunéen Meurdié-solé. Hirluin était ami pour sang du clan et c’est au nom de cette amitié qu’ils sollicitent notre aide. »
Anolien était un jeune homme, trapu, brun de cheveux et de peau, portant une fine moustache aux pointes tombantes. Ses vêtements rustiques étaient de peaux simplement tannées, mais son regard était fier et dur.
Vunamé quant à elle portait une tunique très ornementée, pierres, végétaux et petits objets y étaient accrochés ainsi que dans ses cheveux.
« Féliquèl, le chamane du clan Lodreumila vient de faire alliance avec des orques de l’Ered ethryn. Il a évincé le chef Méléreu lors d’un duel rituel et assume les deux fonctions. Il a convaincu les clans de Péré-lomère et Brolénian de saisir enfin leur chance de rejeter les gondoriens à la mer par la force. Il va provoquer en duel les deux chefs et compte bien forcer ensuite les Meurdié-solé à le suivre. Malgré les différends qui nous opposent, ce clan refuse une telle violence, et par-dessus tout une alliance avec les orques. »
Morwen avait parlé lentement, se tournant régulièrement vers les deux dunéens et un gondorien de sang mêlé qui pouvait traduire en cas de besoin.
« Vous partez donc dès aujourd’hui pour tenter de bloquer ce projet belliqueux. Prenez garde au sens de l’honneur des Dunéens : s’il vous arrivait de défier ce chamane, en public, vous devenez chef à sa place ; si vous aidez un chef, toujours au vu de tous, vous l’humiliez et il devra vous céder sa place.
Durant la quinzaine de jours de voyage qui nous séparait des terres dunéennes, nous eûmes tout loisir d’apprendre à nous connaître davantage.
De l’avis des Gondoriens, les Dunéens ne sont qu’un peuple de sauvages montagnards. Un peuple dont les pères s’étaient ralliés aux Ténèbres lors des premiers âges du monde, et dont il faut se garder à défaut de pouvoir s’en débarrasser, menace permanente, source de conflit. Un peuple belliqueux, jaloux des hommes de l’ouest. Mais ce n’était pas l’avis de Hirluin, comme de tous ceux qui lui étaient proches. Hirluin avait de très bonnes relations avec certains Dunéens. Sa connaissance de la montagne, son attention aux choses et aux gens – il était capable d’écouter, d’observer et de tirer sa subsistance de la nature rude des Pinnath Gelin – avaient forcé le respect chez les membres du clan Meurdié-solé. En bon lettré, il gardait en mémoire l’histoire ancienne des Númenoréens. Comment, d’explorateurs nobles et bienveillants, ils étaient devenus de vils exploiteurs, tirant tribu de cette terre. Les forêts rasées pour la construction de leurs navires, les peuples chassés voire pourchassés.
Beaucoup de choses avaient changé lors de l’engloutissement de Númenor et l’arrivée des Fidèles, rescapés de la catastrophe : les deux peuples devaient maintenant partager la même terre. Le Gondor, fondé par ces Fidèles, était partagé. Pour les uns, la terre est propriété des hommes de l’ouest et toute revendication a été rejetée depuis des générations par la force des armes. Les Dunéens ayant définitivement choisi les Ténèbres doivent être contenus, à défaut d’être éliminés. C’est ce choix qu’avaient fait Castamir et ses partisans quand ils avaient refusé l’union du prince Eldacar avec une étrangère. S’en était suivi dix années d’une terrible guerre civile. Aujourd’hui encore, mais dans une moindre mesure, les seigneurs de Pinnen-losse, Larnomir et Odeledh poursuivent cette voie. Ils n’hésitent pas à taxer fort cher les routes qu’empruntent les clans Dunnéens pour conduire leurs bêtes vers des pâturages plus riches du sud. Le sol du Nan-i-feryth ne retient que très peu l’eau, et le vent soutenu assèche ce qui reste. Plutôt qu’un conflit ouvert comme dans d’autres régions plus au nord, ces seigneurs ont choisi le biais de l’impôt sur la transhumance pour asseoir leur domination.
Pour les autres, la solution passe par une cohabitation, voire une assimilation.
Mais ce n’est pas tout à fait le point de vue des quatre clans Dunnéens du Nan-i-feryth ! Au contraire de la majorité des Dunnéens du Gondor qui a choisi de s’intégrer, soit par les liens du sang, soit en se sédentarisant, ceux-ci ont choisi de garder leur mode de vie ancestral. Certes leur vie est dure en ces terres où ils souffrent du froid et de l’humidité, mais ils y vivent libres et fiers.
« Comment nous voyons les hommes de Gondor ? » disait Anolien en réponse à Mardil.
« Nous vous nommons méchamment les mangeurs de paille. On dit aussi : les hommes des bateaux vivent dans des demeures de pierre où ils confisquent la chaleur en hiver, le sec sous la pluie en nous coupant les routes. »
Il fit hennir son cheval, un petit animal aussi trapu que lui et partit au galop en criant :
« Aucun mur de pierre ne nous enfermera jamais ! »
Anolien ralenti l’allure, puis se tint debout sur sa selle en revenant vers nous. Parvenu à notre hauteur, il s’adressa à nous d’une voix forte :
« Les Meurdié-solé ne seront jamais les esclaves ni des orques ni des sorciers. »
Vunamé était quant à elle moins exubérante mais tout aussi décidée. L’alliance que cherchait à imposer Féliquèl était insupportable. Mais c’était aussi son attitude de chamane qui allait à l’opposé du chemin de marche des Dunéens. Il brisait l’équilibre des pouvoirs, préparait en cachette des barrières sur le chemin dégagé. Et par-dessus tout, il commençait à déranger les ancêtres.
« Déranger les ancêtres ? » s’étonna Anborn.
« Il veut marcher dans les pas des sorciers des temps oubliés, ceux qui suivaient le Ténébreux de l’est. Il fouille les cauchemars, veut lier à son service les esprits des morts. »
C’est après avoir dépassé Larnomir que nous eûmes nos premières nouvelles fraîches. Un groupe de femmes du clan Brolénian se dirigeant vers les pâturages du sud nous apprit que Féliquel avait remporté son duel contre leur chef Bénian et qu’il affronterait celui de Péré-lomère au premier quartier de la lune. De là où nous nous trouvions, il fallait encore moins de deux jours de trajet pour atteindre le clan du sorcier Féliquel et deux autres jours pour atteindre celui du prochain duel qui avait donc lieu dans six jours.
Nous avions eu le temps d’échafauder plusieurs plans d’action, mais aucun n’était pleinement satisfaisant. Vunamé se sentait en devoir d’affronter Féliquel, mais nous craignions tous que son honnêteté soit une faiblesse en face d’un tel personnage. Orodreth portait la même responsabilité en tant qu’envoyé du seigneur de la région, mais je voyais bien qu’il se sentait démuni face à des sortilèges maléfiques. Personnellement, après mes derniers exploits, je me sentais en position de force. Mais comme les autres, et bien que mon peuple ait eu à souffrir de l’action de sorciers, je ne savais comment aborder un tel défi.
Il fallait aussi compter avec les orques. Vunamé savait qu’ils étaient une troupe de quinze menés par leur chef Leûrk. Leur principale attente était de recevoir de la chair d’homme à manger et pour cela ils comptaient sur une alliance avec le chamane-sorcier.
Alors que nous n’étions plus qu’à quelques heures du campement Lodreumila, trois enfants qui conduisaient un petit troupeau de chèvres nous apprirent que les orques étaient arrivés et que Féliquèl avait convoqué un feu de clan. Pas question pour nous de nous montrer à découvert, mais Vunamé savait quoi faire. Elle nous conduisit aux abords du campement par le chemin venant de la rivière.
« Le jonc du matin s’habille de rosée, la berge du soir souffle le brouillard et l’esprit des ancêtres veille sur les vivants »
Nous n’étions plus très loin maintenant et la chamane ne prenait encore aucune précaution pour une arrivée discrète. L’après-midi touchait à sa fin et soudain une lourde brume se fit sentir derrière nous. Elle montait de la rivière, nous enveloppa et nous dépassa. Vunamé, nullement désorientée nous amena jusqu’à une petite butte où nous nous allongeâmes, dans des herbes hautes étonnamment sèches. Le feu de clan commençait.
La lumière n'indique pas le bout du tunnel, c'est la lanterne de celui qui comme toi, cherche à sortir.