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Bonjour Tolkiendili,
Voici une question dont j'apprécierais beaucoup votre avis :
Grâce au pouvoir de la Flamme Impérissable, les pensées d’Eru-Iluvatar jouissent de la vie éternelle.
Donc, peut-on dire que les pensées d'Eru sont la Flamme Impérissable. Où : est-ce que cette Flamme existe en dehors d'Eru
et qu'il s'en sert à volonté puisqu'il est le Premier, le Tout-Puissant.
Selon l'une ou l'autre réponse, ça change la vision du commencement de la création, je pense ?
Bonne journée !
Merci !
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Afin mieux étudier cette question, il conviendrait de déterminer si la Flamme Impérissable est la même chose que le Feu Secret dont parle Gandalf à Khazad-dûm.
Il faut aussi noter que Tolkien associe constamment et dès la fin des années 1910 le Feu (avec une majuscule) avec la troisième personne de la Trinité chrétienne, le Saint Esprit ; cf. PE 12, p. 81.
En particulier, Tolkien parle de la Flamme Impérissable en MR, p. 345, n. 11. Cependant, je ne suis pas assez versé en théologie catholique pour dire si la formulation désigne explicitement le Saint Esprit, encore que j'aurais tendance à penser que oui, d'autant qu'il fait aussi allusion à « la rentrée d'Eru [en Eä] pour vaincre Melkor », ce qui est très clairement une allusion à l'Incarnation du Christ :
Tolkien a écrit :This is actually already glimpsed in the Ainulindale, in which reference is made to the 'Flame Imperishable'. This appears to mean the Creative activity of Eru (in some sense distinct from or within Him), by which things could be given a 'real' and independent (though derivative and created) existence. The Flame Imperishable is sent out from Eru, to dwell in the heart of the world, and the world then Is, on the same plane as the Ainur, and they can enter into it. But this is not, of course, the same as the re-entry of Eru to defeat Melkor. It refers rather to the mystery of 'authorship', by which the author, while remaining 'outside' and independent of his work, also 'indwells' in it, on its derivative plane, below that of his own being, as the source and guarantee of its being.
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Dans la version du Silmarillion (Pocket, 1978, p.14 traduit par Pierre Alien), Tolkien mentionne le feu (avec un petit p; Erreur ?) secret. En lisant ce passage "Chacun atteindra à la compréhension des autres, et Iluvatar, satisfait, accordera la feu secret à leurs esprits", ça me fait penser effectivement à l'Esprit Saint, comme quelque chose qui donne la compréhension des choses.
Quant à la Flamme Impérissable, elle donnerait la vie éternelle??? (les pensées d'Eru jouissent de la vie éternelle.)
J'aurais tendance à donner un sens différent aux deux.
Au plaisir !
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A noter qu'en théologie chrétienne, les trois éléments de la Trinité ne sont pas aussi distincts qu'on peut le penser. Il y a un dieu sous trois formes (père, fils et esprit) qui chacune sont pleines et entières tout en étant un peu différente.
Du coup à la question : la flamme est-elle Eru ou est-elle distincte de lui, je répondrais : les deux...
Si un plus grand nombre d'entre nous préférait la nourriture, la gaieté et les chansons aux entassements d'or, le monde serait plus rempli de joie.
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(Modification du message : 29.09.2013, 13:01 par Faerestel.)
C'est encore plus compliqué que cela puisque la nature et les attributs de la Trinité sont dès le IXème la cause principale de divergence théologique entre l'Eglise d'Occident et les Eglises orientales. Une rupture actée au XIème avec l'adoption par l'Eglise occidentale de l'idée que l'Esprit Saint procède du Père et du Fils (filioque). Ce qui est évidemment incompatible avec l'idée première d'un Dieu unique qui se manifeste également au travers des 3 figures. Voilà pourquoi l'Eglise dite orthodoxe est en Orient.
Si Eru est le Père, que le Feu secret (EDIT: ou la Flamme Impérissable) est le Saint-Esprit et que l'on peut attribuer certaines des caractéristiques christiques du Fils à Earendil, on peut avancer que Tolkien s'inscrit bel et bien dans la tradition catholique par l'assimilation du Silmaril au Feu (celui là-même qui a rongé les entrailles de Carcaroth), Feu qui procède alors du Père et du Fils.
Concernant la nature trinitaire, et selon le Concile de Nicée en 325, le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont consubstantiels, de même substance, ce que beaucoup d'Eglises admettent, à l'exception des aryens.
Petite digression: le premier politique à avoir demandé, sans succès cependant, au Pape Léon III d'introduire cette notion du filioque (peut-être issue d'une liberté prise par un copiste du VIIème siècle) est justement Charlemagne pour qui Tolkien, si je ne m'abuse, manifestait beaucoup d'admiration en tant que précurseur du Saint Empire romain germanique.
Tiens! Petite question digressive: comment Tolkien percevait-il la destruction par Charlemagne d'Yrminsul, lui qui aimait tant les arbres?
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(29.09.2013, 10:59)faerestel a écrit : Si Eru est le Père, que le Feu secret (EDIT: ou la Flamme Impérissable) est le Saint-Esprit et que l'on peut attribuer certaines des caractéristiques christiques du Fils à Earendil, on peut avancer que Tolkien s'inscrit bel et bien dans la tradition catholique par l'assimilation du Silmaril au Feu (celui là-même qui a rongé les entrailles de Carcaroth), Feu qui procède alors du Père et du Fils.
Non, Tolkien dit à plusieurs reprise qu'il ne relate nulle part l'Incarnation, ce qui est logique, puisqu'il s'inscrit dans un temps préhistorique fictif, censé être bien avant le début des civilisations que nous connaissons, donc bien avant le Christ.
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(29.09.2013, 13:17)Elendil a écrit : Non, Tolkien dit à plusieurs reprise qu'il ne relate nulle part l'Incarnation, ce qui est logique, puisqu'il s'inscrit dans un temps préhistorique fictif, censé être bien avant le début des civilisations que nous connaissons, donc bien avant le Christ.
Tout à fait juste sur un plan historique puisqu'il n'y a qu'une seule incarnation dans le dogme chrétien et qu'Earendil n'est pas né dans une étable. Je ne faisais qu'une analogie entre celui qui prépare les hommes à la venue du Christ et le Christ lui-même.
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Dans ce sens là, j'aurais tendance à être d'autant plus d'accord qu'il me semble que l'Earendel du poème du Crist de Cynewulf, qui a inspiré à Tolkien son Eärendil, est supposé être St. Jean le Baptiste, donc l'annonciateur du Christ. Ce serait tout à fait dans le goût de Tolkien d'imaginer un personnage similaire qui serait lui-même un annonciateur ou un précurseur du Baptiste.
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(Modification du message : 29.09.2013, 14:07 par Faerestel.)
Je pense que la correspondance Earendel<->Eärendil est attestée mais je ne sais plus où.
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Dans les Lettres, la Biographie de Carpenter, ainsi que « Un Vice secret », une bonne partie des HoMe, etc.
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et merci!
Faudra quand même que je m'achète les Lettres...
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Il y a des années que beaucoup d'entre nous doivent se questionner sur cette création d'Eru basée sur le chant des Ainur. Ces jours-ci en relisant la bio de Carpenter, ce sujet m'est revenu en tête: Feu Sacré, Flamme Impérissable. J'ai donc relu Silmarillion et j'ai comme réalisée que Tolkien lui-même faisait une différence entre les deux. Feu Sacré versus compréhension des choses, pouvoir... puissance; Flamme Immortelle pour immortalité. Mais ce raisonnement est aussi basique: Il faudrait savoir combien de fois il a parlé de ces deux éléments dans son œuvre, et quel sens il leur a donnés chaque fois, ou par l'entremise de ses personnages. Mon raisonnement tient-il la route ? Je ne sais pas ! Car probablement que ça restera toujours au niveau du questionnement. Et c'est correct aussi.
Est-ce que Tolkien pensait Eru comme Père de la création (pas sûr !); pas plutôt comme l'Unique (1er paragraphe du Silmarillion) suivi de "Le Feu Secret fut envoyé au cœur du monde qui fut nommé Eä". Ce n'est pas l'immortalité qui fut envoyée dans le monde, ce ne fut pas la Flamme Impérissable. Elle ne fut pas donné aux Hommes non plus, mais elle fut donnée aux Ainur???
Pour ces deux raisons, aujourd'hui, j'ai tendance à distinguer les deux: mais je ne suis pas une spécialiste ni de Tolkien ni de la théologie chrétienne.
C'est une interrogation personnelle nouvelle de son monde si complexe qui m'interpelle. Peut-on affirmer quoi que ce soit chez Tolkien sur cette création ?
Je ne suis pas certaine que Eärendil soit le fils. Lorsque Tolkien a réorganisé le fameux poème de Cynewulf, il ne le considérait pas plutôt comme un ange : "Salut, Éarendel, le plus brillant des anges envoyé aux hommes sur la Terre du Milieu"; transformé plus tard par Salut Eärendil, la plus brillante des étoiles", pour la bonne raison qu'Eärendil avait hérité d'un Silmaril de son épouse transformée en oiseau pour lui apporter dans son vaisseau errant.
Je crois aussi, malgré tout, qu'on ne peut dissocier non plus Tolkien du christianisme profond qui l'habitait vis-à-vis de son œuvre et particulièrement de sa création du monde. Il a vécut la conversion de sa mère, et le rejet qu'elle a subit de sa famille par la suite, ce qui a contribué en partie à sa mort précoce: l'aide lui fut retirée et elle a en a beaucoup souffert.
Tolkien allait à la messe tous les jours, c'est pas peu dire !
Et il a eu le génie d'attribuer la création aux chants des Ainur...
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(Modification du message : 29.09.2013, 19:16 par Faerestel.)
(29.09.2013, 18:37)Ingieris a écrit : Est-ce que Tolkien pensait Eru comme Père de la création (pas sûr !); pas plutôt comme l'Unique (1er paragraphe du Silmarillion) suivi de "Le Feu Secret fut envoyé au cœur du monde qui fut nommé Eä". Ce n'est pas l'immortalité qui fut envoyée dans le monde, ce ne fut pas la Flamme Impérissable. Elle ne fut pas donné aux Hommes non plus, mais elle fut donnée aux Ainur???
Les Ainur sont nés de la pensée d'Iluvatar, de leurs chants dirigés par lui sont nées des visions auxquelles il a donné corps par la parole "Ea", traduite je crois "que cela soit".
Chez Tolkien, le processus de la création est en quelque sorte indirect ou à double niveau. C'est un peu trivial comme expression mais je ne vois pas mieux.
Le Feu Secret serait-il alors comme une pulsion de vie?
Mais qui d'autre que Gandalf s'en dit le détenteur?
(29.09.2013, 18:37)Ingieris a écrit : Je ne suis pas certaine que Eärendil soit le fils.
Je ne le pense pas non plus. J'ai juste mis en avant quelques similitudes avec la Trinité et l'annonce du messie.
Je me demande tout à coup si les destin des Ainur est, comme celui des Elfes, lié à Arda périssable, de sorte que seuls les Hommes (ce qui me parait cohérent) sont à autre chose destinés. Quelqu'un sait si Tolkien s'est exprimé à ce sujet?
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(29.09.2013, 19:08)faerestel a écrit : Chez Tolkien, le processus de la création est en quelque sorte indirect ou à double niveau. C'est un peu trivial comme expression mais je ne vois pas mieux.
C'est presque ça. On retrouve une telle conception indirecte dans le Zoroastrisme avec Ahura Mazdâ, créateur des Amesha Spentas, qui créèrent ensuite le monde. En littérature, on a le même tableau dans The Gods of Pegāna de Lord Dunsany, où c'est Mana-Yood-Sushai qui crée les dieux, puis les dieux qui créent le monde.
Chez Tolkien toutefois, la situation est plus complexe, puisqu'Ilúvatar est responsable du thème de la Musique des Ainur et que c'est lui qui lui donne substance, les Ainur étant là pour façonner le monde et lui donner sa forme achevée : ce sont donc des subcréateurs.
(29.09.2013, 19:08)faerestel a écrit : Le Feu Secret serait-il alors comme une pulsion de vie?
Mais qui d'autre que Gandalf s'en dit le détenteur?
Les mots sont importants : Gandalf dit qu'il est le serviteur du Feu Secret, pas son détenteur. Il est le détenteur de la flamme d'Anor, ce qui n'est sûrement pas la même chose — on peut y voir une allusion à Narya, l'Anneau de Feu (le sind. Anor correspond au q. Anar, qui dérive de la même racine que nár « feu », dont Narya est un dérivé).
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29.09.2013, 20:52
(Modification du message : 29.09.2013, 20:53 par Faerestel.)
(29.09.2013, 20:29)Elendil a écrit : (29.09.2013, 19:08)faerestel a écrit : Le Feu Secret serait-il alors comme une pulsion de vie?
Mais qui d'autre que Gandalf s'en dit le détenteur?
Les mots sont importants : Gandalf dit qu'il est le serviteur du Feu Secret, pas son détenteur. Il est le détenteur de la flamme d'Anor, ce qui n'est sûrement pas la même chose — on peut y voir une allusion à Narya, l'Anneau de Feu (le sind. Anor correspond au q. Anar, qui dérive de la même racine que nár « feu », dont Narya est un dérivé).
Exact, j'ai fourché!
Intéressantes précisions sur ces religions orientales ou orientalisantes "subcréatrices".
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Elendil a écrit:
Chez Tolkien toutefois, la situation est plus complexe, puisqu'Ilúvatar est responsable du thème de la Musique des Ainur et que c'est lui qui lui donne substance, les Ainur étant là pour façonner le monde et lui donner sa forme achevée : ce sont donc des subcréateurs.
Qu'est-ce que Tolkien fait ensuite des Ainur: Il leur donne des Terres Immortelles, (autre qu'un ciel ou... à la fin de leurs jours...).
Chez Tolkien, les Ainur ont participés directement au processus de création. Iluvatar aurait-il créer Arda sans les Ainur ? Eru aurait créé quelque chose d'autre probablement ? Il a préféré que ce monde ressemble plus à la conception des Ainur, les Premiers-Nés, qu'à sa propre vision du monde. Ce qu'il n'y a pas dans la création catholique, Dieu le seul créateur.
Chose fascinante de l'œuvre de Tolkien et qui différencie son monde de la conception religieuse catholique: les Elfes sont nés à Cuivenen, sur la Terre du Milieu, ils seraient des sortes d'anges, plutôt des sortes d'hommes améliorés, ou quelque chose dans le genre. Alors que sur la terre, Dieu a créé les hommes, les animaux, les fleurs... Il n'y a aucune conception ni place pour des anges ou elfes.
Une démarcation unique et géniale de Tolkien entre la Terre des Hommes et la Terre du Milieu, bien qu'il situe cette Terre chez nous, laissant (à la fin de la Guerre de l'Anneau) cette TdM entre les mains des Hommes.
À cause de cette histoire qui colle tellement à la réalité humaine, les hommes ne devraient-ils pas avoir, dans leur très lointain subconscient, des réminiscences secrètes de la Terre du Milieu, une espèce de mélange d'un monde d'Anges et d'Elfes ? Excusez, ceci est purement de la fabulation...
Pourtant, Carpenter raconte dans sa biographie, que lorsqu'il s'est présenté devant Tolkien en 1968, celui-ci ne réagissait pas comme l'auteur de son monde, mais comme un critique de son propre univers. Carpenter dit qu'il avait l'impression que Tolkien croyait que son monde existait réellement.
Oui, qui d'autres se dit Serviteur du Feu Secret ? Galdalf serait-il immortel selon la Flamme Impérissable ?
S'il n'était pas immortel, il a pu renaître en Gandalf le Blanc. Serait-ce une forme améliorée à la Tolkien de l'immortalité ? Une autre conception ?
Serviteur du Feu Secret ? Dune pulsion de vie; et aurait-il pu renaître alors du pouvoir qui lui est conféré par ce Feu ?
Dans la création d'Arda, Tolkien y a placé la demeure des Valar (Les Terres Immortelles) et la demeure des Hommes où sont nés les Elfes et les Hommes.
Au fait où sont nés les nains ?
Il semble que les Ainur n'auront servis que pour la création, en chantant la création et son organisation. Puis, ils sont délaissés au profit des Valar et des Maiar. Et après la disparition de Numenor, les terres immortelles disparaissent en dehors de la connaissance des Hommes. Tolkien a donc résolu son problème sur le destin des Ainur: nous ne pouvons plus rien savoir, et il ne nous dira plus rien.
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Excusez-moi, pour l'inexactitude de la date: Carpenter s'est présenté au domicile de Tolkien un matin de printemps 1967, et non en 1968
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Concernant les Ainur, je t"invite à lire l'excellent essai de Didier, Parole et pensée chez Tolkien : l'analogie de l'angélologie.
Il y a également plusieurs articles intéressants dans la Feuille de la Compagnie n° 2.
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(29.09.2013, 18:37)Ingieris a écrit : Ces jours-ci en relisant la bio de Carpenter, ce sujet m'est revenu en tête: Feu Sacré, Flamme Impérissable. J'ai donc relu Silmarillion et j'ai comme réalisée que Tolkien lui-même faisait une différence entre les deux. Feu Sacré versus compréhension des choses, pouvoir... puissance; Flamme Immortelle pour immortalité. Mais ce raisonnement est aussi basique: Il faudrait savoir combien de fois il a parlé de ces deux éléments dans son œuvre, et quel sens il leur a donnés chaque fois, ou par l'entremise de ses personnages. Mon raisonnement tient-il la route ? Je ne sais pas ! Car probablement que ça restera toujours au niveau du questionnement. Et c'est correct aussi.
Est-ce que Tolkien pensait Eru comme Père de la création (pas sûr !); pas plutôt comme l'Unique (1er paragraphe du Silmarillion) suivi de "Le Feu Secret fut envoyé au cœur du monde qui fut nommé Eä". Ce n'est pas l'immortalité qui fut envoyée dans le monde, ce ne fut pas la Flamme Impérissable. Elle ne fut pas donné aux Hommes non plus, mais elle fut donnée aux Ainur???
Pour ces deux raisons, aujourd'hui, j'ai tendance à distinguer les deux: mais je ne suis pas une spécialiste ni de Tolkien ni de la théologie chrétienne.
J'avais tendance à penser que la Flamme Impérissable était l'autre nom du Feu Secret, comme nous l'avions déjà évoqué ici
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Il faut lire les lettres de Tolkien, notamment autour de l'année 1955.
Il répond bien à ces questions.
Les elfes ne sont pas des anges, ce sont des êtres mortels du même genre que les hommes qui ont une relation différente à la Mort. La question de fond qui distingue les créatures dans l'univers de Tolkien, c'est celle de la mort.
Les elfes sont liés à la Terre du Milieu et vivent ou se réincarnent (s'ils meurent par les armes etc.) jusqu'à ce que cette Terre arrive à son terme. Où alors ils retournent à Valinor.
Les hommes eux quittent la Terre du Milieu après leur mort, ils ne sont pas liés à cette Terre, ils ont une autre destinée inconnue des Valar (et donc des elfes qui tirent leur savoir des Valar).
Les elfes ne sont pas des anges.
Les seuls êtres que Tolkien définie expressément comme des angelos (anges) ce sont les istari, c'est-à-dire Gandalf, Saruman etc. Un ange c'est un "envoyé". Les anges de la Terre du Milieu ne sont pas des esprits (comme dans la religion catholiques), mais des êtres incarnés avec tout ce que cela suppose (faiblesses de la chair etc.).
Les Valar ne sont pas à proprement parler des anges, du moins, plus depuis que Valinor a été dissimulé et qu'ils ont décidés de ne plus agir dans la Terre du Milieu.
P.S. : au sens strict la Trinité c'est un Dieu en trois personnes (et non trois "modes" ou trois "formes"). Les personnes de la Trinité sont des personnes à part entière, mais elles partagent la même substance, le même être, et sont donc toutes trois le seul et Unique Dieu.
P.S.2. : Dans une lettre Tolkien dit clairement qu'il n'a jamais voulu réitérer l'Incarnation dans son œuvre, car l'Incarnation est plus grande que tout ce qu'il pourrait écrire. Etant comme lui catholique, je ne peux que lui donner raison et comprendre son point de vue.
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30.09.2013, 22:40
(Modification du message : 30.09.2013, 22:45 par Hisweloke.)
(30.09.2013, 21:39)jbbourgoin a écrit : Les seuls êtres que Tolkien définie expressément comme des angelos (anges) ce sont les istari, c'est-à-dire Gandalf, Saruman etc. Un ange c'est un "envoyé". Les anges de la Terre du Milieu ne sont pas des esprits (comme dans la religion catholiques), mais des êtres incarnés avec tout ce que cela suppose (faiblesses de la chair etc.).
Les Valar ne sont pas à proprement parler des anges, du moins, plus depuis que Valinor a été dissimulé et qu'ils ont décidés de ne plus agir dans la Terre du Milieu.
Pour la nature "angélique" des Valar et Maiar, les références abondent dans les Lettres, les Istari ayant en effet la spécificité d'être des "anges incarnés" :
Les Valar sont des "puissances angéliques" ( Lettres n° 131 p. 211), d'un "ordre angélique élevé, devrions-nous dire, assistés d'anges moindres" (n° 153 p. 276), des "gardiens angéliques" (n° 297 p. 541, n° 320 p. 569), des "immortels angéliques (incarnés seulement s'ils le décidaient) (...) régents obéissants à Dieu (...)" (n° 325 p. 574)
La Musique des Ainur définit "la relation entre l'Unique, le Créateur transcendantal, avec les Valar (...), les Premiers crées angéliques" (n° 257 p. 484).
Les Valar sont encore "angéliques" (n° 156 p. 286) avec, plus spécifiquement Gandalf un "ange incarné, à strictement parler un angelos" (l'emphase est d'origine), un "émissaire" comme les autres Istari ( ibid., p. 287), un "émissaire angélique pour des gouverneurs angéliques (les Valar)" (n° 267 p. 496)
De même, Sauron est un "esprit 'angélique'" (n° 200 p. 366).
La question de la (non-)intervention des Valar après la dissimulation de Valinor est peut-être plus complexe à traiter. Outre l'envoi des Istari, Varda écoute "les appels à l'aide des Elfes (et des Hommes) dans le péril ou la peine. Frodon et Sam l'invoquent tous deux dans des moments de péril extrème" ( RGEO, ma trad. rapide) - et plusieurs autres petits passages laissent présager, sinon d'une intervention explicite, d'une influence et d'une surveillance.
D.
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(Modification du message : 30.09.2013, 23:14 par jbbourgoin.)
Merci Hisweloke,
Le mot à plusieurs sens selon qu'il désigne la mission ou la nature de l'être concerné.
A vouloir prendre le mot ange en son sens "d'envoyé", j'ai bien évidemment manqué ce que les Valar ont vraiment d'angélique.
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Si vous permettez, j'aimerais préciser d'une autre façon ma pensée face aux interventions très pertinentes et les passages cités .
L'important pour moi n'est pas de savoir ce que moi je pense, mais bien ce que Tolkien a voulu dire dans son Univers. Et cela, c'est difficile à saisir parfois, son œuvre étant immense, tout se rappeler est impossible (pour moi). Il faut des exemples et vous en mentionnés beaucoup ici. Merci !
J'ai relu le passage du 18/04/2013 Tikidiki (Je ne me rappelais pas cette intervention): Melkor cherche la Flamme Impérissable dans le but de créer. OK. La Flamme Immortelle, Éternelle. Il ne trouva pas le feu. (Il faut donc convenir que ce serait la même chose pour Tolkien), avec ces exemples à l'appui. Par contre, j'ai comme l'impression aussi que ce pourrait être différent à certains passages, d'où la nuance que j'y apporte aujourd'hui. Je me laisserai une très très étroite porte de sortie face à la Flamme et le Feu.
C'est difficile aussi d'amalgamer ces deux expressions en un seul concept, car je suis extrêmement pointilleuse sur le sens de mots (je ne suis pas la seule) : éternelle, immortelle, ça ne veut pas dire pouvoir de créer. Mais c'est Tolkien toujours qui a raison. Soyons humble.
Pour les anges, ceux qui le sont ou ne le sont pas, les nombreux exemples qui sont cités ici me laissent croire que Tolkien a peut-être donné une toute autre signification à ce mot que ce qu'il signifie dans la religion catholique ? Ça me semble vraiment complexe. -- Gandalf, un ange, un envoyé (Les anges n'ont pas a se réincarner dans le catholicisme) d'où peut-être une autre conception pour Tolkien ?
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Attention à ne pas confondre "réincarné" et "incarné".
La réincarnation c'est quand un être de chair meurt et prend ensuite une nouvelle chair.
L'incarnation c'est quand un être prend chair.
Tolkien prend le mot ange en un sens très proche du sens catholique. Mais il ne s'agit pas des anges chrétiens. D'ailleurs, il n'utilise jamais le mot dans ses œuvres, il ne l'utilise que pour faire comprendre ce que sont les Valar, les istari etc. à des personnes qui ont une culture chrétienne et savent ce que sont les anges.
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Bien sûr "incarné" et "réincarné"
Merci jb
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01.10.2013, 22:09
(Modification du message : 01.10.2013, 22:14 par Hisweloke.)
Juste une remarque sur la nature d'« ange incarné » (Lettres n° 156) de Gandalf.
Si Valar et Maiar, par nature première invisibles ou lumineusement transparents, peuvent se donner — à volonté — une forme de corps, cela reste une « parure » (angl. veil) de leur esprit angélique, telle un « habillement » (angl. raiment, vesture) (cf. notamment PE n° 17).
Ils se parent ainsi pour apparaître devant les Incarnés (Hommes et Elfes) mais aussi pour appréhender la nature corporelle de ces derniers (cf. notamment l'Osanwe-kenta in VT n° 39), la parure étant d'ailleurs aussi physique qu'un corps et soumise aux mêmes contraintes (cf. à nouveau PE n° 17 — et pour l'anecdote, la parure d'un Valar a donc une ombre).
Le cas de Gandalf peut paraître spécial eu égard à sa présentation dans la lettre n° 156, qui insiste spécifiquement sur l'aspect « incarné » (jusque dans la réalité de sa « mort » physique lors du combat avec le Balrog), mais est aussi à nuancer et à affiner par PE n° 17 p. 180 où il est indiqué que Gandalf avait pour parure (= Q. fana) celle d'un vieil homme.
La question sous-jacente est celle de l'« incorporation » des figures angéliques en Arda — Nous pourrions dire qu'elle est la transposition, chez Tolkien, de la question théologique de la nature des anges : substances incorporelles / spirituelles ou alors corporelles / matérielles ? Certains Pères de l’Église ont argumenté dans le sens d'une substance corporelle, ce que contredit plus tard Thomas d'Aquin pour qui « les anges n'assument pas de corps » (cf. Somme théologique, Prima pars, qu. 50 art. 2 et surtout qu. 51 art. 1).
La position de Tolkien sur ses Valar et Maiar semble, à cet égard, innovante et singulière, à la croisée des deux conceptions, actant de natures angéliques incorporelles mais se parant volontairement d'une forme de corporéité.
D.
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Oui, et il n'est même pas certains que les Valar eux-même soient vraiment assimilables aux être purement intellectuels de Thomas que sont les anges.
En effet, Melkor peut-être blessé par une lame. Ils sont donc comme habillé d'un corps, mais d'un habit qui est aussi vraiment leur substance, qui n'est pas qu'une couverture.
La question de "l'incarnation" des Valar et des Maiar me semble complexe, et n'est transposable à la théologie catholique de manière directe (qu'elle soit plutôt platonicienne, ou plutôt aristotélicienne).
Le sujet a sans doute déjà été traité, quelqu'un connaît de bonnes références.
Je vais fouiller sur le site prochainement, voir si je trouve des choses.
C'est un sujet bien amusant en tout cas
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Sur l'incarnation des Elfes, des Hommes, des Valar et des Maiar (convergences et divergences), voir, encore et toujours, le texte de Tolkien « Ósanwe-kenta ».
Texte disponible sur le site et traduit avec l'accord du Tolkien Estate, signalons-le.
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Qui sait ! Il serait peut-être temps de dire "incarnation à la Tolkien" ou Tolkiesienne ou ?, pour signifier ce qu'est exactement "l'incarnation" chez ses personnages, et arrêter de chercher des réponses chez Aristote, Platon ou Saint-Thomas etc.., comme si la terre s'était arrêtée de tourner depuis. Tolkien n'a-t-il pas inventé un monde unique qui, peut-être, ne doit être compris que par lui-même ? Ou, doit-on obligatoirement faire avec le passé ?
Avec ses Elfes et ses Ainur, on n'est plus du tout dans un système normal d'existence, et ça reste purement de la fantasy.
Tolkien n'est pas philosophe de métier, mais son œuvre mériterait peut-être une attribution philosophique
personnelle, influencée à ses heures par certaines doctrines, mais typiquement tolkienienne ?
Je jette les dés parce que je n'ai pas assez de connaissances pour faire la part juste de ce cheminement de pensée.
Ing.
L'esprit devient ce qu'en font les pensées, car les pensées de quelqu'un déteignent sur son âme. Marc-Aurèle (121-180)
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08.10.2013, 19:21
(Modification du message : 08.10.2013, 19:27 par Thorin II Ecu-de-Chêne.)
Tolkien a puisé fortement à diverses traditions. Le lien avec la tradition judéo-chrétienne en général et catholique en particulier est évident. Après tout, Ea est l'expression même du verbe créateur, faisant donc d'Iluvatar l'Immanent et on peut retrouver dans les subcréateurs une réminiscence directe des ordres angéliques -mais appliquée de façon à ce qu'ils aient la relation aux Hommes qu'ont les Ases et les Vanes, c'est-à-dire des créatures puissantes et amicales qui ne sont pas que de simples serviteurs dépourvus de libre-arbitre (les exemples abondent, entre Melkor, Aulë, Yavanna...).
Pour ce qui est des flammes, effectivement Gandalf se place comme serviteur du Feu Secret, détenteur des flammes d'Anor -pour l'opposer aux flammes d'Udûn auxquelles il identifie son ennemi. Il y a donc plusieurs Feux, ce qui éloigne l'idée trinitaire. Sans compter que des figures christiques, il y en quelques-unes dans l'oeuvre de Tolkien...
Si on se positionne sur les ordres angéliques, au-dessus des anges se trouvent les Séraphins, ce qui veut dire "ceux qui brûlent", et encore au-dessus les Trônes. J'émets modestement l'hypothèse que Tolkien a pu se borner à l'ordre séraphique pour fixer ce qui serait le maximum des Puissants en éludant les Trônes. Gandalf a donc pu s'opposer au Balrog de la Moria en tant que serviteur de Manwë, rabaissant son ennemi à son état de serviteur de Morgoth.
Enfin, c'est mon interprétation/hypothèse à moi...
Par rapport à ta remarque, Ingieris, plus on creuse, plus on met à jour les cultures entretissées qui formaient le bagage culturel de Tolkien; Lui aussi avait son libre-arbitre et certaines de ses propositions sont de pures inventions, pas nécessairement l'adaptation de l'oeuvre d'autrui. Mais la richesse de son monde reste inégalé car il semble qu'il ait voulu faire coller les diverses traditions dont il était fait, illuminant combien nous, dans ce XXIe qui se veut post-moderne, nous sommes pétris d'influences qui en nous trouvent la paix; Comme disent les Grecs dans la Danse du Feu : "Si tes traces sont celles de ton père et de ta mère, tes pieds sont à toi".
Que vos barbes poussent toujours plus longues
Thorïn II Ecu-de-Chêne
Roi Sous la Montagne
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