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Tolkien et les langues arabes
#1
Bonjour à tous,

mon premier message sur ce forum !

M'intéressant un peu aux langues d'une manière générale (sans être linguiste) et regardant en ce moment d'un peu plus près la langue arabe moderne, je n'ai pas pu m'empêcher de remarquer qu'il existait des similitudes avec le fonctionnement du tengwar (que je connais un peu, mais sans avoir creusé) : racine du mot à trois consonnes "développés" par des suffixes ou préfixes ; les voyelles sont figurées (quand elles le sont) par des "accents' sur ou sous des consonnes ou des support aphones (je ne sais pas si ça se dit) ; différenciation des voyelles longues et courtes ; etc.
Sans compter des ressemblances (peut-être subjectives) entre les graphies, entre autres le jim arabe qui ressemble au "l" angerthas, et l'allure générale des autres "lettres"...

Je voulais donc savoir :
1. Si ce fonctionnement se retrouvait tout ou partie dans d'autres langues que les langues arabes et apparentées,
2. s'il existait un indice ou une preuve que JRRT ait eu connaissance de ces langues,
3. plus généralement sait-on quelles étaient les langues que connaissait Tolkien ?

Merci beaucoup de votre réponse !
Kurremkarmerruk
'In a hole in the ground there lived a hobbit.'
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#2
Je ne pense pas qu'il faille rechercher une trop grande "ressemblance" au niveau des écritures elfiques...

Sur le plan linguistique, par contre, l'adûnaic (langue de Númenor) est une langue dont la structure trilitère rappelle légèrement les langues sémitiques, de l'aveu même de Tolkien - cf. Sauron Defeated p. 240-241, à nuancer cependant avec p. 415 et suivantes - Tolkien s'est inspiré du principe, mais sans le calquer complètement... Le même caractère se retrouve, pour autant qu'on puisse en juger, en Khuzdul (langue des Nains), mais pas dans les langues elfiques elles-même (quenya, sindarin...) qui s'approchent d'autres modèles (finnois, gallois...) et ne présentent donc pas ce caractère trilitère.

N.B. L'hébreu, l'akkadien, l'araméen, l'ougaritique etc. sont aussi des langues sémitiques - le système n'est pas spécifique à l'arabe uniquement.

Didier.
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#3
Je rejoins Didier sur le fait qu'aucune des langues elfiques développées par le professeur ne possède de structure trilitère. On est plutôt dans un système bilitère à la base (cf. les Etym.).

Si ressemblance il y a, ce serait effectivement avec le khuzdul (et dans une moindre mesure l'adûnaic).

En revanche, il est vrai que la méthode de notation graphique du mode classique des tengwar de Fëanor (ainsi d'ailleurs que des sarati de Rúmil) présente des similarités avec les graphies sémitiques (arabe, hébreu, phénicien, notamment).

Et que l'accent qui est mit sur le soin avec lequel est développé l'écriture chez les Ñoldor n'est pas sans rappeler la mystique qui entourait la calligraphie arabe à l'époque abbasside.

Cela dit, certaines de ses ressemblances peuvent n'être que coïncidences. Pour reprendre un des exemples donnés, la quasi-totalités des langues humaines (à commencer par l'anglais) ont des voyelles de différentes longueurs. Le français est une exception à ce sujet.

Il est assez facile de citer nombre de langues que connaissait le Professeur (vieil anglais, gotique, gallois, norrois, finnois, russe, allemand, français, grec, vieux slavonien, etc.). Il est plus difficile de savoir lesquelles il n'avait jamais étudié.

Il est manifeste qu'il connaissait le fonctionnement d'une ou plusieurs langues sémitiques, comme le montrent certaines de ses remarques à propos de l'adûnaic. Par ailleurs, on sait qu'il traduisit le Livre de Jonas pour la Jerusalem Bible : il est donc probable qu'il connaissait l'araméen. Mais pour ce qui est de l'arabe, je n'en sais rien.
Rollant est proz e Oliver est sage.
Ambedui unt merveillus vasselage :
Puis que il sunt as chevals e as armes,
Ja pur murir n’eschiverunt bataille.
La Chanson de Roland
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#4
(25.01.2009, 21:32)Elendil a écrit : Par ailleurs, on sait qu'il traduisit le Livre de Jonas pour la Jerusalem Bible : il est donc probable qu'il connaissait l'araméen. Mais pour ce qui est de l'arabe, je n'en sais rien.

Cette idée a souvent été mentionnée, mais si l'on suit le travail de Michael D. C. Drout dans son J.R.R. Tolkien Encyclopedia: Scholarship and Critical Assessment, p.314-315, elle est vraisemblablement infondée.

La traduction anglaise de la Jerusalem Bible s'est faite principalement à la suite de la traduction française, et il revenait à l'éditeur principal de contrôler par rapport aux originaux hébreux et grecs. Les contributeurs n'était pas nécessairement spécialistes de ces langues - et c'était apparemment le cas pour Tolkien: Il aurait vraisemblablement traduit le Livre de Jonas à partir du français. N'ayant pas ce livre, je cite ce qu'on peut en lire grâce à Google Books:

Citation :Because of time, Tolkien accepted the Book of Jonah, which he seems to have translated from French. Jones then checked it against the Hebrew and Greek and revised it. Jones's 'initial invitation assures Tolkien more than once that knowledge of the language was not necessary.The aim of the Jerusalem Bible was to have an eye on English style as much as on accurate translation. Jones makes it clear that he was inviting Tolkien onto the board because of Tolkien's expertise in English philology and because Jones was taken with The Lord of the Rings, not because of any expertise in Hebrew on Tolkien's part.

Le commentaire relève ensuite que c'était d'ailleurs aussi le cas de nombreux autres contributeurs, et que le cas de Tolkien n'avait donc rien de particulier.

On apprend ensuite, par un lettre de Tolkien à son fils Michael, qu'il aurait voulu en faire plus et s'était mis à l'étude de l'hébreu environ un an après avoir soumis sa traduction de Jonas... On sait par d'autres sources qu'il n'a pas été très loin de ce domaine, étant pris par d'autres travaux...

Plus tard, Jones demanda aussi à Tolkien de réviser la traduction (faite par un autre contributeur, Keeney) du Livre de Job, mais là aussi essentiellement sur des points de style en anglais (et Tolkien se montra apparemment assez irascible et intraitable, outre qu'il prit largement son temps...).

En revanche, Drout note que dans les notes manuscrites de la traduction de Tolkien qui ont été retrouvées, on trouve quelques mots hébreux dans les marges, ce qui semble montrer que Tolkien a néanmoins tenté de vérifier quelques éléments de sa traduction en remontant au texte hébreu, à l'aide d'un lexique.

Citation :This suggests, particulary because so little Dwarvish and Adûnaic survive, that Tolkien had learned enough of the alphabet and the language to work with basic lexical tools, but had not advanced much beyond that state.

En conclusion, tout ceci porte à penser que ce travail de traduction a vraisemblablement donné à Tolkien certains des éléments "sémitiques" qui ont influencé son invention du Khuzdul et de l'Adûnaic - mais sans en faire un expert de l'hébreu (et en aucun, donc, de l'araméen, pour ne rien dire de l'arabe).

...

Enfin, sur les alphabets inventés, le même ouvrage dit un peu plus haut:

Citation :The Alphabet {of Rúmil} was in part based on Hebrew, Greek and Pitman's shorthand.

Mais là, à ma connaissance, il ne fait que reprendre les hypothèses de Carpenter dans sa biographie de Tolkien. Je ne sais pas s'il existe une quelconque source où Tolkien lui-même aurait validé cette parenté.

Didier.
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#5
(03.02.2009, 02:41)Hisweloke a écrit :
Citation :The Alphabet {of Rúmil} was in part based on Hebrew, Greek and Pitman's shorthand.

Mais là, à ma connaissance, il ne fait que reprendre les hypothèses de Carpenter dans sa biographie de Tolkien. Je ne sais pas s'il existe une quelconque source où Tolkien lui-même aurait validé cette parenté.

Didier.

À ma connaissance, Tolkien ne mentionne nulle part une quelconque influence de l'hébreu sur l'alphabet de Rúmil.

Puisque sa lettre suggère qu'il ne s'était intéressé à l'hébreu qu'après avoir travaillé sur le Livre de Jonas (donc après 1966), une influence directe de l'alphabet hébraïque sur les sarati paraît peu probable. La quasi-totalité des exemples d'écriture en sarati remontent aux années 1920-1930.

Mais là encore, on ne peut écarter un certain nombre de similarités stylistiques : écriture de droite à gauche, voyelles utilisées comme accents modifiants la valeur tonale des consonnes, etc.
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