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Appel à contributions – Ballade à plusieurs mains 1 : La Ballade de la Compagnie
#14
(29.05.2015, 10:17)Baradon a écrit : J'adore le couplet proposé sur Mithrandir. Merci pour cette proposition. Juste une petite question Le e de accru dans le quatrième vers, tu choisis de ne pas le prononcer. En ce qui concerne les règles que tu sembles maîtriser mieux que moi alors j'en profite pour me renseigner ^^, le fait que l'adjectif accrues soit accordé au pluriel n'empêche-t-il pas le e de devenir muet même s'il est suivi du il qui débute par une voyelle.

Je ne prononce pas le e de accrues, ici conformément à la prononciation courante ; de plus, la coupe matérialisée par la virgule facilite cette élision. Mais c'est effectivement une licence par rapport aux règles de versification les plus classiques, selon le Dictionnaire de poétique de Michèle Aquien (Le Livre de Poche, 1993), article e caduc :

Citation :(...) Le cas d'un e après voyelle et devant consonne : Au XVIe siècle encore, il est compté prosodiquement, comme dans ce décasyllabe de Simon Bougoing :
Point ne les vient Jalousi-e saisir
mais dans la langue courante, très vite il n'est plus prononcé à l'intérieur comme à la fin d'un mot.

En prosodie, la tradition classique désormais distingue les deux positions : à l'intérieur du mot, cet e n'est pas compté (louera ne comporte que deux syllabes), et en fin de mot, une telle terminaison est proscrite parce que l'e n'est pas élidable. Conséquence : l'élimination à l'intérieur du vers de quantité de formes verbales à la deuxième personne du singulier (tu avoues, il faut que tu voies) ou à la troisième personne du pluriel, et d'une abondance de substantifs, d'adjectifs et de participes passés au féminin pluriel. Dans de telles contraintes, quelques licences ont ouvert une brève, comme par exemple l'usage d'infinitifs substantivés (pensers à la place de pensées) ou encore des exceptions faites pour les formes verbales en -aient et -oient, et pour les verbes avoir et être.

Toutes ces règles ont été respectées jusqu'à l'époque des symbolistes. À partir de ce moment, la plus grande liberté règne, aussi bien d'ailleurs pour se conformer à la prononciation spécifique du e devant consonne que pour en pratiquer l'apocope en toute positions, ou même la syncope comme dans la langue parlée. (...)

(29.05.2015, 10:17)Baradon a écrit : Autre question sur mon sixain pendant que j'y suis: avoir fait rimer pair avec père était parce que le jeu de mots me plaisait mais c'est une rime féminine avec une rime masculine. Il me semble que c'est rigoureusement interdit en poésie classique mais quel est ton avis/ton savoir sur la question?

C'est une règle absolue en prosodie classique, mais que les poètes d'aujourd'hui font le choix de suivre ou non. Elle ne correspond à une réalité phonétique que tant que l'on prononce le e de la rime féminine : c'est à dire avec l'accent du Midi, ou souvent encore dans la chanson, ex. :

À la claire fontaine,
m'en allant promener,
j'ai trouvé l'eau si claire
que je m'y suis baignée.

(Et là on voit que le e de baignée ne compte pas !)

Il y a encore d'autres règles de la prosodie classique concernant la fin de mot, notamment la règle de la liaison supposée qui interdit de faire rimer deux mots terminés par des consonnes muettes mais se prononçant différemment en liaison : par exemple plan et plant ne riment pas, pas plus qu'ils ne riment avec blanc ni blancs ! Cela correspond à un état de langue où l'on pouvait encore prononcer ces consonnes des liaison à la pause, mais il y a longtemps que ç'a cessé d'être le cas, de sorte que ces règles ont cessé d'être régulièrement suivies à partir du XIXe siècle. M. Aquien donne un exemple d'Apollinaire (Nuits rhénanes) :

Debout chantez plus haut en dansant une ronde
Que je n'entende plus le chant du batelier
Et mettez près de moi toutes les filles blondes
Au regard immobile aux nattes repliées

Nous n'allons sûrement pas suivre ces vieilles contraintes dans notre ballade commune, de peur d'étouffer la créativité dans un exercice de style un peu précieux. En revanche, il faudra faire attention quand le choix a une incidence sur la prononciation ; et le décompte des e muets tombe bien dans cette catégorie.

Pour l'intérêt de la chose, voici un site intéressant (mais de longue lecture !) sur l'évolution de la tradition prosodique du français dans la poésie et le chant : Chantez-vous français ?
Le langage a à la fois renforcé l'imagination et a été libéré par elle. Qui saura dire si l'adjectif libre a créé des images belles et bizarres ou si l'adjectif a été libéré par de belles et étranges images de l'esprit ? - J. R. R. Tolkien, Un vice secret
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