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22.12.2023, 17:24
(Modification du message : 22.12.2023, 17:25 par Utilisateur.)
Bonjour,
Ceci est une question ouverte, qui est assez peu scientifique en vérité :
Si Isildur avait jeté l'Anneau à la fin de la guerre de la Dernière Alliance entre les Deux Peuples, quels évènements auraient suivi ?
Une période de prospérité totale ? Un aboutissement de la tâche des Elfes ?
Seraient-ils tous retournés en Valinor ? Ou en Aman ?
Elrond explique à son Conseil que ce qui "n'aurait pas dû être" fut. Imaginons donc que Sauron dût mourir à la fin du Second Âge, on pense aisément que le mal aurait continué, et finalement qu'un autre émissaire de Morgoth aurait décidé de prendre le pouvoir en Terre du Milieu.
Toutefois, Elrond semble insister sur sa déception et une sorte de "paix perdue" à ce moment-là, comme-ci le cours général du monde eût été alors différent.
Faut-il comprendre que la chute de Sauron à la fin du Second Âge aurait définitivement effacé les menaces profondes de Morgoth sur Arda ?
Après tout, il n'y a plus de grand Maia qui soit au service de Melko : les Balrogs sont morts ou bien enfermés au fond de trous d'où il leur est compliqué de sortir, et où ils n'obéissent plus à une forme de logique, semble-t-il. Les orques n'ont pas un véritable "chef" qui puisse les rassembler, ou en tout cas qui soit mentionné, et il n'existe plus de dragons aussi puissants qu'au Premier Âge. Sauron a basé tous son armée sur la multiplicité des Orques, mais ne souffre aucune rivalité.
Les restes et descendants d'Ungoliant, à savoir Arachne en premier lieu, sont bien trop faibles pour constituer une véritable menace.
En perdant l'Anneau, le camp du Mal aurait donc perdu à la fois son principal chef encore incarné (et actif) et l'arme d'alliement (ou ralliement).
Mais je pense quand même que le destin des Hommes n'aurait pas été si différent. La corruption et le long dilatement de l'héritage (biologique et culturel) de l'Occidentale aurait bien eu lieu, et si Isildur et Anarion avaient regagné, sereins, leurs royaumes respectifs, même sans rival, ils auraient eu face à eux les restes d'un mal indissociable d'Arda marrie.
Je me pose cependant beaucoup de questions concernant les Elfes et les autres Peuples Libres ; la chute de Sauron au Second-Âge aurait-elle entraîné une accélération du processus d'évanouissement de la culture et population elfes en Terre du Milieu ? Serait-on directement passé à la phase du Quatrième-Âge et à la fin de l'Histoire Elfique mêlée à celle des Hommes, avec le déclin parallèle des Nains et des Ents ?
Elrond, Galadriel, Celebrian auraient-ils été autorisés à rentrer à l'Ouest, et l'auraient-ils voulu ?
Leur tâche aurait-elle été finie en Terre du Milieu ?
Bref, beaucoup de questions et un message un peu long, à ce qu'il semble...
Bon courage de lecture !
P.-S. :
Pour éclairer la recherche, voici une citation du Seigneur des Anneaux (conseil d'Elrond), où ce dernier explique les espoirs de la "fin du Mal" à la fin du Premier Âge.
"Je me rappelle bien la splendeur de leurs bannières, reprit-il. Elle me rappelait la gloire des Jours Anciens et les armées du Beleriand, où tant de grands princes et capitaines étaient assemblés. Et pourtant pas tant, pas si beaux que lorsque le Thangorodrim fut brisé et que les Elfes pensèrent que le mal était fini à jamais, alors que ce n'était pas vrai."
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22.12.2023, 23:39
(Modification du message : 22.12.2023, 23:45 par Tikidiki.)
Bonjour et merci pour cette intéressante question
Pour Elrond, comme sa citation concerne la chute du Thangorodrim, cela montre bien qu'à chaque Âge incombe son Mal. À la fin du Premier, les Elfes pensaient que ce serait terminé pour de bon. Gandalf explique à Minas Tirith avant l'assaut sur la porte Noire qu'il en sera de même pour les Âges suivants (SdA V 9 "The Last Debates": 'Other evils there are that may come; for Sauron is himself but a servant or emissary. Yet it is not our part to master all the tides of the world, but to do what is in us for the succour of those years wherein we are set, uprooting the evil in the fields that we know, so that those who live after may have clean earth to till. What weather they shall have is not ours to rule.").
Si Isildur avait détruit l'anneau, Anarion étant mort durant le siège de Barad-dûr, les Royaumes d'Arnor et de Gondor auraient été unis comme ils le sont au Quatrième et les Hommes auraient régné dans une gloire comparable à celle du Gondor au début de son histoire. Les rois auraient mené des conquêtes, auraient croulé sous les richesses, et finalement le Royaume aurait décliné face à des menaces qui n'avaient rien à voir avec Sauron et parce que c'est la philosophie de Tolkien. Diminution de l'héritage et du sang numenoréen, mélange avec les hommes moindres, qui ont eu pour conséquence au Troisième Âge la Guerre Civile entre Eldacar et Castamir. Nul doute qu'à un moment donné un nouvel émissaire du mal (un Numenoréen Noir, un Haradrim, un Oriental ?) aurait fédéré une alliance pour prendre une part de cette richesse et profiter de la dissension. Smaug aurait aussi pu s'y associer...
Pour les Elfes, la situation aurait été la même, puisque Sauron ne les a pas beaucoup menacés au cours du Troisième Âge, mais leur déclin et leur exil auraient été accélérés par la perte des Trois Anneaux, éteints par la destruction de l'Unique. Les Trois avaient été forgés dans le but de ralentir les effets du temps ("[The Three Rings] are operative in preserving the memory of the beauty of old, maintaining enchanted enclaves of peace where Time seems to stand still and decay is restrained, a semblance of the bliss of the True West" Lettre 131). Concernant la permission de rentrer à Valinor pour les Noldor, c'est encore une autre question.
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Merci pour ta réponse !
C'était bien mon sentiment concernant le retour inexorable du Mal en Terre du Milieu. Ce qui m'avait fait douter était le "ce qui n'aurait pas dû être" d'Elrond ; il semble donc attacher une place primordiale à cet évènement, malgré sa conscience historique qui doit s'étaler sur plusieurs âges du monde.
Par ailleurs, j'avais pensé à Smaug, mais de même que pour le Balrog de la Moria il me semble trop faible et "introverti" pour pouvoir fédérer de nombreuses troupes. Il me semble que Smaug est bien moins puissant qu'Ancaligon ou Glaurung (et qu'il n'y a plus, après le Premier Âge, de grand Dragon puissant), et de toute façon ce n'est le but d'aucun dragon que de dominer le monde (politiquement). D'après ce que j'ai compris, les dragons cherchent surtout à amasser une incroyable somme d'argent et d'or, et Glaurung par exemple, une fois qu'il est installé dans la forteresse de Nargothrond, n'a plus cherché à faire de guerres. Toutefois, c'est bien lui qui me semble le plus capable de mener des grandes batailles : il dirige l'assaut de la forteresse et a la capacité d'immobiliser et de manipuler les Hommes.
Concernant la possibilité d'un Homme de prendre le pouvoir, ça me semble là aussi compliqué s'ils sont opposés au Royaume Réunifié et à quelques Elfes subsistants, ainsi qu'aux Nains (probablement), en sachant que les Orientais, Haradrim et descendants de l'Occidentale (des traîtres) sont généralement moins puissants que les Hommes de l'Ouest eux-mêmes ;;; ce que j'envisage donc le plus nettement, c'est que les Hommes auraient dépéri naturellement du fait de leur gloire et de leur grandeur, et de leur soif de pouvoir/richesses/domination, mais cela voudrait dire qu'ils n'aient retenu aucune notion du passé.
Enfin, concernant les Elfes qui doivent retourner en Aman, je crois que Galadriel n'a eu la permission -en-dehors du fait des Anneaux de Pouvoir- que lorsqu'elle a refusé de prendre l'Anneau, et par-là montré sa force et aidé le Destin du Monde. Cette situation n'aurait donc pas eu lieu, et il aurait sans doute fallu beaucoup plus de temps à la plupart des Elfes de ce cas pour pouvoir se faire pardonner par les Valr.... c'est du moins ma pensée.
Bonne journée.
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Aiya cher utilisateur,
Nous pouvons aussi nous référer au début de la suite (très inachevée) du Seigneur des Anneaux intitulée The New Shadow qui se passe sous le règne d'Eldarion, le fils d'Aragorn, plus de deux siècles après le début du Quatrième Âge.
Il y ait notamment fait un état du Dark Tree, un concept métaphorique qui renvoie à l'idée que les racines du mal sont très profondes, il lie cette réalité dans ses lettres avec la nature profonde des Hommes qui ne se satisfont jamais de leur état de paix.
Toutefois Tolkien abandonne rapidement son projet car il trouve trop déprimantes les viscissitudes des Hommes avec la disparition progressive de tout merveilleux au profit d'un simple thriller (pour le citer).
On apprend dans ses Lettres toutefois que le Mal aurait sûrement pris la forme de "secret societies practising dark cults, and 'orc-cults' among adolescent" animées par "a centre of secret Satanistic religion".
aravanessë
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Merci encore, je n'avais pas lu les esquisses de The New Shadow, donc je n'avais pas pensé à quelque chose d'aussi explicite.
Par ailleurs, ta citation d'une religion sataniste occulte me rappelle un passage, je crois de la Route Perdue, où C. Tolkien explique que, selon son père, la religion en Terre du Milieu n'est apparue qu'à partir de la Submersion de l'Occidentale, c'est-à-dire quand les Hommes perdent accès aux Valar, et donc à la certitude de leur existence en même temps qu'à la perception de leur matérialité/matérialisation. La religion serait donc le résultat d'un éloignement des "Dieux", d'une distension, d'un doute (doute sur la mort, sur la destinée des hommes, sur les Elfes). Mais cela me semble étonnant de la part de Tolkien qui est très catholique. Dire que la religion apparaît à ce moment symbolique, cela me semble être une sorte de reniement ou de concession au sujet de la foi. Ainsi, ce serait en perdant une partie de la conscience et de la perception des âges précédents (perception de Valinor, des Dieux, du monde elfique plus généralement) et en en sortant pleinement, que les Hommes commencent à cultiver un culte. Ces croyances ne sont donc pas liées, si je ne l'interprète pas trop faussement, à la vérité ou au savoir.
Ce passage me rappelle donc celui que tu cites sur le "satanisme", et je me pose dès lors plusieurs questions (qui n'ont plus trop de rapport avec le sujet, c'est vrai) :
1. Est-ce que Tolkien distingue la religion catholique d'autres cultes, qu'il considère comme plus dangereux que l'athéisme ?
2. Est-ce que sa conception de la religion/du culte rejoint celle qu'il a sur le régime politique ? Je rejoins ici un message écrit en août 2022 (le 22 août 2022) par rintrah, qui faisait partie de l'édition, je crois, du Philomagasine consacré à J. R. R. Tolkien.
"à défaut peut-être d'un fonctionnement purement anarchiste où il serait possible de se passer de pouvoir, ce qui est certainement impossible pour Tolkien dans un monde déchu[...]"
Tolkien serait-il donc de tendance "conservatrice" (catholique royaliste anti-constitutionnel) lorsqu'il s'agit du monde "marri", mais de tendance "progressiste" voire expérimentale lorsqu'il s'agit du monde idéal ?
3. En parlant du mot "idéal", cela me fait penser que le passage que je viens de citer, où les Hommes "accèdent" à la religion en perdant la Route vers Valinor et Aman, et en se retirant du monde elfique, semble montrer que Tolkien a davantage une conception matérialiste qu'idéaliste, contrairement à ce que je pensais. En effet, c'est ici un déroulé social et historique (+ géographique, linguistique, politique) qui est responsable de la religion et des croyances, et non une Idée en soi qu'aurait l'Homme par Nature (désolé pour cet abus de majuscules). Mais cela me semble un peu contradictoire, encore une fois, avec un théorie catholique affirmée et profonde. Qu'en pensez-vous ?
Toutes ces tergiversations nous éloignent - j'en suis bien désolé - des questions de retour des Noldor de leur exil et de l'autre interrogation initiale.
J'espère que vous aurez bien des informations (dans Les Lettres par exemple) pour y répondre au moins en partie !
Merci.
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Tes questions sont en effet aussi nombreuses que vastes, il nous sera difficile d'y répondre sans écrire un quasi-essai, c'est pourquoi je me permets plutôt de renvoyer vers quelques lectures si le sujet t'intéresse, à commencer par l'ouvrage de référence de Leo Carruthers initutlé Tolkien et la Religion, mais aussi le plus ancien (que je n'ai pas lu pour le coup) Tolkien, faërie et le christianisme dont nous avons récemment publié un essai de l'un des trois co-auteurs sur les liens entre Tolkien et Ephrem le Syrien.
Pour se lancer dans une lecture immédiaite sur le sujet, je me permets également de te rediriger vers cet essai introductif à la question en accès chez nos ami.e.s de JRRVF, à savoir Le SdA, récit catholique ou mythe païen ? par Xavier de Brabois. Tu pourras également trouver sur notre site l'essai de Franck Mazas Le fait religieux chez Tolkien : de la mythologie à l'histoire, un paganisme prémisse du christianisme. Ou encore celui d'A. R. Bossert « Certainement tu ne doutes pas »: Tolkien et Pie X : antimodernisme dans la Terre du Milieu. Bonnes lectures !
aravanessë
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(26.12.2023, 16:15)Utilisateur a écrit : Par ailleurs, ta citation d'une religion sataniste occulte me rappelle un passage, je crois de la Route Perdue, où C. Tolkien explique que, selon son père, la religion en Terre du Milieu n'est apparue qu'à partir de la Submersion de l'Occidentale, c'est-à-dire quand les Hommes perdent accès aux Valar, et donc à la certitude de leur existence en même temps qu'à la perception de leur matérialité/matérialisation. La religion serait donc le résultat d'un éloignement des "Dieux", d'une distension, d'un doute (doute sur la mort, sur la destinée des hommes, sur les Elfes). Mais cela me semble étonnant de la part de Tolkien qui est très catholique. . Les Elfes d'Aman et les Numenoréens pratiquent déjà un culte envers Eru et les Valar, qui est décrit dans le Silmarillion et les Contes et Légendes inachevés.
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(27.12.2023, 13:50)Tikidiki a écrit : Les Elfes d'Aman et les Numenoréens pratiquent déjà un culte envers Eru et les Valar, qui est décrit dans le Silmarillion et les Contes et Légendes inachevés.
Certes, mais s'agit-il d'une religion, pour les Elfes d'Aman, qui côtoient "réellement" la plupart des Valar, et fêtent les jours "festivals" avec eux ?
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"Certes" : mais tu interrogeais l'existence d'un culte. Ensuite, la définition de religion peut aller dans des sens opposés selon la définition qu'on en fait...
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Oui, tout dépend de ce qu'on entend par religion dans un monde où des puissances semi-divines sont présentes et accessibles.
En revanche, pour les Númenóréens, qui n'ont pas d'accès direct aux Valar pendant des millénaires, leur culte à Eru renvoie à une définition assez classique.
aravanessë
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