30.09.2022, 22:22
Chapitre 5.1
À l’intérieur d’un grand cercle de feux de bois se tenaient les hommes du clan. Au centre, Féliquèl, chamane et maintenant chef. À sa droite, Maléra le chamane de Brolénian, à sa gauche Bénian chef déchu et ses femmes et filles assises autour du pieu sacré. Derrière, le groupe des orques.
Interrompant les chants rituels, le sorcier tint devant lui une épée :
« Vous reconnaissez cette lame des hommes du sud, des seigneurs venus de l’ouest par la mer ! »
Assurément il s’agissait d’une épée du Gondor, pas un sabre de bronze en usage chez les Dunéens.
Le sorcier mis l’arme dans les mains d’un orque qui venait de le rejoindre et appela un homme du clan à le rejoindre :
« Frappe cette arme des seigneurs des mers ! »
L’orque tenait l’épée levée, le sabre tourna mais se brisa en deux dans une gerbe d’étincelles.
Féliquèl tenait maintenant le Dunéen par l’épaule :
« Si je suis devenu chef et chamane, c’est pour vous conduire vers les gras pâturages, pour cesser de craindre les guerriers du sud. À ma suite vous deviendrez invincibles ! »
Et à la surprise de tous, l’orque transperça le Dunéen.
Il vacilla, blême, alors que le sorcier continuait de le tenir en criant :
« À ma suite, vous serez invincibles ! »
Et le Dunéen reprit des couleurs, répétant avec tout le clan :
« Nous serons invincibles ! »
Et Féliquèl, se tournant vers les orques continuait :
« Les seigneurs des mers ont pris nos terres, nous humilient de leurs taxes, ils ont chassé le peuple des orques dans les montagnes et ils veulent nous priver tous de notre liberté ! »
Tous répondirent en chœur :
« Mort aux mangeurs de paille ! Qu’ils retournent à la mer ! »
Sabres dunéens et cimeterres orques étaient dressés vers le ciel, embrasés de flammes rouges.
Appelant Leûrk, le chef des orques auprès de lui, Le sorcier fit serment :
« Nous faisons aujourd’hui alliance entre les deux peuples de Dun et les Orques. Ensemble nous vaincrons les mangeurs de paille. Et comme signe de cette alliance nous vous donnons nos filles »
Des cris de joie s’élevèrent, puis les chants laissèrent la place au banquet.
Lothíriel s’adressa effarée à Vunamé :
« Il a donné les filles du chef déchu en mariage ? Mais vous savez pourtant que les orques ne cherchent que de la chair humaine ! »
Vunamé répondit :
« Bien sûr que nous le savons. Pourquoi croyez-vous que nous nous opposons à cette alliance ? Mais le clan est sous l’emprise de Féliquèl… »
Anolien les interrompit :
« C’est bien l’intention des orques. Regardez : ils s’éclipsent avec nos sœurs ! »
Et j’ajoutais :
« Ils vont les conduire à leur repaire de l’Ered ethryn et là ils commettront leur abomination… »
« Si je parviens à en atteindre les contreforts avant eux… » disait Anolien, « …je peux rassembler des guerriers de notre clan et les intercepter »
Il fut convenu que Mardil et Anborn partiraient avec Anolien au secours des jeunes filles, car de notre côté discrétion et diplomatie étaient les seules options.
Chapitre 5.2
Depuis un bon moment mon attention se portait sur le pieu sacré. J’en glissais quelques mots à Vunamé qui confirma mon intuition. Une autre puissance que celle des esprits des ancêtres était là à l’œuvre. La nuit était bien avancée, tout le clan finit par sombrer dans le sommeil. Je m’élançai alors, et demandai à Orodreth de m’aider à atteindre le sommet du pieu. Une niche y servait de réceptacle pour un lourd objet, semblable à une très grosse griffe en verre ouvragé. À la lumière incertaine des braises mourantes nous pûmes discerner les phrases suivantes, entrelacées sur le verre noir et opaque, écrites en langue elfique :
« La vérité des ténèbres fait oublier le mensonge de la lumière », « noyée puis emprisonnée ; la voilà asservie », « instrument de puissance » et ce mot « Morgamp » que Vorondil traduisit par griffe de noirceur. Si les mots ne suffisaient pas, Vunamé et moi en étions certains. Cet objet, issu de la pire des sorcelleries, devait être détruit immédiatement. Orodreth sorti son épée et frappa avec force. Un bruit sourd, quelques étincelles et il contint un gémissement, se tenant aussitôt le bras. La Morgamp n’avait pas bougé. Quelques mots échangés et d’un commun accord avec Vunamé je saisis mon bâton :
« ...tu leur imposeras... » murmurai-je en lâchant mon moulinet.
Ce fut comme un cri strident qui parcouru le camp, suivi du brouhaha des dunéens en train de se lever. Le choc nous empêcha de réagir immédiatement, puis il était trop tard pour fuir. Orodreth lâcha prestement la poignée de son épée et s’adressa à la chamane :
« Vunamé, c’est le moment de provoquer Féliquèl en duel, et de réussir une négociation magistrale »
Tous les hommes du clan nous encerclaient à présent, armes à la main, bien qu’il se lise dans leurs yeux un je ne sais quoi d’hésitation. Dès que Vunamé eut aperçu le sorcier, elle l’apostropha :
« Ver putride, fouilleur de tombe, toi qui t’es détourné du chemin de marche, sache qu’aujourd’hui tu es débusqué comme un loup de l’ombre qui s’attaque au troupeau ! »
Tout en proférant ces paroles, la chamane laissait couler de ses mains les débris de verre noir de la Morgamp. Féliquèl passa en un instant d’une attitude menaçante et arrogante à une position d’homme défait et angoissé alors qu’il gardait les yeux rivés sur les éclats mats disparaissant dans l’herbe. Vunamé sentant qu’elle avait pris l’ascendant se tourna alors vers les hommes :
« Chef Bénian ! » Elle le cherchait du regard.
« Chef Bénian ! Féliquèl n’a jamais été chef à ta place, car il n’y a jamais eu de duel, mais seulement une ombre passée dans le clan » et jetant un regard circulaire sur les hommes :
« Je convoque le duel entre Bénian et Féliquèl »
Vunamé jouait gros, et elle nous apprit plus tard qu’elle n’avait aucun droit de provoquer un tel retournement. Il y eut un flottement dans l’assemblée qu’elle mit à profit pour insister :
« Où sont tes alliés de l’Ombre, Féliquèl ? »
Effectivement ils n’étaient plus là depuis longtemps.
« Qu’ont-ils fait des sœurs ? Avez-vous oublié qu’ils mangent la chair des hommes ? »
À l’évocation de ses filles, Bénian s’était ressaisi. Il sortit du rang et se tourna vers le sorcier :
« Duel ! Balamécal ou l’exil ? » Pendant qu’il prononçait ces mots, le cercle se fit autour des deux hommes à qui on tendit à chacun un sabre. Féliquèl esquissa un mouvement de recul en vain : le cercle était fermé. Le combat fut rapide et cruel, le sorcier ayant pour lui la force et la traîtrise qu’inspirent la peur alors que le chef déchu était animé par la vengeance et l’honneur. Mais la Morgamp n’était plus. Tout en essuyant sa lame, Bénian s’adressa à Vunamé :
« Le chemin dégagé est toujours bloqué par les hommes du sud. Que cherchent-ils en venant sur nos terres ? »
Là, c’est Orodreth qui allait jouer gros. Il était mandaté par Morwen pour protéger Lond galen et l’Anfalas d’une alliance entre Dunéens et Orques, pas plus.
« Si les hommes du sud sont sur vos terres, c’est pour vous proposer une autre alliance. Vous avez constaté par vous-même que les Orques et les Trolls se sont multipliés, qu’ils sortent des montagnes à l’appel de leur maître. Vos troupeaux ne sont plus en sécurité, pas plus que les demeures de pierre du Gondor. Ils ont pris vos sœurs, ils ont pris nos frères qui creusent la roche. Aussi, le chef du Gondor vous offre les terres du sud, le long de la Lefnui et supprime le péage de Pinnornost. »
Orodreth nous avoua plus tard qu’il avait tremblé en prononçant ces paroles. Morwen approuverait-elle ? Et comment convaincre les Seigneurs de Pinnornost ou Larnomir ? Les trop nombreuses morts causées par la lutte fratricide avaient affaibli le Gondor, une alliance avec les rudes Dunéens pouvait être providentielle. Mais les blessures étaient encore à vif, forcer la main à Turgon et aux autres seigneurs pouvait se révéler dangereux.
Une négociation démarra, qui s’annonçait longue et délicate tant Orodreth manquait d’éléments. Le jour s’était levé depuis une heure environ quand un événement inattendu vint bousculer ce qui se transformait en marchandage.
À l’intérieur d’un grand cercle de feux de bois se tenaient les hommes du clan. Au centre, Féliquèl, chamane et maintenant chef. À sa droite, Maléra le chamane de Brolénian, à sa gauche Bénian chef déchu et ses femmes et filles assises autour du pieu sacré. Derrière, le groupe des orques.
Interrompant les chants rituels, le sorcier tint devant lui une épée :
« Vous reconnaissez cette lame des hommes du sud, des seigneurs venus de l’ouest par la mer ! »
Assurément il s’agissait d’une épée du Gondor, pas un sabre de bronze en usage chez les Dunéens.
Le sorcier mis l’arme dans les mains d’un orque qui venait de le rejoindre et appela un homme du clan à le rejoindre :
« Frappe cette arme des seigneurs des mers ! »
L’orque tenait l’épée levée, le sabre tourna mais se brisa en deux dans une gerbe d’étincelles.
Féliquèl tenait maintenant le Dunéen par l’épaule :
« Si je suis devenu chef et chamane, c’est pour vous conduire vers les gras pâturages, pour cesser de craindre les guerriers du sud. À ma suite vous deviendrez invincibles ! »
Et à la surprise de tous, l’orque transperça le Dunéen.
Il vacilla, blême, alors que le sorcier continuait de le tenir en criant :
« À ma suite, vous serez invincibles ! »
Et le Dunéen reprit des couleurs, répétant avec tout le clan :
« Nous serons invincibles ! »
Et Féliquèl, se tournant vers les orques continuait :
« Les seigneurs des mers ont pris nos terres, nous humilient de leurs taxes, ils ont chassé le peuple des orques dans les montagnes et ils veulent nous priver tous de notre liberté ! »
Tous répondirent en chœur :
« Mort aux mangeurs de paille ! Qu’ils retournent à la mer ! »
Sabres dunéens et cimeterres orques étaient dressés vers le ciel, embrasés de flammes rouges.
Appelant Leûrk, le chef des orques auprès de lui, Le sorcier fit serment :
« Nous faisons aujourd’hui alliance entre les deux peuples de Dun et les Orques. Ensemble nous vaincrons les mangeurs de paille. Et comme signe de cette alliance nous vous donnons nos filles »
Des cris de joie s’élevèrent, puis les chants laissèrent la place au banquet.
Lothíriel s’adressa effarée à Vunamé :
« Il a donné les filles du chef déchu en mariage ? Mais vous savez pourtant que les orques ne cherchent que de la chair humaine ! »
Vunamé répondit :
« Bien sûr que nous le savons. Pourquoi croyez-vous que nous nous opposons à cette alliance ? Mais le clan est sous l’emprise de Féliquèl… »
Anolien les interrompit :
« C’est bien l’intention des orques. Regardez : ils s’éclipsent avec nos sœurs ! »
Et j’ajoutais :
« Ils vont les conduire à leur repaire de l’Ered ethryn et là ils commettront leur abomination… »
« Si je parviens à en atteindre les contreforts avant eux… » disait Anolien, « …je peux rassembler des guerriers de notre clan et les intercepter »
Il fut convenu que Mardil et Anborn partiraient avec Anolien au secours des jeunes filles, car de notre côté discrétion et diplomatie étaient les seules options.
Chapitre 5.2
Depuis un bon moment mon attention se portait sur le pieu sacré. J’en glissais quelques mots à Vunamé qui confirma mon intuition. Une autre puissance que celle des esprits des ancêtres était là à l’œuvre. La nuit était bien avancée, tout le clan finit par sombrer dans le sommeil. Je m’élançai alors, et demandai à Orodreth de m’aider à atteindre le sommet du pieu. Une niche y servait de réceptacle pour un lourd objet, semblable à une très grosse griffe en verre ouvragé. À la lumière incertaine des braises mourantes nous pûmes discerner les phrases suivantes, entrelacées sur le verre noir et opaque, écrites en langue elfique :
« La vérité des ténèbres fait oublier le mensonge de la lumière », « noyée puis emprisonnée ; la voilà asservie », « instrument de puissance » et ce mot « Morgamp » que Vorondil traduisit par griffe de noirceur. Si les mots ne suffisaient pas, Vunamé et moi en étions certains. Cet objet, issu de la pire des sorcelleries, devait être détruit immédiatement. Orodreth sorti son épée et frappa avec force. Un bruit sourd, quelques étincelles et il contint un gémissement, se tenant aussitôt le bras. La Morgamp n’avait pas bougé. Quelques mots échangés et d’un commun accord avec Vunamé je saisis mon bâton :
« ...tu leur imposeras... » murmurai-je en lâchant mon moulinet.
Ce fut comme un cri strident qui parcouru le camp, suivi du brouhaha des dunéens en train de se lever. Le choc nous empêcha de réagir immédiatement, puis il était trop tard pour fuir. Orodreth lâcha prestement la poignée de son épée et s’adressa à la chamane :
« Vunamé, c’est le moment de provoquer Féliquèl en duel, et de réussir une négociation magistrale »
Tous les hommes du clan nous encerclaient à présent, armes à la main, bien qu’il se lise dans leurs yeux un je ne sais quoi d’hésitation. Dès que Vunamé eut aperçu le sorcier, elle l’apostropha :
« Ver putride, fouilleur de tombe, toi qui t’es détourné du chemin de marche, sache qu’aujourd’hui tu es débusqué comme un loup de l’ombre qui s’attaque au troupeau ! »
Tout en proférant ces paroles, la chamane laissait couler de ses mains les débris de verre noir de la Morgamp. Féliquèl passa en un instant d’une attitude menaçante et arrogante à une position d’homme défait et angoissé alors qu’il gardait les yeux rivés sur les éclats mats disparaissant dans l’herbe. Vunamé sentant qu’elle avait pris l’ascendant se tourna alors vers les hommes :
« Chef Bénian ! » Elle le cherchait du regard.
« Chef Bénian ! Féliquèl n’a jamais été chef à ta place, car il n’y a jamais eu de duel, mais seulement une ombre passée dans le clan » et jetant un regard circulaire sur les hommes :
« Je convoque le duel entre Bénian et Féliquèl »
Vunamé jouait gros, et elle nous apprit plus tard qu’elle n’avait aucun droit de provoquer un tel retournement. Il y eut un flottement dans l’assemblée qu’elle mit à profit pour insister :
« Où sont tes alliés de l’Ombre, Féliquèl ? »
Effectivement ils n’étaient plus là depuis longtemps.
« Qu’ont-ils fait des sœurs ? Avez-vous oublié qu’ils mangent la chair des hommes ? »
À l’évocation de ses filles, Bénian s’était ressaisi. Il sortit du rang et se tourna vers le sorcier :
« Duel ! Balamécal ou l’exil ? » Pendant qu’il prononçait ces mots, le cercle se fit autour des deux hommes à qui on tendit à chacun un sabre. Féliquèl esquissa un mouvement de recul en vain : le cercle était fermé. Le combat fut rapide et cruel, le sorcier ayant pour lui la force et la traîtrise qu’inspirent la peur alors que le chef déchu était animé par la vengeance et l’honneur. Mais la Morgamp n’était plus. Tout en essuyant sa lame, Bénian s’adressa à Vunamé :
« Le chemin dégagé est toujours bloqué par les hommes du sud. Que cherchent-ils en venant sur nos terres ? »
Là, c’est Orodreth qui allait jouer gros. Il était mandaté par Morwen pour protéger Lond galen et l’Anfalas d’une alliance entre Dunéens et Orques, pas plus.
« Si les hommes du sud sont sur vos terres, c’est pour vous proposer une autre alliance. Vous avez constaté par vous-même que les Orques et les Trolls se sont multipliés, qu’ils sortent des montagnes à l’appel de leur maître. Vos troupeaux ne sont plus en sécurité, pas plus que les demeures de pierre du Gondor. Ils ont pris vos sœurs, ils ont pris nos frères qui creusent la roche. Aussi, le chef du Gondor vous offre les terres du sud, le long de la Lefnui et supprime le péage de Pinnornost. »
Orodreth nous avoua plus tard qu’il avait tremblé en prononçant ces paroles. Morwen approuverait-elle ? Et comment convaincre les Seigneurs de Pinnornost ou Larnomir ? Les trop nombreuses morts causées par la lutte fratricide avaient affaibli le Gondor, une alliance avec les rudes Dunéens pouvait être providentielle. Mais les blessures étaient encore à vif, forcer la main à Turgon et aux autres seigneurs pouvait se révéler dangereux.
Une négociation démarra, qui s’annonçait longue et délicate tant Orodreth manquait d’éléments. Le jour s’était levé depuis une heure environ quand un événement inattendu vint bousculer ce qui se transformait en marchandage.
La lumière n'indique pas le bout du tunnel, c'est la lanterne de celui qui comme toi, cherche à sortir.