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Ils voulaient rester libres
#13
avec un peu de retard, un double chapitre.



Chapitre 2.3




Nous nous aplatîmes dans ce buisson qui abritait notre halte, épiant le moindre mouvement. Un loup, de très grande taille, comme je n’en avais jamais vu chez nous, venait du nord. Il était monté par une créature courbée aux yeux biais, vêtue d’une armure de cuir et de haillons ; un orque. Le cavalier et sa monture avançaient à petite allure, chacun scrutant les environs de droite et de gauche. C’est en remarquant que même le cavalier reniflait que je compris soudain l’utilité de notre préparation. Dame Lothíriel nous avait barbouillés, frottés avec un mélange d’herbes ramassées en cours de route. Un autre détail fit écho aux nombreux conseils que m’avait donnés Orodreth :
« Les orques sont les esclaves et les serviteurs du Seigneur ténébreux autrefois abattu. Ils détestent la lumière du soleil et se déplacent rarement de jour hors de leur repaire »
Cet orque-là cherchait manifestement à se déplacer le plus possible à l’ombre, et se couvrait les yeux de sa main griffue chaque fois qu’il passait à découvert. Ce n’est que lorsqu’il fut suffisamment éloigné que Vorondil nous fit sortir de notre cachette pour atteindre la porte de la mine.
Devant nous se dressait la pente douce d’une colline recouverte de buissons épars. Au centre, un petit éboulement formait un replat, et laissait entrevoir un pan de rocher presque vertical. Le maître des mines nous confia ses instructions :
« Chacun de vous doit se recroqueviller dans un des buissons alentour, jusqu’à ce que je lui fasse signe d’avancer. En attendant que j’ai pu ouvrir la porte »
Tout ce que je vis, était plus beau que mes rêves d’enfant : Vorondil se baissa, fouilla dans sa besace, promena ses mains qui tenaient un objet sur la pierre et d’une poussée ouvrit la paroi. Il nous fit entrer un par un, scrutant les environs d’un regard inquiet. Puis de l’intérieur il referma la porte et le noir total nous emprisonna. Sa voix me rassura :
« Ne bougez pas, restez près de moi, vos yeux vont progressivement s’habituer. Il y a normalement quelques ouvertures qui donnent un peu de clarté »
« Les maîtres des mines ont le pouvoir de faire un trou dans la montagne et d’y entrer par une porte ! » pensai-je, hésitant entre l’émerveillement et l’effroi.
« Je n’utiliserai ma lampe qu’en cas de nécessité, car si elle s’éteint, vous vous retrouvez à nouveau aveugles, et en danger »
Loin devant nous une faible source de lumière éclairait la galerie. Quelques zones plus sombres sur les parois latérales semblaient indiquer l’existence de tout un réseau creusé dans le ventre de la colline. Sur le sol, deux barres métalliques parallèles, posées sur des madriers, s’étiraient, suivant le cours de la galerie.
« Suivez-moi, en gardant vos pas entre la paroi et les rails, afin de ne pas trébucher. Et ne vous aventurez ni à droite ni à gauche ! »
Parvenus à l’extrémité, rails et galerie se scindaient en deux, de droite et de gauche. La lumière, plus forte maintenant, provenait de deux ouvertures profondes percées dans le flanc nord de la colline, se rétrécissant jusqu’à ne laisser la place que pour un homme allongé. Y prirent place Orodreth et Damrod. Nous nous tenions entre ces deux ouvertures, dos à la paroi, attentifs aux bruits et ombres de la mine. Sur notre gauche, bien au-delà d’un petit chariot métallique posé sur les rails, semblait provenir de faibles bruits, entre gémissement et frottement. Vorondil murmurait à Lothíriel :
« Je penche effectivement pour des chauves-souris, mais pas des plus petites… »
Les deux observateurs sortirent de leur trou, et nous nous réunîmes vers un lieu plus sombre, vers la droite.
« Nous sommes à l’intérieur de la colline de Ladosse, qui surplombe le bourg de Verlamin. Seul reste debout la partie centrale. À droite à partir de la Forge, comme à gauche depuis l’Entrepôt les solides bâtiments de pierre sont effondrés, brûlés. De nombreux orques occupent les lieux : une tribu s’est installée autour du Puits du forum et ses membres s’affairent autour de plusieurs feux. Une deuxième tribu a installé ses tentes près de l’Entrepôt qu’elle pille consciencieusement avant de transférer certains biens ailleurs. De nombreux animaux, chevaux, petit et gros bétail sont parqués derrière le marché couvert. Enfin, une dernière tribu occupe les ruines de la Forge qu’elle a remise en fonction à sa manière. »
Chacun de nous se succéda rapidement aux postes d’observation : seuls Damrod et Lothíriel avaient déjà eu l’occasion de voir dans leur vie un campement orque aussi important.
Vorondil nous fit sortir avec précaution de la mine, et nous traversâmes à l’aide d’un pont de corde rapidement installé la rivière à l’endroit où elle traversait un bosquet touffu. Il nous fit pénétrer ensuite dans une seconde mine, creusée cette fois ci dans la colline de Lalon. D’après notre guide, celle-ci comptait deux entrées et comme celle de l’ouest était trop proche du Fortin nous fîmes un détour d’un peu moins d’une lieue pour atteindre celle de l’est, dissimulée dans un petit bois.
Cette mine était toute en longueur, avec un plafond relativement régulier auquel restaient suspendus des restes de chaînes, de poulies et de mâts. Une série de trois puits coniques occupait la première partie. Une étroite corniche contournait le premier par la gauche, longeant la paroi. Il était rempli d’une eau parfaitement limpide qui par un effet de loupe le rendait moins profond, mais plus inquiétant. Le suivant me sembla sans fond, et était traversé par une frêle passerelle de bois. Le troisième enfin fut contourné à nouveau par une corniche. Un étroit boyau, franchi à quatre pattes nous permît d’atteindre la dernière cavité, occupée par des vestiges d’outillage et de tas de pierres et de gravois. Nous occupâmes alors les trois postes d’observation qui donnaient sur le nord.
Des vergers et des fermes qui occupaient ce lieu ne restait que des ruines fumantes. Çà et là des groupes d’orques fouillaient les décombres, pillaient les potagers qui n’avaient pas étés brûlés, ou poursuivaient qui une chèvre, qui un poulet, profitant d’un soleil masqué par les lourds nuages d’automne.
« Où sont les habitants ? » demandai-je alors que nous mettions en commun nos observations.
Damrod me répondit d’un air gêné :
« Beaucoup semblent être morts, brûlés vifs ou broyés sous les décombres, quelques-uns se sont peut-être réfugiés dans le bois du Noiraud, ou ailleurs… »
Il hésitait à continuer. Orodreth continua :
« Il faut que tu saches que les orques se régalent de la chair des hommes. Leurs chefs leur en promettent à chaque campagne. Tous ceux qui n’auront pu fuir à temps finiront entre leurs griffes. »
Je compris alors la nature de certains fardeaux volumineux portés par ces créatures…
« J’ai souvenir maintenant d’une autre fenêtre située au-dessus de la porte ouest » déclara Vorondil. Et il nous y conduisit. Je repensais alors à ces mots de Damrod :
« J’en ai vu des maisons brûlées, mais jamais qui se soient écroulées de cette manière »
Et Orodreth qui parlait des chefs des orques. Où étaient-ils, qui étaient-ils ?
On atteignait cette ouverture par un petit escalier taillé dans la pierre. À hauteur d’homme l’orifice percé dans une alcôve donnait une large vue sur le parterre du porche d’entrée et les environs. Vorondil nous avait expliqué que ce porche, constitué d’un ensemble de statues taillées dans le roc ne laissait en rien deviner la présence d’une porte, et que l’orifice de la clef était intégré dans le relief d’un héros oublié du Gondor, statue couronnée de fleurs et tenant un oiseau dans ses bras.
Le même spectacle de désolation s’offrit à nos yeux : en face entre les deux collines des fermes finissaient de brûler, un peu plus loin on distinguait le bourg détruit et en approchant au maximum la tête on pouvait apercevoir sur la droite le Fortin occupé par les orques.
Puis ce fut mon tour d’observation. Le fortin n’avait subi ni incendie ni destruction et de nombreuses tentes et baraquement grossiers lui avaient étés accolés. C’est la soif d’un butin facile qui poussait les orques les plus courageux à sortir ainsi de jour. Les autres reprendraient leurs activités à la nuit tombée avait dit Orodreth. J’hésitai à descendre quand un bruit dans les fourrés en contrebas attira mon attention. Quelque chose ou quelqu’un approchait, gravissant le flanc ouest de la colline. Puis ce furent des voix, deux voix rauques :


Chapitre 2.4




« Ça y est, on les a trouvées les statues, on peut rentrer »
« Tu les as trouvées dans ta poche ? »
« Lève les yeux ! Monsieur le soleil me brûle »
Deux orques, venaient de déboucher sur le terre-plein du porche, juste en dessous de moi. Le premier, court et trapu, avait de longs bras qui traînaient presque au sol. Il portait une épée courbe, semblable à celles des soldats sorciers de Desdursyton et arborait sur son casque et son bouclier un crâne blanc. L’autre se tenait presque droit, plus grand et fort, pique et poignard en main, une tour noire dessinée sur un plastron rouge sale.
« Le boulot, c’est pas de les trouver, c’est de trouver peut-être une porte cachée » répondit le plus grand. »
Je me retournais affolé, faisant de grand signes de ma main. Orodreth monta et serra sa tête contre la mienne pour écouter.
« Moi je vois pas de porte »
« Le chef a dit qu’il y a peut-être une porte, alors on cherche, et on la trouve, compris ? »
Le plus petit reprit :
« Durbatul a dit, Durbatul a dit. Lusig avait sommeil, on aurait pu chercher pendant la nuit, non ? »
« Tu feras moins le malin quand tu l’auras vu, le chef. Et là, prend garde à toi… »
Les deux orques commençaient à fureter, à renifler, à tâter la paroi sculptée. Orodreth fit monter Vorondil pour qu’il prenne ma place. Orodreth se positionna en embuscade avec Damrod et nous plaça en retrait. Les deux orques continuaient à parler :
« Quand le chef aura terminé de rassembler toutes les tribus, alors la Tour noire conduira l’assaut sur la grande ville des mangeurs de paille ! »
« Durbatul, la Tour noire, y’en a que pour vous. »
« Le chef choisit toujours les plus forts. Qui est capable de se faire obéir des ouargues, hein ? »
« En attendant, je n’ai pas encore vu le butin et il n’y a pas eu beaucoup de viande tendre. J’aime pas la viande brûlée. »
« Le butin doit être rassemblé pour que le chef fasse le partage ; sinon des petits malins comme toi seraient capables de filer avant d’avoir fait le boulot. N’oublie pas qu’il y a beaucoup de mangeurs de paille au sud ! »
« Et pourquoi ton Durbatul y va pas les brûler aussi, hein ? Il a peur des grands arcs et des méchantes piqûres ? »
« Il a son plan et c’est lui qui commande »
Le grand orque s’impatientait :
« Porte de nain, à main du trèfle, qu’il a dit… »
Le petit ricana :
« T’es grand, mais tu connais rien. Le trèfle c’est ça, là, à hauteur des yeux d’un sale nain »
Le grand orque sortit vivement une longue clé ouvragée et l’introduisit au centre de la feuille de trèfle sculptée que venait de lui désigner Lusig. Il y eut un léger clic dans le silence. Une poussée de main, un rai de lumière dessina soudainement la porte.
« Et maintenant le grand guerrier de la tour noire va rentrer pendant que je le couvre »
Lusig s’était promptement mis de côté, pendant que l’autre hésitait à ouvrir davantage.
« Ça sent le trou à nain. On a fait le boulot, on prévient le chef et on reviendra alors »
Ils repartirent alors sans se faire prier.
Dès qu’ils furent hors de vue, Vorondil nous déclara inquiet :
« Leur chef a fouillé les archives du Fortin, et il n’est pas ignorant des coutumes anciennes… »
Après avoir fait le point sur ce qui avait été compris du dialogue des deux orques, Orodreth demanda à Vorondil s’il voulait nous conduire à un autre point d’observation discret. Tant que nous n’étions pas découverts, il fallait poursuivre notre mission.
Effectivement, il nous conduisit à un autre ouvrage de mineurs : un tunnel, servant de sortie secrète au fortin, et connu de quelques initiés seulement. Comme il était très étroit, Vorondil s’y installa à mi-parcours, laissant Orodreth aller seul jusqu’au bout. Quant à nous, nous montions une garde vigilante autour de la porte cachée. Ce qu’il nous rapporta confirma les premiers éléments de notre enquête.
« Les grands orques de la tribu Tour noire occupent le Fortin. Ils ont déjà à leurs côtés quelques trolls et ouargues en provenance d’Esselwain. Leur chef veut rassembler toutes les créatures mauvaises de la région. D’ici peu ils pourront commencer à piller les environs, jusqu’à ce qu’un jour ils soient prêts à attaquer Lond galen. Ce chef qu’ils appellent Durbatul, provoque une grande crainte mêlée d’admiration chez ceux qui l’ont rencontré pour recevoir ses ordres. Il est patient, viendra un jour où 'il fondra sur la cité de la côte', 'balayant ses ennemis', 'brûlant les défenses'. Il exige son quota de prisonniers vivants mais les orques semblent satisfaits de la part qui leur revient. »
Orodreth fut interrompu dans son compte rendu par le passage de deux patrouilles.
« Notre mission est terminée, il nous faut maintenant rentrer, vivants de préférence… »
La lumière du jour, tamisée par les épais nuages allait baisser de plus en plus, poussant les orques à sortir nombreux.
Grâce à la grande connaissance des lieux de mes compagnons, nous pûmes nous faufiler de bosquet en fourré en évitant les mauvaises rencontres, et rejoindre Mardil et Anborn.
Cinq jours plus tard, Morwen pouvait entendre notre récit.
La lumière n'indique pas le bout du tunnel, c'est la lanterne de celui qui comme toi, cherche à sortir.
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Ils voulaient rester libres - par sam sanglebuc - 21.08.2022, 13:35
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