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02.06.2018, 12:44
(Modification du message : 02.06.2018, 13:31 par Faerestel.)
Tout autre chose maintenant.
J'ai découvert que l'écrivain et évêque gallo-romain du Vème siècle, Sidoine Apollinaire fait mention des Wargs, en latinisant le mot, dans une lettre adressée à l'un de ses amis. Wargs est un mot d'origine gothique qui signifie criminel mais aussi loup en sudéois.
wargs (*) [akin to Rus vrag, enemy, Swe varg, wolf] : a criminal. Deriv. wargitha damnation, wargjan (*) despise. Comp. gawargeins damnation, gawargjan damn, launawargs ungrateful
voir ici
A l'époque de ce courrier, Sidoine est évêque de Clermont et les Wisigoths, les Suèves, les Vandales se sont établis en Gaule.
Il mentionne ainsi l'enlèvement d'une femme:
Unam feminam... quam forte Wargorum (hoc enim nomine indigenas latrunculos nuncupant) superventus abstraxerat...
voir note 51 de cette page du site de Philippe Remacle
Mon approximative et littéraire traduction:
Il advint qu'une femme a été enlevée (violée?) par des Wargs (ainsi les gens du pays nomment-ils les pillards)...
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02.06.2018, 14:53
(Modification du message : 02.06.2018, 14:55 par Tikidiki.)
Intéressante coïncidence. Plutôt que Ouargues, ne devrait-on pas traduire Varges ? Le "g" se prononce parfois "j', et quant au W, il y a des chances qu'il s'agisse plutôt d'un V.
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Je ne sais pas, j'ai lu récemment un machin dans un livre qui citait une lettre d'un évêque germanique qui mettait un point d'honneur à utiliser un W pour son nom alors qu'un autre évêque lui reprochait l'usage de cette lettre comme quelque chose d'un peu indigne et un peu barbare (je n'ai pas le bouquin en question sous la main, désolé!).
Par ailleurs je lisais justement ailleurs, dans Sigurd et Gudrun, Christopher Tolkien discuter du mot warg en vieil anglais ; chose amusante, le même Sidoine Apollinaire est également cité dans les mêmes pages ! Bon, là encore, rien que du babillage de ma part, mais continuez, ça m'intéresse !
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02.06.2018, 20:54
(Modification du message : 02.06.2018, 20:59 par Faerestel.)
(02.06.2018, 14:53)Tikidiki a écrit : Intéressante coïncidence. Plutôt que Ouargues, ne devrait-on pas traduire Varges ? Le "g" se prononce parfois "j', et quant au W, il y a des chances qu'il s'agisse plutôt d'un V.
Le "w" est assurément une lettre assez problématique au sein des langues d'Europe de l'Ouest surtout quand il partie de mots passés d'une langue à l'autre. Parfois prononcé comme un "v" français parfois à peine moins voisé parfois proche du "u" latin...
Je n'ai évidemment pas accès au texte original de Sidoine Apollinaire mais le le site de Remacle me semble de bonne qualité et digne de confiance même si il choisit la graphie du "v", comme dans "superventus" que l'on peut souvent lire aujourd'hui superuentus. Il n'y a pas sur le site des indications qui permettent de comprendre si Le texte mentionne Wargs, Vargs ou même Uargs! Le mieux serait de savoir ce que Sidoine a effectivement écrit. Mon avis est qu'il possible qu'il ait été familiarisé avec la graphie "w".
(02.06.2018, 15:06)Hofnarr Felder a écrit : ... mais continuez, ça m'intéresse !
Alors j'ajoute que de manière amusante l'ami à qui Sidoine adresse cette lettre se nomme... Lupus! Ca ne s'invente pas!
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03.06.2018, 00:48
(Modification du message : 03.06.2018, 01:05 par Tikidiki.)
En fait, le site de remacle n'a pas pour but d'être digne de confiance, il compile des éditions du XIXe siècle sans autre prétention que celle d'offrir à portée de main une traduction française (et parfois la version bilingue). C'est à nos risques et périls pour le reste.
Le texte latin sur perseus (bien meilleur outil mais avec des traductions anglaises uniquement), donne Vargorum et cette forme est attestée par le Gaffiot (vargus : vagabond, rôdeur) qui cite cette même lettre de Sidonius. C'est donc probablement une fantaisie de l'auteur qui cite le texte latin dans remacle. Pour être sûr j'ai regardé dans les manuscrits de Sidonius sur Gallica mais je n'ai pas trouvé la lettre en question, c'est un peu le bazar
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03.06.2018, 10:13
(Modification du message : 03.06.2018, 11:57 par Faerestel.)
J'ai abondamment profité des liens que tu m'as suggéré Tikidiki.
La question est complexe.
J'ai trouvé la lettre de Sidoine à Papae Lupo sur Gallica (page de gauche de la feuille notée 46 des Epistolae).
La première chose qui saute aux yeux pour quelqu'un qui comme moi n'a jamais mis sérieusement le nez dans un document aussi ancien (XIème-XIIIème), c'est que tout ce qui nous est transmis dans un cadre informatif ou scolaire (que ce soit sur le site Remacle et même sur Perseus) est une réécriture, voire une interprétation. Le latin du Moyen-Age y est "re-classicisé". On lui redonne sciemment et artificiellement une forme de la fin de la République ou du début de l'Empire. L'original de Sidoine n'existe plus et on ne saura jamais comment il a écrit Wargs ni même quelle forme du latin il employait dans sa correspondance. Un latin du Vème ou un latin très classique du Ier siècle, en bon membre de la plus haute aristocratie?
En tout cas, il n'y a pas de Wargorum (Remacle) ni de Vargorum (Perseus) dans la copie de la lettre de Sidoine. Il n'y a qu'un uargo(rum), le génitif étant abrégé par un petit signe.
J'ai regardé dans le dictionnaire de Niermeyer et il y a une entrée wargus avec plusieurs illustrations. Gaffiot fait l'impasse sur l'étymologie et nous livre seulement vargus.
Ce qui est certain c'est que le mot est bien issu du germanique et que la lettre de Sidoine montre bien qu'il ne s'agit pas d'un mot installé dans la langue "haute" et qu'il doit donc traduire à son correspondant. Une curiosité populaire mais pas une rareté ou une fantaisie destinée à être oubliée, quelque chose qui mérite d'être mentionné et expliqué comme syntagme parce que d'une certaine manière, il ne peut pas être ignoré et est amené à durer. C'est d'ailleurs ce qui est arrivé. Mais à l'époque le mot était neuf.
J'ajoute, après quelques recherches, que la lettre de Sidoine contient vraisemblablement la plus ancienne relation connue de Warg dans un texte latin.
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(02.06.2018, 20:54)Faerestel a écrit : (02.06.2018, 14:53)Tikidiki a écrit : Intéressante coïncidence. Plutôt que Ouargues, ne devrait-on pas traduire Varges ? Le "g" se prononce parfois "j', et quant au W, il y a des chances qu'il s'agisse plutôt d'un V.
Le "w" est assurément une lettre assez problématique au sein des langues d'Europe de l'Ouest surtout quand il partie de mots passés d'une langue à l'autre. Parfois prononcé comme un "v" français parfois à peine moins voisé parfois proche du "u" latin...
Si l'on considère que le germanique est en w-, ce que les spécialistes (dont Tolkien) semblent admettre, il existe à ma connaissance trois types de francisation possible : - Conservation du w : rare, sauf pour les toponymes ou ethnonymes proches du domaine germanique (Wallon < *walh-) ou les mots importés récemment (wagon) : c'est l'option retenue par Lauzon
- Francisation w > ou : classique en Normandie et le Nord-Ouest de la France (Ouessant, Ouistreham...), rare sinon absente ailleurs : c'est l'option adoptée par Ledoux
- Francisation w > g : la plus courante, mais aussi celle qui obscurcit le plus l'étymologie (guerre < *werra, Gallois < *walh-, etc.)
À ma connaissance, il n'y a aucun exemple de francisation w >**v, pour la simple raison que la différenciation entre la lettre « u » et la lettre « v » est une innovation beaucoup plus récente (XIVe siècle) et que la prononciation s'était stabilisée entre-temps.
(03.06.2018, 10:13)Faerestel a écrit : En tout cas, il n'y a pas de Wargorum (Remacle) ni de Vargorum (Perseus) dans la copie de la lettre de Sidoine. Il n'y a qu'un uargo(rum), le génitif étant abrégé par un petit signe.
J'ai regardé dans le dictionnaire de Niermeyer et il y a une entrée wargus avec plusieurs illustrations. Gaffiot fait l'impasse sur l'étymologie et nous livre seulement vargus.
Ce qui est certain c'est que le mot est bien issu du germanique et que la lettre de Sidoine montre bien qu'il ne s'agit pas d'un mot installé dans la langue "haute" et qu'il doit donc traduire à son correspondant. Une curiosité populaire mais pas une rareté ou une fantaisie destinée à être oubliée, quelque chose qui mérite d'être mentionné et expliqué comme syntagme parce que d'une certaine manière, il ne peut pas être ignoré et est amené à durer. C'est d'ailleurs ce qui est arrivé. Mais à l'époque le mot était neuf.
Très intéressantes recherches, merci à toi. Du coup, si on supposait ce mot hérité par le biais du latin, on pourrait effectivement imaginer une forme française « vargue ».
(03.06.2018, 10:13)Faerestel a écrit : J'ajoute, après quelques recherches, que la lettre de Sidoine contient vraisemblablement la plus ancienne relation connue de Warg dans un texte latin.
Du coup, c'est probablement la plus ancienne attestation tout court, car je doute fort qu'on dispose d'un texte germanique aussi ancien.
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(Modification du message : 03.06.2018, 19:05 par Tikidiki.)
On atteste aussi une occurrence chez Eumène d'Autun dans son panégyrique de Constantin (9.3), un peu avant Sidoine.
Si le manuscrit comporte uargo, il sera alors transcrit par convention en V dans les éditions qui ne font pas la différence (comme celle d'Harvard-Cambridge pour le texte de Sidonius sur Perseus).
En effet les manuscrits passent à la moulinette des moines copistes, mais n'exagérons pas, autant que je sache il s'agit globalement d'une copie conforme et les seules interprétations se font lorsque le texte pose question (terme difficilement lisible). Dans ce cas il faut trancher, et au bout de plusieurs générations de copie les textes peuvent être corrompus sur certains passages (c'est plus tard aux linguistes de comparer les différents manuscrits pour reconstruire l'ancêtre le plus proche du texte original). En revanche il n'y a pas de correction stylistique tout du long, ni de "reclassicisation", le style est conservé et le latin médiéval reste différent du latin classique.
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(Modification du message : 03.06.2018, 19:40 par Faerestel.)
(03.06.2018, 19:03)Tikidiki a écrit : On atteste aussi une occurrence chez Eumène d'Autun dans son panégyrique de Constantin (9.3), un peu avant Sidoine.
As-tu la référence en latin car je ne la trouve pas.
Là ce n'est pas "un peu" avant Sidoine mais au IIIème siècle, deux cents ans avant S. Apollinaris, dans un contexte totalement différent. C'est assez surprenant.
Précision: la lettre de Sidoine en question est adressée à Loup, évêque de Troyes, celui que l'on connaitra plus tard sous son nom de Saint-Loup.
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(Modification du message : 03.06.2018, 19:41 par Faerestel.)
(03.06.2018, 17:51)Elendil a écrit : Du coup, c'est probablement la plus ancienne attestation tout court, car je doute fort qu'on dispose d'un texte germanique aussi ancien.
Il y a aussi une occurrence au Titre 55 du Pactus Legis Salicae mais comme la rédaction de cette tradition orale date de Clovis, elle est postérieure. Cependant il faut éclaircir la référence d'Eumène d'Autun que Tikidiki mentionne.
Comme Niemeyer donne aussi le sens de vagabond à Wargus et que il ne semble pas y avoir de lien direct avec vacare duquel dérive justement vagabond, la racine va-r-g- est peut-être commune aux langues italo-celtes et germaniques.
Complexe, tout cela.
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(Modification du message : 03.06.2018, 22:29 par Tikidiki.)
Et encore, après de substantielles recherches pour trouver un texte en latin d'Eumène sur internet, il est difficile de savoir quoi en faire.
Il s'agit du panégyrique de Constance (et non de Constantin), dont une édition du XIXe sur trouve sur Gallica : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k64...texteImage
Le passage en question (9.3, p. 98, le latin est sous le texte français) traite en effet de vagabonds, mais le terme latin est vagus, et non vargus : "Arat ergo nunc mihi chamavus et frisius et ille vagus, ille praedator exercitio squalidus operatur, et frequentat nundinas meas pecore venali, et cultuor barabrus laxat annonam".
"C'est donc pour moi que labourent maintenant le Chamave et le Frise : c'est pour moi que ces vagabonds et ces ravisseurs cultivent la terre, tout couverts de sueur, peuplent nos marchés avec leurs troupeaux à vendre, et que le laboureur barbare fait diminer le pris des subsistances."
Il y a une note près de vagus qui renvoie à la page 192, où l'on apprend que le terme n'avait pas laissé indifférent : "Dans les caractères manuscrits correspondant à "ille vagus", Arntzénius soupçonne l'existence d'un peuple voisin des Frises, et pense qu'on pourrait lire "et Ambivarius" ou "Amzivarius" ainsi appelé du fleuve Amster ou Emser qui arrosait son territoire".
Il est évident que les manuscrits donnent "vagus". Pourtant, plusieurs dictionnaires dont le Gaffiot renvoient précisément à ce passage depuis "vargus", et non depuis "vagus". Il ne semble pourtant pas qu'il y ait eu une édition du texte comportant "vargus". Hypothèse : le terme vagus est d'époque républicaine (comme le montre sa présence majoritairement chez Plaute, Cicéron, Horace, Ovide, jusqu'à Suétone) mais n'est plus en usage au IIIe-IVe siècle, et de plus il s'agissait d'un adjectif ( http://www.perseus.tufts.edu/hopper/morp...s-contents) . Vagus, en nom, semble réapparaître à cette époque, non plus dans un langage imagé et poétique, mais pour désigner des vagabonds, ce qui justifieriait le classement de l'occurrence "vagus" chez Eumène à l'entrée "vargus" à côté de Sidoine, et non à l'entrée "vagus".
Si c'est juste, cela pourrait être expliqué par le fait que le terme était issu du langage commun gaulois, et qu'il fait avec Eumène une apparition à l'écrit, avant que sa prononciation et sa graphie changent avec Sidoine.
Le problème est qu'entre l'étymologie gallo-germanique varg (vagabond) et celle latine vagus (vague, errant), il pourrait y avoir eu rencontre et mélange, d'abord à l'oral en Gaule au début de l'Empire, puis à l'écrit.
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(03.06.2018, 19:39)Faerestel a écrit : Comme Niemeyer donne aussi le sens de vagabond à Wargus et que il ne semble pas y avoir de lien direct avec vacare duquel dérive justement vagabond, la racine va-r-g- est peut-être commune aux langues italo-celtes et germaniques.
Décidément, c'est un intéressant problème philologique. Effectivement, on peut imaginer une racine commune, qui se présenterait sous deux formes en italique, dont une seule serait attestée à l'écrit en latin classique.
Inversement, l'hypothèse de Tikidiki d'un mélange et contamination entre les formes germaniques et latines est parfaitement admissible. D'autant que le mot germanique peut remonter à une origine indo-européenne commune, ou avoir été importé des langues italiques du Nord.
Ce que je trouve intéressant, c'est le glissement de sens entre vagabond, pillard et loup. On voit bien la gradation. Resterait à déterminer le sens premier. Il faudrait sans doute consulter un dictionnaire d'indo-européen...
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03.06.2018, 22:20
(Modification du message : 03.06.2018, 22:53 par Faerestel.)
Ici je ferai l'hypothèse que Gaffiot "mélange" les deux termes vagus et vargus. Il n'a peut-être pas de connaissance du gothique ou d'autres langues vieilles germaniques et constate simplement que les deux mots, très proches, désignent la même chose. Il a pu penser que la différence vient de la succession de copie ou d'usages locaux différents ou encore d'une évolution dans le temps. En tout cas il ne semble pas y avoir attaché grande importance. Les deux entrées ne se répondent pas dans son dictionnaire
En outre Arntzénius, que je ne connais pas, ne semble pas avoir toute confiance dans son hypothèse géographique rapprochant le terme "vagus" d'une peuplade de la Mer du Nord (l'Amstel coule près d'Amsterdam et c'est sûrement le fleuve en question) puisque la note n'est pas dans le corps du texte mais a peut-être été ajoutée par la suite, un peu comme un brouillon si je me fais bien comprendre et si je comprends bien ce qui est écrit p192.
Je pense donc que nous avons un terme italo-celte, vagus, en usage comme le dit Tikidiki au moins jusqu'au IVème siècle, et un autre uargus (chez Sidoine au Vème s.) d'importation germanique récente dans la région de Clermont, suite aux arrivées de peuples germaniques en Gaule, un phénomène, soit dit en passant qui perturbait beaucoup Sidoine. Il suppose que son interlocuteur Lupus de Troyes ne le connait pas puisqu'il le précise par le synonyme latrunculus qui signifie brigand en spécifiant que ce sont les indigènes, donc pas lui grand aristocrate latinisé, qui usent de ce terme. Je pense qu'il a du l'entendre bien plus d'une fois pour que cela l'impressionne au point de le mentionner dans sa lettre et qu'il ne le confondait pas avec "vagus". Il n'a pas l'air non plus de suspecter les "indigènes" de parler un latin de basse qualité qui les conduiraient à ajouter des consonnes où il n'y a pas lieu d'en trouver.
On est peut-être alors face à une vieille racine qui s'est diffusé bien longtemps auparavant dans les deux groupes de langues italo-celtique et germanique.
EDIT: Message écrit et posté pendant qu'Elendil faisait plus haut sa propre réponse.
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03.06.2018, 22:36
(Modification du message : 03.06.2018, 22:50 par Faerestel.)
(03.06.2018, 21:41)Elendil a écrit : Ce que je trouve intéressant, c'est le glissement de sens entre vagabond, pillard et loup. On voit bien la gradation. Resterait à déterminer le sens premier. Il faudrait sans doute consulter un dictionnaire d'indo-européen...
Avant tout, Je me demande si il ne faudrait pas déplacer toutes ce réflexions dans la Section Langues sous le titre "Réflexions historiques et philologiques autour du Warg" pour ne pas polluer le sujet des "Découvertes".
A propos de ce que tu dis Elendil j'ai connaissance d'une illustration bien différente et bien plus tardive de ce phénomène.
Je m'intéresse beaucoup à la Bête du Gévaudan et mon intérêt pour ce sujet m'a conduit à lire "La Rébellion française 1661-1789" de Jean Nicolas et voici un extrait inspiré de l'un des passages de cet ouvrage:
Ainsi, il est rendu compte dans les archives nationales de juillet 1760 d'un incident assez éclairant à Talmas, dans l'actuelle Somme: les commis ont saisis deux fraudeurs et face à eux, tout d'un coup, plusieurs centaines de personnes, le village entier, se rassemblent, leur jetant des pierres et criant « Au Loup ». Les commis échappent de peu au lynchage et les deux prisonniers se sauvent.
Les "brigands" de l'Etat sont donc assimilés au loup dans un mouvement de foule qui a du être particulièrement tendu et violent. Je ne suis donc pas personnellement surpris de voir le loup et le pillard réunis dans un même concept ou plutôt occupant des positions interchangeables.
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04.06.2018, 08:41
(Modification du message : 04.06.2018, 08:59 par Hofnarr Felder.)
J'ai retrouvé le court extrait que j'avais lu sur le W (ça n'apporte pas grand-chose mais c'est pour faire tourner la roue) :
Pascale Bourgain a écrit :Ainsi Wibald, abbé de Korvey, répond à l'écolâtre Manegold de Panderborn, en 1149 ; celui-ci lui reproche d'écrire son nom avec trois voyelles Uuibaldus, contrairement aux règles de l'orthographe. Wibald fait mine de croire qu'on lui demande d'ajouter une consonne pour en faire un mot de quatre syllabes et non de trois, puis demande, puisqu'on peut bien avoir en latin deux consonnes suivies d'une voyelle, pourquoi on ne peut avoir deux demi-consonnes suivies d'une voyelle ; enfin narquois et pour en finir : Latinis regulis barbara nomina stringi non possunt, et nos Germanici sumus, non Galli comati, qui in talibus nominus g pro u anterior ponunt. [Les noms barbares ne peuvent être enserrés dans les lois de la langue latine ; et nous sommes des Germains, pas des Gaulois chevelus, qui dans de tels mots mettent un G à l place d'un V antérieur.]
(dans "La langue que l'on fait sienne" in D'autres langues que la mienne)
La mention de la question (très brièvement) par Christopher Tolkien dans une note aux poèmes de l'appendice C :
Christopher Tolkien a écrit :37 weargloccum ‘wolf’s hair’: in Old English the word wearg was used exclusively of an outlaw or hunted criminal but Norse vargr retained in addition the sense ‘wolf’. From this was derived the name of the Wargs of Middle-earth.
Enfin, une mention de l'Online Etymology Dictionary que j'ai trouvée amusante :
Online Etymology Dictionary a écrit :Russian vrag (Old Church Slavonic vragu) is cognate with Lithuanian vargas "misery" (see urge (v.)), and probably is related to Proto-Germanic *wargoz, source of Old Norse vargr "outlaw," hence "wolf;" Icelandic vargur "fox;" Old English wearg "criminal, felon;" which likely were the inspirations for J.R.R. Tolkien's warg as the name of a kind of large ferocious wolf in "The Hobbit" (1937) and "Lord of the Rings."
Ici, la source suggère que l'évolution se fait dans le sens hors-la-loi > loup, mais ça reste à vérifier. Quelqu'un a-t-il accès aux notices de l'Oxford English Dictionary, qui serait bien utile ici ?
De même, un extrait ici 'une brève notice de Douglas Harper, à qui l'on doit la compilation de l'Online Etymology Dictionary
Douglas Harper a écrit :There's been a lot of controversy over the Old English word wearg. Mary Gerstein's article, which tries to reinstate the meaning of Germanic warg as "werwolf," has been largely rejected. Wearg and German warg go back to a similar root that may have meant "strangler"; some etymologists (T.A. Karston and others) see this as a "taboo word" for "wolf," but this hasn't been universally accepted. Michael Jacoby and Jos. Weitenberg remark that it is only late, and mostly in Norse, that vargr (cognate with warg) acquires the meaning "wolf" along with "criminal." In Old English, wearg means almost exclusively "criminal" or "accursed being."
The Lex Salica, the Lex Ripuaria (both in Latin and using the word wargus) and the Scandinavian Gra'ga's (in Icelandic and using the word varg) all have legal language wherein they declare a criminal a warg -- related to our Old English wearg. In the Lex
Salica and Ripuaria, as in some ancient Greek laws, this term refers to outcasts: "Let him be warg," or, "let him be as a wolf for X amount of time who has done X." -- said of men whose behavior is so terrible that exile is the severest punishment. This isn't to say that the warg wasn't seen as having a wolfish quality, or that warg/wearg/vargr wasn't a synonym for a wolf in ancient times. It's just that we don't have proof.
("Wolf and Werewolf")
La question est par ailleurs abordée par Tom Shippey dans ses deux ouvrages principaux sur Tolkien mais je n'ai pas le temps maintenant d'aller vous déterrer les extraits.
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Pour apporter de l'eau au moulin du propos d'Hoffnar et qui concerne les significations bandit/loup, je vous invite à vous pencher sur les mots latins du Moyen-Age manifestement apparentés à Wargs, et ce dans le dictionnaire de Niermeyer:
Wargare : ravir, enlever qq.
Wargida : condamnation.
Aucune notion de loup ici. On peut penser, de manière légère j'en conviens, qu'il y eut d'abord des bandits, des pillards et que c'est ensuite que les loups leur furent assimilés, peut-être quand les développement des villages, de l'élevage et des pâtures a accru les tensions entre les humains et les canidés.
Ceci dit ce rapprochement sémantique est une vieille histoire je pense. Il y a aussi longtemps que l'on dit: Homo homini lupus est !
Si l'on considère la légende de la fondation de Rome, il faut peut-être envisager que le loup n'endosse une si mauvaise réputation que au cours des siècles qui suivent.
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D'après ce lexique d'indo-européen , warg et wolf n'ont pas du tout la même racine et "warg" n'est pas du tout associé au sens de "loup". Des conclusions similaires dans cet article. Il se pourrait que l'association sémantique soit spécifique au seul vieux norrois.
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04.06.2018, 14:18
(Modification du message : 04.06.2018, 14:23 par Faerestel.)
(04.06.2018, 10:41)Hofnarr Felder a écrit : D'après ce lexique d'indo-européen , warg et wolf n'ont pas du tout la même racine
Cela je m'en doutais... dit sans ironie bien sûr
J'ajoute que cela confirme indirectement que le brassage sémantique entre les ennemis, les bandits et les loups est bien plus récent que les racines indo-européennes. L'expression est bancale mais vous comprendrez ce que je veux dire.
(04.06.2018, 10:41)Hofnarr Felder a écrit : et "warg" n'est pas du tout associé au sens de "loup". Des conclusions similaires dans cet article. Il se pourrait que l'association sémantique soit spécifique au seul vieux norrois.
En suédois, le loup se dit varg et ne se traduit que par loup (j'imagine qu'il y a un nom pour ce genre d'objet qui propose comme schéma exclusif de traduction A -> B et B -> A) et je n'ai pas trouvé de mot proche de la racine qui nous intéresse et signifiant bandit, pillard ou ennemi dans cette langue.
Il semble que notre animal soit difficile à capturer... et que nous ne soyons pas les premiers à nous lancer sur ses traces!
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(04.06.2018, 09:48)Faerestel a écrit : Si l'on considère la légende de la fondation de Rome, il faut peut-être envisager que le loup n'endosse une si mauvaise réputation que au cours des siècles qui suivent.
Le loup a longtemps été un animal très ambivalent : symbole d'Apollon (Lycien) dans de nombreuses cités grecques, il en épouse le caractère à la fois justicier, initiatique et occasionnellement cruel. Même association avec le dieu celtique Lug. L'aspect ambivalent se retrouve chez les Scandinaves, où le loup est à la fois un animal associé à Odin (lui-même fort ambivalent) et l'une des créatures mythiques amenant la destruction du monde lors du Ragnarök (le loup Fenrir). On pourrait continuer avec la mythologie ossète ou védique, sans parler des Latins, que tu évoques brièvement...
Evidemment, à partir de la christianisation, la divinité devient entièrement bénéfique, même si les modes d'actions de Dieu restent incompréhensibles. Par conséquent, le côté obscur, destructeur du monde divin se voit relégué chez le diable. Ce changement d'état d'esprit a nécessairement poussé le loup du côté diabolique, car il n'était pas possible d'ignorer l'aspect prédateur de l'animal.
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J'ajoute un lien vers une page Wiktionnaire à prendre avec des pincettes (je ne vous l'apprends pas) mais qui ne sera peut-être pas inutile.
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Du loup au bandit puis du bandit au loup et de nouveau du loup au bandit, l'histoire est ancienne et se répète.
En sanskrit vRka signifie loup!
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En guise de récréation, pour souffler un peu, je vous livre un petit poème philologique qui veut rendre compte de cette quête.
Une subite inspiration que je devais partager avec les autres chasseurs
Les sèmes s'emmêlent, les phèmes sont à la fête
Il est le bandit, l'ennemi, le maudit
Elle VA, Ronge et Grogne, bête
Dévore la main qui la nourrit
vagabonde et court de nuit
Sur quatre pattes ou la moitié
l'as-tu vu s'échapper
Celui qu'on a condamné?
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04.06.2018, 16:12
(Modification du message : 04.06.2018, 16:16 par Hofnarr Felder.)
Très sympathique poème qui donne envie de s'attaquer au problème !
Je suppose qu'on a tous nos propres questions ; la mienne est d'arriver à déterminer si le développement sémantique allant de varg, criminel, coupable, vagabond, vers le loup, s'est effectué parallèlement dans diverses langues indo-européennes, ou bien si la polysémie était présente dès l'origine. par ailleurs, le fait qu'en suédois les autres sens de "varg" s'effacent au profit du seul "loup" est également curieux, mais je ne suis pas encore certain que "varg" a réellement suivi ce chemin-là en suédois. Il faudrait consulter un dictionnaire étymologique, mais je ne lis pas le suédois.
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04.06.2018, 16:29
(Modification du message : 04.06.2018, 16:36 par Faerestel.)
L'une des ouvrières qui travaille en maraîchage avec moi est traductrice suédois/français J'ai bien l'intention de la solliciter dès que je la verrai (on ne travaille pas systématiquement les mêmes jours).
La proximité entre le sanskrit et le suédois, varg-vRka, me laisse penser que ce rapprochement entre le bandit et le loup n'est non seulement pas généralisé mais n'est pas non plus originel. Le fait que deux racines i-e, l'une pour le loup, l'autre pour le bandit, coexistent est un autre élément qui va dans ce sens. Mon intuition est que l'on a parlé, et de manière élaborée, et que l'on a été victime de bandits bien avant d'avoir des problèmes "structurels" avec le loup.
je pense que les confusions entre les termes, et l'anecdote que je donne plus haut (Talmas en 1760) doit montrer qu'il ne s'agit pas d'une image mais d'une véritable confusion dont l'émotion n'est pas absente, naissent sur un terreau de tension répétées entre l'homme et l'animal.
Suivant le mode de vie, l'élevage, la déforestation (extension des pâtures et donc "rapprochement" du prédateur), la densité de population, des peuples parlant des langues parentes vont associer, ou pas, le bandit et le loup en les désignant d'un même mot.
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A propos de la fondation de Rome, cette légende est pour part issue d'une confusion autour du mot lupa, louve mais aussi prostituée
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(04.06.2018, 17:43)Tikidiki a écrit : A propos de la fondation de Rome, cette légende est pour part issue d'une confusion autour du mot lupa, louve mais aussi prostituée
Explication évhémériste qui semble bien improbable quand on constate les exemples mythiques de héros élevés par des loups, hors domaine d'influence de la langue latine : c'est sous forme de louve que Léto est transformée après son aventure avec Zeus, alors qu'elle est persécutée par Héra et avant qu'elle donne naissance à Apollon et à Artémis, d'où leurs surnoms respectifs de Lycien et de Lycienne. Il existe aussi d'autres exemples moins connus, mais dont parle Bernard Sergent dans son ouvrage remarquablement documenté Celtes et Grecs 2 : le Livre des héros. Si j'y pense, je le fouillerai le jour où j'aurai à nouveau accès à ma bibliothèque.
A noter qu'il existe nombre de peuplades indo-européennes, aussi bien celtes que slaves ou daces dont l'étymon en fait des "fils du loup".
Par conséquent, j'aurais bien plutôt tendance à croire que c'est par analogie avec la louve de la légende romaine que les prostituées ont pu être surnommées lupae. (Il serait d'ailleurs intéressant de connaître la date de la première attestation de ce surnom.)
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04.06.2018, 19:30
(Modification du message : 04.06.2018, 19:31 par Tikidiki.)
Si on voulait être de mauvaise foi, on pourrait en conclure que les loups étaient véritablement à l'origine de civilisations distinctes ..
Les loups incarnent la valeur symbolique de l'un et l'autre sexe, soit la valeur militaire et la pureté du soldat (soldats avec peau de loup, Lupercales, loup animal d'Arès, ), soit la prostitution (lupa = prostituée, et des prostituées prennent des noms qui rappellent le loup selon l'article de Florence Dupont, La matrone, la louve et le soldat). Qu'il y ait identification réciproque entre la louve et la prostituée ne signifie pas pour moi que le mythe ait forcément précédé le nom, au contraire, la langue peut être à l'origine de la légende
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Les Lupercales sont une fête essentiellement orientée vers la fécondité : il semble assez curieux de vouloir les ranger dans le domaine militaire. Quant à supposer que la prostitution soit la « valeur symbolique » du sexe féminin... je laisse à son auteur la responsabilité d'une telle assertion. D'autant que dans le mythe de Romulus et Rémus, la valeur symbolique est mise sur l'allaitement et la protection des enfants et nullement sur la prostitution...
Par ailleurs, dans la mesure où l'on trouve des tableaux comparables de héros enfantés ou élevés par des louves dans le domaine indo-européen, tableaux distincts de ce qu'on trouve hors de ce domaine, on est forcé de supposer que ce fragment mythique remonte à l'époque indo-européenne. Donc bien au-delà de la période où l'on ait pu trouver une analogie linguistique entre louve et prostituée, dans la mesure où cette analogie n'existe, à ma connaissance, qu'en latin.
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Sur le mot vargr ( á forníslensku), cf. Jan de Vries, Altnordisches etymologisches Wörterbuch, zweite verbesserte Auflage, Leiden, E. J. Brill, 1977, pp. 646-647.
Le philologue néerlandais rappelle le rapprochement classique de vargr et du latin wargus. Comme il a été déjà dit plus haut, le second sens de vargr est « hors-la-loi ». De Vries dit de même pour le mot wargus : « hors-la-loi », « criminel » (p. 647).
Mais d'où vient qu'on appelle vargr un hors-la-loi en norrois ? Dans le dictionnaire anglais-norrois ( An Eglish-Icelandic Dictionnary) de Vigfússon (et non de Cleasby comme on le prétend), de 1884, on lit à l'entrée vargr (p. 680) : Citation :II. a law phrase, metaph. an outlaw, who is to be hunted down as a wolf, esp. used of one who commits a crime in a holy place, and is thereon declared accursed
L'origine de cette acception du mot vargr est vraisemblable. Je n'ai pas le temps de me plonger à corps perdu dans les textes de lois pour voir des cas où l'on emploierait le mot vargr comme « hors-la-loi ». Je noterai simplement que l' Ordbog over det norrøne prosasprog, le grand dictionnaire de Copenhague, donne trois occurrences tirées de la Grágas (« Le recueil de l'oie grise »), la grande compilation des lois islandaises.
Toujours dans le grand dictionnaire norrois de Copenhague, on notera la référence importante, pour l'historien des religions, du vargr comme fredløs person (« personne à laquelle on interdit de jouir pleinement de la liberté ») dans les Skáldskaparmál de Snorri, dans l'épilogue, où il est question de Pyrrhus, fils d'Akhilleus. On dit de Pyrrhus qu'il "pouvait être appelé vargr en fonction de leur religion, car il ne respectait pas les lieux de sanctuaire." Cf. le passage en norrois : « Piʀvs matti vargr heita at þeira trv, þviat eigi þyrmði hann griþa stavþvnvm [...] » dans l'édition de Finnur Jónsson, Edda Snorra Sturlusonar, København, Gyldendalske Boghandel – Nordisk Forlag, 1931, p. 87.
On trouve également l'expression vargr í veum à plusieurs reprises dans la littérature norroise. On pourrait traduire cela par « loup dans un lieu sacré ». On la trouve par exemple au premier chapitre de la Vǫlsunga saga. Cf. Vǫlsunga saga – The Saga of the Volsungs. Edited and Translated with Introdudction, Notes and Appendices by R. G. Finch, Thomas Nelson, London and Edimburgh, 1965, p. 1.
L’éditeur et traducteur de la saga légendaire ajoute en note : Citation :« an expression normally used of a man who slays another in a hallowed place or sanctuary (e.g. at an assembly), and is forthwith declared a ‘wolf’, i.e. an ‘outlaw’ and is equivalent to the term skógarmaðr (i.e. ‛wood-man’), the outcast from society who roams the forests, the like of wolves, and with them to be hunted down and slain. »
Sur cette expression, j’émets l’idée qu’il s’agit d’une figure métaphorique très ancienne, en ce que l’allitération renvoie souvent à des notions d’un autre âge. Nous n’avons malheureusement pas ici d’expression dite d’une « figure métaphorique » comme l’écrivait Rüdiger Schmitt dans son excellent ouvrage Dichtung und Dichtersprache in indogermanischer Zeit, c’est-à-dire une phrase ou un syntagme formé de mots appartenant à la même racine, comme on en trouve dans le gotique wulfos wilwandans (Matthieu 7:15) « des loups [brigands] ravissant (leurs proies) / prédateurs.
André Rousseau, dans « Saussure à Paris (1880-1891) : Le cours de grammaire gotique » in Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 153e année, 2009, pp. 481-504, écrivait (p. 487) que « Wulfs ‟loup” et wilwan ‟ravir, piller” présentent une assonance évidente, qui remonte peut-être à une étymologie commune ( *wļkw pour wulfs, *welkw pour wilwan). Cf. aussi du même auteur GOTICA. Études sur la langue gotique, Paris, Honoré Champion (Bibliothèque de Grammaire et de Lingusitique N° 43) ; pp. 30-31.
On notera que Ferdinand de Saussure, dans un article intitulé « Gotique wilwan publié dans les Mémoires de la Société de Linguistique en 1889, VI, p. 358, republié dans Ferdinand de Saussure, La grammaire du gotique. Deux cours inédits : 1. Cours de grammaire gotique (1890-1891) ; 2. Cours de grammaire gothique (1881-1882). Accompagnés d’articles de Saussure sur le gotique. Édités avec notes et commentaires par André Rousseau, Paris, Honoré Champion (Bibliothèque de Grammaire et de Linguistique N° 54), 2018, p. 469, écrit la chose suivante : Citation :« C’est très probablement du verbe *welk2ō que la langue primitive avait tiré *wḷk2o-s « le loup », qui pour l’Arien [Wulfila] a toujours été synonyme de brigand. Le vague sentiment de cette parenté subsistait peut-être encore lorsque Ulfilas écrivait [la figure étymologique dont vient de parler]. »
Il est intéressant de voir quand gotique, le mot loup avait déjà cette connotation péjorative de l’homme.
Je n'ai pas le temps de revenir sur la figure allitérative étymologique gotique qui, selon moi, dans le Nouveau Testament, serait un vestige de cette poésie gotique que Tolkien décrivait amèrement comme perdue. Cf. J. R. R. Tolkien, Les Monstres et les critiques et autres essais, traduit de l’anglais par Christine Laferrière, Paris, Christian Bourgois, 2006, p. 257. Plusieurs passages de la Bible gotique, que j'ai relevés, pourraient aller en ce sens. Je vais même plus loin en montrant dans une étude à paraître sur le poème Bagme Bloma que Tolkien se serait inspiré de ces passages allitératifs pour son propre poème gotique allitératif. Je ne peux pas vous en livrer plus en l'état.
J'aurais bien aimé parler un peu du loup-garou, comme on en trouve dans la littérature latine (dans le Satiricon de Pétrone par exemple), mais cela nous emmènerait trop loin. Le mot islandais ancien vargúlfr est curieux. Comme l'indique très justement Vincent Samson dans Les berserkir. Les guerriers-fauves dans la Scandinavie ancienne, de l’Âge de Vendel aux Vikings (VIe-XIe siècle), Lille, Presses Universitaires du Septentrion (Histoire et civilisation), 2011, p. 45 : Citation :« Mogk souligne que [L]e norrois vargúlfr correspond à l’allemand Werwolf. La forme vargúlfr n’est cependant pas attestée en dehors du cycle des Strengleikar (adaptation en prose des Lais de Marie de France). Il s’agit donc vraisemblablement d’une construction récente (XIIIe siècle), utilisée pour traduire le normand garwalf. »
On remarquera, à l’instar de Vincent Samson, que si l’allemand Werwolf provient d’un mot vieil-haut allemand wërwolf, signifiant « homme ( wër) – loup ( wolf), le mot norrois vargúlfr est une combinaison des substantifs vargr (« loup », mais aussi « hors-la-loi ») et úlfr (« loup »).
Je m’arrête là pour ce soir. Ces recherches m’ayant demandé des heures de travail, je tombe de fatigue !
A.
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05.06.2018, 08:40
(Modification du message : 05.06.2018, 08:42 par Tikidiki.)
(04.06.2018, 22:57)Elendil a écrit : Les Lupercales sont une fête essentiellement orientée vers la fécondité : il semble assez curieux de vouloir les ranger dans le domaine militaire. Quant à supposer que la prostitution soit la « valeur symbolique » du sexe féminin... je laisse à son auteur la responsabilité d'une telle assertion. D'autant que dans le mythe de Romulus et Rémus, la valeur symbolique est mise sur l'allaitement et la protection des enfants et nullement sur la prostitution...
Par ailleurs, dans la mesure où l'on trouve des tableaux comparables de héros enfantés ou élevés par des louves dans le domaine indo-européen, tableaux distincts de ce qu'on trouve hors de ce domaine, on est forcé de supposer que ce fragment mythique remonte à l'époque indo-européenne. Donc bien au-delà de la période où l'on ait pu trouver une analogie linguistique entre louve et prostituée, dans la mesure où cette analogie n'existe, à ma connaissance, qu'en latin.
Mais si tu regardes chez les Grecs, tu as justement un mythe autour d'Apollon Lycien car tu as également une coïncidence linguistique. C'est donc qu'au-delà de l'importance de l'animal chez les peuples indo-européens tu peux avoir des variantes locales dues à la langue.
Pour le reste, c'est annexe, mais les Lupercales ont aussi une composante virile.
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