Messages : 352
Sujets : 32
Inscription : Jul 2007
Je viens de relire "Cette hideuse puissance" de C. S. Lewis. Il y fait explicitement référence à "Numinor", invention de son ami Tolkien, qui aurait été submergé... avant la période glaciaire.
J'ai aussi commencé "La route perdue", où visiblement Tolkien souhaitait remonter dans le temps avant aussi la période glaciaire.
Ca donne l'impression que la Terre du Milieu se situe à l'époque préhistorique. Mais alors, comment les avancées technologiques et civilisationnelles décrites par Tolkien auraient été anéanties pour faire revenir l'Homme à l'âge de pierre? Y a-t-il des soupçons de réponses dans certaines de ses oeuvres?
(A moins qu'on ne parte de l'hypothèse à moitié sérieuse de Chesterton dans "L'Homme éternel": après tout, les hommes préhistoriques portaient peut-être des vêtements de soie, qui se sont abîmés avec l'âge et qu'on n'a donc pas retrouvés, d'où notre conclusion qu'ils vivaient nus

)
Messages : 6 432
Sujets : 199
Inscription : Feb 2011
Merci pour cette question. C'est précisément l'effet recherché (pour l'époque préhistorique). Pour répondre à ta question, une réflexion impressionniste : comment est-on passé des titanesques palais mycéniens à la (dite) cabane en bois de Romulus ? Et ensuite des palais romains en châteaux forts en bois ?
Messages : 352
Sujets : 32
Inscription : Jul 2007
16.10.2025, 18:07
(Modification du message : 16.10.2025, 18:11 par Tinakë.)
Effectivement, c'est intéressant comme parallèle! Je pensais aussi tout simplement à cette fameuse ère glaciaire, qui aurait pu tout chambouler...
Messages : 6 432
Sujets : 199
Inscription : Feb 2011
Difficile de se prononcer comme ça, la référence est intéressante et le lien avec Lewis est parlant, mais à la fois très daté. Si l'idée n'a pas été reprise c'est peut-être aussi parce que Tolkien a finalement abandonné certains parallèles trop directs faits avec l'histoire réelle, comme celui avec Troie/Babylone dans les Contes Perdus.
Messages : 51
Sujets : 11
Inscription : Jan 2022
Nouvelle question, en réponse directe à ce sujet :
Le fait que l'oeuvre de Tolkien se détache progressivement de son rapport "historique" avec le réel peut-il être considéré comme le point de rupture, c'est-à-dire de passage de la mythologie (avec tout le projet social et politique qui l'accompagne) à la littérature "pure" ?
Merci de votre réponse !
Messages : 6 432
Sujets : 199
Inscription : Feb 2011
Pas du tout, de nombreuses oeuvres littéraires s'enracinent dans notre passé mythologique, historique ou uchronique - d'Homère aux Mémoires d'Hadrien et à Jaworsky.
Pas sûr d'avoir compris le projet social, politique, et ce que serait la littérature "pure".
C'est le fruit d'une réflexion de Tolkien sur son projet littéraire, cf., le conte de fées, et un moyen de "dire le vrai".
Messages : 51
Sujets : 11
Inscription : Jan 2022
Ce que je voulais dire, c'est que Tolkien est parti d'un projet politique, celui de donner une mythologie à l'Angleterre, ou à tout le moins un équivalent des mythologies d'autres peuples européens (d'où les correspondances entre certaines dates et certains lieux, et donc des points de jonction entre plusieurs espaces-temps, fictifs, mythiques et réels) ; pour reprendre l'un des deux exemples que tu cites, c'est le cas aussi de l'Odyssée, qui s'ancre directement dans la mythologie grecque et dans sa pratique sociale : le fait de réciter des chants sur l'histoire des Dieux et des héros, puis de les "compiler" afin de constituer une référence unifiée, relève de l'extension sociale de la mythologie et y contribue donc. Ces chants font le lien (entre autres) entre les poètes, la population, les croyances...
Au même titre que ces oeuvres poétiques, les premiers livres historiques s'ancrent dans un projet politique qui vise souvent à relier les grands dirigeants politiques aux héros "mythiques" : Romulus et Remus, descendants d'Enée et donc d'Aphrodite, donnent une part de légitimité et de noblesse aux familles patriciennes de la République et de l'Empire.
Toutes ces productions (et les premiers textes de Tolkien, il me semble) répondent à une fonction politique, publique, qui implique une certaine écriture littéraire qui lui est soumise (en termes de chronologie, de typologie des personnages et même de grammaire et de style).
Ce n'est pas le cas en revanche des Mémoires d'Hadrien qui ne sont pas l'extension sociale d'une mythologie toujours active, et qui, de fait, ne contribuent pas à cette mythologie : il s'agit d'une inspiration libre et les Mémoires sont une oeuvre entièrement littéraire, sans projet social sous-jacent.
Je ne m'avancerais pas sur Jaworsky ; je ne l'ai pas lu.
La question en tout cas ne concernait pas les oeuvres du type des Mémoires d'Hadrien, mais celles typiquement à la frontière du contenu mythologique et du projet littéraire pur, dont celle de Tolkien fait partie. Il y a une étape de la création de ce monde où la particularité de l'entité littéraire ne peut plus supporter son attache avec une supposée réalité historico-mythique : par souci de cohérence interne et de composition purement artistique, l'oeuvre devenue autonome n'a plus besoin et n'est plus contenable dans une perspective mythique effective.
En ce sens, la question littéraire est remise au centre du jeu.
Messages : 20 961
Sujets : 777
Inscription : Nov 2007
(20.10.2025, 01:10)Utilisateur a écrit : Ce que je voulais dire, c'est que Tolkien est parti d'un projet politique, celui de donner une mythologie à l'Angleterre
Non, Tolkien est parti d'un projet littéraire consistant à dédier une mythologie à l'Angleterre ("I had a mind to make a body of more or less connected legend [...] which I could dedicate simply to: to England; to my country"), ce qui est un peu différent d'un projet politique d'écriture d'une mythologie anglaise.
What's the point of all this pedantry if you can't get a detail like this right?