Eh bien... je suis resté un peu pantois devant la somme de ce travail.
C'est un essai certainement très complet, mais qui laisse plus songeur que rêveur.
J'ai mis quelques semaines à me décider à rédiger cet avis à partir des multiples notes prises durant la lecture - de plusieurs jours - de l'essai.
Ce qui a dominé, c'est un arrière goût de "traité de géographie urbanistique contemporaine" appliqué à la Terre du Milieu, avec une transposition de la liste des termes et expressions d'architecture piochée dans les mémoires de la commission générale de terminologie et de néologie...
A le relire hier soir, je me suis enfin décidé à donner mon avis.
Certaines analyses me laissent mal à l'aise et, en particulier pour ce qui concerne les passages évoquant la Comté - ou plutôt : examinant la "distribution socio-spatiale" des Hobbits dans leur "micro-urbanité".
En effet, certains points révèlent une lecture tout à fait orientée et/ou superficielle de l'oeuvre, amenant à des conclusions fatalement erronée (voir la fin du chapitre
Le 'trou' (ou smial) : 'Hole sweet hole' ?, à propos du Pays de Bouc.)
Par ailleurs, les auteurs appliquent à la Comté, leurs propres savoirs socio-urbanistiques franco-français (voir la bibliographie, qui confirme le fait), oubliant un point essentiel : la Comté est un pays
imaginé par un auteur britannique à partir du modèle du Warwickshire de la fin du XIXème siècle.
Puis l'utilisation à l'envi (voire à la nausée) d'un vocabulaire analytique de très haute volée ne suffit pas à cacher la confusion dans la maîtrise de l'œuvre. Il y a plusieurs exemples, mais mon esprit mesquin me pousse à ne citer que le plus superficiel : dans le chapitre
Un étranger dans la Comté: Gandalf, les citations attribuées à Ted Rouquin (SdA, I, 2,
L'ombre du passé, proviennent en fait du dialogue entre le Vieux Gamegie et le Rouquin (le père de Ted) dans le chapitre précédent (SdA, I, 1,
Une réception depuis longtemps attendue).
Ainsi, avant de faire étalage de sa maîtrise des notions de "procécé diégétique" ou d' "accumulation hyperbolique", faudrait-il s'assurer de la maîtrise du texte dont on prétend parler, non ?
Ma dernière remarque est inutilement acide, je le concède, mais l'appel à l'exemple jacksonien, présenté à trois reprises comme une référence en matière d'analyse d'un sujet sur l'œuvre de Tolkien, a achevé d'accabler ma patience...
Bref. Un essai fouillé et expert, très intéressant et riche à tout point de vue, en particulier dans les passages concernant Minas Tirith. Mais le tout reste très éloigné de la poésie et du mystère de la Terre du Milieu. Du coup, j'y adhère avec difficulté.
On assiste à mon sens dans cet essai, à un exemple des limites de l'applicabilité : bien que l'œuvre de Tolkien laisse au lecteur une liberté d'interprétation variable suivant sa pensée et ses expériences, les auteurs de cet essai ont privilégié l'adaptation de l'œuvre
à leurs savoirs plutôt que l'inverse, et ont trop souvent délaissé le contexte externe de la subcréation tolkienienne, essentielle pour une compréhension globale - et sans plantages - de l'oeuvre.
Mais d'autres avis que le mien seront les bienvenus
I.