(21.05.2012, 21:39)Aglarond a écrit : S'il est un (contre-)exemple chez Tolkien d'un personnage dont l'histoire ne se prête pas, ou si peu, à une vision catholique, c'est bien Túrin. L'orgueil, la malédiction, le poids du destin dont on ne peut s'affranchir, le meurtre de l'ami, l'inceste, le suicide... Qui ne pourrait penser aussitôt à la tragédie grecque ?
Une (très) rapide recherche ne m'a fait trouver aucun essai digne de ce nom traitant le sujet par cette approche, mais une tout aussi rapide recherche Google montre que les critiques littéraires, à la sortie des Enfants de Húrin, ont tout de suite fait le rapprochement.
A.
Oui, les essais vont généralement chercher du côté du paganisme.
Et pourtant personnellement la lecture des Enfants de Hurin m'a tout de suite fait penser au livre de Job. J'appris trés récemment que Tolkien a collaboré à la traduction du livre de Job dans la Bible de Jérusalem.
En faisant une recherche trés rapide à l'instant j'ai trouvé quelqu'un dont je ne connais ni les titres ni la compétence a eu la même idée.
Citation :If this confrontation sounds familiar, it should. It’s essentially a reworking of the Book of Job in the Old Testament. God allows the Devil to throw calamity after calamity on the hapless Job in an effort to test his faith; here Morgoth puts Húrin on a chair and bids him to watch how his children Túrin and Niënor fare against his onslaught of evil.http://www.davidlouisedelman.com/book-re...-of-hurin/
Rapelons que Job est un homme qui respecte parfaitement la Loi divine. Probablement tire-t-il un orgueil de cette vertu ?
Toujours est-il que Yaveh autorise Satan à le mettre à l'épreuve.
Alors Job souffre et voit, depuis le tas de m*rde ou il finit par vivre, ses proches mourrir et souffrir.
Un beau jour la foi de Job défaille. Job connait l'humiliation de perdre la foi d'où il tirait de l'orgueil. Le coeur de Job est ainsi brisé, il devient apte au salut, les souffrances stoppent.
Ainsi en est-il de Hurin qui voit ses enfants souffrir, mourir et pécher.
Ainsi en est-il de Turin qui va d'humiliation en humiliation.
Deux extraits pour bien comprendre que les Enfants de Hurin est bien une oeuvre catholique:
" Le sacrifice qui plaît à Dieu, c'est un esprit brisé ; tu ne repousses pas, ô mon Dieu, un coeur brisé et broyé." - Ps 50-19
En matière de coeur brisé et broyé, Hurin et ses enfants se posent là !
"Quiconque s'élèvera sera abaissé, et quiconque s'abaissera sera élevé." (Mt 23, 11-12) Là encore l'abaissement des héros est total.
Alors certes il n'y a pas d'élèvement dans ce monde pour les héros mais je pense que la fin du dragon montre que l'orgueil est vaincu.
Evidemment avec Tolkien rien est simple, le dragon ne meurt pas vraiment à la fin. Peut être que pour Tolkien veut nous dire qu'ici bas l'humiliation ne prend fin qu'à la mort. Laquelle mort est l'humiliation supprême.
M'enfin, on retrouve avec les enfants de Hurin des thèmes centraux de la théologie catholique: humiliation jusqu'à la mort à soi-même de façon à façonner un coeur parfaitement humble, sans orgueil, afin de pouvoir contempler Dieu.
Hisweloke a écrit :Pour la seconde, sc. la question du dragon comme figure de l'orgueil, c'est moins probant, je ne suis pas certain que l'idée figure dans les textes, cela serait à creuser. Mais au-delà de l'orgueil de Lucifer lui-même (et de Melkor dans le Conte d'Arda), je ne suis pas sûr non plus que les dragons "dans le catholicisme" figurent (uniquement) l'orgueil. Je ne sais pas d'où tu tires cela, des références seraient peut-être à chercher. Il me semble qu'ils présentent aussi, pour le dire très vite, un rapport chthonien, en relation avec le monde souterrain (de Satan) et le chaos destructeur et maléfique opposé à l'ordre (divin), etc
Isengar a écrit :Je suis un peu comme Didier, assez dubitatif sur l'association plutôt limitative dragon/orgueil que tu attribue à une vision catholique des dragons.
Quand au dragon qui figure l'orgueil, c'est trés simple.
Satan apparait à Adam et Eve sous la forme d'un Dragon. Un serpent sur pattes puisque ensuite il est condamné à ramper au sol.
"Yahweh Dieu dit au serpent: " Parce que tu as fait cela, tu es maudit entre tous les animaux domestiques et toutes les bêtes des champs; tu marcheras sur ton ventre, et tu mangeras la poussière tous les jours de ta vie. "
Et ce dragon avait lui même péché par orgueil et proposait au hommes de cultiver cet orgueil.
"Le serpent dit à la femme: " Non, vous ne mourrez point; mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront et vous serez comme Dieu, connaissant le bien et le mal. "
Il me semble aussi que Saint Michel pourfant le dragon qui est un animal qui vole au dessus des montagnes s'imaginant être la plus proche de Dieu. Il faudrait rechercher.
Voilà tout cela est à creuser mais cela m'étonne un peu que les critiques litéraires, lorsqu'ils étudient l'ouvrage d'un catholique où on trouve de l'humiliation et un dragon, aillent chercher les sources uniquement du côté du paganisme.
Bien sur qu'il y a de la tragédie grecque dans les enfants de Hurin mais ce qui est universel dans cette tragédie est par définition catholique (καθολικος, catholicos signifie en grec « universel »). ........Désolé
C'est pourquoi je pense que la seule limitation à la tragédie grècque est trop restrictive. Tolkien allait au delà. Au moins jusqu'au livre de Job, ce qui est déjà [/size]beaucoup.