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Conte de Noël et du Harad
#31
Chacun prit ses marques, s’habitua à la lumière aveuglante. L’arène était en fait un ancien hippodrome, long de quatre cents pieds, ceinturé d’une haute muraille de moellons. Au centre, une étroite tribune de pierre délimitait la piste ovale, qu’empruntaient autrefois chars et cavaliers.

Un jeune homme, affublé d’une armure de bras et d’un casque lui couvrant entièrement la tête, laissa tomber arme et targe pour retirer l’odieux heaume qui l’enserrait et l’étouffait. Ses camarades l’avertirent, lui crièrent de se retourner.

Trop tard, une hyène l’avait attrapé par la jambe.

Un cavalier passa en trombe et cueillit le monstre en plein poitrail, d’un coup de lance magistral.
Une vague de hurlements raviva la foule.

La mêlée s’engagea, implacable, rapide. Les spectateurs ne savaient plus où observer : partout des boyaux se répandaient, un jet de sang s’échappait par saccades d’un membre sectionné, une armure s’effondrait dans le sable, une tête roulait loin d’un corps…

Après quelques minutes, les rangs éclaircis des combattants s’organisèrent : les hyènes se chamaillaient à une extrémité du parcours, se disputant quelque dépouille. Les gladiateurs se terraient le dos à la muraille, par petits groupes.

Seul le nain Barberoides, carapaçonné de plaques de métal, se mouvait encore péniblement au milieu de la piste, pour atteindre l’îlot central, sa masse à la ceinture et une vouge au poing. La foule l’encouragea en moquant sa lenteur. Un lancier infléchit sa course pour venir frapper cette cible facile. Hélas pour lui, le nain l’avait vu venir : faisant volte-face au dernier instant, le Khazâd désarçonna le nomade qui s’effondra, la lame de la vouge en travers de la gorge.

Les cavaliers, condamnés à tourner pour tirer parti de la force de leur monture, changèrent lances et épées contre un arc court. Alors commença le terrible spectacle des cavaliers, maîtres de la piste, tirant comme à la parade leurs cibles périphériques. Bientôt, ils se détournèrent du nain, planté sur l’ilot et hérissé de flèches qui ne semblaient lui faire aucun mal. Un à un, les combattants à pied s’effondraient, tandis que les hyènes, décimées mais affamées après avoir terminé leur hors-d’œuvre, pointaient leurs museaux ricanant vers les plus isolés.
.oOo.
A suivre...
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#32
Bien d'accord avec toi concernant les Mages bleus. Je fais en fait le parallèle suivant. À l'est, ce sont ces mages qui ont créé un terreau fertile pour la soumission à Sauron, au sud, dans ton récit, c'est la pré-existence de ce culte païen de la déesse, le climat spirituel et rustique voire violent du désert qui va favoriser les conversions vers le culte de l'œil. En l'absence de "prophètes" des vrais dieux.
La lumière n'indique pas le bout du tunnel, c'est la lanterne de celui qui comme toi, cherche à sortir.
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#33
Aveuglé par son casque, accablé sous les hurlements de la foule et les traits meurtriers de ses adversaires, épuisé par des semaines de privations, Taïnyota s’était terré à une extrémité de la piste. Oppressé par l’horreur, il finit par reprendre ses esprits : il aida son voisin à se débarrasser de son heaume et fut aidé en retour. Un regard avait suffi aux deux hommes pour sceller une alliance.

Mais le manège mortel des lanciers et des archers montés continuait, prélevant à chaque tour quelques vies parmi les combattants. Ensemble, les deux alliés parvinrent à récupérer un bouclier sur un cadavre, puis une lance sur un blessé.
– Il nous faut un arc !
– Là, celui-là en a un !
Un nomade, blessé à l’aine, se trainait dans le sable, pour s’écarter du milieu de la piste.
Taïnyota s’arma du bouclier et de la lance, son comparse de son glaive. Ils visèrent l’intervalle entre le passage des cavaliers et se lancèrent. Notre chevalier protégeait son comparse, qui dérobait armes et munitions au moribond.

Mais un groupe de cavaliers s’approchait, en rangs serrés. Le premier tomba sous le coup de lance de Taïnyota, mais les suivants bousculèrent les complices. Notre héros fut projeté à terre. Un cavalier fit volte-face et arma son javelot pour en finir. Mais il ne put porter son geste : son propre cheval se cabra et le désarçonna, avant de lui décocher une ruade qui l’envoya se fracasser contre la tribune centrale.

Taïnyota n’en crut pas ses yeux : les oreilles en avant, l’animal frémissait des lèvres, trépignait doucement et vint frotter sa tête à la sienne !
– Farasi !
Les comparses décrochèrent, emmenant les armes des guerriers tombés, le cheval sur leurs talons.

La foule hurla à nouveau, d’une seule voix, abominable par l’horrible synchronisme et l’unisson de ces timbres : l’aigu hystérique de la jeune mère, la basse onctueuse du commerçant, vibrant à présent de cruauté, le chevrotement pervers de la grand-mère, tous ivres de la curée.

Taïnyota, auréolé du coup d’éclat de Farasi, rassemblait à lui quelques gladiateurs. À l’extrémité de la piste, il les forma en rangs de boucliers, hérissés de lances. Derrière cette ligne s’abritaient deux archers qui tiraient lorsque les cavaliers passaient à portée. Ces derniers en vinrent à hésiter, concentrant plutôt leurs attaques sur les hyènes, qu’excitait l’odeur des chevaux.

Le spectacle tournait court. Les gladiateurs se groupaient autour du noyau déjà formé, même si quelques-uns payèrent de leur vie la tentative de rejoindre cet espoir. Le nain lui-même, isolé sur le terre-plein central, finit par quitter son îlot et clopina lui aussi vers ses camarades. Les cavaliers, de leur côté, éradiquèrent la horde de charognards et établirent un point de repos dans le virage opposé de la piste.

La foule s’animait à présent d’une houle étrange. Des portions entières de gradins scandaient des encouragements aux cavaliers nomades, d’autres avaient pris en affection les « rebelles » qui leur résistaient. Les tribus du Nord-Harad, dominées par les Variags, sifflaient abondamment, insultant tous les combattants et regrettant la défaite prématurée des monstres du Grand Œil.

Des pur-sang erraient çà et là, effarouchés par l’odeur des hyènes, la violence du carnage et les cris de la foule. Monté sur Farasi, Taïnyota tâchait de récupérer quelques chevaux, autant pour en priver ses adversaires, que pour en équiper ses camarades. Ce faisant, il rassembla sur l’îlot central quelques blessés des deux camps, les délestant de leurs armes.

Il se produisit alors une chose extraordinaire.

Suivant l’exemple des deux pur-sang remorqués par le chevalier, quelques chevaux errants vinrent le rejoindre. Certaines des montures des cavaliers que l’on reposait à l’autre bout de la piste, tentèrent de faire de même. Et progressivement, un petit troupeau se forma derrière Farasi.

La culture du cheval n’est pas un vain mot dans le Harad. On honore quiconque porte respect à sa monture. On révère aussi qui emporte l’adhésion en tant que chef de harde. La foule se calma, les spectateurs et les deux camps restants observant la scène avec curiosité.

Après quelques minutes de marche tranquille du troupeau improvisé, Taïnyota vint tirer un peu d’eau au centre de l’hippodrome, et en donna un peu à chaque cheval. Le chef des cavaliers nomades fit de même, et tous les chevaux se retrouvèrent pacifiquement. On ignore ce que se dirent les deux hommes, mais il semble que plus personne n’avait le gout de se battre.

Chaque camp commença alors à s’occuper sérieusement des blessés.
Le spectacle était gâché… mais la foule semblait respecter la paix des braves et des montures.
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A suivre...
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#34
Belle illustration de la relation d'amour entre le numenoréen et son cheval !
La lumière n'indique pas le bout du tunnel, c'est la lanterne de celui qui comme toi, cherche à sortir.
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#35
Merci Sam Sanglebuc !
Quant aux devenirs religieux de ces contrées sauvages : je n'en dis pas plus pour le moment...

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Dans les coulisses, on avait observé le combat.

Marhas avait fait vider les cages et envoyé plus de hyènes, en rogne pour la dépense.
En vain.

Inquiet, le maitre de l’arène avait stimulé son champion pour « crever quelques cavaliers et les exciter à tuer ».
Mais la jolie petite gueule du champion gisait dans le sable, figée sur un rictus de douleur et du sang lui coulant de la bouche. Aucune dame ne semblait pleurer dans les tribunes…

Et les gardes de l’arène qui refusaient de monter en piste ! Les couards !
Au comble de la fureur, Marhas attrapa un bouclier, serra son baudrier et saisit une lance.

Foutu étranger… Il fallait du spectacle et du sang... On allait en donner.
.oOo.
A suivre...
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#36
Les deux adversaires se faisaient face. Cet idiot d’étranger avait immédiatement provoqué, demandé, revendiqué le duel. Excellent. La foule en aurait pour son argent. Et les commandes pleuvraient après ça.

Marhas était aguerri, bien nourri, en pleine possession de ses moyens. L’étranger était diminué, mais il avait de la ressource. Prudence et méthode…

Le maître de l’arène attaqua méticuleusement, usant de son allonge supérieure. Il maintint le contact continuellement, obligeant son adversaire au qui-vive permanent.

L’Etranger et le Maître des gladiateurs échangèrent coups et parades pendant un long moment. Le pragmatisme expéditif de l’un valait l’escrime académique de l’autre. Mais la fatigue viendrait à bout de l’Etranger. Tous deux le savaient.

Alors Taïnyota se fit plus agressif, il enchaîna feintes et attaques, sur tous les registres.

Et ce qui risquait d’arriver se produisit : bloqué net sur une feinte anticipée par Marhas, notre héros fut touché au flanc.
Taïnyota recula, grimaçant de douleur.

Alors le Gladiateur, en bon professionnel, n’hésita pas : il porta le coup mortel.

Hélas pour Marhas, l’Etranger avait lui aussi prévu ce mouvement, le para avec adresse et appliqua à son adversaire, la clé de bras qu’il l’avait vu faire sur un adolescent sans défense.

Le gladiateur, de douleur, dut lâcher son arme et se retrouva à genoux, la lame de son adversaire sur la gorge.
– Déclare-toi vaincu, Maître des esclaves !

L’éclat d’un poignard luisit au bord de la protection de cuir qui protégeait l’avant-bras du Gladiateur. Marhas se détendit brusquement, visant la carotide.

Mais Taïnyota s’y attendait. Il esquiva, plantant son glaive dans le sternum de son adversaire. Le maître des gladiateurs s’effondra dans le sable, qui but son sang.

– Tu avais raison, Marhas : Une provocation, ça pousse l’adversaire à l’imprudence !

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A suivre...
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#37
Dans la tribune royale, Obaya Luuma se tenait, raide sur son siège, entre ses invités de marque. Ecœurée par la curée, elle avait assisté impuissante à ce spectacle inique, le cautionnant pourtant de sa simple présence, devant l’Oloye du Bellakar, les ambassadeurs de ses voisins et les représentants des provinces. Elle n’avait pas été assez clairvoyante : présider une telle démonstration de cruauté, une culture du massacre insinuée par le Grand Œil, devant l’émissaire des Variags et les dignitaires de l’ordre maudit, était une faute politique et une victoire pour ses ennemis.

Elle ne pouvait perdre la face.

Pourtant le spectacle prenait un tour inattendu…

Lorsque l’étranger remporta le duel, elle résolut d’en profiter.

À présent que la foule semblait hésiter, il lui fallait reprendre la main, afficher une posture de reine, de détentrice du pouvoir.

Elle se leva lentement. Pourvu que la foule me regarde…
Elle s’approcha de la balustrade de pierre. Pourvu que la foule fasse silence…
Elle leva le bras, avec toute l’autorité qu’elle avait vu son père insuffler dans ses apparitions officielles. Pourvu que la foule m’écoute…
Et la foule se tut.

L’Obaya fit venir l’étranger.
Elle l’observa gravir les gradins : la foulée longue, le pas endurant, la souplesse dans chaque mouvement, la musculature d’un combattant… un rôdeur opiniâtre, un maître de l’embuscade dans les forêts du septentrion.

Son jugement rapide dans le danger, la confiance qu’il inspire aux guerriers… un capitaine de guerre, un seigneur de parmi les hommes.
L’Obaya et l’étranger se firent face à la tribune, devant le peuple assemblé.
Les cheveux longs, noirs comme l’aile du corbeau, le voile de barbe, les estafilades glanées, les pattes d’oie aux coins des yeux… quel âge pouvait avoir cet homme, élégant de manières et sauvage d’apparence ?
Les traits fermes et décidés de l’étranger reflétaient une dureté forgée dans les épreuves. Et puis quelque chose de plus lointain, comme une douceur abandonnée dans l’enfance, ou un espoir profondément enfoui.

Ses yeux, d'un bleu perçant, semblaient capables de scruter les profondeurs de votre âme et de vous toucher.

Le bleu de ses yeux toucha Luuma.
Elle accueillit ce regard, caressa l’étincelle d’intime franchise. Mais un voile de pudeur nimba le regard de l’étranger, qui mit un genou en terre devant elle.

Elle le releva avec une grâce royale :
– Comment te nomme-t-on, Etranger ?
– J’ai pour nom Taïnyota, Ô Obaya.
– Par les armes et par la compassion, tu as gagné aujourd’hui les épreuves de l’arène. Que désires-tu pour prix de ta victoire ?

Taïnyota réfléchit un instant puis, se rappelant les leçons du Doyen de toutes les Tribus, il dit :
– S’il m’était donné d’émettre un souhait devant la Déesse, j’aimerais voir restaurer Ses jeux équestres dans leur beauté d’autrefois. Il me pèse qu’en Son Nom mille fois béni, de fiers cavaliers et de nobles coursiers se livrent à des massacres barbares et des simulacres indignes !
Les yeux de la princesse brillèrent d’émotion contenue : L’esprit de l’Etranger s’accordait au sien ! Mais elle hocha la tête d’un air insatisfait – elle devait marquer son autorité :
– J’accéderai à ta demande, à la condition que tu te mettes au service de ma personne !

Taïnyota s’inclina en signe d’obédience. La princesse se tourna vers la foule :
– Au nom de l’Oba-Wu-Indu Dayan, j’ordonne que soient abolies patentes et licences autorisant l’esclavage et l’institution des gladiateurs et je rétablis dans ses formes et prérogatives, le Conseil des Jeux de la Déesse Jeune !

Le public restait sans voix. Une ombre balançait dans les gradins du vieil hippodrome.

Alors le Prince Kibir se leva et s’écria d’une voix forte :
– Gloire à l’Obaya Luuma ! Longue vie à sa lignée !

Une ovation secoua la foule : les heures de gloire du pays, ses racines profondes reprenaient leurs droits.

Le peuple semblait s’éveiller d’un mauvais rêve.

Le cœur de la princesse débordait de reconnaissance.

Les dignitaires de l'Œil Rouge quittèrent la galerie royale.

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A suivre...
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#38
Taïnyota accepta la proposition de la régente : il prit du service auprès de la Garde Equestre et, en quelques semaines, on lui confia une compagnie.

Les guerriers du Bôzisha étaient des cavaliers émérites, mais la discipline du fantassin leur était étrangère. Les escouades s’exerçaient donc chaque jour aux formations serrées avec lance et bouclier. Pour les plus habiles, ce fut l’astreignant exercice quotidien du tir à l’arc, sur cible ou en volée.
La régente appelait souvent « son » capitaine à son côté, pour l’escorter en expédition dans un coin perdu du royaume. Taïnyota appréciait la compagnie de cette femme, courageuse et déterminée, et si jeune pour tenir dans ses mains la destinée de tout un peuple…

Le nouveau capitaine partageait son temps entre les escapades de campagne et l’entraînement de ses hommes. Cette vie lui rappelait son commandement dans les troupes de Denethor : la routine de caserne bien réglée, les courses secrètes dans les collines, la camaraderie des hommes dans le danger.

Au seuil du sommeil, lorsque la pensée cédait la place aux sentiments incontrôlés, des images venaient peupler ses rêveries. Jamais il n’aurait imaginé être à ce point hanté par une voix, le galbe d’un cou, la délicatesse des épaules, la détermination et la foi d’une âme aussi ardente…
.oOo.
A suivre...
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#39
Oh punaise, tu viens de lâcher un indice temporel ! Je me prend à supputer que notre héros pourrait avoir quelque lien avec celui qui déclarait que les étoiles dans le sud étaient étranges ?
Je nage en plein plaisir comme un colibri goûte à la source d'une oasis !
La lumière n'indique pas le bout du tunnel, c'est la lanterne de celui qui comme toi, cherche à sortir.
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#40
Salut Sam et merci !

Quant à l'étrangeté des étoiles dans le Sud : n'est-ce pas un point de vue que peuvent partager tous les voyageurs au long cours ?
Néanmoins, tu pourrais avoir raison...
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La petite troupe cheminait dans les collines du Bôzisha, courbes voluptueuses mussées entre l’indigo acéré du ciel et le saphir sinueux de l’estuaire. Taïnyota ouvrait la marche sur Farasi, avec son escouade. La colonne de cavaliers progressait lentement, forçant sa voie dans la garrigue en soulevant des effluves de thym et de romarin, écrasés sous les sabots.

La princesse devisait politique avec l’Oloye Kibir, suivie de ses fonctionnaires. Les pins parasols chuintaient doucement dans la brise marine, leurs ombres se balançant majestueusement sur les massifs de genévriers et de cistes aux fleurs délicates. L’escorte de Jipayes du Prince fermait la marche, aux aguets.

Pour ce pèlerinage au Tell de la Déesse Mère, ils avaient opté pour un chemin de traverse, pour visiter le moindre village : la régente Luuma avait besoin de ranimer le sentiment d’unité du pays. Elle parcourait inlassablement la contrée, restaurait l’autorité des juges, rétablissait les sources sacrées de la Déesse que l’ordre de l’Œil Rouge avait souillées du poison de ses mensonges. Elle faisait réparer routes et ponts, appelait au service des armes les jeunes gens en âge d’y participer. Surtout, elle manifestait sa présence et la réalité de son pouvoir. L’Oloye Kibir, le représentant du puissant voisin, tenait à montrer son indéfectible soutien, tant à titre diplomatique que personnel. Il s’était joint au pèlerinage et ne quittait pas la princesse.

Les cavaliers firent halte à l'orée d’une forêt de châtaigniers, près d’une source bénie. Des villageois ramassaient le « blé des coteaux », dont la farine permettrait de passer l’hiver. Ils invitèrent l’Obaya et sa suite, qui se restaurèrent au chant des oiseaux, dans le parfum suave des fruits mûrs et des vins résinés. En contrebas, la colline s’évasait en terrasses striées de rangées de vignes, leurs feuilles brillant sous le soleil.

On força l’allure pour passer un col. Des chèvres paissaient nonchalamment dans les pentes de garrigues, leurs clochettes tintant doucement. Non loin, trésor des collines du Raj, une mine d'étain résonnait des coups de pioche et des éclats de roche.

Au détour d’un massif de cyprès, apparut le village, grappe de maisonnettes ocre cachées sous ses pampres de figuiers. L’accueil ému, le thé brûlant, la bénédiction du nouveau-né, les nouvelles des moissons, la chasse au fauve qui harcèle les troupeaux… Et puis à nouveau en selle.

Au sommet du ravin, les cavaliers retrouvèrent la route. Elle traversait un plateau lugubre, hanté de formes tordues jaillissant du sol, des troncs noirs dressés, rejetons d’oliviers détruits par le feu, qui poussaient en cercles autour de chaque souche multiséculaire.
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A suivre...
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#41
Un petit trésor caché : mussées ! Qui va s'ajouter à ma liste de vocabulaire.
La lumière n'indique pas le bout du tunnel, c'est la lanterne de celui qui comme toi, cherche à sortir.
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#42
Quelque chose n’allait pas : les oiseaux avaient cessé de chanter. Une ombre oppressait le cœur de Taïnyota. Il envoya ses cavaliers en cercles d’éclaireurs et tira son sabre, imité par Kibir et ses jipayes, qui se disposèrent en défense autour de la princesse.

Une ombre passa sur l’Obaya qui poussa un cri de surprise.

Au-dessus de leur tête, crevant le halo aveuglant du soleil, un oiseau décrivit un long cercle, puis un autre, plus lent et court. Tâchant d’échapper au rapace, la princesse et ses deux protecteurs piquèrent des deux. Mais le rapace ne les perdait pas. Il décrivit encore un cercle, presque sur place.

Les cavaliers au galop passèrent à côté d’un mendiant juché sur une souche. Personne ne l’avait vu avant que la troupe ne fût sur lui !
Soudain le mendiant leva son poing !

Il était ganté de cuir.
Le faucon s’y accrocha, et l’homme en haillons le reçut avec un sourire de connivence.

Les gardes se détendirent, abaissant leurs lames.

Charmée, la princesse ralentit, fit demi-tour et vint contempler le faucon.

Le feu du soleil frappait de pleine force le petit rapace. Droit, tendu, le poitrail bombé, il gardait la tête immobile. De ses yeux minces, deux éclats incandescents qui ne clignaient jamais, il fixait la princesse. Le petit bec féroce semblait maculé de sang, comme les serres puissantes.

– Par la Déesse ! s’extasia Luuma d’une voix rêveuse. Comme il est petit et beau !

En cet instant, seul son neveu lui aurait inspiré ce sentiment de fraternité, de parentèle qu’elle éprouvait pour cette petite boule de courage et de plumes, armée d’une puissance et d’une superbe sans mesure avec sa taille.
– C’est une fille, Ô Obaya ! Nous survivons l’un grâce à l’autre !
À la ceinture du vagabond pendaient deux beaux lapins, la nuque brisée.

Une femelle… Luuma ferait du faucon son double héraldique !

Le prince Kibir s’interposa, repoussant le vagabond sans ménagement :
– Les rapaces sont dangereux et imprévisibles… Celui-ci devrait être aveuglé !

Avec autorité, Luuma posa sa main gracile sur l’épaule du guerrier.
Juste assez pour faire sentir la chaleur de sa peau, mais sans force aucune, car la force d’une reine est de ne pas devoir y recourir.
D’un doigt, elle fit se retourner le prince et le toisa sans un mot. Qui prétend conquérir une âme doit entendre ses louanges et ses remontrances silencieuses.

Ni le prétendant, ni le diplomate ne se méprirent en l’Oloye qui s’inclina, les mâchoires raides et le verbe court :
– Avec votre permission, mon escorte va relever les éclaireurs.

Taïnyota veilla donc seul sur la princesse, tandis que les jipayes se déployaient. Tous reprirent la route des collines, longeant les étranges sentinelles tordues. Un rapace tournoyait sous le regard impassible du soleil.

Ils parlèrent de fauconnerie, de chasse et de grands espaces. Ils parlèrent de liberté. Ils parlèrent d’espoir et d’avenir.
L’Obaya Luuma s’en voulait d’avoir froissé Kibir. Elle évoqua d'une voix tremblante cet homme qui l’avait couverte de bontés. Dans son exil, l’Oloye l’avait traitée en égale. Il avait adouci la dureté de cette hospitalité, qu’exigeaient l’honneur et son rang, d’un savoir-vivre qui faisait de chaque jour une aventure courtoise. Il savait rehausser l’obligeance naturelle au grand Seigneur, d’une familiarité simple et fière, d’une humeur aussi limpide que le ciel de son pays. L’honorant en sœur, il avait veillé à occuper l’esprit de Luuma lorsque ses jours étaient trop sombres et déroulé à ses pieds, les nuits, les merveilles qui bannissent les cauchemars. Il lui avait fait don d’un nom secret, qui conjure le Mauvais Œil. À présent, il lui offrait l’alliance qui lui faisait défaut…

Les yeux de l’Obaya brillaient d’émotion contenue, mais son regard restait fixé sur Taïnyota, comme si elle cherchait en lui un réconfort silencieux.
– Vous craignez de trop devoir au même homme. Que vous est le plus cher… l’indépendance du royaume ou votre propre liberté ?
La régente eut un regard acéré. Elle venait de se confier. Peut-être attendait-elle plus de compassion et moins de perspicacité…
– L’Oloye du Bellakar est un homme courageux, un conseil avisé et un voisin précieux. Même sans engager votre foi, il demeurera votre ami.
La loyauté de Taïnyota l’obligeait à se justifier ; il avait cru bon de préciser sa pensée. La régente se retira dans les siennes.

Son capitaine de la garde se trouva des ordres à donner.
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#43
Au flanc du pic, couronné des neiges éternelles de la Déesse Mère, s’ouvrait en corolle d’arum, un vaste hémicycle de roche. Un lac y recueillait les eaux de fonte et les déversait en une haute cascade, qui chantait l’air serein des grands cycles du monde. La traîne de brume qui s’échappait de la chute d’eau baignait les pentes boisées d’une éternelle fraicheur.

Au plus profond de la combe sylvestre se nichait un bassin d’eaux chaudes. Les pèlerins venaient y guérir leurs escarres, leurs maladies, leurs vague-à-l’âme.

La doyenne du Mont Sacré y déclamait l’oraison, robuste et vigoureuse, devant la statue de la Déesse Mère. Son sourire confiant et décidé trahissait une énergie intérieure qui défiait son âge. Son visage, encadré de cheveux gris, portait les marques d'une longue vie d’épreuves, mais ses yeux débordaient de vivacité et d’espérance.

La régente accompagnait la Doyenne avec une ferveur absolue. Une prière de jeune mère, une imploration à veiller sur son enfant, une exhortation à trouver les mots justes pour élever son neveu et le guider sur le chemin de la vie et du devoir.
L’Oloye Kibir, droit et ferme à son côté, semblait absorbé dans un débat intérieur.
Taïnyota les accompagnait de bonne grâce, s’adressant en son cœur à Yavanna, dont il sentait la présence dans le moindre rameau autour de lui.

Un cri étouffé !

Parmi les pèlerins, qui se tenaient à distance respectueuse du bassin.

Un couple de jeunes mariés s’effondra au premier rang, bousculé par une escouade d’hommes grimés et vêtus de noir. Les spadassins bondirent en avant.
D’un même élan, Kibir et Taïnyota s’avancèrent pour les intercepter. Mais les compères étaient désarmés, ainsi l’exigeait la loi du Mont Sacré. Les estafiers convergèrent vers les deux hommes.

Kibir s’exclama « Des akhirim ! Poignards empoisonnés ! », en arrachant le pan de tunique chamarré qui couvrait son épaule.

Le filet est une arme à l’honneur au Bellakar. Kibir excellait dans son maniement, comme en tout ce à quoi il s’appliquait. L’étoffe, lestée de fil d’argent, fit merveille. Un coup de fouet dans la face du premier, le second enveloppé comme une antilope à la chasse. Et voilà le poignard du premier dans le flanc du second !

Taïnyota arracha un piquet de soutien d’une petite tente qui abritait les offrandes des pèlerins.

Des ombres noires se jetèrent sur notre héros. Il en perça une, en frappa une autre à la tempe, mais deus au moins lui échappèrent, courant vers la régente.

La Doyenne s’interposa, de toute la force de sa conviction. L’assassin, un instant subjugué par sa formidable présence, la fixa avec une grande intensité, ses yeux vitreux, exorbités, semblant découvrir, dans la prestance de sa victime, l’infinie richesse de l’humanité tout entière.

Les épaules de l’akhirim se détendirent. Son poignard glissa à terre. Il tendit une main hésitante, celle du premier contact, d’exploration de l’altérité.

Il tomba égorgé par un comparse : le doute n’a pas sa place dans le credo des sicaires.

La Doyenne tomba avec bravoure, agrippée à son assassin, qu’elle entraîna dans le bassin de la Déesse.

Luuma tira de sa botte une rapière. Elle détourna un coup, accompagna l’élan de son agresseur et lui trancha la gorge dans la continuité du mouvement.

Un violent gargouillis fusa derrière elle. Lorsqu’elle se retourna, elle vit s’effondrer un akhirim, poignard levé contre elle, le thorax transpercé par le piquet d’acier de Taïnyota. Et un autre expirer des mains formidables de Kibir.

Les assaillants étaient vaincus. La garde accourait.

Kibir se pencha sur Luuma, l’examinant sous toutes les coutures avec un air désespéré et affolé :
– Le poison… le fiel des akhirim…
– Je n’ai rien, mon ami.

Mais une éraflure suffisait aux akhirim pour vous arracher votre âme. Kibir tremblait de peur, alors qu’il n’avait pas cillé pendant le combat.
Luuma prit le visage de l’homme des deux mains, posa son front contre le sien et lui dit avec douceur :
– Par le nom secret que vous m’avez offert, je vous jure que je n’ai rien !
Kibir glissa à ses pieds, anéanti à l’idée de la perdre.

Taïnyota, un peu gêné, pataugea pour repécher la Doyenne, la hâlant avec douceur au bord du bassin.
La sérénité nimbait son visage, dont maintes ridules s’étaient estompées. Dans un dernier souffle, elle bénit ses visiteurs avec l’attachement d’une mère, se recroquevilla et se laissa aller dans l’eau. L’amnios sacré de la Déesse Mère avait accueilli sa servante, la berçant jusqu’au seuil ultime de sa demeure.

La combe retomba dans le silence des grands arbres, le gazouillis de l’eau et les respirations haletantes des survivants. La princesse, indemne, caressait les cheveux de Kibir prostré à ses genoux, le regard brillant de gratitude et de chagrin, en contemplant Taïnyota rendre ses derniers hommages à la gardienne du Mont Sacré.
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#44
Je ne peux m'empêcher d'imaginer Luuma, le cœur brisé d'être partagé, s'enquérir, se dévoilant une seconde fois, du lieu où Taïnyota l'errant souhaiterait demeurer. Et celui ci d'évoquer la douceur d'une vallée cachée du lointain Nord. Tous ceux qui errent n'étant pas perdus, le voyageur reprendra sa route; Thengel, le jeune Denethor, Luuma auraient désiré vivre de cet espoir, cet Estel, mais les temps ne sont pas encore accomplis.
Ils l'ont désiré, en ont contemplé les prémices sans en goûter encore l'accomplissement.
"Mais aujourd'hui, s'accomplissent les promesses" et la foi de Tolkien trouve un écho dans les textes de la liturgie catholique de ce début d'année !
Merci pour ton travail et merci de l'offrir à notre interprétation !
La lumière n'indique pas le bout du tunnel, c'est la lanterne de celui qui comme toi, cherche à sortir.
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#45
Merci Sam.
Je n'imaginais pas un rapprochement lithurgique, mais pourquoi pas ?
.oOo.

Du palais, la vue embrassait toute la baie du Raj, bordée de falaises escarpées. De puissants courants marbraient d’un bleu d’encre les eaux cristallines sous un ciel limpide. Les tamariniers parfumaient la brise marine, qui bruissait dans les grands parasols des pins couvrant la terrasse.

Le prince héritier Dayan suivait sa leçon quotidienne. Sa préceptrice, une vieille dame chenue à l’air grave, ânonnait des vers qui finiraient par l’endormir elle-même. La régente, avec un sourire compatissant, libéra son neveu en abrégeant la leçon, et ordonna la collation de mi-journée.

Le petit garçon avait des journées bien remplies. Après les leçons des Servantes de la Déesse, la calligraphie et les récits de voyage chaque matin, on l’emmenait faire du cheval ou suivre l’entraînement physique et martial de son tuteur, l’Oloye Kibir.

Tante et neveu adressèrent une courte oraison à la Déesse et s’assirent pour déjeuner. Le maître d’hôtel vint leur annoncer un visiteur.
La jeune femme jeta un regard de biais au garçon :
– Dayan, j’ai invité le chevalier Taïnyota pour le repas… ça ne t’ennuie pas ?
– Oh non, j’aime bien Taïnyota : il me raconte toujours ses aventures des pays loin d’ici.

La jeune tante eut un mouvement de surprise, une ombre de dépit passa sur son beau visage, vite effacée par un sourire attendri.
– Ah oui ? Eh bien tu en as de la chance, souffla-t-elle en se levant pour accueillir le chevalier.
.oOo.
A suivre...
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#46
Ah, elle est jalouse et frustrée ! Dans le brouillard de sa connaissance des plus hautes réalités de ce monde, celle qui n'a encore goûté qu'au lait maternel de la foi a un long chemin avant d'accéder à la nourriture solide des vrais croyants (cf St Paul). Et pour le moment, elle ne pourra trouver la paix véritable qu'en devenant la sœur plutôt que la maîtresse (cf Eowyn, Léon Morin prêtre et Marie
Madeleine). Les temps viendront où L'Élu s'offrira au monde, où enfin les noces mystiques seront célébrées. Ne me retiens pas dit Jésus à M Madeleine. Notre gondorien n'est, comme les prophètes de l'AT, que prémices de L'Élu !

Sinon on peut faire une interprétation plus terre à terre: le bourreau des cœurs qui partout où il va fait le malheur des femmes: Eowyn, Luuma et qui donc en Gondor ? Nous le raconteras tu lors de ton prochain conte ?

Facile pour moi de faire des rapprochements bibliques et liturgiques. La matière que tu travailles s'y prête, c'est du Tolkien !
La lumière n'indique pas le bout du tunnel, c'est la lanterne de celui qui comme toi, cherche à sortir.
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#47
Le repas fut joyeux, simple et franc.

Puis Dayan fut autorisé à se rendre au bain. On l’entendit dévaler la pente vers la crique, accompagné des aboiements joyeux de sa chienne.

Les adultes contemplaient l’immensité de la baie, ouverte sur l’océan. Un dromon descendait l’estuaire d’une allure majestueuse, au milieu des cotres qui faisaient la navette entre les rives nord et sud. Des barques de pêcheurs dansaient sur la houle. Les vagues caressaient doucement les rochers, dans le chant traînant des oiseaux de mer.
– Mon pays bien-aimé n'est-il pas splendide ? Le ciel, le soleil immobile, les collines, la grève, tout semble si paisible.
– Oui, Ma Dame, chaque détail semble avoir été posé avec soin et amour, comme sur une fresque.
– Plût à la Déesse, Taïnyota, de mettre une telle harmonie dans nos vies, ainsi qu’Elle façonne ce paysage !
– Cette harmonie est une bénédiction pour les vies qui ont la chance de la trouver. Mais il faut avoir le courage et la constance de la cultiver, comme on le ferait pour un jardin.
– Les jardins du monde abritent des milliers de roses... mais l’on n’y trouve pas toujours le bouton que l’on cherche...

Taïnyota ne répondit pas. Luuma l’observait, à la dérobée. Le regard du chevalier s’égarait au nord, bien au-delà des rives enchanteresses du Raj. Dans ses mailles brillantes et sa tunique d’officier, il avait à cet instant l’allure d’un seigneur elfe des légendes, vif et terrible, sage et profond.

Luuma soupira et tira son compagnon de sa rêverie :
– Et cependant ce qui nous manque pourrait être trouvé dans une seule rose, pour peu que la Déesse verse quelques larmes de bienveillance sur son bouton esseulé.

Taïnyota leva un regard voilé de compassion vers Luuma, Elle baissa la tête, semblant surveiller les jeux de son neveu.
La grâce de cette nuque vulnérable, la délicatesse de ces épaules nues et la solitude de cette âme volontaire touchèrent Taïnyota plus qu’il eût voulu l’admettre :
– Ne laissez pas désespérer votre cœur, Ô ma Dame !
– Le cœur, parfois, ne trouve que des rêves… Si doux, mais éphémères ou trompeurs.
– Les rêves sont fragiles et précieux. Il faut les protéger des vents violents pour continuer à espérer.
– Mais ne vaut-il pas mieux dissiper un espoir trompeur ? Et comment savoir si l’on sera trompée ? Car, Taïnyota, ce sont parfois ces vents qui donnent à nos rêves la force de voler plus haut. Ne vous arrive-t-il pas de souhaiter changer de destin, alors que tout semble vous indiquer une autre direction ?

Taïnyota accrocha le regard ému de la jeune femme :
– Oui, Madame, en vérité je comprends intimement votre révolte. Car je suis moi-même un exilé, voué à faire ses preuves face à une adversité qui parait insurmontable. Pourtant je ne perds point espoir, puisque ma route croise celle de Dames et de Seigneurs d’exception, tels que Vous et le Prince Kibir.

Le visage de la Régente se durcit :
– Taïnyota, je sais ce que je dois faire ! Mais je n’en ai pas la force !

Un fracas de verre brisé détourna leur attention. Le maître d’hôtel gisait à terre, la face violette, les yeux révulsés, ses deux mains serrées sur sa gorge, d’où s’éloignait un serpent noir.
Un instant après, des hommes en noir bondissaient du toit.

L’homme tira son sabre. La jeune femme sa rapière.
.oOo.
A suivre...
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#48
Un régal pour un amateur de reylo comme moi. Avec en plus une référence (probablement fortuite) au dialogue entre Ben Solo et son père ! Et la perspective d'un combat "salle du trône" avec dos sur dos et toucher de cuisse !
La lumière n'indique pas le bout du tunnel, c'est la lanterne de celui qui comme toi, cherche à sortir.
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#49
L’Oloye Kibir se présenta aux appartements privés de la Régente. À sa grande surprise, la garde lui interdit le passage, la Régente donnant audience.

Il avait pourtant besoin de la voir d’urgence : on l’informait qu’un complot, impliquant un proche du pouvoir, se tramait dans l’ombre.
Son rang lui interdisait de quémander auprès d’un subalterne. Il se tint donc devant la porte, encadré de ses deux gardes et prit son mal en patience en se plongeant dans la méditation, composante majeure dans les arts martiaux du Bellakar.

Au bout d’un demi-sablier, il demanda :
– Mais à qui donc son Altesse la Régente donne-t-elle audience ?

Le prince eut un rictus de dépit lorsqu’il lui fut répondu que l’officier Taïnyota avait été appelé, mouvement bien vite réprimé par le fidèle Kibir.

Mais soudain, l’on entendit des cris dans les appartements.

Le prince, ses gardes et ceux de la porte se précipitèrent.

Les battants étaient bloqués de l’intérieur !
– Malheur sur moi ! Je t’ai fait confiance, Traître d’Etranger !

Les cinq hommes s’emparèrent d’un meuble bas, chef d’œuvre de l’ébénisterie du Mîraz et s’en servirent comme d’un bélier. Ils eurent bien du mal à entrer et finirent par se rendre compte que des adversaires, de l’autre côté, retenaient les battants.

Enfin la barre de blocage céda et Kibir eut la surprise de faire face à une poignée de va-nu-pieds. Des brigands, ramassis sans doute recruté dans les bas-fonds du port.

L’Oloye était en grande fureur : les spadassins tombèrent un par un sous ses coups violents et précis.

Sa petite troupe se fraya un chemin à travers les appartements, jusqu’à la véranda.

Le sang du prince de Bellakar ne fit qu’un tour en apercevant la situation :

La table renversée servait de rempart à Luuma ; elle tenait à distance ses assaillants avec difficulté.

Taïnyota s’escrimait contre une demi-douzaine d’assassins, et manœuvrait désespérément pour demeurer dos au mur. Mais un brigand sortait du lot : un immense Variag, les yeux fous, un grand œil rouge tatoué sur la poitrine.

Kibir eut honte de lui-même, honte de son manque de foi envers son ami. Cela décupla sa fureur. Il se jeta sur le colosse en hurlant.

La mêlée, confuse, redoubla de violence. On entendait la garde accourir dans le couloir.

Soudain, Kibir vit Taïnyota trébucher sur le corps d’un brigand à terre. Le chevalier se rétablit à moitié, mais ses adversaires étaient déjà sur lui. L’Oloye expédia son vis-à-vis, un gros ahuri qui brandissait une masse d’armes, et se précipita à son aide.

Trop tard.

La princesse, avec la fureur d’une lionne, avait sauté sur le dos d’un des assaillants, lui tranchant la gorge.
Le coup de sabre du second adversaire n’atteignit jamais Taïnyota : la lame finit sa course dans le flanc de la princesse !

La raison de Kibir bascula : sa vision se troubla d’un voile de sang, il se rua sur les malandrins, comme possédé par l’esprit de vengeance de la Déesse en furie.
.oOo.
A suivre...
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#50
Luuma était étendue au sol. Les visages de Kibir et Taïnyota, gris et tirés, disaient assez que la jeune femme ne pouvait survivre à ses blessures.

Attas Incânus parut : il amenait l’enfant.
Le vieil homme, surgi on ne sait d’où, l’avait protégé des flibustiers qui l’avaient assailli sur la plage, simultanément à l’attaque du palais. Il se pencha sur la femme qui agonisait et dut se rendre à l’insoutenable évidence. Le pèlerin poussa un soupir de regret : la nécessité l’avait retenu ailleurs alors que menaçait le péril…

Le petit garçon fondit en larmes, mais il eut la force d’une dernière embrassade avec sa tante :
– Mon cher petit… Je ne dirai pas de ne point pleurer, car toutes les larmes ne sont pas un mal. [1] Mais il va te falloir beaucoup de courage. J’ai eu tort de m’écarter du devoir, ne serait-ce que pour un jour.

La jeune femme eut un spasme effrayant.
– Cueille les bienfaits que t’octroie la Déesse. Ne va pas rechercher ce qui est trop hors de portée… ou contraire aux intérêts du Royaume.

Elle vomit du sang.
– Il est temps pour moi. Je vois la Déesse me sourire et me tendre la main.

Et elle tendit la sienne à l’Oloye.

– Si tu le veux, cher petit, et s'il accepte cette charge en souvenir de moi, je vais te confier au prince Kibir, qui ne sera plus seulement ton tuteur, mais aussi ton parrain, ainsi qu’à la Doyenne du temple de la Déesse Jeune.

La gorge nouée, le prince du Bellakar ne put prononcer un mot ; mais, s’inclinant avec gravité, il embrassa la main déjà froide de sa bien-aimée.

Dayan, éploré, fit « Non » de la tête, s’agrippant désespérément au cou de la jeune femme, sa dernière parente en vie.

Promets-moi de toujours leur obéir. J’en ai besoin pour m’en aller en paix !

Le garçon fit un effort sur lui-même pour présenter une frimousse sévère et acquiesça, avant d’éclater à nouveau en sanglots.
– Garde l’espoir, Ô mon neveu !
.oOo.
[1] Le Seigneur des Anneaux, Les portes de la nuit, Tolkien
.oOo.
A suivre...
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#51
La Princesse n’était plus.

Kibir s’acquitta du rituel de la Déesse et prononça une courte oraison funèbre sur le lit de mort de la malheureuse régente, sous le regard atterré de Taïnyota et d’Attas Incânus.

Mais un autre devoir l’appelait : les Variags, depuis leurs camps de nomades au pied des remparts, s’étaient soulevés.

II fit conduire Dayan dans la forteresse du Temple et s’en fut ferrailler contre l’Œil Rouge.
.oOo.
Fouettant l’attelage comme un coche fou, le Doyen de toutes les tribus se retournait fréquemment. Taïnyota, monté sur Farasi, suivait la cariole de près. Leurs poursuivants gagnaient du terrain. Ils le sentaient.

Pourtant, au col du Bon Ogre, Incânus avait commandé une halte.
A leur droite se dressait, presque verticale, une falaise de granit. A gauche, vers le nord, la roche plongeait à pic dans l’obscurité grandissante.

Une très ancienne porte, au linteau colossal, barrait la route au sommet du col. Quelque géant avait dû l’ériger jadis pour lever péage aux temps des premières caravanes…

Taïnyota démonta Farasi, qui poussa un hennissement de défi. Le vieillard descendit de la charrette et s’en vint au milieu de la route, sous le linteau cyclopéen.

Dans le crépuscule qui baignait d’ombres le grand désert du Harad, très loin au nord, Incânus et Taïnyota virent briller un point rouge, comme une étoile de sang tombée sur la terre. Une volonté semblait veiller là, ardente jour et nuit, esprit de malice surveillant ses serviteurs envoyés par le monde pour répandre ses ténèbres. Par intermittence, elle brûlait d’une flamme insoutenable, comme si un regard malveillant fixait sur vous son faisceau inquisiteur et tentait de vous percer à jour, de mettre à nu votre âme et la soumettre à ses propres desseins.

Taïnyota connaissait l’Œil Rouge. L’Œil sans paupière. Il avait vu son odieuse omniprésence faire ployer les plus forts. Il avait servi dans les compagnies de la Tour de garde, Minas Tirith la Blanche, qui défendait les citadelles des hommes libres aux confins du Mordor. Il avait ressenti la puissance de cette force malveillante et vindicative, le désespoir qui gagnait les hommes à vivre sous son regard maléfique.

Le jeune homme et le vieillard l’avaient perçu tous deux. L’Œil s’était tourné vers le col du Bon Ogre. Il dardait sur eux l’orage de son hostilité, fouettant ses esclaves à leur poursuite.

– Il y a longtemps que j’aurais dû confronter au feu d’Anor, les sombres pouvoirs de ces canailles !
– Je ne vous laisserai pas seul !
– A chacun son rôle, mon garçon ! Je dois pouvoir compter sur vous pendant que je les retiens ici.

Sous le ciel de plomb, le vieillard semblait avoir grandi. Son ton impérieux mais calme dénotait une détermination mûrie et inflexible.
Taïnyota attela son cheval à la charrette.
– Dès notre première rencontre, Incânus, j’ai su qu’un pouvoir caché résidait en vous. Je vais à présent obéir, mais de grâce, si nous en réchappons, ayez meilleure opinion de moi et révélez-moi qui vous êtes vraiment.

Le Vieillard sourit par devers-lui. L’enfant qu’avait été Taïnyota autrefois, avait donc oublié le vieux magicien, entrevu lors de ses visites au havre d’Imladris…
– Nous ne devrions pas parler de telles choses en plein vent, sous le regard de l’Ennemi ! Et maintenant, en avant ! Au Tell de la Déesse Aïeule ! Ne vous retournez pas ! Ni ne vous détournez ! Vous savez quoi faire ! C’est pour cette raison, n’en doutez pas, que nous nous y sommes rencontrés jadis !
.oOo.
A suivre...
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#52
Bien bien bien !
La lumière n'indique pas le bout du tunnel, c'est la lanterne de celui qui comme toi, cherche à sortir.
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#53
.oOo.
Le Doyen de toutes les tribus tenait bon. Une grappe d’assaillants avait atteint l’antique porte, mais semblait butter contre la volonté inflexible du vieux bonhomme.
L’orage se déchaînait à présent, projetant de violentes lumières blafardes sur les parois vertigineuses.

Alors un imposant personnage s’avança, le Grand Ambassadeur de l’Œil Rouge, fendant les rangs des sectateurs de sa puissante bedaine. Bouffi, nourri de chairs impures et de savoirs corrompus, imbu de sa propre puissance, iI lorgna vers Incânus de ses yeux bigleux et injectés de sang, en agitant un haut sceptre d’or et de pierreries :
– Cette fois, tu es venu fourrer ton nez trop loin, Vieux Gris !
– Arrière, suppôts de la charogne ! hurla Incânus d’une voix brisée.
Un éclair tonna. Le grand linteau se fendit en deux, écrasant une demi-douzaine de sectateurs de l’œil, à commencer par l’obèse présomptueux.

Enfin Taïnyota se décida : Incânus semblait parfaitement capable de se débrouiller…
– A l’évidence, ils ne passeront pas !
Il lui répugnait pourtant de laisser un ami seul contre tous. Le chevalier salua de son épée, remonta dans la cariole et reprit sa course.

.oOo.

Taïnyota gravit péniblement la colline, portant avec une révérence infinie la dépouille de la Régente, le corps marri de Luuma la bien-aimée.

Au sanctuaire de la Déesse Aïeule, là où le ciel et la terre semblaient se rencontrer, la crypte des Barcides demeurait grande ouverte, béant dans la grisaille de l’aube.

Le chevalier descendit dans le sépulcre, le bruit de sa respiration et de ses pas semblant étouffé par la solennité des lieux.
Il trouva l’alcôve destinée au Vieux Roi. Les Valar eux-mêmes savaient-il ce que l’Ordre maudit de l’Œil avait fait de son corps, de celui de son fils et de celui de sa belle-fille ?
Ecrasé par le chagrin, le chevalier nettoya la tombe, y déposa délicatement le corps de la princesse, arrangeant ses cheveux et ses vêtements avec soin.

Il remonta recueillir des cendres de la plaine, du salpêtre au cimetière et l’eau du puit des âmes. Patiemment, il confectionna le mortier pour sceller le catafalque de la régente, alors que remontaient en lui les souvenirs des moments de grâce, des espoirs partagés, des confidences sur la terrasse ombragée du palais.
Entre les mains de la Princesse, Taïnyota remit d’abord l’offrande de l’Oloye Kibir, un petit paquet de soie, qu’il avait promis de garder scellé. Il plaça ensuite une mèche de cheveux de son neveu bien-aimé, sur le cœur de la défunte. Enfin, sur son front, entre les trois larmes de la Déesse, il déposa un petit faucon de bronze, le signe héraldique qu’elle s’était choisi.
Il entonna un chant à la gloire des exploits de la disparue, comme son propre peuple le faisait, dans les forêts lointaines d’Eriador. Revenue dans le sein de sa créatrice, l’Oloya Luuma avait emporté avec elle ses noms sacrés, ses gages d’une vie ardente.

Le cœur lourd, Taïnyota scella la tombe et sortit de la crypte. Il ne pouvait se départir du sentiment d’avoir failli, manqué à sa parole. Son rôle avait été de veiller sur la Régente, et c’est Luuma qui avait sauvé sa vie en sacrifiant la sienne…
Amère ironie, que cette vie fauchée dans la fleur d’une foi à laquelle il ne pouvait répondre, alors que vacillaient, loin de lui, les prémices passionnées d’un amour incertain.
Farasi, qui attendait son humain, vint poser sa tête sur son épaule.

Mais alors que le chevalier refermait les battants de pierre avec une dernière prière à Mandos, se leva une lune bleue, radieuse comme un visage de jeune fille. Une pluie légère se mit à tomber, nimbée d’un étrange arc-en-ciel, avec la sérénité d’un doux clapotis sur un toit familier.
Rares, miraculeuses en ce lieu, les Larmes de la Déesse semblaient dispensées pour sa servante, en témoignage du respect et de la tristesse du royaume pour la régente bien-aimée.

Le chevalier se redressa, laissant la bénédiction de la pluie apaiser son chagrin et laver son âme.
On dit que cet augure bénit tout le royaume du Bôzisha et s’étendit jusqu’au Bellakar. La lutte ouverte contre l’Œil venait de commencer. Mais cette nuit résonnerait toujours, dans le cœur du Harad, comme la promesse d'un renouveau et d'une paix à portée des justes.
.oOo.
A suivre...
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#54
La grosse hyène ne le lâchait pas.
Taïnyota avait épuisé ses flèches il y a une semaine.
Et sa réserve de bois la nuit dernière.
Il ne pouvait plus s’arrêter sans livrer combat.
Et le monstre ne lâchait pas.

Elle suivait à bonne distance, la langue pendante, houspillant de ses jappements sinistres la cohue de ses petits qui suivait en horde désordonnée.
Des « petits » dont les plus gros devaient déjà bien peser quatre-vingts livres… avec des gueules effrayantes écumant à mesure que la faim montait.

Hier, il avait dépassé la frange de dunes. D’ordinaire les hyènes ne chassaient pas dans les étendues sablonneuses, surtout avec une bande de jeunes à leurs mamelles. Immonde progéniture… La bête aux yeux fous allait peut-être lâcher le morceau…

L’Oasis du Sourire de la Déesse devait se trouver à douze heures de marche au nord-ouest. Farasi et lui avaient de l’eau, du fourrage et de la nourriture. 

Ils pouvaient y arriver.
.oOo.
A suivre...
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#55
La mère hyène avait senti que ses plus petits n’en pouvaient plus. Elle avait lancé l’attaque, avec ses fils.

Deux mâles gisaient dans le sable. L’un, la colonne vertébrale brisée lorsque Farasi s’était retourné pour se débarrasser de l’animal accroché à son postérieur. L’autre, le ventre ouvert par le glaive de Taïnyota.

Les deux camps avaient conclu une trêve.

Les hyènes fouaillaient dans les viscères de leurs congénères. Seule la mère demeurait en retrait, attentive, sans se repaître de sa progéniture tuée. L’instinct maternel ?

Le guerrier nettoyait ses plaies et celles de Farasi avec de l’alcool de figues. Cadeau de l’Oloye Kibir… Inestimable présent !

Il fallait décamper, il le savait, mais monture et cavalier étaient éreintés.
.oOo.
A suivre...
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#56
La mère hyène émit un long gloussement, aigu et angoissé. Les petits, alertés, levèrent leur museau ensanglanté de la curée : une horde d’hommes approchait.

Les monstres déguerpirent.

Au sommet d’une dune, les nomades apparurent, miracles sortis d’un cauchemar, à demi confondus avec le ciel de pourpre qu’ils arpentaient. En tête de la caravane se pressaient les hommes, leurs voiles rouges en bataille, juchés sur leurs dromadaires harnachés comme des chars de combat, se balançant au rythme saccadé des animaux en course. Derrière eux trottinaient les chèvres assemblées par des adolescents armés de sagaies. Les femmes fermaient la marche, odalisque sombres découpant leurs silhouettes sculpturales, flanquées des enfants en bas âge et des animaux de trait, mais leur arc à la main.

Avec une lenteur calculée, Mezror fit avancer son dromadaire de guerre jusqu’à Taïnyota.

À revoir la tribu, notre héros aurait pleuré de joie. Mais il salua sobrement puis demanda:
– Comment êtes-vous à ma recherche ? Je vous croyais dans les forêts du Mîraz !

Avec un détachement affecté, qui confinait au fatalisme, le nomade répondit :
– Le Doyen de toutes les tribus refusait de nous conter une histoire, tant qu’il ne t’aurait pas retrouvé ! Alors nous t’avons cherché…

Attas Incânus approcha sur son dromadaire, un petit air amusé au coin des lèvres.
.oOo.
A suivre...
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#57
Epilogue
Taïnyota et Mezror s’étendirent sur les coussins en poils de chèvre : l’agneau confit aux pruneaux avait été sublime, ils n’en pouvaient plus…

Incânus terminait son conte, ses yeux attentifs fixés sur l’assistance que quittaient ses rêveries, comme une grosse bête sort de la tiédeur d’hibernation, un peu à contre-cœur…

De son bâton, le magicien alluma sa pipe et celles des deux amis.

Dans le silence du désert, tous trois contemplèrent longuement les gemmes de la Déesse, Elbereth Gilthoniel, scintiller sur le velours du firmament.

Mezror prit la parole, avec un ton de nonchalance qui annonçait une bagatelle :
– J’ai suivi ton conseil, Etranger !…

Il tira une longue bouffée de sa pipe en terre.
– … j’ai pris épouse ! …

L’air absorbé dans ses réflexions, le nomade expira un nuage de fumées plus lentement encore, dans un silence qui augurait d’une profonde leçon de vie.
– … C’est très fatigant !
.oOo.
FIN
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#58
Je te cite: "Quant aux devenirs religieux de ces contrées sauvages : je n'en dis pas plus pour le moment..."
J'ai raté un passage ?
Le SdA ne nous donnera pas plus d'informations : des Haradrim soutiennent Sauron, tous ?
J'ai bien aimé cette histoire de confrontation religieuse, qui fait écho à notre actualité.
J'y vois des parallèles avec la coexistence compliquée, entre islam et islamisme (je simplifie), mais aussi la crise du catholicisme au cœur de laquelle je me trouve. D'un côté une religion dont le simplisme offre une confortable et énergique réponse à tout nos problèmes, de l'autre une institution dépositaire d'une bonne nouvelle extrêmement exigeante qui peine à trouver ses nouveaux prophètes (je me place évidemment et en toute humilité dans cette catégorie des prophètes, pêcheurs et conscients de leurs faiblesses, mais forts de la Force du Christ !)
C'est très bien écrit, très bien rattaché à la TdM.
Peut être un poil décousu, il y a de nombreuses élipses, de sautes temporelles. Faudra que je relise d'une traite.
La lumière n'indique pas le bout du tunnel, c'est la lanterne de celui qui comme toi, cherche à sortir.
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#59
J'avais juste lu la première page, il faut que je rattrape mon retard Smile J'ai vu "fin" un peu plus haut je me spoile pas !
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#60
Ce petit conte ne se veut pas une parabole des antagonismes religieux de notre monde. Comme il se passe dans les déserts du sud, il peut faire penser à la culture islamique, mais j'ai choisi la Déesse aux trois visages, synthèse œcuménique des triades grecques et moyen-orientales, donc largement pré-chrétiennes et pré-islamiques. Chacun lira comme elle ou il l'entend.

Bien sûr, ce conte souligne que l'instinct d'asservissement - du peuple voisin, des femmes au sein de son propre peuple, etc. - se drape souvent de la dignité sacerdotale et de l'autorité divine. C'est le cas du Mordor qui bâtit un clergé dans ce seul but.

Cette histoire laisse volontairement la porte ouverte à divers futurs pour le "Far Harad" : on ignore si, quelques années plus tard, le Bellakar de Kibir et le Bôzisha-Dar de Luuma auront su résister à Sauron ou lui fourniront des contingents pour la guerre de l'anneau. Simplement, j'imagine qu'Aragorn et Gandalf ont contribué à raviver là une résistance en difficulté. Sans résoudre si cette résistance aura su perdurer.
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