30.08.2022, 20:47
Chapitre 2.1
Une grande émotion régnait à Lond galen. D’autres rescapés venaient d’arriver, eux aussi portés par la Celgalen. Certains portaient des habits déchirés, brûlés, d’autres n’avaient dû leur salut qu’à un débris flottant et s’y étaient raccrochés, passant toute une journée dans l’eau vive et glacée. Morwen réconfortait, interrogeait. Deux estafettes partirent bientôt vers le nord au galop, afin de rapporter quelques nouvelles. Je croisai dans l’agitation Sia-nian, que je faillis ne pas reconnaître, si ce n’était notre visage typique. Elle portait avec grâce la tenue des dames du Gondor, s’exprimait avec un faible accent ; oubliée sa tenue de voyage, défraîchie par les longs mois de marche à travers les épreuves, ses longs cheveux noirs sales et sa mine fatiguée ! Elle avait peu de temps à m’accorder, car elle avait pris son service dans les maisons de guérisons où on apportait soins et réconfort aux réfugiés. Elle m’apprit où se trouvaient certains de nos compagnons, m’écouta quelques instants puis m’abandonna en s’excusant.
Le lendemain la Celgalen commença à charrier quelques étranges débris. Une pièce de bois calcinée, des chiffons sales. Parfois même des crébains s’acharnaient sur un de ces débris, picorant et déchirant quelque morceau de chair dont nous n’osions imaginer la nature. Sia-nian me partagea une des phrases du message de Pué-lan, qu’elle m’avait entendu rabâcher dans les débuts de notre périple. En effet, nous autres Akôèmes faisons bien plus confiance à notre mémoire qu’aux parchemins et gravures de pierre dont sont friands les Gondoriens.
« Rivière charrie sang et mort… »
« Plusieurs de ces réfugiés souffrent d’étranges brûlures, de quelle sorcellerie ont-ils pu être victimes ? »
« Fumée et feu montent au nord » lui répondis-je.
« C’est une mince colonne d’air chaud montant au-dessus de Verlamin qui m’a inquiété. Pas le feu d’un bûcheron qui prépare une réserve de bois noirci, ni celui d’un campement ou celui d’un bûcher funéraire… »
Par précaution Morwen avait instauré une garde permanente avec des patrouilles dans les proches environs. Je fus à nouveau envoyé à Orodreth qui m’affecta à cette surveillance en compagnie de ses soldats. Le troisième jour après notre retour de Gurtharas, le 15 de Hithui (novembre) – je commençais enfin à comprendre la manière qu’ont les hommes de l’ouest à compter les jours qui passent – des cavaliers venant du nord à bride abattue croisèrent notre patrouille en prenant à peine le temps de s’arrêter. Orodreth me fit convoquer quelques heures après. Morwen avait réuni ses conseillers et ses officiers et me demanda de donner à nouveau mon message :
« Retourne à l’ouest, car le temps est venu
Kôème-tian, Dunamène et Gondoriens,
Fumée et feu montent au nord
Rivière charrie sang et mort
Durbatul qui fut longtemps retenu
Te donne Kaluidh qui sera tien. »
Après que Lué-nian eut assuré ma traduction – je n’osai parler seul devant une telle assemblée – Morwen donna la parole à Ivriniel dont je remarquai alors la présence :
« Quand le corps de mon époux m’a été rendu… » Me revinrent alors en mémoire ses mots à notre arrivée :
« De retour d’une pêche au poulpe c’est le corps déchiqueté de mon époux qu’un pêcheur de Reuvon me ramena… »
Ivriniel continuait :
« Il portait sur lui trois feuillets de plomb gravés. Sur l’un d’eux étaient mentionnés les mots Kaluidh et Durbatul ; de cela je ne parlai qu’au seigneur Morwen »
Morwen reprit :
« En ce qui concerne Kaluidh, une rumeur laisse entendre qu’il s’agit du personnage ayant pris la vie de notre seigneur Golasgil… »
La subtilité linguistique m’échappa évidemment sur le moment, mais Lué-nian me le fit comprendre plus tard en me confiant que Morwen n’arrivait pas à accepter la mort de son époux, que ce n’était pas raisonnable, qu’elle devait faire son deuil.
« Par contre il est troublant que ce mot de Durbatul nous arrive en même temps du lointain orient et de la main de notre regretté Hirluin »
« De plus, des cavaliers viennent d’arriver du nord, portés par un vent de panique, ajoutant aux témoignages des rescapés. »
« Verlamin a été attaqué » « Une tornade de feu » « Une armée d’orques » « Tonnerre d’orage » « Grondements d’épouvante » « Puanteur et pestilence »
« Voilà ce qui ressort des témoignages et tout cela reste énigmatique. Aussi je souhaite envoyer à Verlamin une patrouille de circonstance. Orodreth, vous choisirez cinq hommes capables d’enquêter, dont deux seront chargés de faire le lien éventuel avec nous. N’oubliez pas les vieilles trousenhaut ! De plus vous prendrez avec vous, s’il l’accepte, notre hôte Fé-dan. Il commence à maîtriser notre langue, sa présence me paraît indispensable »
Je reformulai la proposition pour être sûr d’avoir compris :
« Vous vouloir que je pars avec Orodreth pour comprendre quoi Verlamin ? »
« C’est exact »
« Je veux, je pars »
Une grande émotion régnait à Lond galen. D’autres rescapés venaient d’arriver, eux aussi portés par la Celgalen. Certains portaient des habits déchirés, brûlés, d’autres n’avaient dû leur salut qu’à un débris flottant et s’y étaient raccrochés, passant toute une journée dans l’eau vive et glacée. Morwen réconfortait, interrogeait. Deux estafettes partirent bientôt vers le nord au galop, afin de rapporter quelques nouvelles. Je croisai dans l’agitation Sia-nian, que je faillis ne pas reconnaître, si ce n’était notre visage typique. Elle portait avec grâce la tenue des dames du Gondor, s’exprimait avec un faible accent ; oubliée sa tenue de voyage, défraîchie par les longs mois de marche à travers les épreuves, ses longs cheveux noirs sales et sa mine fatiguée ! Elle avait peu de temps à m’accorder, car elle avait pris son service dans les maisons de guérisons où on apportait soins et réconfort aux réfugiés. Elle m’apprit où se trouvaient certains de nos compagnons, m’écouta quelques instants puis m’abandonna en s’excusant.
Le lendemain la Celgalen commença à charrier quelques étranges débris. Une pièce de bois calcinée, des chiffons sales. Parfois même des crébains s’acharnaient sur un de ces débris, picorant et déchirant quelque morceau de chair dont nous n’osions imaginer la nature. Sia-nian me partagea une des phrases du message de Pué-lan, qu’elle m’avait entendu rabâcher dans les débuts de notre périple. En effet, nous autres Akôèmes faisons bien plus confiance à notre mémoire qu’aux parchemins et gravures de pierre dont sont friands les Gondoriens.
« Rivière charrie sang et mort… »
« Plusieurs de ces réfugiés souffrent d’étranges brûlures, de quelle sorcellerie ont-ils pu être victimes ? »
« Fumée et feu montent au nord » lui répondis-je.
« C’est une mince colonne d’air chaud montant au-dessus de Verlamin qui m’a inquiété. Pas le feu d’un bûcheron qui prépare une réserve de bois noirci, ni celui d’un campement ou celui d’un bûcher funéraire… »
Par précaution Morwen avait instauré une garde permanente avec des patrouilles dans les proches environs. Je fus à nouveau envoyé à Orodreth qui m’affecta à cette surveillance en compagnie de ses soldats. Le troisième jour après notre retour de Gurtharas, le 15 de Hithui (novembre) – je commençais enfin à comprendre la manière qu’ont les hommes de l’ouest à compter les jours qui passent – des cavaliers venant du nord à bride abattue croisèrent notre patrouille en prenant à peine le temps de s’arrêter. Orodreth me fit convoquer quelques heures après. Morwen avait réuni ses conseillers et ses officiers et me demanda de donner à nouveau mon message :
« Retourne à l’ouest, car le temps est venu
Kôème-tian, Dunamène et Gondoriens,
Fumée et feu montent au nord
Rivière charrie sang et mort
Durbatul qui fut longtemps retenu
Te donne Kaluidh qui sera tien. »
Après que Lué-nian eut assuré ma traduction – je n’osai parler seul devant une telle assemblée – Morwen donna la parole à Ivriniel dont je remarquai alors la présence :
« Quand le corps de mon époux m’a été rendu… » Me revinrent alors en mémoire ses mots à notre arrivée :
« De retour d’une pêche au poulpe c’est le corps déchiqueté de mon époux qu’un pêcheur de Reuvon me ramena… »
Ivriniel continuait :
« Il portait sur lui trois feuillets de plomb gravés. Sur l’un d’eux étaient mentionnés les mots Kaluidh et Durbatul ; de cela je ne parlai qu’au seigneur Morwen »
Morwen reprit :
« En ce qui concerne Kaluidh, une rumeur laisse entendre qu’il s’agit du personnage ayant pris la vie de notre seigneur Golasgil… »
La subtilité linguistique m’échappa évidemment sur le moment, mais Lué-nian me le fit comprendre plus tard en me confiant que Morwen n’arrivait pas à accepter la mort de son époux, que ce n’était pas raisonnable, qu’elle devait faire son deuil.
« Par contre il est troublant que ce mot de Durbatul nous arrive en même temps du lointain orient et de la main de notre regretté Hirluin »
« De plus, des cavaliers viennent d’arriver du nord, portés par un vent de panique, ajoutant aux témoignages des rescapés. »
« Verlamin a été attaqué » « Une tornade de feu » « Une armée d’orques » « Tonnerre d’orage » « Grondements d’épouvante » « Puanteur et pestilence »
« Voilà ce qui ressort des témoignages et tout cela reste énigmatique. Aussi je souhaite envoyer à Verlamin une patrouille de circonstance. Orodreth, vous choisirez cinq hommes capables d’enquêter, dont deux seront chargés de faire le lien éventuel avec nous. N’oubliez pas les vieilles trousenhaut ! De plus vous prendrez avec vous, s’il l’accepte, notre hôte Fé-dan. Il commence à maîtriser notre langue, sa présence me paraît indispensable »
Je reformulai la proposition pour être sûr d’avoir compris :
« Vous vouloir que je pars avec Orodreth pour comprendre quoi Verlamin ? »
« C’est exact »
« Je veux, je pars »
La lumière n'indique pas le bout du tunnel, c'est la lanterne de celui qui comme toi, cherche à sortir.