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29.12.2012, 07:52
(Modification du message : 29.12.2012, 08:01 par Catilina.)
Ayant récemment relu le Hobbit (en parallèle la traduction de Ledoux et la nouvelle), je me suis posé quelques questions sur ce que représente Lacville/La Ville du Lac.
Pour l'histoire, c'est la dernière étape avant Smaug : là ou Thorin et Compagnie peuvent trouver repos, matériel et support.
Mais Lacville possède de nombreuses particularités qui ne sont pas nécessaires à ce rôle : Rivendell est au final assez limité mais joue un rôle au moins aussi important (indications sur où et quand la porte s'ouvre, "don" des épées des trolls par une sorte de propriétaire légitime, bénédiction, etc).
En effet Lacville est "étrange" au même titre que la Comté :
-Une ville commerciale, entre Tharanduil, Dorwinion et autrefois Erebor et le Val. Hormis une référence au marché des jouets du Val, il ne me semble pas que le sujet soit abordé ailleurs sinon en ce qui concerne la Comté (par exemple avec la vente d'herbe à pipe)
-Une ville démocratique, du moins en apparence. Comme le Thane, le Maître/Bourgmestre de Lacville/Ville du Lac est élu, "choisi" par les habitants.
-Un splendide isolement : il faut l'intervention désastreuse et destructive d'un Smaug ou d'un Sharcoux pour que quelque chose soit bouleversé. Au contraire des autres royaumes vivant sous la menace perpétuelle de l'Ombre, les Hobbits et les Hommes du Lac ne semblent tout simplement pas concernés par ce qui les entoure
-Lié au point précédent, ces sociétés sont bâties sur des fondations solides : après les ravages qu'elle connaissent, elles se reforment vite (la Comté après la mort de Sharcoux, Lacville/La Ville du Lac se reconstruisant encore plus prospère après la mort de Smaug et du Maître). Quand on voit à quel point ceux qui les entourent n'arrivent tout simplement PAS à se remettre de leurs propres troubles (Nains en exil perpétuel, Elfes repoussées, Ents en voie de disparition, les royaumes des Hommes se faisant grignoter le *** entre eux ou contre Sauron...), cela laisse songeur.
Au final, il existe une vraie proximité : Bilbo ne semble pas trop dépaysé par une ville où des festins sont tenus régulièrement, où les intérêts locaux prennent la place des évènements plus lointains réduits à l'état de chansons et de contes.
Peut-être que la réminiscence de Bilbo durant son fameux discours d'anniversaire, "ramenant" son "Berci beaucoup" dans le cadre de la Comté au lieu de Lacville peut s'expliquer par cette proximité?
Mais pour tout cela, malgré des points communs, ces deux sociétés partent dans des directions différentes.
-Commerce : Alors que la Comté est essentiellement autarcique et pratiquant un commerce interne (on se souvient de l'étonnement des Hobbits en voyant de l'herbe à pipe en Isengard), Lacville/Ville du Lac ne produit rien : elle sert d'intermédiaire entre plusieurs partenaires et se nourrit de ce qu'ils payent.
-"Démocratie" : Le Thane de la Comté n'a aucun pouvoir, essentiellement une figure et un inaugurateur de chrysanthèmes légèrement bouffon. Les familles règlent leurs propres affaires et la seule tentative de "centralisation" de la Comté s’appelle Sharcoux. Pénible souvenir.
Le Maître/Bourgmestre lui, possède de nombreux pouvoir et n'hésite pas à s'en servir pour son besoin personnel (piquer dans la caisse, entre autres). Ceux donnant un avis contraire, comme Bard, sont copieusement moqués.
-Isolement : Tandis que les Hobbits ne demandent rien au monde et estiment ne rien lui devoir, les Hommes du Lac agissent par égoïsme ou interêt bien calculé.
Alors que l'or d'Erebor est l'objet de l'espoir (peut on dire de la cupidité?) du Lac, les Hobbits sont d'une méfiance absolue envers les richesses que M Sacquet/Bessac a rapporté de l'Est.
La Comté donne l'impression d'un pays heureux et de producteurs aisés. On pense de suite aux communautés rurales (yeomen anglais, gentry, mais aussi Middle-East américain), alors que Lacville semble être plus boutiquière, "capitaliste" (une sorte de City transposée en Endor).
Les Hobbits peuvent avoir de nombreux défauts, mais apparaissent au final comme étant courageux "au besoin", ne dépendant que d'eux-même, et à défaut d'être vertueux en tout cas résistants à l'Ombre.
Les Hommes du Lac eux, sont d'humeur capricieuse, n'ont pas ce bon sens dont font preuve les Hobbits (en choisissant un Maître puissant, méprisant et voleur) et pensent à l'or autant que les Nains (voire peut-être même plus, car les Nains accordent une pensée à la vengeance et au recouvrement de leurs territoires).
Est-ce que Lacville comme anti-modèle (opposée à l'aberration totale que représente Isengard et la "politique" de Sharcoux), comme monde citadin opposé au monde rural est il une hypothèse valable?
L'essai "Villes et Territoires" décrit bien la situation : les villes décrites ne sont pas vraiment modernes. Seule Lacville/Ville du Lac semble être un peu plus évoluée, s'échappant presque de la Venise des premiers temps pour s'établir sur le Long Lac.
J'ai conscience que cette particularité peut s'expliquer par celles du Hobbit, un livre "charnière" entre la cosmogonie "classique" de Tolkien et le conte autonome façon "Gilles de Ham". Mais il me semble que le parallèle d'avec la Comté est un peu trop important pour n'être réduit qu'à cela.
J'avoue que je ne vois pas trop où cela peut mener, étant donné qu'il s'agit de quelques raisonnements apparus au cours d'une lecture.
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C'est une possibilité intéressante, ce me semble. Auquel cas, les changements advenant après que Bard ait tué Smaug pourraient être vus comme un renouveau héroïque rapprochant Bourg-du-Lac vers des origines plus nobles que sa situation boutiquière actuelle.
Rollant est proz e Oliver est sage.
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Ja pur murir n’eschiverunt bataille.
— La Chanson de Roland
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29.12.2012, 09:10
(Modification du message : 29.12.2012, 09:13 par Catilina.)
(29.12.2012, 08:40)Elendil a écrit : C'est une possibilité intéressante, ce me semble. Auquel cas, les changements advenant après que Bard ait tué Smaug pourraient être vus comme un renouveau héroïque rapprochant Bourg-du-Lac vers des origines plus nobles que sa situation boutiquière actuelle.
Le souci est que seul le Val est mentionné par la suite (essentiellement par Gloin durant sa conversation avec Frodon à Rivendell).
A l'extrême limite, on pourrait considérer que quand Gloin dit "[Brand] est un roi puissant et son royaume s'étend maintenant loin au Sud et à l'Est d'Esgaroth" que cette dernière est comprise dedans. Mais ça me parait douteux.
D'après ce que Balin avance dans le Hobbit, un nouveau maitre/bourgmestre a été choisi, alors que la coupure dans la population de la ville a déjà eu lieu entre ceux choisissant de rejoindre Bard (et formant donc l'armée présente à la Bataille des Cinq Armées, noyau du futur royaume du Val) et ceux préférant s'en tenir à leur vie précédente.
Je ne suis pas donc sur qu'une fois cette rupture établi, les Bardides et les Hommes du Lac fusionnent à nouveau. En tout cas aucun élément positif à ma connaissance ne le montre.
Quand à la qualité du nouveau dirigeant il est permis d'être prudent.
Le précédent Maître/Bourgmestre ne manquait pas de talent : diplomate, temporisateur, filou (bref, des qualités de marchand). Jusqu’à ce qu'il succombe au "mal du Dragon", il ne s'en sortait ma foi pas trop mal, réussissant à garder toute une partie de la population pour rebâtir Lacville.
Son absence de prudence n'a donc pas été autre chose que de s'enfuir avec le magot.
Le nouveau maître n'est pas plus juste, plus généreux. Il est élu parmi les "vieux et sages". Dans une ville de marchand, cela peut vouloir dire plus prudent, moins conduit par son impulsivité.
L'abandon quasi total par Tolkien de Lacville dans le SdA (hormis une mention comme repère géographique!). Alors que les messagers de Mordor viennent à Dâïn et à Brand, Gloin ne mentionne aucune mission similaire pour Lacville, pourtant redevenue prospère.
Peut-être pour un temps court, après tout Sauron a envoyé ses agents à Dol Guldur et de l'avis de Gloin "Sans les Beornides, le passage du Val à Fondcombe serait devenu depuis longtemps impossible".
L'impossibilité de Lacville à se défendre (en remettant ses pouvoirs dans un seul), son manque de "vertu", son absence de production réelle et son extrême dépendance du commerce, l'a peut-être condamné au déclin, sans parler de l'invasion qui a conduit à la Bataille du Val, quand les Hobbits ont su et on pu tirer leur salut de leurs terres.
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Il me semble aller de soi que Bourg-du-Lac devient une ville dépendante du royaume du Val, sous la coupe de la lignée de Bard, mais avec une relative autonomie sous l'égide du bourgmestre, délégué du roi du Val. En ça, cela se rapproche assez de ce qui se passe après le nettoyage de la Comté lorsqu'Aragorn remet les clefs de la Comté aux Hobbits, celle-ci restant malgré tout une partie du royaume réunifié.
What's the point of all this pedantry if you can't get a detail like this right?
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29.12.2012, 12:54
(Modification du message : 29.12.2012, 13:02 par Catilina.)
De mémoire, il me semble que lorsque la population rescapée de Lacville, suite à l'attaque de Smaug, voulant déclarer Bard roi; il y eut une opposition de la part du Maître qui réussit à convaincre une partie de celle-ci car "de tout temps Lacville a été dirigée par des hommes choisi dans son sein, et il n'y a jamais eu de roi".
Il en ressortirait que ceux ayant suivi Bard et ayant reconstruit Le Val se soient séparés de la population lacustre (il est aussi fort possible que cette faction soit largement composée de descendants de réfugiés du Val) et que Lacville a continué sa vie indépendente.
Sans exemple positif sur une mise en coupe du bourgmestre par le royaume, il me semble plus sérieux de se baser sur ceci : c'est après tout la seule information que nous avons sur ce qu'il advient d'Esgaroth après la Bataille des Cinq Armées.
EDIT : Au final cela change peu de choses quand à la question que je me posais et vous soumets. Sous domination nominale du Val ou non, la disparition de Lacville (peut-être jusqu'a sa disparition géographique) peut-elle être reliée au fait qu'elle puisse représenter un anti-modèle de la Comté?
Pour reprendre ton exemple, nous aurions une Comté nominalement sous l'autorité du roi (y compris avant le Royaume Réunifié, même si il s'agissait d'une autorité culturelle : "Ils disent des mauvaises choses qu'elles n'ont jamais entendu parler du Roi") ainsi que Esgaroth. Soit. Je ne le pense pas, mais ca n'a que peu d'incidence.
Mais les deux gardant leurs institutions, leur vie particulière et propre, est-ce que celles de Lacville forment elle un repoussoir?
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Esgaroth, anti-Comté, voilà une théorie très intéressante
Juste deux remarques au sujet de la Comté, afin de bien discerner le Thain de la Comté et la Maire de la Comté :
Le Thain est lui même un représentant du Roi, à l'origine. Le premier Thain est Bucca du Maresque, mais on ne sait pas s'il a été élu, ou si il existait un accord entre Aranarth, le chef des Dunedain d'alors (puisque le dernier roi, Arvedui était mort quelques années auparavant) et Bucca, pour représenter l'autorité royale disparue parmi les Hobbits.
Quoiqu'il en soit, la fonction est dès lors héréditaire, et non élective. Et les descendants de Bucca, les Vieilbouc du Maresque, conserveront le titre jusqu'à son abandon par Gorhendad Vieilbouc au profit d'Isumbras Touque.
De l'accession d'Isumbras à la Thanerie, on ne sait rien non plus. Élection ? Accord entre les deux familles ? Prise autoritaire du pouvoir ?
Là aussi, la fonction continuera de se transmettre de père en fils chez les Touque.
A l'époque de Bilbo, l'autorité du Thain s'est progressivement effacée au profit d'un système effectivement un peu plus démocratique avec un Maire élu tous les 7 ans et siégeant à Grand'Cave sur les Hauts Blancs.
Ce maire est Will Pieblanc à l'époque de la Guerre de l'Anneau.
Le qualifier de bouffon (si c'est bien à lui que tu pensais) est sans doute hâtif. Car si ses administrés lui ont trouvé le surnom de Vieux Croquette (en fait plus littéralement : "vieille boulette enfarinée") en mémoire de l'effondrement de l’hôtel de Ville sur sa tête (cf l'histoire que raconte Pippin à l'auberge de Bree), c'est tout de même lui que les Ruffians de Sharcoux jettent en prison en premier, permettant à Lothon de s’autoproclamer Shirriffe en chef et de prendre le pouvoir.
Pouvoir que va d'ailleurs contester le Thain, toujours en activité au Pays des Touque (c'est le père de Pippin).
Au retour du Roi, les choses sont plus complexes.
L'autorité du Thain se renforce à nouveau, mais celle du Maire également.
Sans compter celle des maîtres des marches de la Comté (Pays de Bouc puis Marche de l'ouest). Le maire (toujours élu) représente le pouvoir civil de la Comté, tandis que le Thain (toujours par héritage) est surement le représentant du Roi parmi les Hobbits. C'est comme ça que je vois les choses.
Quiqu'il en soit, Maire, maîtres et Thain font tous partie à rang égal du Conseil du Royaume du Nord.
C'est ce genre d'organisation qui a fait dire à Tolkien que le régime de la Comté était "semi-républicain et semi-aristocratique" (lettre 183).
Ces quelques précisions renforcent peut-être l'opposition entre Esgaroth et la Comté, puisque Bard et le maître de Lacville, contrairement aux dirigeants hobbits, n'ont pas su s'entendre et partager le pouvoir.
I.
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Citation :Juste deux remarques au sujet de la Comté, afin de bien discerner le Thain de la Comté et la Maire de la Comté :
Le Thain est lui même un représentant du Roi, à l'origine. Le premier Thain est Bucca du Maresque, mais on ne sait pas s'il a été élu, ou si il existait un accord entre Aranarth, le chef des Dunedain d'alors (puisque le dernier roi, Arvedui était mort quelques années auparavant) et Bucca, pour représenter l'autorité royale disparue parmi les Hobbits.
Quoiqu'il en soit, la fonction est dès lors héréditaire, et non élective. Et les descendants de Bucca, les Vieilbouc du Maresque, conserveront le titre jusqu'à son abandon par Gorhendad Vieilbouc au profit d'Isumbras Touque.
Arf, j'ai confondu le Thane et le Maire de Hobbiton. Mea culpa.
Effectivement, considérant ce que tu as dit plus bas, la division semi-aristocratique/semi-civique du pouvoir est encore plus présente dans la Comté.
Encore qu'elle ne soit pas totalement absente à Lacville. Après tout Bard est présenté comme l'un des archers de la ville, chef "naturel".
La division de la population de Lacville après sa destruction par Smaug peut être mise en parallèle avec les Hobbits : alors que ceux-ci trouvent le moyen de combiner les deux, les Hommes du Lac y échouent et la partie la plus dynamique, la plus "jeune" au sens mythologique n'a d'autre choix que de se séparer et aller au Val.
On peut quand même voir une graine de "division" avec controle par la seule "aristocratie" au pays de Bouc, mais cette excroissance de la Comté revient au final libérer et revitaliser celle-ci et au final y est réunie par le Don fait par Aragorn.
Il y a quelque chose à creuser ici.
Citation :Ce maire est Will Pieblanc à l'époque de la Guerre de l'Anneau.
Le qualifier de bouffon (si c'est bien à lui que tu pensais) est sans doute hâtif. Car si ses administrés lui ont trouvé le surnom de Vieux Croquette (en fait plus littéralement : "vieille boulette enfarinée") en mémoire de l'effondrement de l’hôtel de Ville sur sa tête (cf l'histoire que raconte Pippin à l'auberge de Bree), c'est tout de même lui que les Ruffians de Sharcoux jettent en prison en premier, permettant à Lothon de s’autoproclamer Shirriffe en chef et de prendre le pouvoir.
Pouvoir que va d'ailleurs contester le Thain, toujours en activité au Pays des Touque (c'est le père de Pippin).
Tout d'abord les évenements en Comté avec Sharcoux sont exceptionnels. Les Hobbits ont tôt fait de le laisser de coté (préférant Verts Smials à des noms plus guerriers) ceci.
Les hommes de Saroumane emprisonnent Pieblanc mais aussi Lobelia à cause de leur "bon sens", de leur franchise s'exprimant parfois par le ridicule (je veux dire, le coup du parapluie de Lobelia quoi). Alors que le Maitre lui va s'exprimer de manière très distingués aussi bien avec les Nains ("Mais vous êtes après tout le vrai roi sous la montagne, cher ami") ou avec ses concitoyens.
L'épithète bouffon ici est à prendre au sens "institutionnel" : seul le bouffon, le clown peut se permettre d'être franc car il le dit, vit la vérité sous le masque du rire.
Alors que le Maître rencontré par Thorin et Compagnie subit le ridicule, est bouffon à cause de ce qu'il n'est pas, qu'il ne peut pas être en étant coupé des nécessités de base (assurer le ravitaillement de son peuple d'une manière sûre, impossible à cause de la nature mercantile de la cité)
Je sais pas si je suis très clair là par contre
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Si, si.
Dans cette acceptation de la bouffonnerie, le maire de la Comté détient la vérité mais se retrouve contraint de la taire, alors que le maître de Lacville subit cette vérité.
Est-ce à peu de choses près ce que tu voulais dire ?
I.
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29.12.2012, 23:05
(Modification du message : 29.12.2012, 23:37 par Catilina.)
Grosso modo. Le rire, l'humour sur soi permet aux Hobbits de ne pas se prendre au sérieux, de raison garder quand aux affaires "d'état". Le pouvoir est ainsi dédramatisé, empêché de devenir tyrannique : comment pourrait-il le devenir?
C'est assez amusant de voir que la première chose établie dans la Comté est l'interdiction de tourner en ridicule Lotho ou les répartiteurs, voire même les shiriffs.
Nous avons d'un coté un pouvoir qui ne se prend pas, qui ne peut pas se prendre au sérieux et donc peu susceptible de dégénérer (d'autant plus que le Maire est partie prenante de ce désamorçage de sa pleine volonté), et d'un autre (pour Lacville) un pouvoir paré de compétence réelles (rhétorique, adaptabilité, calcul). Il n'en est pas pour autant renié, mais la recherche de légitimité, de "noblesse" sans en avoir le droit ou la vertu amène un ridicule qui n'est pas perçu par le pouvoir, ou quand il est perçu est vu comme un danger.
On en revient à une conception rurale du pouvoir : des familles réglant leurs affaires entre elles (Touc, Bouc, Besace) avec une figure servant à la cohésion symbolique (Roi, Maire, Thane,...). On pourrait estimer que la présence du roi, même absent, comme garant de l'ordre naturel des choses empêche la dégénérescence de la force publique (les choses restant ad vitam eternam dans l'état donné par celui-ci) alors que l'absence d'une telle figure à Esgaroth ne peut amener qu'un certain chaos.
Je précise ici, que si Esgaroth doit être considéré comme une antithèse de la Comté, il n'en est pas moins une alternative légitime au contraire de la négation qu'est le Mordor, Isengard et encore plus la Comté de Sharcoux. A la limite, Esgaroth ne se menace que lui-même et ne cherche pas à s'imposer (ils en seraient bien incapables).
Faudrait que je mette ça en page éventuellement, histoire que ca soit plus lisible.
En tout cas me semble bien visible une opposition de communautée rurale idéalisée (mélange de Merry England et de gentry XVIII) et de la ville desaxée, avec son fonctionnement à la fois proche et lointain des préoccupations naturelles. Ce que l'on appellait naguère l' "anarchisme paysan", c'est à dire le rejet du modernisme par l'appel aux vertus anciennes et à la solidarité de paysans-propriétaires contre une autorité centrale.
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(29.12.2012, 23:05)Catilina a écrit : Faudrait que je mette ça en page éventuellement, histoire que ca soit plus lisible.
La section Essais, dont je suis responsable, a vocation à recueillir ce genre de théories, si tu es tentée de la développer plus en détails. N'hésite pas à me faire signe, si ça devait t'intéresser
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Oui, c'est là un sujet de philosophie politique intéressant, qui mériterait un article...
Cordialement,
Hyarion.
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29.12.2012, 23:40
(Modification du message : 30.12.2012, 00:11 par Catilina.)
Par contre je n'ai pas beaucoup accès aux lettres de Tolkien, qui pourraient sûrement donner un éclairage plus direct des conceptions de l'auteur. J'ai peur qu'en me basant seulement sur le Hobbit et avec un peu du SdA, cela soit un peu bancal.
EDIT
La lettre 52 semble être intéressante à ce sujet.
Citation :My political opinions lean more and more to Anarchy (philosophically understood, meaning abolition of control not whiskered men with bombs) -- or to 'unconstitutional' Monarchy. I would arrest anybody who uses the word State (in any sense other than the inanimate realm of England and its inhabitants, a thing that has neither power, rights nor mind); and after a chance of recantation, execute them if they remain obstinate!... Government is an abstract noun meaning the art and process of governing and it should be an offence to write it with a capital G or so as to refer to people... The most improper job of any man, even saints, is bossing other men. Not one in a million is fit for it, and least of all those who seek the opportunity.
Citation :Mes idées politiques tendent de plus en plus vers l'Anarchie (au sens philosophique, l'abolition du contrôle, pas les moustachus avec des bombes) ou une monarchie "non-constitutionnelle". J'arrêterais volontiers quiconque utilise le mot Etat (dans tout sens autre que le concept de contrée anglaise et de ses habitants, qui n'a ni pouvoir, droits ou conscience) et après une chance de réhabilitation, l’exécuter si il s'obstine! Le gouvernement est un mot abstrait pour l'art et la manière de gouverner et il devrait être interdit de l'écrire avec un G majuscule ou toute autre manière pour en faire le peuple...Le travail le plus ingrat de tout homme, y compris les saints, et de diriger d'autres hommes. Pas un sur un million n'est fait pour cela, et encore moins de ceux-là qui recherchent cette opportunité.
Bon je suis pas sûr de l'exactitude de la traduction.
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Si tu en as besoin, on doit pouvoir retrouver les citations pertinentes des Lettres le cas échéant.
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Puis que il sunt as chevals e as armes,
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