12.01.2019, 19:33
Chers amis,
Je me suis permis dans le texte ci-dissous, de reprendre l'intégralité de l'Ainulindalë en le versifiant à la manière d'un lai. Je ne vous cache pas que j'aurais aimé voir ce texte écrit dans ce style par Tolkien lui-même.
Si l'écriture ne fut pas très longue, la correction fut une autre histoire et je tenais à remercier chaleureusement Chiara Cadrich pour ses corrections et suggestions apportées à ce texte. J'espère ne pas mettre trop écarté du texte original et que cela plaira à ceux qui le liront. Je mets en pièce jointe ce texte en PDF.
Bonne lecture.
LE LAI DE L’AINULINDALË
Rien n'était au commencement,
à part Eru en son néant.
La solitude était trop grande
et son humeur un peu chalande.
De sa pensée il engendra ;
les Ainur, on les nommera.
Par des sentences fort cordiales
s'adressant à la collégiale
il proposa différents thèmes
pour donner vie à son mythème.
Et un à un, chacun chanta,
dirigé par le potentat
et différencier les Ainur
écoutant, aimant sans détour.
À fur et mesure chacun
s'étudia pour ne faire qu'un,
et entonner à l'unisson
ce que donneraient tous ces sons.
Exquis, ce thème subjugua
l'assemblée qui se prosterna
devant Eru, sa mélodie,
et ses accords en harmonie.
Ilúvatar, une autre fois
leur soumit un morceau de choix
encor plus grand et merveilleux
que son chant des plus harmonieux.
Il la nomma Grande Musique
et les Ainur d'Eru l'Unique
doué de la Flamme Immortelle
pourront prouver, devant l'autel,
qu'ils ont bien ce don en jouant
de moult verve et grand talent.
Alors des voix éblouissantes
en mélodie étincelante
telle la harpe ou bien le luth
l’orgue, la trompette et la flûte
dans une harmonie si parfaite,
Ilúvatar, le cœur en fête,
emplit tout cet espace vide
nuancé de couleurs vivides.
Une musique absolue vint
émerveiller l’ouïe du divin ;
des douces mélodies en fuite
s'enchaînent quasiment fortuites
en allégro et crescendo,
et semblent tirées au cordeau.
Mais du fond de la mélodie
de cette assemblée esbaudie
commence à monter en puissance
un contre-chant de dissonances.
La composition de Melkor
ne suivait ni thème ni corps
s'aventurait bien au-delà
de l’œuvre de ses frères las.
La tempête et les turbulences
des tourbillons de discordance
les Ainur furent engloutis
laissant leur œuvre inaboutie
dans ces flots enflés de sarcasme
en provoquant bien du marasme.
Dans tous les sens les pensées fuient
supplantées par d’ignobles bruits ;
capharnaüm, cacophonie
couvrent les chants de ces bénis
en violence et en fureur
jetant consternation et peur.
Ilúvatar leva la main
gauche tout en souriant, serein
et relança le même thème
qui fit prélude à ce dilemme ;
il s’ensuivit une bataille
Eru sans faire de détail
en puissance monta d’un ton
laissant ses ouailles à tâtons.
Dès lors qu’ils stoppèrent les chants
Melkor assura les devants ;
alors la mine grave, Eru
leva la main droite d’un coup
et un troisième mouvement
sortit du Chaos, enivrant.
Tout en douceur et tendrement
il naquit en frémissement
en douce harmonie élégante
prenant une force croissante.
Face à face, Eru et Melkor
dans cette joute à coup d’accords
au trône haut d’Ilúvatar
tonnèrent courroux et fanfare.
Mais sans aucune inspiration
sombrant dans la répétition
le vil Ainur vint à faiblir
sans cesser de surenchérir.
À cet instant, las de tout ça
Ilúvatar se redressa
et cette fois de ses deux poings,
il mit fin au vain contrepoint
d’un accord venant de l’Abîme
unissonnant aux sons des cîmes.
Eru prit la parole et dit :
“ puissants sont les Ainur, pardi
et Melkor en est sûrement
l’un des plus forts évidemment;
mais apprenez qu’Ilúvatar
est détenteur de tous les arts
et ces thèmes que j’ai chantés
je vous les montrerai d’emblée
pour que vous puissiez enfin voir
ce que j’ai concocté plus tard.
Et toi, Melkor, nul ne jouera
un thème qui n’est pas de moi.
Celui qui ose le tenter
étant l’instrument de mon gré
ne pourra pas créer de thèmes
qu’il eût imaginé lui même.”
Les Ainur ébaubis de peur
à l’écoute de la clameur
sans vraiment comprendre les mots
que Eru leur dit aussitôt
et Melkor honteux et confus,
la vengeance encor à l'affût,
tous saluèrent la grandeur
qui s’élevait, dans sa splendeur.
Delà les régions harmonieuses,
emmenant l’assemblée radieuse,
alors qu’ils arrivaient au Vide
il annonça d’un ton avide :
“Ainur, voyez votre Musique !”
Et cette vision magnifique
devant leurs yeux leur apparut
dès qu’Eru leur offrit la vue.
Et dans le Vide, en suspension
une sphère en gravitation
semblant tout à fait différente
de l’atmosphère environnante.
Piqués par la curiosité
ils se mirent à l’observer
et furent fort émerveillés
de ce qu’ils avaient pu créer.
“Voyez encor votre Musique !”
réitéra Eru l’Unique.
“Ceci présent vient de votre art
et chacun trouvera plus tard
les créations issues des chants
que vous avez chantés avant.
Quand à toi Melkor, tu verras
tes secrets et tu comprendras
qu’ils ne sont qu’infime partie,
tributaire de gloire aussi.”
En ce temps-là, d’une voix claire,
Eru parla à ses confrères,
et ce discours fut si limpide
qu’ils le prirent d’un air avide
en découvrant ce qui était
par le passé et ce qui est
à présent, sans en délaisser
ce qui sera...en destinée.
Tous ces mots ne leur échappèrent,
tels des enfants devant le Père
qui, ne voulant pas tout montrer,
garda pour lui quelques secrets.
La vision d’un Monde nouveau
leur paraissait si doux si chaud
et tout à coup, stupéfaction !
ça attira leur attention.
Voilà qu’une myriade d’êtres
venant à peine d’apparaître
en leur demeure aménagée
peuplait ce Monde à peine né.
Ils comprirent que ce fut Lui
au troisième thème, celui
où ils avaient baissé la garde
en le laissant seul par mégarde ;
et les Enfants d'Ilúvatar
naquirent ainsi du nectar.
Les Bénis ne purent étouffer
la folle envie de les aimer
comme le ferait un grand frère ;
ils y voyaient l’esprit du Père.
Ces Enfants nés de ses deux mains
étaient qui Elfes, qui Humains
les Premiers-Nés et Successeurs,
vivant dans la même demeure,
cernée des orbes flamboyants
au bout des Profondeurs du Temps
parmi d’innombrables étoiles
peintes sur le céleste voile.
Les Ainur, du moins, les plus forts
allèrent vers ce lieu. Melkor,
le premier arriva sur place
se prit pour roi en son palace,
croyant en son rôle majeur
lors du thème si tapageur.
Se croyant tel un souverain
pour les Elfes et les Humains
il désirait les dons promis
qu’Ilúvatar avait transmis
au moment de la création
de la demeure en la région.
Entre-temps les autres Ainur
admiratifs des alentours
du vaisseau de ce vaste Monde
ne voyant pas le vent de fronde
destiné à un triste sort
par le condescendant Melkor.
Les Elfes nommèrent la Terre,
Arda, la création des Pères,
dont les Ainur Exaltés, avec soins,
inspectèrent tous les recoins.
Ils sondèrent l’air et le vent,
le fer, l’or, la pierre et l’argent
tout ce qui la constituait ;
ils portèrent un intérêt
particulier à l’élément
faisant les mers et océans :
l’eau leur semblait bien plus porteuse
de l’écho des voix mélodieuses
émises en Grande Musique
cette grande œuvre génésique.
C’est à ce moment que les Elfes
nommèrent les Ainur adelphes ;
celui se rapportant à l’eau
reçut le patronyme Ulmo
tandis que celui de Manwë
aux airs et vents fut attaché.
Aulë méditant de la Terre
en un Ainur simplement fier
doté de talent et savoir
autant que Melkor en pouvoir.
Ilúvatar dit à Ulmo :
“Melkor dispense bien des maux
en ton domaine, une guerre,
imaginant un froid d’hiver.
Fais attention à cette neige
ainsi qu'à ce givre, ce piège.
Il a aussi dans sa besace
sorti de son esprit fumasse
la chaleur et le feu ardent
détruisant tout de son mordant.
Mais vois ces nuages changeants
et la pluie tombante à torrent
ils te rapprochent de Manwë
l’un de tes frères, le plus doué.”
À ces mots, Ulmo répondit :
“En vérité, l’eau me ravit…
elle est devenue bien plus belle
que l’imaginait mon cœur, elle
ne me parut pas si changeante
au froid et aux chaleurs ardentes.
Je m’en vais rejoindre Manwë
et ensemble on pourra te jouer
des mélodies pour te ravir
et nous pourrons mieux te servir.”
Au cours de la contemplation
alors qu’ils miraient la vision,
elle fuit en laissant sa place
à l’obscurité faisant face ;
s’étant épris de la beauté
qu’ils avaient pu examiner,
les Ainur restèrent pensifs
devant ce retrait agressif.
Bien qu’étant inquiets, les Ainur
écoutèrent Eru à son tour :
“Je sais que vos esprits désirent
revoir ce Monde et vous ravir
devant la beauté atypique
venue de la Grande Musique.
Alors je vous le dis : Eä !
Et que toutes ces choses soient !
J’épandrai la Flamme Éternelle,
brillant comme une sentinelle
trônant au cœur du nouveau Monde
en oscillation vagabonde.”
Une lueur venant au loin
scintillant à brûle-pourpoint
les Ainur ont les yeux brillants
devant tant d'émerveillement.
À ce moment, un choix se fit ;
descendre sur Eä suffit
ou rester près d’Ilúvatar
pour qui se sentait moins castar.
Les plus vaillants et débonnaires
prirent la route de la Terre ;
Eru posa des conditions
aux élus de l'expédition.
Leurs pouvoirs auront pour limite
ce nouveau Monde où ils habitent
ne seront plus nommés Ainur
mais les Valar depuis ce jour.
À leur venue en ce bas Monde
et un arrière goût immonde
de noter que rien ne ressemble
à la vision perçue ensemble.
Car la Grande Musique fut
la naissance d’un enfant nu
ainsi fut le commencement
avant l’avènement du Temps.
Dans ces déserts inexplorés
des souvenirs immémorés,
les travaux qu’ils entreprirent
et la prophétie à accomplir,
les occupèrent un moment
au bord des Profondeurs du Temps.
Les grands espaces, en leur sein,
sont l’endroit parfait au dessein
des Valar et de leur demeure ;
ils accueilleront en clameur
tout les Enfants d’Ilúvatar
bien avant qu’il ne soit trop tard.
Manwë, Aulë et Ulmo firent
la plus grande part à construire ;
c’est non sans l’aide de Melkor
narcissique encor et encor
cherchant à faire selon ses dires
et l’urgence de ses désirs.
Soudain, des colonnes noirâtres
ne venant pourtant pas de l’âtre,
montèrent en direction des cieux
dans un acte irrévérencieux ;
Melkor en être vil et fourbe,
mit le feu aux forêts et tourbes
et clama aux autres Valar :
“Tous les Enfants d’Ilúvatar,
tant Elfes, Humains, Premier-Nés
que Successeurs iront d’emblée
en mon royaume, ici présent,
portant mon nom évidemment.”
Même si dans l’esprit d’Eru,
sans se soucier ni peu ni prou,
il était frère de Melkor,
malgré les moult désaccords,
Manwë fit appel aux esprits
pour contrecarrer le mépris
qui tant accablait cette Terre
et les exactions de son frère.
“Tu ne prendras pas ce royaume ;
les callosités dans nos paumes
prouvent que nous l’avons bâti
avec l’amour et l’empathie
pour les Enfants d’Ilúvatar
que tu aimeras tôt ou tard.”
Ce fut à nouveau la discorde
entre Melkor et la concorde
formé par les autres Valar
en œuvrant chacun dans son art.
Melkor gagna d’autres régions
pour espérer trouver légions
mais au fond du cœur le désir
qu’il pourra un jour asservir
vraiment le royaume d’Arda
malgré les dires du Vala.
Donc afin de mieux s’intégrer
les Valar muèrent au gré
de la vision qu’ils eussent vu
pour les Enfants et leurs vertus ;
allant où bon leur semblerait
tout en splendeur et beaux attraits
afin de se confondre en eux
et pour les comprendre un peu mieux.
Lors ils aimèrent se vêtir
mâle ou bien femelle à choisir,
les différences de toujours
depuis qu’ils étaient juste Ainur,
réglées par les tempéraments
et non le choix des vêtements.
Et les Puissants avaient le choix
pas forcément de reine ou roi
pour les Enfants d’Ilúvatar
se promenant de toutes parts
revêtus de leur seul esprit
tout volutes et draperies.
Et en faisant descendre à eux
des compagnons venus des cieux
ils fondèrent l’ordre en Arda,
instaurèrent le concordat.
Et Melkor vit ce qui fut fait ;
les Valar qui déambulaient
de par le Monde aux yeux de tous
dans ce jardin où la joie pousse.
mais son envie irrésistible
de devenir aussi visible
emporté par la déraison
sembla une triste saison.
Sa forme était sombre et terrible,
il semblait fort et invincible ;
en un haut mont sur l’océan.
Coiffé dans les nuages blancs,
de glace, de flamme et nuée,
aux yeux de braise et de fumée
dans cette chaleur foudroyante
et cette froidure mordante,
il apparut en destructeur
semant la crainte et la terreur.
Ainsi, en Arda débuta
la bataille des potentats
entre Melkor et les Valar
sans aucun secours des Eldar
Les Valar peu à peu construirent
et Melkor se mit à détruire,
inlassablement et sans cesse,
de toutes furies et bassesses
contre ce qu’ils avaient créé ;
les verts vallons furent comblés,
les fonds marins anéantis,
les hautes crêtes aplanies
les terres fertiles détruites
Et tout recommençait ensuite.
Pourtant, rien ne fut fait en vain ;
la reconstruction du destin
d’Arda, maintes et maintes fois
sans jamais y perdre la foi
et que leurs imaginations
changea en cours d'évolution.
La Terre néanmoins prit forme
Lent produit d’un labeur énorme.
Tous les Enfants d’Ilúvatar
y vécurent plus ou moins tard
en leur demeure pour longtemps,
au fond des Abîmes du Temps
de façon incommensurable,
ceints des étoiles innombrables.
Encore merci Chiara.
Je me suis permis dans le texte ci-dissous, de reprendre l'intégralité de l'Ainulindalë en le versifiant à la manière d'un lai. Je ne vous cache pas que j'aurais aimé voir ce texte écrit dans ce style par Tolkien lui-même.
Si l'écriture ne fut pas très longue, la correction fut une autre histoire et je tenais à remercier chaleureusement Chiara Cadrich pour ses corrections et suggestions apportées à ce texte. J'espère ne pas mettre trop écarté du texte original et que cela plaira à ceux qui le liront. Je mets en pièce jointe ce texte en PDF.
Bonne lecture.
LE LAI DE L’AINULINDALË
Rien n'était au commencement,
à part Eru en son néant.
La solitude était trop grande
et son humeur un peu chalande.
De sa pensée il engendra ;
les Ainur, on les nommera.
Par des sentences fort cordiales
s'adressant à la collégiale
il proposa différents thèmes
pour donner vie à son mythème.
Et un à un, chacun chanta,
dirigé par le potentat
et différencier les Ainur
écoutant, aimant sans détour.
À fur et mesure chacun
s'étudia pour ne faire qu'un,
et entonner à l'unisson
ce que donneraient tous ces sons.
Exquis, ce thème subjugua
l'assemblée qui se prosterna
devant Eru, sa mélodie,
et ses accords en harmonie.
Ilúvatar, une autre fois
leur soumit un morceau de choix
encor plus grand et merveilleux
que son chant des plus harmonieux.
Il la nomma Grande Musique
et les Ainur d'Eru l'Unique
doué de la Flamme Immortelle
pourront prouver, devant l'autel,
qu'ils ont bien ce don en jouant
de moult verve et grand talent.
Alors des voix éblouissantes
en mélodie étincelante
telle la harpe ou bien le luth
l’orgue, la trompette et la flûte
dans une harmonie si parfaite,
Ilúvatar, le cœur en fête,
emplit tout cet espace vide
nuancé de couleurs vivides.
Une musique absolue vint
émerveiller l’ouïe du divin ;
des douces mélodies en fuite
s'enchaînent quasiment fortuites
en allégro et crescendo,
et semblent tirées au cordeau.
Mais du fond de la mélodie
de cette assemblée esbaudie
commence à monter en puissance
un contre-chant de dissonances.
La composition de Melkor
ne suivait ni thème ni corps
s'aventurait bien au-delà
de l’œuvre de ses frères las.
La tempête et les turbulences
des tourbillons de discordance
les Ainur furent engloutis
laissant leur œuvre inaboutie
dans ces flots enflés de sarcasme
en provoquant bien du marasme.
Dans tous les sens les pensées fuient
supplantées par d’ignobles bruits ;
capharnaüm, cacophonie
couvrent les chants de ces bénis
en violence et en fureur
jetant consternation et peur.
Ilúvatar leva la main
gauche tout en souriant, serein
et relança le même thème
qui fit prélude à ce dilemme ;
il s’ensuivit une bataille
Eru sans faire de détail
en puissance monta d’un ton
laissant ses ouailles à tâtons.
Dès lors qu’ils stoppèrent les chants
Melkor assura les devants ;
alors la mine grave, Eru
leva la main droite d’un coup
et un troisième mouvement
sortit du Chaos, enivrant.
Tout en douceur et tendrement
il naquit en frémissement
en douce harmonie élégante
prenant une force croissante.
Face à face, Eru et Melkor
dans cette joute à coup d’accords
au trône haut d’Ilúvatar
tonnèrent courroux et fanfare.
Mais sans aucune inspiration
sombrant dans la répétition
le vil Ainur vint à faiblir
sans cesser de surenchérir.
À cet instant, las de tout ça
Ilúvatar se redressa
et cette fois de ses deux poings,
il mit fin au vain contrepoint
d’un accord venant de l’Abîme
unissonnant aux sons des cîmes.
Eru prit la parole et dit :
“ puissants sont les Ainur, pardi
et Melkor en est sûrement
l’un des plus forts évidemment;
mais apprenez qu’Ilúvatar
est détenteur de tous les arts
et ces thèmes que j’ai chantés
je vous les montrerai d’emblée
pour que vous puissiez enfin voir
ce que j’ai concocté plus tard.
Et toi, Melkor, nul ne jouera
un thème qui n’est pas de moi.
Celui qui ose le tenter
étant l’instrument de mon gré
ne pourra pas créer de thèmes
qu’il eût imaginé lui même.”
Les Ainur ébaubis de peur
à l’écoute de la clameur
sans vraiment comprendre les mots
que Eru leur dit aussitôt
et Melkor honteux et confus,
la vengeance encor à l'affût,
tous saluèrent la grandeur
qui s’élevait, dans sa splendeur.
Delà les régions harmonieuses,
emmenant l’assemblée radieuse,
alors qu’ils arrivaient au Vide
il annonça d’un ton avide :
“Ainur, voyez votre Musique !”
Et cette vision magnifique
devant leurs yeux leur apparut
dès qu’Eru leur offrit la vue.
Et dans le Vide, en suspension
une sphère en gravitation
semblant tout à fait différente
de l’atmosphère environnante.
Piqués par la curiosité
ils se mirent à l’observer
et furent fort émerveillés
de ce qu’ils avaient pu créer.
“Voyez encor votre Musique !”
réitéra Eru l’Unique.
“Ceci présent vient de votre art
et chacun trouvera plus tard
les créations issues des chants
que vous avez chantés avant.
Quand à toi Melkor, tu verras
tes secrets et tu comprendras
qu’ils ne sont qu’infime partie,
tributaire de gloire aussi.”
En ce temps-là, d’une voix claire,
Eru parla à ses confrères,
et ce discours fut si limpide
qu’ils le prirent d’un air avide
en découvrant ce qui était
par le passé et ce qui est
à présent, sans en délaisser
ce qui sera...en destinée.
Tous ces mots ne leur échappèrent,
tels des enfants devant le Père
qui, ne voulant pas tout montrer,
garda pour lui quelques secrets.
La vision d’un Monde nouveau
leur paraissait si doux si chaud
et tout à coup, stupéfaction !
ça attira leur attention.
Voilà qu’une myriade d’êtres
venant à peine d’apparaître
en leur demeure aménagée
peuplait ce Monde à peine né.
Ils comprirent que ce fut Lui
au troisième thème, celui
où ils avaient baissé la garde
en le laissant seul par mégarde ;
et les Enfants d'Ilúvatar
naquirent ainsi du nectar.
Les Bénis ne purent étouffer
la folle envie de les aimer
comme le ferait un grand frère ;
ils y voyaient l’esprit du Père.
Ces Enfants nés de ses deux mains
étaient qui Elfes, qui Humains
les Premiers-Nés et Successeurs,
vivant dans la même demeure,
cernée des orbes flamboyants
au bout des Profondeurs du Temps
parmi d’innombrables étoiles
peintes sur le céleste voile.
Les Ainur, du moins, les plus forts
allèrent vers ce lieu. Melkor,
le premier arriva sur place
se prit pour roi en son palace,
croyant en son rôle majeur
lors du thème si tapageur.
Se croyant tel un souverain
pour les Elfes et les Humains
il désirait les dons promis
qu’Ilúvatar avait transmis
au moment de la création
de la demeure en la région.
Entre-temps les autres Ainur
admiratifs des alentours
du vaisseau de ce vaste Monde
ne voyant pas le vent de fronde
destiné à un triste sort
par le condescendant Melkor.
Les Elfes nommèrent la Terre,
Arda, la création des Pères,
dont les Ainur Exaltés, avec soins,
inspectèrent tous les recoins.
Ils sondèrent l’air et le vent,
le fer, l’or, la pierre et l’argent
tout ce qui la constituait ;
ils portèrent un intérêt
particulier à l’élément
faisant les mers et océans :
l’eau leur semblait bien plus porteuse
de l’écho des voix mélodieuses
émises en Grande Musique
cette grande œuvre génésique.
C’est à ce moment que les Elfes
nommèrent les Ainur adelphes ;
celui se rapportant à l’eau
reçut le patronyme Ulmo
tandis que celui de Manwë
aux airs et vents fut attaché.
Aulë méditant de la Terre
en un Ainur simplement fier
doté de talent et savoir
autant que Melkor en pouvoir.
Ilúvatar dit à Ulmo :
“Melkor dispense bien des maux
en ton domaine, une guerre,
imaginant un froid d’hiver.
Fais attention à cette neige
ainsi qu'à ce givre, ce piège.
Il a aussi dans sa besace
sorti de son esprit fumasse
la chaleur et le feu ardent
détruisant tout de son mordant.
Mais vois ces nuages changeants
et la pluie tombante à torrent
ils te rapprochent de Manwë
l’un de tes frères, le plus doué.”
À ces mots, Ulmo répondit :
“En vérité, l’eau me ravit…
elle est devenue bien plus belle
que l’imaginait mon cœur, elle
ne me parut pas si changeante
au froid et aux chaleurs ardentes.
Je m’en vais rejoindre Manwë
et ensemble on pourra te jouer
des mélodies pour te ravir
et nous pourrons mieux te servir.”
Au cours de la contemplation
alors qu’ils miraient la vision,
elle fuit en laissant sa place
à l’obscurité faisant face ;
s’étant épris de la beauté
qu’ils avaient pu examiner,
les Ainur restèrent pensifs
devant ce retrait agressif.
Bien qu’étant inquiets, les Ainur
écoutèrent Eru à son tour :
“Je sais que vos esprits désirent
revoir ce Monde et vous ravir
devant la beauté atypique
venue de la Grande Musique.
Alors je vous le dis : Eä !
Et que toutes ces choses soient !
J’épandrai la Flamme Éternelle,
brillant comme une sentinelle
trônant au cœur du nouveau Monde
en oscillation vagabonde.”
Une lueur venant au loin
scintillant à brûle-pourpoint
les Ainur ont les yeux brillants
devant tant d'émerveillement.
À ce moment, un choix se fit ;
descendre sur Eä suffit
ou rester près d’Ilúvatar
pour qui se sentait moins castar.
Les plus vaillants et débonnaires
prirent la route de la Terre ;
Eru posa des conditions
aux élus de l'expédition.
Leurs pouvoirs auront pour limite
ce nouveau Monde où ils habitent
ne seront plus nommés Ainur
mais les Valar depuis ce jour.
À leur venue en ce bas Monde
et un arrière goût immonde
de noter que rien ne ressemble
à la vision perçue ensemble.
Car la Grande Musique fut
la naissance d’un enfant nu
ainsi fut le commencement
avant l’avènement du Temps.
Dans ces déserts inexplorés
des souvenirs immémorés,
les travaux qu’ils entreprirent
et la prophétie à accomplir,
les occupèrent un moment
au bord des Profondeurs du Temps.
Les grands espaces, en leur sein,
sont l’endroit parfait au dessein
des Valar et de leur demeure ;
ils accueilleront en clameur
tout les Enfants d’Ilúvatar
bien avant qu’il ne soit trop tard.
Manwë, Aulë et Ulmo firent
la plus grande part à construire ;
c’est non sans l’aide de Melkor
narcissique encor et encor
cherchant à faire selon ses dires
et l’urgence de ses désirs.
Soudain, des colonnes noirâtres
ne venant pourtant pas de l’âtre,
montèrent en direction des cieux
dans un acte irrévérencieux ;
Melkor en être vil et fourbe,
mit le feu aux forêts et tourbes
et clama aux autres Valar :
“Tous les Enfants d’Ilúvatar,
tant Elfes, Humains, Premier-Nés
que Successeurs iront d’emblée
en mon royaume, ici présent,
portant mon nom évidemment.”
Même si dans l’esprit d’Eru,
sans se soucier ni peu ni prou,
il était frère de Melkor,
malgré les moult désaccords,
Manwë fit appel aux esprits
pour contrecarrer le mépris
qui tant accablait cette Terre
et les exactions de son frère.
“Tu ne prendras pas ce royaume ;
les callosités dans nos paumes
prouvent que nous l’avons bâti
avec l’amour et l’empathie
pour les Enfants d’Ilúvatar
que tu aimeras tôt ou tard.”
Ce fut à nouveau la discorde
entre Melkor et la concorde
formé par les autres Valar
en œuvrant chacun dans son art.
Melkor gagna d’autres régions
pour espérer trouver légions
mais au fond du cœur le désir
qu’il pourra un jour asservir
vraiment le royaume d’Arda
malgré les dires du Vala.
Donc afin de mieux s’intégrer
les Valar muèrent au gré
de la vision qu’ils eussent vu
pour les Enfants et leurs vertus ;
allant où bon leur semblerait
tout en splendeur et beaux attraits
afin de se confondre en eux
et pour les comprendre un peu mieux.
Lors ils aimèrent se vêtir
mâle ou bien femelle à choisir,
les différences de toujours
depuis qu’ils étaient juste Ainur,
réglées par les tempéraments
et non le choix des vêtements.
Et les Puissants avaient le choix
pas forcément de reine ou roi
pour les Enfants d’Ilúvatar
se promenant de toutes parts
revêtus de leur seul esprit
tout volutes et draperies.
Et en faisant descendre à eux
des compagnons venus des cieux
ils fondèrent l’ordre en Arda,
instaurèrent le concordat.
Et Melkor vit ce qui fut fait ;
les Valar qui déambulaient
de par le Monde aux yeux de tous
dans ce jardin où la joie pousse.
mais son envie irrésistible
de devenir aussi visible
emporté par la déraison
sembla une triste saison.
Sa forme était sombre et terrible,
il semblait fort et invincible ;
en un haut mont sur l’océan.
Coiffé dans les nuages blancs,
de glace, de flamme et nuée,
aux yeux de braise et de fumée
dans cette chaleur foudroyante
et cette froidure mordante,
il apparut en destructeur
semant la crainte et la terreur.
Ainsi, en Arda débuta
la bataille des potentats
entre Melkor et les Valar
sans aucun secours des Eldar
Les Valar peu à peu construirent
et Melkor se mit à détruire,
inlassablement et sans cesse,
de toutes furies et bassesses
contre ce qu’ils avaient créé ;
les verts vallons furent comblés,
les fonds marins anéantis,
les hautes crêtes aplanies
les terres fertiles détruites
Et tout recommençait ensuite.
Pourtant, rien ne fut fait en vain ;
la reconstruction du destin
d’Arda, maintes et maintes fois
sans jamais y perdre la foi
et que leurs imaginations
changea en cours d'évolution.
La Terre néanmoins prit forme
Lent produit d’un labeur énorme.
Tous les Enfants d’Ilúvatar
y vécurent plus ou moins tard
en leur demeure pour longtemps,
au fond des Abîmes du Temps
de façon incommensurable,
ceints des étoiles innombrables.
Encore merci Chiara.