05.10.2013, 12:27
(04.10.2013, 22:45)Peredhil a écrit :(03.10.2013, 10:37)jbbourgoin a écrit : Le fond de la liturgie c'est la prière (la réponse de l'homme à l'amour de Dieu) et les sacrements (la réponse de Dieu à l'amour des hommes). Et l'importance des sacrements pour Tolkien affleure dans le SdA (le lembas ou les cadeaux de Galadriel par exemple).
Je perçois ce que tu veux dire. Mais si Frodo en appelle à son créateur de façon "explicite" pour un chrétien pratiquant ça n'est pas dit dans le texte. A ce niveau il s'agit bien d'une interprétation, cohérente avec la vision de l'auteur mais qui n'est pas "contenue" à proprement parler dans le texte. Ce que tu dis apporte une explication sur la construction que fait Tolkien dans le texte, puisqu'il respecte cette définition volontairement, mais pas sur l’œuvre prise séparément de son auteur.
C'est toute la différence entre l'allégorie et l'applicabilité, on est tous d'accord là-dessus, me semble-t-il.
(04.10.2013, 22:45)Peredhil a écrit : Oui mais il donne ici la lecture personnelle qu'il fait de son œuvre, elle apporte un éclairage mais rappelle aussi que c'est par un acte volontaire qu'il a rejeté la présence ouverte de la religion de son livre.
Et il ne faut pas oublier que Tolkien a qualifié le SdA d'œuvre catholique, « inconsciemment au début, mais consciemment lors de la révision » (Lettre n° 142). Comme toujours, Tolkien adopte une position complexe, réfractaire aux simplifications dans un sens ou dans l'autre.

(04.10.2013, 22:45)Peredhil a écrit : Tu oublie un fait essentiel : l'Ainulindalë n'est pas dans le Seigneur des Anneaux et n'a jamais été publié du vivant de Tolkien. Tolkien ne parle jamais directement du créateur dans le SdA et celui-ci n'apparaît qu'en filigrane, la réalité de la Providence n'est par exemple jamais affirmée, seulement suggérée (par Gandalf notamment). Partant de là Sauron s'affirme certes comme un Dieu créateur (et pas "sub-créateur" puisqu'il nie l'existence même du créateur comme le faisait Morgoth) et l'on peut penser selon son bon vouloir que c'est l'adoration d'un sub-créateur que condamne le Sda mais aussi simplement l'adoration tout court.
Nonobstant, Tolkien aurait voulu publier le Silm. en même temps que le SdA, car il considérait les deux indissociables. Essayons de ne pas réinventer l'histoire. De ce fait, supposer que Tolkien condamne l'adoration tout court constitue clairement un raisonnement biaisé et partial.
(05.10.2013, 10:48)Miura-Fingolfin a écrit : Je perçois davantage les présents de Galadriel comme des cadeaux d'adieu ou plus exactement, comme une aide qu'elle apporte aux membres de la Communauté. Si elle donne la Fiole à Frodon, c'est parce qu'elle pressent qu'il en aura besoin dans son parcours à travers les ténèbres.
Il y a bien quelque chose de cérémoniel, mais rien de sacré. Par le passé les Elfes ont aussi offert des présents à d'autres, en cas de besoin ou de reconnaissance.
Les deux approches sont valables, voire complémentaire. Dire qu'il n'y aurait « rien de sacré » là-dedans, c'est volontairement exclure d'autres éléments de l'œuvre, comme la nature du lembas (cf. PM, p. 403 ff.) Au demeurant, toute cérémonie se fonde à la base sur une certaine notion du sacré, tous les anthropologues le confirmeront.
(05.10.2013, 10:48)Miura-Fingolfin a écrit :(03.10.2013, 10:37)jbbourgoin a écrit : La réaction naturelle d'un athée, aujourd'hui, et de percevoir toute forme d'allusion, consciente ou inconsciente, voir d'expression directe de la foi comme une forme d'atteinte à la liberté et/ou comme une forme de prosélytisme.
Adorer "Dieu" est aussi une forme d'idolâtrie, même si c'est un peu plus profond que ça. Preuve en est avec cette "très pratiquante catholique" dont parlait Ingieris qui lui reprochait d'employer le terme adorer pour autre chose que Dieu. Pour moi ce genre de remarque est très grave par rapport à la liberté d'expression.
Là, je pense que tu as tendance à conforter la position de jbbourgoin, Miura : par définition, l'idolâtrie est un « Culte rendu à l'idole d'un dieu au même titre que si elle était Dieu lui-même ». Dès lors qu'on croit en l'existence du Dieu que postule la foi chrétienne, il est légitime et nécessaire de lui rendre un culte.
Et de fait, au sens propre, adorer signifie « rendre un culte à... », d'où la condamnation dont parlait Ingieris — condamnation qui portait sur le vocabulaire, non sur les personnes susceptibles de mal employer le vocabulaire, me semble-t-il.
(05.10.2013, 10:48)Miura-Fingolfin a écrit : S'il y a implicitement du contenu religieux je dirais "Ok pourquoi pas, Tolkien était un fervent catholique, la religion aurait pu l'inspirer inconsciemment", mais je pense que s'il y avait une réelle volonté d'inclure une notion de culte ou de religion dans son univers, tout l'aspect magique qui fait la beauté de ses livres s'en trouverait amoindri, voire anéanti.
Il y a pourtant culte à Númenor. Il y existe clairement une pratique religieuse chez les Elfes d'Imladris et l'ensemble des Dúnedain (à Númenor, au Gondor, etc.) En revanche, il n'y a pas calque direct de la religion mosaïque ou chrétienne — ce qui est logique. Et c'est sans doute cet aspect du SdA qui lui procure une partie de sa richesse : on ne connaît pas de peuple sans religion ou sans culte, bien que culte et religion puissent prendre de nombreuses formes et s'adresser à des objets bien différents les uns des autres. Tolkien ne s'enferme pas dans une vision étroite et allégorique, pas plus qu'il n'invente un culte qui n'aurait rien à voir avec ceux d'aujourd'hui. Il reste volontairement dans un flou qui permet à l'imagination du lecteur de ne pas se sentir prisonnière.
Rollant est proz e Oliver est sage.
Ambedui unt merveillus vasselage :
Puis que il sunt as chevals e as armes,
Ja pur murir n’eschiverunt bataille.
— La Chanson de Roland
Ambedui unt merveillus vasselage :
Puis que il sunt as chevals e as armes,
Ja pur murir n’eschiverunt bataille.
— La Chanson de Roland