Note de ce sujet :
  • Moyenne : 0 (0 vote(s))
  • 1
  • 2
  • 3
  • 4
  • 5
Morgael
#31
Je me régale : le conseil des sages en Imladris sera toujours pour moi le sésame de l'aventure !
Répondre
#32
10. Minas Uilos

Que ce soit un mur, une expertise ou un pouvoir, tout ce qui protège, isole.*
Eradan, chef de la garnison de Minas Uilos

Baranion et Nári marchaient en regardant surtout le sol. Leur capuchon était largement maintenu sur leur visage afin de les protéger du vent froid qui soufflait fortement depuis qu’ils avaient quitté les Coteaux du Nord. La neige s’était manifestée bien tôt en ce début d’hiver.

Le Nain profita d’un moment entre deux rafales pour regarder dans la direction où ils se rendaient : il ouvrit de grands yeux en discernant à travers les brumes une silhouette verticale. L’édifice devait culminer à plus de cinquante pieds et sa structure était impressionnante, typique des ouvrages du peuple de Durin. En cette fin d’après-midi, la forteresse se détachait peu à peu sur le ciel d’un bleu profond. Nári savait que l’art de son peuple était souvent considéré grossier par les Hommes qui avaient côtoyé les œuvres des Elfes… Les lignes du bâtiment rappelaient indiscutablement le savoir de son peuple mais il semblait pourtant plus élancé, comme si les architectes avaient inclus une référence à l’héritage elfique des Númenóréens.

Les deux voyageurs continuèrent leur marche et Nári ne quittait l’édifice des yeux que pour se protéger des bourrasques de vents. Alors qu’ils se rapprochaient, le bâtiment leur apparaissait d’une blancheur presque aveuglante et paraissait avoir été ciselé dans la glace.

— Nous y voilà…, dit le Nain en admirant la forteresse.

Depuis le chemin de ronde, des soldats portant les armes de l’Arthedain avaient détecté leur approche et prévenu les officiers de cette arrivée. Une herse d’acier s’ouvrit lentement pendant que les voyageurs s’approchaient de l’entrée.

Le Nain posa sa main sur les pierres qui jouxtaient l’ouverture, recouvertes d’une fine pellicule de neige qui s’accrochait à leur surface… il frotta doucement la neige pour révéler la pierre qui se situait dessous, légèrement bleutée. Il la carresa en connaisseur : il appréciait son contact, sa rugosité, sa force… Très peu de carrières de sa connaissance offraient des pierres d’une telle teinte… les archives de sa communauté n’en avait répertorié qu’une poignée dans la partie nord des Ered Luin située la plus loin du Golfe du Lhûn.

— Je n’en suis pas sûr, dit-il à Baranion, mais je crois que seuls mes ancêtres utilisaient de telles pierres…

L’Homme posa sa main sur l’épaule de son compagnon et l’invita à entrer à l’intérieur de l’édifice. De nombreux soldats vinrent saluer Baranion, l’appelant avec respect « le Vétéran ». Nári se rendit rapidement compte que son compagnon de voyage avait ici un statut bien particulier. Baranion n’était pas simplement le descendant de la famille qui habitait jadis cette forteresse, il avait dirigé la garnison située ici pendant apparemment de très nombreuses années… Tout le monde le connaissait et le respectait. Ce détail avait été passé sous silence malgré leurs longues et nombreuses conversations.

Un homme jeune et plus grand que les autres vint finalement à leur rencontre en souriant. Il s’agissait de l’actuel chef de la garnison et il accueillit chaleureusement Baranion, mettant temporairement de côté la discipline stricte de l’armée. Le Nain trouvait quelques similitudes entre les traits des deux hommes et ses interrogations furent clarifiées par l’intervention du jeune capitaine lorsqu’il s’adressa au Vétéran :

— Père, c’est une surprise inattendue mais particulièrement heureuse de vous voir arriver !

Baranion sourit à son tour mais fit signe au Nain de s’approcher avant de répondre à son fils.

— Eradan, je te présente Nári, fils de Nófur. Ce sont peut-être ses ancêtres qui ont construit cette forteresse et il souhaiterait l’observer pour s’assurer de ses origines.

Eradan salua le Nain.

— C’est un honneur de vous rencontrer, Nári, fils de Nófur. Cette citadelle a rendu maints services à notre famille et à notre royaume. En tant qu’invité de mon père, vous y êtes le bienvenu.

Le Nain salua Eradan avec respect et le remercia pour son accueil. Le chef de l’avant-poste se tourna à nouveau vers Baranion et ajouta :

— La providence semble vous avoir envoyé, Père. La monotonie de la vie de soldat fait partie intégrante de notre devoir dans cet avant-poste mais certains événements arrivent tout de même à rompre ces moments interminables : ils nous rappellent que nous sommes bien ici pour surveiller l’imprévisible et dangereux royaume du Roi-Sorcier.

— En voilà des paroles inquiétantes ! répondit Baranion à son fils. Que se passe-t-il ?

— Rien qui ne puisse attendre, rassurez-vous, ajouta-t-il en souriant. Je sais combien vos conseils sont précieux : votre sagesse et votre expérience nous aideront à prendre les bonnes décisions… Mais vous devez être fatigués, nous en reparlerons plus tard ! Je vais vous laisser le temps de vous reposer et reprendre des forces : suivez-moi.

Eradan mena les deux voyageurs à un escalier en colimaçon et les fit monter plusieurs étages avant d’arriver dans une grande salle où trônait une imposante cheminée. Un feu y crépitait et la chaleur de la pièce était très appréciable. Malgré les nombreuses ouvertures donnant sur l’extérieur, il n’y avait aucun courant d’air. Les deux voyageurs s’approchèrent de l’âtre et déposèrent leurs lourds manteaux et leur équipement à proximité, sur des bancs sculptés dans la même pierre que l’ensemble de l’édifice.

Nári toucha le banc de sa main nue :

— Les archives de ma famille mentionnent un échange amusant entre les bâtisseurs de la tour et les Dúnedain pour qui ils l’avaient construite.

Le père et le fils se regardèrent brièvement puis fixèrent le Nain. Il continua, le visage comme illuminé :

— Dans la langue de mon peuple, ce projet était nommé la « Tour Blanche » et c’est ainsi que les bâtisseurs le mentionnaient devant les Hommes. Après avoir vu les pierres qui seraient utilisées, les Dúnedain n’avaient pas compris ce choix. Mon ancêtre avait alors demandé comment serait appelée la forteresse dans la langue de l’Arnor et les Hommes lui répondirent que, s’il devait y avoir une référence à une couleur, ils l’appelleraient plutôt la « Tour Bleue ». Les pierres proposées par l’architecte étaient effectivement plutôt foncées et légèrement bleutées… Le journal de mon ancêtre n’a hélas pas été intégralement sauvegardé au fil des générations mais la dernière intervention rédigée de sa main fut la réponse qu’il avait donné aux Dúnedain : « Vous choisirez son nom quand l’ouvrage sera construit ». Je ne vous apprendrai rien en disant que les Nains sont un peuple assez secret et nous n’aimons pas trop partager les détails de nos techniques. Mon ancêtre n’avait pas expliqué que la surface des pierres de l’enceinte extérieure serait travaillée en fonction des vents de la région, qui connaissait un hiver particulièrement long. Les pierres seraient alors majoritairement recouvertes par une fine couche de neige… Rappelez-moi comment s’appelle cette forteresse ?

Minas Uilos, répondit Eradan…

— La… « Tour Éternellement Blanche », ajouta Baranion en regardant son fils.

Le Nain leur souriait à pleine dents.

Carte**

[Image: Morgael---Carte---Partie-1---Post-10-202...gnette.jpg]

Lexique***

Eradan : Dúnadan. Chef de Minas Uilos. Fils de Baranion. (S. « Homme Seul »)

* Référence IRL : Alain Leblay.
*** Seules les entrées non mentionnées précédemment sont listées ici. Elles ne contiennent que des informations succinctes et nécessaires au récit (ainsi que les significations dans les langues inventées, avec S. pour sindarin, N. pour noldorin, Q. pour quenya, K. pour khuzdul). Les termes et informations en italique ou sans lien vers l’encyclopédie sont non-canoniques. Si la description d’une entrée du lexique mentionne elle-même un nouveau terme absent du lexique, ce dernier n’est pas ajouté. Les termes apparaissant dans les épigraphes et les titres ne sont pas listés.
Répondre
#33
Bon, camarade, je vais être franc : on a faim !
Tu comprends, ça déconfine, il fait beau, on se sent un peu plus libre ! Alors une petite tranche d'histoire par semaine, c'est peu !
En même temps, il faut la jouer d'abord, l'histoire ! (Wink)
Répondre
#34
Justement il faut passer plus de temps en terrasse et moins sur un écran ! Cool

Plus sérieusement, j'avais initialement fait ce choix en me basant sur des expériences passées. Il y a longtemps, j'avais posté des histoires de longueur à peu près similaire tous les 2 ou 3 jours mais on m'avait remonté que c'était trop rapproché ; du coup j'étais parti ici sur l'idée d'une fois par semaine... Bon c'était dans un cadre pas tout à fait équivalent et mon interprétation était peut-être donc non transposable...  Neutral

Là je m'étais organisé pour rester sur ce rythme (pour ce qui est prévu...) mais je verrais pour accélérer la suite, c'est noté Smile
Répondre
#35
Quelque soit le rythme, je me régale !
Continue !
La lumière n'indique pas le bout du tunnel, c'est la lanterne de celui qui comme toi, cherche à sortir.
Répondre
#36
11. Finvallen

Nos souvenirs sont le revers de nos espoirs.*
Propos attribués à Finvallen, herboriste et guérisseuse

Tous ceux qui avaient assisté au conseil d’Elrond quittaient peu à peu l’immense salle. Seule Finvallen s’était dirigée à l’opposé, vers un espace prolongeant la pièce : une grande terrasse offrait une vue magnifique sur la vallée, où les étoiles brillaient dans un ciel sans lune et sans nuage. Luinelin et Elvellon s’apprêtaient à sortir mais l’Elfe s’éloigna finalement.

Elvellon recula légèrement pour laisser passer ceux qui sortaient et Luinelin rejoignit Finvallen sur la terrasse. La Botaniste aux cheveux d’or regardait vers le nord de la vallée. Elle admirait les étoiles et appréciait le réconfort de leur éclat mais son visage était soucieux. Attendant que son amie prenne la parole, le Lancier resta silencieux plusieurs minutes, observant lui aussi les astres.

— Je ne peux pas y aller…, finit-elle par dire faiblement sans se retourner.

Sa voix était presque transformée par de douloureux souvenirs mais Luinelin ne répondit pas. Elle finit par le regarder dans les yeux et ajouta, presque implorante :

— C’est trop difficile… je n’y arriverai pas.

— Je comprends ce que vous ressentez, répondit-il d’une voix chaleureuse en continuant d’admirer les étoiles. Mais votre expérience est un atout que nul à Imladris ne saurait remplacer. Malgré les épreuves et la douleur, vous avez survécu.

Les traits de Finvallen se crispèrent et elle baissa le regard. Luinelin lui releva doucement la tête pour la regarder dans les yeux à son tour.

— Nous avons beaucoup voyagé ensemble en Eriador et je ne compte plus les rencontres et les aventures que nous avons vécues entre les Ered Luin et les Hithaeglir. Mais… c’était toujours vous qui rêviez de découvrir toutes ces nouvelles terres inconnues. Dois-je vous rappeler qui m’a fait quitter les bibliothèques d’Imladris pour découvrir les merveilles de l’ancien Arnor ? Je suis un érudit, un philosophe, un historien… La guerre m’a appris à manier la lance pour pouvoir aider les peuples libres de la Terre du Milieu mais, au fond de moi, je ne suis ni un voyageur ni un explorateur. Mon savoir peut nous permettre de nous dissimuler du mal qui se terre parmi les ennemis du Nord. J’en connais à ce sujet plus que beaucoup de ceux qui étaient présents à ce Conseil et cela pourra faire la différence entre la vie et la mort… C’est pour cette raison que je dois m’y rendre. Les peuples de l’Eriador ont besoin de moi et je ne les laisserai pas seuls face à cette épreuve. Mais pour m’accompagner il me faut quelqu’un qui connait ces terres…

Il posa ses mains sur ses épaules.

— Vous ne vous êtes pas exprimée à la fin du Conseil. Súlgeleth de Lórinand se rendra au plus vite à Rhosgobel pour ramener les informations dont l’Eriador peut avoir besoin ; Harnedir va apporter les recommandations des Elfes en Arthedain, Gwaeros retournera à Mithlond au plus vite… Les fils d’Elrond se rendront au Rhudaur afin d'identifier tout mouvement inhabituel. Elvellon et moi irons bien vers le nord… Peut-être avez-vous d’autres chemins à fouler, Finvallen, et nul dans la vallée ne portera de jugement… Néanmoins, rares sont les Eldar en mesure de comprendre les maux qui affectent les mortels… Vous devez les aider, au-delà des douloureux souvenirs du nord.

De l’autre côté de la salle, Elvellon avait laissé sortir tous les membres du conseil et était resté devant l’entrée. Il pouvait distinguer les deux Elfes sur la terrasse mais était trop loin pour entendre ce qu’ils se disaient. Les traits de la Botaniste semblaient tendus. Elle avait l’air incroyablement triste et fatiguée. En cet instant, le Borgne reconnut à peine la guérisseuse qui lui avait jadis sauvé un œil. Il entraperçut un autre visage, contrastant grandement avec celui qu’il connaissait, si simple, si jeune et si joyeux. La longue vie des Elfes n’était pas comparable à celles des Hommes et, même s’il avait vécu plusieurs années à Imladris, il se laissait toujours surprendre par l’expérience des Eldar.

Devant le silence de Finvallen, Luinelin continua doucement :

— Si j’avais été à la place des Sages du Conseil et que j’avais eu à envoyer une seule personne pour effectuer cette mission vers le nord, c’est vous que j’aurais choisie. Peut-être est-il temps d’affronter vos démons ?…

La Botaniste n’arrivait pas à se détourner du Lancier. Son visage devint lentement de plus en plus inexpressif mais ses yeux étaient embués de larmes. Luinelin ajouta de sa voix chaude et réconfortante :

— Angmar est un mal qui peut être vaincu. Il le sera, un jour… et il n’aura pas raison de vous.

De loin, Elvellon avait l’impression de voir un grand frère réconforter sa petite sœur. Il n’avait jamais assisté à une relation semblable entre des Premiers-Nés : ils lui paraissaient tous sages, érudits et possédant une volonté inébranlable.

Les deux Elfes se regardèrent un long moment puis Luinelin recula doucement. Il s’inclina légèrement par respect puis tourna les talons sans un bruit, laissant Finvallen seule avec ses pensées. Il repassa sous les arcades de bois sculptés pour parcourir à nouveau la longueur de la salle du Conseil. Il contourna l’immense table de pierre pour rejoindre l’entrée où le Borgne attendait toujours.

Ils quittèrent finalement la salle en silence et se dirigèrent vers les quartiers qui leur avaient été attribués quelques heures auparavant. La nuit était désormais bien avancée et les deux voyageurs devaient absolument se reposer : un long et éprouvant périple vers le nord les attendait. Le Dúnadan ne posât pas de question mais Luinelin répondit tout de même à son interrogation muette :

— Elle viendra.

* Référence IRL : Maurice Chapelan.
Répondre
#37
Une petite tranche de péril aux confins d'Angmar, ça fait du bien après une rude journée !
Répondre
#38
12. Nári

Pas d’art sans création, pas d’art sans émotion.*
Anonyme

Après avoir entendu l’hypothèse intéressante concernant le nom de l’édifice, Baranion regarda Nári :

— Vous pensez donc qu’il s’agit bien de l’ouvrage de votre aïeul ?

Le Nain rit et répondit :

— Je comprends vos doutes : ce n’était qu’un détail qui va dans la bonne direction. Tout cela me conforte dans mon intuition mais vous avez raison : cela ne prouve rien. Rassurez-vous, ce n’était que le début… j’ai pu voir de l’extérieur qu’il y avait plusieurs terrasses accessibles depuis le donjon, n’est-ce pas ?

— Effectivement, répondit Eradan : elles sont situées à différents niveaux et permettent aux sentinelles d’avoir une vue périphérique autour de l’édifice.

— Y en a-t-il une qui est orientée exactement à l’est ?

— Oui… Tout à fait. C’est l’une des plus hautes : on y accède depuis le quatrième niveau.

— Pouvons-nous la voir ?

Eradan répondit d’un signe de tête et invita le Nain et Baranion à le suivre dans l’escalier au cœur de la tour. Après avoir monté de nombreuses marches, ils arrivèrent dans une vaste salle au centre de laquelle trônait une table ronde en pierre. De nombreux ornements étaient visibles sur la voûte en ogive. Le mobilier était succinct et un feu de cheminée diffusait une chaleur agréable.

Eradan proposa ensuite au Nain de passer sur une grande terrasse où trois sentinelles étaient continuellement de faction pour scruter l’horizon. Les deux Dúnedain lui emboîtèrent le pas. Les cinq Hommes regardèrent alors le Nain observer le moindre recoin d’architecture de la terrasse battue par les vents. Il admira d’un œil de connaisseur les pierres qui dallaient le sol puis se concentra sur les colonnes aux formes géométriques formant le parapet. Tout en effectuant ses observations, Nári expliqua rapidement :

— Ma communauté se trouve sur un flanc de montagne principalement orienté à l’est. Les ouvertures vers le soleil levant sont d’une grande importance symbolique pour mon peuple.

Il fit le tour de l’esplanade puis finit par s’accroupir devant une ouverture précise de la rambarde de pierre. Il invita les soldats à venir près de lui. Une sentinelle resta en poste vers l’orient mais les quatre autres Hommes s’approchèrent, intrigués par son assurance.

Comme sur l’ensemble de la tour, les surfaces verticales s’étaient habillées d’une fine couche de neige immaculée. Nári frotta la pierre non loin du sol pour révéler les bas-reliefs sculptés. Baranion et Eradan repensaient aux propos du Nain et ils comprirent en voyant la pierre nue que les bas-reliefs étaient moins visibles et moins marqués que lorsque la neige les recouvrait. La lumière jouait d’une façon étonnante sur la couche de flocons et donnait toute leur magie aux surfaces de pierre travaillées : il leur semblait maintenant évident qu’elles avaient été taillées dans le but d’accueillir la neige. La surface verticale des pierres n’était en fait que le support caché de fresques éphémères que seul l’hiver pouvait habiller d’une magie blanche et brillante. La neige et les vents n’étaient jamais exactement les mêmes et les formes qui se dessinaient sur les bas-reliefs étaient tout aussi uniques.

Tout comme il l’avait fait en expliquant les origines du nom de l’édifice, le Nain sourit largement aux Dúnedain qui l’entouraient. Ils étaient assez émus par les révélations silencieuses, et plutôt impressionnés par ces informations chargées d’histoire. Aucun d’entre eux n’avait jamais vraiment prêté attention à ces détails : cette forteresse était aujourd’hui un poste de garde, un lieu dont les occupants se devaient de rester vigilants et d’avoir leur esprit constamment tourné vers les armes. Si une guerre contre l’Angmar devait éclater, chacun savait que la garnison de Minas Uilos serait en première ligne. Il n’y avait hélas guère de temps pour profiter de considérations artistiques.

Malgré le froid ambiant, l’art du peuple de Nári amena comme une vague de chaleur sur le visage des Hommes qui répondirent à leur tour en lui souriant. Les soldats d’Arthedain savaient que les Nains étaient d’excellents tailleurs de pierre et des architectes de génie, mais peu les imaginaient comme des artistes subtils.

Nári avait réussi à capter l’attention des soldats. Il leva brusquement la main en portant son regard vers un autre endroit du parapet de pierre, manifestement pour passer à l’étape suivante de sa démonstration. Malgré sa barbe touffue, son franc sourire était toujours largement visible et, à nouveau sans dire un mot, il rapprocha sa main de la colonne de pierre. Il toucha la neige qui recouvrait la roche, plus près du sol cette fois-ci. La surface verticale ne présentait aucun relief ou dessin particulier. Sous les légers frottements de Nári, la neige glissa pour révéler peu à peu la pierre bleutée. De fines rainures verticales et obliques retenaient encore un peu de neige : une écriture blanche commença à se découper doucement sur la surface foncée de la pierre : des runes naines apparurent peu à peu sous les larges doigts du nain qui caressait la surface avec une douceur étonnante.

Il se redressa en prenant son temps et s’inclina avec respect devant Baranion et Eradan, puis commenta d’une voix grave et solennelle :

— Voici la signature de ma lignée. Ces pierres proviennent des carrières du nord des Ered Luin qui sont toujours exploitées par ma communauté. Il n’y a désormais plus aucun doute possible : ce sont bien mes ancêtres qui ont bâti cette forteresse.

En silence, les Dúnedain se relevèrent à leur tour. En un sens, les Hommes prenaient conscience d’une force insoupçonnée de cette citadelle : ce n’était finalement pas une simple tour de guet comme les descendants du Royaume d’Arnor en avaient construites de nombreuses depuis l’arrivée du Roi-Sorcier. La science des Hommes de l’Occidentale n’avait pas totalement disparue mais les majestueux édifices érigés pendant les premiers siècles après la submersion de Númenor étaient des héritages du passé : l’Arthedain avait depuis longtemps oublié les techniques de l’époque.

Minas Uilos était une forteresse que les Nains avaient créée pour les Dúnedain. Son histoire était celle d’une alliance entre les peuples, d’une amitié aujourd’hui lointaine. Les Hommes se regardèrent, le cœur rasséréné. Baranion et Eradan gardèrent le silence, tandis que les sentinelles reprirent leur tâche avec une énergie renouvelée. De telles histoires étaient importantes pour garder l’espoir : les Hommes en avaient désormais si peu…

Lexique***

Occidentale, l’ : Traduction de Númenor en langage courant.

* Référence IRL : Jean Yves.
*** Seules les entrées non mentionnées précédemment sont listées ici. Elles ne contiennent que des informations succinctes et nécessaires au récit (ainsi que les significations dans les langues inventées, avec S. pour sindarin, N. pour noldorin, Q. pour quenya, K. pour khuzdul). Les termes et informations en italique ou sans lien vers l’encyclopédie sont non-canoniques. Si la description d’une entrée du lexique mentionne elle-même un nouveau terme absent du lexique, ce dernier n’est pas ajouté. Les termes apparaissant dans les épigraphes et les titres ne sont pas listés.
Répondre
#39
Bravo, c'est très beau ! La tour de garde est un peu la métaphore des Dunedain.
Répondre
#40
13. Pinnath Gelaidh

Le plus difficile n’est pas de vaincre sa peur mais de l’affronter.
Propos attribués à Elrond le Semi-Elfe

Elvellon, Finvallen et Luinelin avaient continué d’avancer dans ces terres sombres de nombreuses heures après le coucher du soleil mais leurs chevaux étaient exténués.  Après avoir trouvé un petit vallon suffisamment abrité du vent pour accueillir un feu revigorant, les trois cavaliers mirent pied à terre. S’ils étaient fatigués après ces deux interminables journées de chevauchée, leurs montures l’étaient bien davantage.

Les étendues qu’ils traversaient étaient une succession de collines accidentées et lugubres, irrégulièrement disséminées. De nombreux arbres à feuilles persistantes semblaient ramassés sur eux-mêmes. Un vent glacé gémissait parmi la bruyère mais l’herbe semblait trop fatiguée pour réagir à son passage. Le relief des collines escarpées se faisait heureusement de moins en moins agressif au fur et à mesure qu’ils progressaient vers le nord-ouest. L’hiver précoce offrait des températures peu confortables mais les nombreux cours d’eau qui serpentaient dans ces terres étaient moins dangereux : les voyageurs pouvaient se permettre de franchir les rivières facilement en de nombreux endroits sans craindre d’être emportés par le courant.

Les deux Elfes avaient souvent voyagé dans ses terres mais, depuis la Bataille d’Amon Sûl, le Rhudaur n’était plus le même qu’autrefois. Si la région n’était pas particulièrement propice à des déplacements rapides, les reliefs et la végétation permettaient de la traverser assez facilement sans se faire remarquer. D’épaisses nappes de brumes voilaient ces terres une grande partie de l’année. La Botaniste connaissait bien des chemins cachés et les chevaux de la Maison d’Elrond permettaient au petit groupe de progresser beaucoup plus vite que lors du trajet de Tharbad à Imladris.

La partie la plus compliquée de leur périple serait bientôt derrière eux : la rivière Mitheithel serait franchie dès le lendemain et les Terres Désertes qui accueilleraient les voyageurs par la suite seraient plus faciles à traverser.

Luinelin resta quelques minutes avec les chevaux afin de les remercier pour l’aide inestimable qu’ils leur apportaient. Elvellon cassa quelques branches mortes et les posa doucement dans le feu qui crépitait entre lui et le Lancier. Finvallen s’était écartée du groupe pour chantonner doucement à quelques dizaines de mètres de là. Le Borgne avait l’habitude d’une autre compagne de voyage, toujours prompte à chanter pour ses compagnons et à rasséréner les cœurs endoloris. Il se rendit compte qu’il ne l’avait pas vue sourire une seule fois depuis leur départ de Fendeval et ses yeux bleus n’étaient pas aussi brillants que d’habitude. Elle s’était entretenue avec Maître Elrond avant leur départ et il supposait que les paroles du Semi-Elfe lui avaient apporté quelque réconfort.

Elvellon et Luinelin se rapprochèrent du petit feu dont les flammes commençaient à se faire plus vives. Luinelin regarda rapidement leur compagne mais elle avait manifestement besoin de solitude et elle les rejoindrait plus tard. Il tendit à son compagnon de voyage une outre de boisson revigorante et l’invita à s’asseoir pour se réchauffer. Elvellon connaissait pourtant la Botaniste depuis bien longtemps mais il oubliait facilement que le passé d’un Elfe ne pouvait se comparer à celui d’un Homme : même si l’âge des Eldar pouvait parfois se deviner dans leurs yeux, il était impossible d’appréhender l’ampleur de ce qu’ils avaient pu traverser, en bonheur ou en douleur. Le Dúnadan ne se souvenait pas avoir parlé de l’Angmar avec Finvallen et ne s’était par conséquent jamais douté qu’elle gardait des souvenirs douloureux de ce royaume. Il but une gorgée et apprécia le goût du miruvor.

— Que lui est-il arrivé ? demanda-t-il à Luinelin en lui rendant l’outre.

L’Elfe ne répondit pas tout de suite. Après quelques instants de réflexion, il finit par le regarder avec gravité et dit :

— Finvallen a jadis accompagné des éclaireurs d’Arthedain vers le plateau d’Angmar. C’était il y a bien longtemps d’après le regard des Hommes. Le Mal du Nord n’était pas connu et le domaine qu’il allait occuper n’était pas non plus identifié. À cette époque, le roi Malvegil commençait tout juste à s’interroger sur les inquiétants mouvements qu’il avait récemment identifiés dans les régions septentrionales de l’Eriador, des terres autrefois désertes. Les Elfes et les Dúnedain ne savaient alors rien de l’Ombre qui prenait lentement consistance au nord de leurs frontières. Finvallen avait déjà voyagé là-bas à plusieurs reprises, lorsque la nature sauvage était la seule voix que les Elfes pouvaient y entendre.

L’Elfe jeta un œil vers leur compagne qui continuait de fredonner un air mélancolique qu’ils entendaient à peine.

— Finvallen a toujours été prompte à aider les peuples, parfois sans même peser les conséquences que cela pourrait avoir pour elle. Je pense que vous la connaissez suffisamment pour le savoir… Elle a donc accepté d’aider les Dúnedain et de les guider vers ces terres nordiques. Elle mena un groupe d’éclaireurs envoyé par le Roi d’Arthedain, qui souhaitait se renseigner sur un éventuel danger menaçant ses frontières. Comme Finvallen s’y était déjà rendue plusieurs fois, ses connaissances du terrain étaient très utiles…

Elvellon écoutait sans intervenir. Ces événements avaient dû avoir lieu plus de trois cents ans auparavant. L’Elfe utilisa une branche pour bouger les petites bûches et de grandes flammes dorées apparurent.

— Hélas, son groupe a été attaqué par les forces de celui qui serait plus tard connu sous le nom du Roi-Sorcier. Les survivants furent capturés puis enfermés dans les geôles de la citadelle qui ne s’appelait pas encore Carn Dûm. Finvallen y a passé de nombreux hivers et fut peut-être la seule à survivre aux conditions de détention. Elle put finalement s’échapper par miracle mais dû se terrer plusieurs années sur le plateau d’Angmar avant d’avoir une opportunité lui permettant de rejoindre le sud : les frontières étaient devenues très bien gardées par des forces anormalement bien organisées. Entre temps, les Elfes et les Dúnedain avaient bien sûr compris qu’une nouvelle puissance devait être prise en compte en Eriador et les Hommes avaient commencé à organiser des lignes de défense au nord de l’Arthedain et du Rhudaur. Quand la Botaniste revint de ses longues années d’emprisonnement et de traque, elle portait des stigmates qui ne partiront peut-être jamais plus.

Le vent s’était tut. Les deux voyageurs regardaient les petites flammes danser timidement devant eux. Elvellon avait miraculeusement réussi à trouver du bois sec qui crépitait abondamment. Le son très léger de la voix de Finvallen s’entendait à peine et Luinelin conclut son histoire :

— Ce fut finalement grâce à elle que les Elfes et les Dúnedain apprirent les premières informations précises sur la véritable force qui se levait au nord : son organisation, sa structure et ses ressources…

Carte**

[Image: Morgael---Carte---Partie-1---Post-13-202...gnette.jpg]

Lexique***

Malvegil : Sixième Roi d’Arthedain. Il était roi lorsque l’Angmar s’installa au nord. (S. « Épée d’Or » (?))
Miruvor : Liqueur revigorante réalisée par les elfes d’Imladris. (S. « Jus Précieux » (?))

** Toutes les informations mentionnées depuis le début du récit apparaissent sur la carte.
*** Seules les entrées non mentionnées précédemment sont listées ici. Elles ne contiennent que des informations succinctes et nécessaires au récit (ainsi que les significations dans les langues inventées, avec S. pour sindarin, N. pour noldorin, Q. pour quenya, K. pour khuzdul). Les termes et informations en italique ou sans lien vers l’encyclopédie sont non-canoniques. Si la description d’une entrée du lexique mentionne elle-même un nouveau terme absent du lexique, ce dernier n’est pas ajouté. Les termes apparaissant dans les épigraphes et les titres ne sont pas listés.
Répondre
#41
De bien belles descriptions ! Si tous mes joueurs étaient aussi patients...
Répondre
#42
14. Ethir

Le poste d’éclaireur est le plus important que puisse exercer un soldat. C’est hélas le plus ingrat et souvent le plus dangereux.
Propos attribué à Baranion le Vétéran

Deux jours s’étaient écoulés depuis l’arrivée de Nári et Baranion à Minas Uilos et le Nain avait inspecté la forteresse en commençant par les niveaux souterrains. Eradan lui avait donné accès à l’ensemble de l’édifice et il montait peu à peu dans les étages en noircissant des pages de notes et de schémas. Il avait fini par arriver dans les plus hautes salles et continuait ses observations en faisant bien attention à ne pas gêner la garnison.

Sans s’occuper de lui, Baranion et Eradan se retrouvèrent dans la salle donnant sur la terrasse orientale – là où le Nain avait réussi à les convaincre des origines de la forteresse. Le Vétéran avait eu le temps de se reposer et il dit finalement à son fils :

— Quand nous sommes arrivés, tu avais sous-entendu qu’un problème concernant l’Angmar te tracassait mais tu n’as toujours pas expliqué de quoi il s’agissait.

Le visage d’Eradan devint grave. Il jeta rapidement un œil vers le Nain qui prenait des notes à quelques pas et répondit :

— Votre expérience à Minas Uilos est un atout et votre avis pourrait nous aider à prendre les bonnes décisions. Mais c’est au Vétéran des armées d’Arthedain que je m’adresse : ces affaires concernent le Royaume.

Il regarda ensuite son père dans les yeux, certain d’avoir fait passer le message désiré. Le Vétéran regarda discrètement le Nain, concentré sur son travail d’analyse et de prise de notes. Pendant quelques instants, Baranion sembla jauger celui qui l’avait accompagné ici depuis la capitale, puis il répondit à son fils :

— Cela concerne le royaume d’Arthedain mais je pense que ces informations inquiétantes concernent l’Angmar en tant qu’ennemi des Peuples Libres. Il n’y a point d’allié du Roi-Sorcier ici et les ancêtres de Nári ont autrefois aidé notre famille, comme il nous l’a clairement démontré. Parle sans crainte, mon fils, un avis extérieur pourrait également se révéler utile.

Le Nain releva les yeux à la mention de son nom et du ton de Baranion. Ne comprenant pas vraiment pourquoi on l’avait cité, il posa son instrument de mesure et se tourna vers les Dúnedain.

— Très bien, répondit Eradan à son père.

Il regarda brièvement Nári puis revint sur Baranion et ajouta :

— Nos derniers éclaireurs ne sont pas revenus.

Sa voix était claire et ses propos tranchants. Il s’agissait d’un fait et Nári se doutait que des soldats habitués à vivre aussi près des frontières de l’Ennemi ne s’embarrassaient pas d’adjectifs inutiles. Baranion réfléchissait aux implications que soulevait cette information et le Nain pouvait lire l’inquiétude sur le visage des deux hommes. Comme il ne savait pas trop de quoi il s’agissait et que son avis avait presque été sollicité, il se permit de rompre le silence lugubre :

— Les parcours qu’effectuent vos éclaireurs sont-ils susceptibles de changer en fonction des aléas climatiques ?

Les deux Hommes le regardèrent, intrigués. Nári fixa Baranion et reprit :

— Vous m’avez dit pendant notre voyage qu’il fait anormalement froid en ce début d’hiver. Se peut-il qu’ils se soient laissés surprendre par un climat plus sévère qu’à l’accoutumée ? Jusqu’où les emmènent habituellement leurs patrouilles ? interrogea-t-il en regardant cette fois-ci Eradan.

Le fils ne répondit pas immédiatement et c’est le père qui prit la parole :

— Nos éclaireurs partent pour plusieurs jours, selon différents itinéraires qui les rapprochent plus ou moins de certains avant-postes d’Angmar. Ces itinéraires leur sont toujours parfaitement connus. Les patrouilles sont effectuées irrégulièrement afin de ne pas permettre à l’Ennemi d’anticiper nos mouvements. Il est ainsi extrêmement rare que nos hommes se fassent surprendre…

Baranion regarda son fils et Eradan acquiesça devant les explications. Il compléta à son tour en s’adressant au Nain :

— Quatre de mes hommes sont partis depuis bientôt quinze jours. Leur parcours devait les mener près d’un fort d’Angmar appelé Morkai. Ils connaissent parfaitement cet itinéraire et pourraient presque le suivre les yeux fermés…

— Mais l’hiver est particulièrement froid, ajouta Nári. Et la neige plus présente, n’est-ce pas ?

— Effectivement.

— Existe-t-il des raisons pouvant entraîner un retard sur un itinéraire, même parfaitement maîtrisé ? continua d’interroger le Nain.

— Bien sûr, répondit Eradan. Nous sommes conscients que des imprévus peuvent provoquer un retard, et celui-ci est estimé en fonction de différents facteurs, comme le parcours ou la saison. En l’occurrence, cet itinéraire est généralement effectué en onze jours et, même au cœur de l’hiver, quinze jours maximum sont nécessaires.

— La mission des éclaireurs n’est donc pas terminée et ils peuvent encore revenir, constata Baranion.

— Si nous étions au milieu de l’hiver, oui, répondit Eradan. C’est parce que cette éventualité existe que je ne vous ai pas mentionné ce problème dès votre arrivée : nous sommes toujours dans la quinzième journée de leur mission mais ils n’ont plus que quelques heures pour revenir. Un tel retard arrive cependant très rarement et je préfère envisager les différentes possibilités… et commencer à anticiper le pire.

— Effectivement ce n’est arrivé qu’une poignée de fois pendant les longues décennies où j’ai été en poste à Minas Uilos, confirma Baranion en regardant Nári.

— Qu’est-il prévu de faire s’ils ne reviennent pas pendant ce délai ? demanda le Nain.

— La position stratégique de Minas Uilos est cruciale dans la défense du royaume, reprit Eradan, et l’armée d’Arthedain est organisée. Une telle situation est prévue et, si elle doit se produire, elle déclenchera un certain nombre d’actions, comme l’envoi de messagers à Fornost et d’éclaireurs selon des itinéraires de substitution.

— Tes yeux trahissent des craintes qui vont au-delà de ces procédures, intervint Baranion.

— Je le confesse, Père. Et j’ajouterais que je vois votre arrivée comme un étrange hasard : elle me conforte dans cette intuition…

Des bruits de pas provenant de la terrasse orientale se firent entendre. Une sentinelle passa finalement la tête dans la salle et annonça d’une voix claire :

— Eradan, venez voir !

Eradan et Baranion sortirent sur la terrasse et s’approchèrent du parapet pour regarder le panorama scruté par les sentinelles. Quelques rares collines douces venaient perturber un paysage majoritairement plat. Il s’agissait des premières étendues de toundra qui s’étendaient loin vers le nord : peu d’arbustes y poussaient et aucun arbre. L’herbe était elle-même clairsemée et ne montrait ses couleurs vives que pendant une poignée de semaines au début du printemps. Pendant l’hiver n’apparaissait guère qu’une terre glacée et nue. La neige recouvrait la majorité de cette région et seules quelques rares étendues brunes mouchetaient ce paysage immaculé.

La vigie pointa la direction du sud-est. Le père et le fils plissèrent les yeux pour discerner les formes qu’il montrait. Des chevaux s’approchaient, maintenant l’allure d’un trot franc et rapide.

— Trois cavaliers, dit la sentinelle.

— Des Elfes ? dit Eradan étonné.

— Et ils sont pressés, ajouta Baranion. Cela ne m’inspire guère confiance : ils ne doivent pas être annonciateurs de bonnes nouvelles…

Carte**

[Image: Morgael---Carte---Partie-1---Post-14-202...gnette.jpg]

Lexique***

Morkai : Fort d’Angmar. Des éclaireurs de Minas Uilos devant s’en approcher ne sont pas revenus.

** Toutes les informations mentionnées depuis le début du récit apparaissent sur la carte.
*** Seules les entrées non mentionnées précédemment sont listées ici. Elles ne contiennent que des informations succinctes et nécessaires au récit (ainsi que les significations dans les langues inventées, avec S. pour sindarin, N. pour noldorin, Q. pour quenya, K. pour khuzdul). Les termes et informations en italique ou sans lien vers l’encyclopédie sont non-canoniques. Si la description d’une entrée du lexique mentionne elle-même un nouveau terme absent du lexique, ce dernier n’est pas ajouté. Les termes apparaissant dans les épigraphes et les titres ne sont pas listés.
Répondre
#43
J'ai espionné Morkaï bien des fois. Y pénétrer me fut fatal...
Répondre
#44
Ah oui tu as même la référence, excellent ! Cool
Répondre
#45
15. Aderthad

Nous travaillerons ensemble pour soutenir le courage là où il y a la peur et donner l’espoir là où règne le désespoir.*
Enargior, Maitre Historien de Minas Ithil

Les dirigeants de l’Arthedain avaient toujours entretenu des rapports étroits avec les Elfes de la Dernière Maison Hospitalière. Un Homme borgne se trouvait cette fois-ci parmi les trois émissaires et, même s’il n’avait pas la majesté du Vétéran de Minas Uilos, il ne faisait aucun doute qu’il portait en lui l’héritage de Númenor.

Les envoyés de Fendeval avaient été accueillis avec les honneurs dans la haute salle de Minas Uilos. Baranion le Vétéran s’y trouvait alors, avec son fils Eradan et deux soldats d’Arthedain. Concentré sur les différentes sculptures des voûtes, Nári le Nain prenait des notes à l’autre bout de la salle.

La situation était manifestement grave puisque les cavaliers n’avaient pas pris le temps de se reposer et avaient immédiatement échangé les informations les plus urgentes. Tous avaient entendu les raisons de leur venue et les craintes des Elfes : tout d’abord la peste venue à Tharbad depuis le Gondor, puis les interrogations concernant l’Angmar. Un lien entre la maladie et le Roi-Sorcier était-il possible ? À défaut, la peste lui offrirait-elle une opportunité pour profiter de la faiblesse de l’Eriador ? Baranion avait appris aux trois cavaliers le retard inquiétant des éclaireurs, et Eradan avait précisé qu’une telle situation n’était pas arrivée depuis de très nombreuses années.

Ils s’étaient accordés un moment de réflexion pour assimiler toutes ces informations. Eradan et Baranion s’étaient légèrement écartés des émissaires et chacun réfléchissait aux possibles implications. Baranion ne croyait pas aux coïncidences et tous ces événements mis bout à bout ne pouvaient aboutir qu’à de bien inquiétantes conclusions.

Une carte de l’Eriador était étendue sur la table centrale, autour de laquelle se trouvaient les trois cavaliers d’Imladris. Luinelin posa sa main entre les deux larges fourches montagneuses qui marquaient le début de la partie septentrionale des Montagnes de Brume. Il regarda ses deux compagnons de voyage et annonça finalement :

— Nous voici arrivés au bout des informations connues des Elfes et des Dúnedain. Il n’y a désormais plus que sur les terres de l’Angmar que nous pourrons obtenir les réponses aux interrogations soulevées par les Sages. Nous devons nous y rendre : il faudra faire preuve de la plus extrême prudence…

Un silence lourd s’instaura dans la petite pièce. Le Borgne inspira et bougea légèrement la tête vers le Lancier pour confirmer qu’il approuvait sa décision. Le visage de la Botaniste était quant à lui dépourvu d’expression : elle fixait la carte et les chaînes de montagnes qui entouraient la main fine de Luinelin… les pics tracés sur le parchemin ressemblaient aux crocs d’une mâchoire qui serait prête à se refermer sur elle. Le Lancier retira finalement sa main et conclut sa proposition par la plus simple des explications :

— Nous avons quitté Imladris avec un seul objectif : trouver ces informations sur l’Angmar, indispensables pour aider les peuples d’Eriador.

La Botaniste posa à son tour ses mains sur la table de pierre, résignée. Elle baissa la tête en fermant les yeux et son visage disparut entre les mèches blondes. Son silence indiquait qu’elle approuvait également le raisonnement du Lancier. La bouche du Borgne était sèche et il déglutit avec peine : il estimait être un voyageur aguerri mais ce périple serait plus éprouvant et plus dangereux que tout ce qu’il avait entrepris par le passé.

Baranion était resté en retrait avec son fils et les deux soldats portant les armes de l’Arthedain. Le Vétéran prit finalement la parole et annonça à son fils et ses lieutenants d’une voix claire et habituée à l’autorité :

— Envoyez deux messagers vers les avant-postes frontaliers situés de chaque côté de Minas Uilos. Un troisième soldat prendra le cheval le plus rapide et devra se rendre à Fornost Erain immédiatement. Il faut tenir le roi au courant de la situation : la peste au sud, la disparition de nos éclaireurs, les inquiétudes des Sages… La potentielle menace du Roi-Sorcier doit être prise en compte sans délai. Demandez des renforts : les effectifs de Minas Uilos doivent être décuplés au plus vite. Les autres avant-postes doivent également recevoir des renforts. Si nous ne savons pour l’instant rien de ce qui peut se tramer chez l’Ennemi, il nous faut envisager le pire.

Il demanda aussi à consulter les cartes à grande échelle les plus récentes, signalant les reliefs et les positions des places-fortes de l’Angmar. Les Hommes s’engouffrèrent dans l’escalier en colimaçon qui descendait vers les étages inférieurs pour accéder à ses demandes.

Baranion rejoignit alors le groupe envoyé par Fendeval : il s’appuya à son tour sur la lourde table et s’adressa à Luinelin :

— J’ai longuement servi dans cette forteresse qui appartenait jadis à ma famille, dit-il en jetant un rapide coup d’œil au Nain qui travaillait à l’autre bout de la pièce. Les Dúnedain ont compilé de nombreuses informations sur l’organisation du Roi-Sorcier et rares sont ceux qui en connaissent autant que moi à ce sujet.

Il regarda tour à tour le Lancier, puis le Borgne, et enfin la Botaniste.

— Je vous accompagnerai, conclut-il.

Un bruit de bottes résonna dans les escaliers et Eradan entra dans la pièce avec plusieurs parchemins. Il les posa sur la table et Baranion en regarda plusieurs tour à tour, jusqu’à finalement dérouler une carte à plus grande échelle représentant les territoires qu’il cherchait. Il cala les coins du parchemin avec des pierres blanches.

Toutes les informations concernant les frontières entre l’Angmar et l’Arthedain y figuraient. Le Vétéran montra l’emplacement de Minas Uilos, puis déplaça sa main en écartant les doigts pour passer sur l’espace légendé « En Udanoriath » qui englobait une grande partie de la surface de la carte. Il expliqua brièvement le fonctionnement des forces du Roi-Sorcier dans cette zone que ni l’Arthedain ni l’Angmar n’occupaient vraiment. Les défenses de l’Ennemi étaient situées sur une ligne imaginaire qui allait de Carn Dûm au Nord au Mont Gram au sud. Parmi celles-ci se trouvaient les forts identifiés de Shedûn, Kuska ou encore Morkai, la destination initiale des éclaireurs disparus.

Ces informations seraient très utiles pour approcher des terres de l’Ennemi : les connaissances du Vétéran allaient être un atout pour la mission des envoyés d’Imladris. Le Borgne regarda le Lancier et le Vétéran puis annonça :

— J’ai l’habitude de voyager dans la nature sauvage, en été comme en hiver et il m’est possible d’approcher une place-forte sans être vu, de nuit comme de jour. Je sais me dissimuler dans le froid ou sous une pluie torrentielle mais je ne me suis jamais rendu dans ces terres nordiques… Je n’ai pas l’habitude d’évoluer sous des latitudes aussi élevées : le vent et la neige que l’on rencontre à la lisière des montagnes sont loin de m’être familiers.

Luinelin regarda leur compagne aux cheveux d’or :

— Mais quelqu’un parmi nous y a déjà été…

— Nous sommes entrés dans un hiver froid, commenta Finvallen en écoutant le vent qui sifflait à l’extérieur, un hiver comme l’Eriador n’en a jamais connu. Aucun de nous ne peut donc prétendre approcher l’Angmar facilement : si je me suis déjà rendue là où vous estimez que doit aboutir notre périple, je n’ai pas connu ces lieux lors de saisons aussi sévères.

La remarque était sensée et rien n’était à négliger. Luinelin et Elvellon revinrent sur la carte, songeurs. À nouveau, Baranion avait assisté aux échanges sans intervenir. Tandis que les messagers d’Imladris réfléchissaient à une solution, le Vétéran regarda Nári avec davantage d’attention. Les trois envoyés du Conseil suivirent peu à peu son regard et fixèrent le Nain avec étonnement. Celui-ci était resté particulièrement silencieux depuis leur venue mais il regardait maintenant Baranion d’un œil plutôt mauvais, comme s’il l’encourageait à ne pas continuer son raisonnement. Le Vétéran d’Arthedain n’écouta cependant pas la mise en garde silencieuse et annonça avec assurance :

— S’il faut un expert de l’hiver et des latitudes nordiques, j’en connais justement un… Et il se trouve que ce Montagnard me doit une faveur…

Carte**

[Image: Morgael---Carte---Partie-1---Post-15-202...gnette.jpg]

Lexique***

En Udanoriath : Territoire inhabité situé entre le plateau d’Angmar et les frontières de l’Arthedain. (S. « Pays sans homme »)
Gram, mont : Mont le plus oriental de la chaîne de montagne qui marque la frontière sud de l’Angmar.
Kuska : Fort d’Angmar.
Shedûn : Fort d’Angmar.

* Référence IRL : Nelson Mandela.
** Toutes les informations mentionnées depuis le début du récit apparaissent sur la carte.
*** Seules les entrées non mentionnées précédemment sont listées ici. Elles ne contiennent que des informations succinctes et nécessaires au récit (ainsi que les significations dans les langues inventées, avec S. pour sindarin, N. pour noldorin, Q. pour quenya, K. pour khuzdul). Les termes et informations en italique ou sans lien vers l’encyclopédie sont non-canoniques. Si la description d’une entrée du lexique mentionne elle-même un nouveau terme absent du lexique, ce dernier n’est pas ajouté. Les termes apparaissant dans les épigraphes et les titres ne sont pas listés.
Répondre
#46
Ah ! Le montagnard a trouvé sa place, à l'insu de son plein gré...
Répondre
#47
16. Angmar

La pire décision de toutes est celle que l’on n’a pas prise.*
Anonyme

Le Nain regardait l’environnement et ne pouvait cacher son inquiétude :

— Je connais bien les montagnes et la neige mais on sent ici une odeur malsaine bien différente de l’air pur des hauteurs des Montagnes Bleues. Il fait peut-être moins froid que dans les étendues du Forochel mais je donnerais beaucoup pour être là-bas plutôt qu’ici !

Les Cinq Compagnons avaient quitté Minas Uilos neuf jours auparavant. Ils s’étaient déplacés sous le soleil pendant les trois premiers jours mais avaient ensuite voyagé de nuit. Des Hommes et des Orques constituaient les forces de l’Angmar et les agents de l’Ennemi pouvaient voir de jour comme de nuit. Les informations de l’Arthedain rapportaient que les places-fortes situées le long de la ligne séparant le plateau d’Angmar du reste de l’Eriador étaient occupées par des Hommes. Finvallen avait confirmé que les Orques étaient autrefois uniquement présents dans des galeries situées aux alentours de Carn Dûm et du Mont Gram. Passé la moitié de l’En Udanoriath, il devenait moins dangereux de se déplacer de nuit que de jour. Le groupe avait donc suivi les conseils du Vétéran d’Arthedain et la troisième journée de marche sous le soleil avait été suivie par une première nuit de déplacement sous les étoiles. Les voyageurs se reposaient dans des anfractuosités naturelles de l’En Udanoriath lorsque l’astre du jour illuminait le paysage.

Malgré la réticence initiale du Nain à accompagner le groupe, il n’avait émis aucune objection à la demande du Vétéran : sa parole avait été donnée quelques jours plus tôt et il avait donc répondu à son appel. Nári n’avait désormais rien à voir avec le voyageur qui était arrivé à Fornost. Bien des facettes du Nain s’étaient déjà dévoilées depuis leur arrivée à Minas Uilos, et le Dúnadan se rendait à présent compte qu’il était un maître dans la compréhension de la nature nordique : le Montagnard était attentif au vent, à la neige et au moindre aspect des étranges terres désolées qu’ils traversaient. Seule la Botaniste aurait pu être aussi réceptive à l’environnement sauvage mais son visage s’était fermé au fur et à mesure que les Cinq Compagnons approchaient des places-fortes d’Angmar. Nári semblait presque communiquer avec une nature hostile et il avait mené le groupe pendant une grande partie de leur voyage ; il avait organisé les haltes et les itinéraires de substitution, profitant de leur environnement pour s’approcher sans être vus.

Le groupe se déplaçait désormais sous la lune gibbeuse descendante mais ces terres nordiques restaient relativement claires grâce à la myriade d’étoiles qui constellait l’immensité de la voûte céleste. La neige éclatante qui recouvrait l’En Udanoriath était brillante et permettait de distinguer les reliefs, même aux yeux des Hommes.

Il fallait multiplier les précautions et la Compagnie avançait lentement dans ces terres dangereuses. Ils étaient finalement arrivés en vue de la forteresse de Morkai sans trouver la moindre trace des éclaireurs de Minas Uilos. Baranion pensait qu’ils avaient pu mourir de froid ou bien lors d’une embuscade… leurs corps ne seraient probablement retrouvés qu’à l’été prochain.

Le fort de Morkai était occupé mais Baranion estimait son activité moins importante que d’ordinaire. La question s’était posée d’abandonner leur périple pour ramener cette information à Minas Uilos mais, après réflexion, les Cinq Compagnons avaient estimé préférable de poursuivre vers le nord afin d’en apprendre davantage : si Morkai avait été en partie déserté, cela pouvait aussi signifier que l’Ennemi était en difficulté. Finvallen avait expliqué qu’il était possible d’avancer de nuit à l’orée du plateau d’Angmar en bénéficiant de protections naturelles : les reliefs enneigés permettaient en effet aux voyageurs de se dissimuler facilement.

Elvellon était moins spécialisé que ses compagnons de voyage mais était un touche-à-tout qui pouvait suivre et comprendre les choix de ses quatre compagnons. Baranion apportait un savoir théorique parfait sur l’organisation de l’ennemi et connaissait les meilleurs itinéraires d’approche. S’aventurer sur ces terres maudites était extrêmement dangereux : les patrouilles des Dúnedain ne montaient jamais aussi loin au nord et, plus les Compagnons s’en approchaient, plus ils risquaient de tomber dans une embuscade… Finvallen apportait des informations totalement inconnues de Baranion car elle avait autrefois franchi ces terres en se cachant des agents du Roi-Sorcier. Elle avait même connu des territoires situés bien au-delà de la ligne de défense d’Angmar qui s’étendait de Carn Dûm à Gram : ses liens avec la nature lui conféraient une vision qui complétait parfaitement les connaissances du Vétéran.

Depuis qu’ils avaient laissé Morkai derrière eux, la responsabilité des haltes et des itinéraires avait été prise par Luinelin, malgré les recommandations de Nári. Le ton était monté plusieurs fois entre l’Elfe et le Nain mais Elvellon avait réussi à clarifier la situation. Les connaissances du Nain permettait au groupe d’échapper aux dangers que le froid et la neige dressaient devant eux, mais l’Elfe avait étudié les artifices de l’Ennemi pendant plusieurs vies d’Homme : Luinelin savait comment éviter d’attirer l’attention de ses séides. Étant donné la situation des Cinq Compagnons, l’Ennemi était plus dangereux que l’hiver. En dépis des frictions entre Luinelin et Nári, les voyageurs avaient avancé lentement mais sûrement vers le nord à partir de Morkai. La dénivellation s’accentuait et ils étaient accablés par leur mission : à la fatigue du voyage s’ajoutaient la responsabilité de trouver des réponses pour aider l’Eriador, ainsi que la crainte d’être découvert par les forces du Roi-Sorcier…

Pendant leur long périple, la neige n’avait laissé la place qu’à davantage de neige. La monotonie du paysage se composait d’un décor de bleu et de blanc que la nuit habillait de bleu foncé et de bleu marine. Après avoir foulé l’immensité reflétant l’azur de la nuit depuis plusieurs longues nuits de marche, les voyageurs constatèrent que l’environnement se teintait de couleurs différentes : des volutes d’émeraude apparaissaient dans le ciel… Elles semblaient danser lentement parmi les étoiles, investissant un immense espace hors de la portée des Enfants d’Ilúvatar.

Les arcs-en-ciel n’étaient pas le seul spectacle de lumière que la nature pouvait offrir… Captivés par ce décor magique, les Compagnons s’arrêtèrent un instant, hypnotisés par ce qu’ils voyaient. Les rubans lumineux ondulaient en prenant possession de la voûte céleste. Ils s’étendaient lentement et se métamorphosaient en envahissant peu à peu la beauté du ciel saphir. Les stries de couleur froide dansaient principalement le long de l’horizon nord, vers leur destination. Ces lumières vertes ressemblaient à des danseuses spectrales se rebellant contre la monotonie du bleu permanent.

Les rubans célestes avaient un côté vif et marqué, leur donnant l’apparence d’une faille dans le ciel, comme si la nuit s’était déchirée, laissant croire que les teintes d’agate et d’émeraude étaient dues à une blessure imaginaire. Seul le Nain avait assisté à plusieurs reprises à ces phénomènes, qui n’étaient généralement visibles qu’à de plus hautes latitudes. Les deux Dúnedain n’en avaient jamais vus et ne pouvaient cacher leur émerveillement.

— Comment un tel spectacle peut-il naître en de semblables terres ?, dit lentement le Borgne…

Nul n’avait de réponse.

Il se demanda si le ballet de lumières colorées n’était pas un aboutissement de la fatigue accumulée, une défense illusoire de son esprit pour lui faire croire que tout pouvait encore changer, même l’immuable bleu du ciel. Mais tout était bien réel et les voyageurs étaient fascinés par les lents mouvements des lumières et leurs tentatives pour s’étendre dans le ciel. Quelques volutes aux couleurs de l’améthyste apparurent à leurs tours, souvent plus fines et moins majestueuses que celles d’émeraude. Gracieuses et silencieuses, elles vagabondaient dans l’espace qu’elles réussissaient à gagner pour continuer l’élégante représentation céleste.

Malgré tout, les Compagnons restèrent concentrés sur leur marche et leur itinéraire : même si la magnifique danse du ciel continuait, ils ne devaient pas perdre de vue leur mission. Le danger pouvait surgir à tout moment et il ne fallait céder à aucune diversion.

Tandis que les vagues colorées continuaient de magnifier le ciel, leurs jambes s’alourdissaient. Ils avaient lentement grimpé une pente douce depuis Morkai pendant quatre nuits et la fatigue se faisait douloureusement ressentir.

Pour pouvoir regarder au-delà d’une congère bien plus inclinée que les reliefs précédents, ils montèrent péniblement sur son flanc. Les montagnes étaient désormais proches et les informations qui apparaissaient sur les cartes de Minas Uilos s’avéraient exactes : si quelques nuages hauts masquaient les crêtes montagneuses, il était cependant possible de distinguer des murs fortifiés. Ces longues murailles étaient encore lointaines mais leur couleur brique tranchait largement dans l’immensité des couleurs froides.

Carn Dûm. La Citadelle du Roi-Sorcier. Ils y étaient.

Leur périple les avait menés aux portes de l’endroit le plus dangereux de la Terre du Milieu. Un lieu où personne ne souhaitait aller. Les étendues traversées avaient été étonnament désertes de toute activité mais ils avaient pris la décision de poursuivre. Étant désormais suffisamment proche du repaire de l’Ennemi, les Elfes à la vue exceptionnelle distinguèrent des mouvements : un groupe conséquent était en train de sortir d’une anfractuosité située dans une muraille. Les questions soulevées par les Sages allaient peut-être enfin obtenir des réponses…

Soudain, d’un même mouvement, les cinq membres de la Compagnie se plaquèrent contre la congère : ils avaient tous ressenti la même et intense terreur…

Carte**

[Image: Morgael---Carte---Partie-1---Post-16-202...gnette.jpg]

Lexique***

Ilúvatar, les Enfants de : Nom donné aux Elfes et aux Hommes.

* Référence IRL : Zig Ziglar.
** Toutes les informations mentionnées depuis le début du récit apparaissent sur la carte.
*** Seules les entrées non mentionnées précédemment sont listées ici. Elles ne contiennent que des informations succinctes et nécessaires au récit (ainsi que les significations dans les langues inventées, avec S. pour sindarin, N. pour noldorin, Q. pour quenya, K. pour khuzdul). Les termes et informations en italique ou sans lien vers l’encyclopédie sont non-canoniques. Si la description d’une entrée du lexique mentionne elle-même un nouveau terme absent du lexique, ce dernier n’est pas ajouté. Les termes apparaissant dans les épigraphes et les titres ne sont pas listés.
Répondre
#48
Ça y est, on raccroche le prologue !

Je me régale malgré un détail qui cloche:marcher dans la neige est un suicide quand on cherche à éviter des patrouilles. Comme Gandalf (au col du Caradhras) ils ont signé leur passage.
Pour la cohérence ne vaudrait il pas mieux mettre un temps froid et humide plutôt que la neige ?
En tout cas vivement la suite !
La lumière n'indique pas le bout du tunnel, c'est la lanterne de celui qui comme toi, cherche à sortir.
Répondre
#49
(08.07.2021, 06:00)sam sanglebuc a écrit : Je me régale malgré un détail qui cloche:marcher dans la neige est un suicide quand on cherche à éviter des patrouilles. Comme Gandalf (au col du Caradhras) ils ont signé leur passage.
Pour la cohérence ne vaudrait il pas mieux mettre un temps froid et humide plutôt que la neige ?

Tu as parfaitement raison ! Dans la construction scénaristique, l'environnement était à la fois "très au nord", "aux pieds des montagnes" et "pendant un hiver particulièrement froid" : j'ai donc fait le choix de la neige, probablement discutable. Je l'ai aussi fait pour contraster avec l'image du Mordor dans le SdA, et pour illustrer le fait que le pays d'Angmar était encore "naturel" il n'y a pas si longtemps. Ces étendues immaculées sous une aurore boréale était une image très belle que j'avais envie de garder.

Une fois ce choix effectué, il me fallait par contre trouver une explication plausible de cette "approche furtive". J'avais initialement mis quelques phrases dans le prologue (en mentionnant notamment que les Elfes ne laissaient pas de trace en marchant dans la neige) mais je pense que c'était un bon choix de les supprimer. Je les ai déplacées dans les textes à venir mais ta remarque montre que c'était très certainement une erreur et qu'il fallait les inclure dans celui-ci. Je n'ai pas pensé à le remettre puisque le texte 16 était à l'origine une ellipse : j'avais au final beaucoup de choses à mettre dedans et j'ai occulté une partie importante !

Je considérais que les forts vents d'est en ouest (mentionnés dans le prologue) déplaçaient continuellement les étendues de neige du plateau d'Angmar vers l'En Udanoriath et donc permettaient de se déplacer discrètement : la neige recouvrait très vite les traces des déplacements ou masquait la visibilité d'observateurs éventuels. La scène du texte 16 et du prologue se passerait lors d'un des rares moments sans vent ni neige mais rien de tout cela n'est mentionné donc je comprends la confusion. Scénaristiquement, je confesse qu'il s'agit de toute façon davantage d'un ajout artificiel que d'une explication rationnelle.

Je vais voir si je peux corriger ça : je pense que tu as raison et qu'il est préférable d'inclure l'explication dans ce texte plutôt que dans ceux à venir Smile

(08.07.2021, 06:00)sam sanglebuc a écrit : En tout cas vivement la suite !

Un grand merci, Sam, j'espère que la suite ne sera pas trop frustrante ! Embarassed
Répondre
#50
Je n'ai pas lu, mais pour la neige et la discrétion, deux solutions : marcher juste avant (ou, mieux mais beaucoup plus dangereux, pendant) une chute de neige. Pas besoin d'une tempête, une simple chute d'une dizaine de centimètres rend les traces antérieures invisibles. Pendant une chute de neige un peu dense, on est presque invisible à 50 mètres, mais bon courage pour s'orienter et attention aux obstacles, ainsi qu'aux risques d'avalanches en montagne, sans parler de la fatigue. Pendant une tempête...

Autre option : une neige dure, gelée, qui ne garde aucune trace. Classique après quelques jours de redoux ensoleillés. Idéal pour la marche au point du jour, car si la température remonte en cours de journée, la neige fondra en surface et commencera à garder des traces. Permet de marcher vite, à condition d'éviter les chutes, ce qui rend les pentes dangereuses.

Il peut enfin arriver que le vent souffle une neige restée très poudreuse et vienne effacer les traces, mais cela demande une neige et une atmosphère très sèches. Crédible du côté du grand Nord, surtout dans l'intérieur des terres (notez que je ne connais pas ces conditions de visu), mais sans doute plus aléatoire, car il faut que le vent souffle dans la bonne direction pour amener de la neige (les traces en place ne s'effaceront jamais en entier, il en restera toujours dans les creux un peu abrités).
Rollant est proz e Oliver est sage.
Ambedui unt merveillus vasselage :
Puis que il sunt as chevals e as armes,
Ja pur murir n’eschiverunt bataille.
La Chanson de Roland
Répondre
#51
J'étais plutôt parti sur la troisième option en l'occurrence même si je considérais que les chutes de neige régulières contribuaient à la plausibilité d'une approche furtive. Je n'avais pas du tout envisagé la neige glacée c'est vrai, ça pourrait être une bonne option Smile

Pour les explications très scientifiques je voulais au contraire essayer de m'en affranchir le plus possible dans ce récit en Terre du Milieu (aussi par contraste d'une dimension assez présente dans les écrits plutôt hard-SF que j'aimais écrire il y a plus de quinze ans). En revanche il ne faut pas que de telles explications manquent au lecteur et il faut bien sûr que j'arrive à faire passer le message principal et à rendre la situation plausible sans entrer dans tous les détails... L'intervention de Sam montre que ça n'a pas fonctionné ici Rolling Eyes ; dans le cadre d'une histoire de fiction (tirée d'un JdR qui plus est !), je pense quand même que ça reste scénaristiquement plausible ou en tout cas acceptable mais il faut rectifier le tir pour clarifier un peu les choses et donner davantage d'armes au lecteur !

Merci pour les remarques, je note les pistes de correction Very Happy (que j'implémenterai plus tard).
Répondre
#52
Si j' avais eu la chance d'être joueur à ta table, j'aurais je pense considéré ça comme un point de détail:
"mon personnage a bien 13 en camouflage ? Alors je m'organise pour ne pas laisser de traces"
Et ainsi j'aurais pu me concentrer sur l'approche du Roi Sorcier !
On peut considérer aussi que j'ai réagi à ton texte en tant que MJ, anticipant la réaction des joueurs: plus attentifs aux détails techniques qu'à la poésie du climat !
La lumière n'indique pas le bout du tunnel, c'est la lanterne de celui qui comme toi, cherche à sortir.
Répondre
#53
... ou peut-être le nain peut-il prendre la tête de la colonne en invitant chacun à mettre ses empreintes dans les siennes, à sauter de pierre en pierre, éviter les couches de neige épaisse, marcher sur les lichens et les rochers, suivre les pistes des gros animaux sauvages, les fonds de ravins, utiliser les zones de permafrost balayés par les vents, bref, s'obliger aux détours qu'offrent les circonstances à l'art du trappeur aguerri.
Je me souviens, dans Fenimore Cooper, que les Mohawks utilisaient des branches de sapins pour brouiller leurs pistes, la méthode assurant que 10 mn de chute de neige rendent ce reste de piste illisible.
Peut-être me manque-t-il quelques signes sombres, interprétables comme l'extension de l'ombre, de la menace émanant de Carn Dûm. Il n'y a qu'une seule mention de ce malaise par le Nain, en dehors de la réticence de l'elfe soigneuse, due à son incarcération. Exemple allégorique un arbre, un puissant chêne des forêts d'Arthedain, éventré par une maladie et colonisé par des choses immondes. Ex. des terriers d'animaux sains envahis par des créatures "d'en-dessous".
En tout cas le joueur et DM que je suis attend la suite avec impatience !
Répondre
#54
Épilogue : Amarth

Le jour viendrait où, pour le malheur et l’enseignement des hommes, la peste réveillerait ses rats et les enverrait mourir dans une cité heureuse.*
Anonyme

Súlgeleth s’était tut depuis un long moment et ne savait comment réagir devant l’absence de commentaire de la part de son interlocuteur.

Un impressionnant désordre régnait dans la salle, plus grande qu’elle n’en avait l’air. L’Elfe envoyé par Imladris imagina que, même vide, l’exiguïté apparente pouvait découler des nombreux piliers de bois (distribués sans grande logique) qui soutenaient une charpente anormalement complexe. Ces poteaux étaient parfois des troncs à peine taillés qui se dressaient de guingois jusqu’à la toiture. D’innombrables sacs, pots et objets en tout genre étaient empilés à l’intérieur de la bâtisse ; plusieurs sacoches, filets et cordes étaient suspendus aux poutres à différentes hauteurs ou accrochés là où c’était possible… Différents lierres avaient largement eu le temps de s’installer confortablement en s’enroulant autour de certaines poutrelles ou poteaux que l’on pouvait désormais deviner plus que distinguer. Une plante aux feuilles vertes ne s’accordant pas aux couleurs de la saison s’était même largement imposée autour d’une faitière.

Súlgeleth venait de communiquer à Rhosgobel le message que lui avait confié le Conseil d’Imladris et s’étonnait de ne pas avoir reçu de réponse immédiate : le regard de l’homme voûté apparaissait comme éteint et il n’y lisait aucun début d’intérêt. Le Magicien n’avait d’ailleurs semblé écouter que d’une oreille les paroles du messager et s’était même rendu vers une autre partie de la salle au milieu de son discours... Il avait ensuite contemplé d’un air mauvais une table haute très encombrée et avait commencé à déplacer de nombreux objets qui trônaient dessus. L’Elfe l’avait suivi en se demandant s’il l’écoutait vraiment ! Le Conseil avait pourtant compris que cette peste était dangereuse et grave : malgré l’importance des informations ramenées d’Eriador, le propriétaire des lieux ne semblait pas le moins du monde intéressé. En tant qu’Elfe, Súlgeleth ne pouvait être affecté directement par la maladie, mais il avait parfaitement conscience des nombreuses et terribles conséquences qui découleraient de l’épidémie : une telle absence d’empathie de la part de Radagast était presque choquante.

Lorsque Súlgeleth était arrivé à Rhosgobel, il avait pu voir de nombreux malades allongés sous des auvents de fortune ; l’Elfe avait supposé que les terres du Rhovanion subissaient la même épidémie que celle qui s’étendait en Eriador.

— Avez-vous une réponse à communiquer à Maître Elrond ? finit-il par demander, continuant à utiliser la langue des Elfes Gris. Ou peut-être des conseils à transmettre à l’Eriador ? Les connaissances des Elfes sont limitées pour lutter contre ce fléau mais les Hommes ont l’habitude des maladies : que pouvons-nous faire pour les aider à guérir ?

Le Magicien continua de pousser divers objets posés sur l’atelier en longueur. Un panier rempli de racines diverses tomba au sol. Il répondit laconiquement sans regarder l’Elfe :

— Les Hommes sont soumis aux maladies, cela ne veut pas dire qu’ils savent s’en protéger…

Il ne répondait cependant à aucune des questions du messager et commença à trier des herbes sèches qui envahissaient la table : certaines étaient d’ailleurs recouvertes de poussière et devaient traîner ici depuis un long moment. L’Elfe avait souvenir de discussions bien différentes avec d’autres Magiciens ! Leur savoir les rendait si captivants que les heures pouvaient s’écouler sans qu’il s’en rende compte. Le Mage Brun qui se trouvait en face de lui semblait à l’inverse extrêmement distant et Súlgeleth n’avait pas l’habitude de reposer la même question lorsqu’il s’adressait à un Sage.

— Que devons-nous faire pour aider les Hommes à guérir ? répéta-t-il.

Radagast grommela tout d’abord quelques mots que l’Elfe ne comprit pas puis il continua d’une voix plus forte.

— La peste vient des rats, dit-il plus distinctement, et ces petits animaux se trouvent malheureusement dans toutes les régions de la Terre du Milieu, notamment en zone urbaine et particulièrement autour des ports…

Súlgeleth était content d’entendre enfin les réponses à ses questions. Il se concentra en silence pour enregistrer la moindre information communiquée par le Magicien.

— Les mortels auront de la fièvre, mal au crâne ou bien des engourdissements douloureux. Ils seront toujours exténués et le simple fait de marcher leur paraîtra un effort considérable. L’apparition des bubons caractéristiques de ce fléau survient quelques jours après la contamination. Ne les incisez pas : les Hommes penseront assez naturellement que cela pourra permettre d’évacuer le mal… mais il n’en est rien.

Radagast parlait vite sans articuler particulièrement, tout en continuant à bouger ce qui encombrait la table. Súlgeleth avait presque l’impression que le Magicien s’adressait à lui-même.

— Une partie des malades guérira spontanément, continua-t-il, mais tant que ce n’est pas le cas, isolez-les et protégez-les, notamment du froid, car ils seront fragiles. Si le mal atteint les poumons, la peste se transmet par l’air et le vent : c’est la forme la plus dangereuse pour les peuples de la Terre du Milieu et elle se répandra alors dans les populations comme un feu dans la forêt. La meilleure protection est toujours l’isolement. Je n’ai jusqu’à présent trouvé aucun remède accessible : quelques herbes rarissimes permettent bien de guérir la maladie mais elles sont si difficiles à trouver qu’à peine une poignée de malades pourront être sauvés… et cela n’endiguera en rien l’épidémie à venir. J’ai plusieurs pistes de guérison en tête mais je ne sais pas si elles seront efficaces. Je suis plutôt pessimiste mais, si je trouve un remède utilisable, les peuples d’Eriador et du Gondor en bénéficieront le plus rapidement possible.

Radagast s’immobilisa et arrêta de tripoter tout ce qui traînait sur son établi : il regardait le meuble avec un air satisfait.

— Pas mal, non ? dit-il d’un ton finalement plus satisfait qu’interrogatif.

L’Elfe se demandait bien comment il s’organisait car la table ne semblait pas mieux rangée que lorsqu’il avait commencé : il avait tout repoussé sur les côtés, faisant tomber plusieurs paniers ou sacoches remplis de terres ou de plantes diverses. L’établi n’avait pas l’air moins encombré pour autant…

Alors que l’Elfe de Lórinand réfléchissait, le Magicien se redressa de toute sa taille et le fixa dans les yeux pour la première fois. Après le comportement affiché depuis son arrivée, Súlgeleth ne s’attendait pas à un tel regard : le Mage Brun était resté voûté depuis leur rencontre et il était en réalité plus grand et bien plus impressionnant qu’il ne l’avait pensé. Ses yeux foncés étaient perçants et cette fois-ci son expression était grave. L’Elfe sut immédiatement que, malgré son comportement très différent de celui des érudits qu’il avait côtoyés jusqu’à présent, Radagast le Brun n’en restait pas moins un Sage comme il y en avait peu à l’est de Belegaer.

— Les Elfes ont toujours apporté leur soutien aux Hommes, lui dit cette fois-ci Radagast d’une voix parfaitement claire et étonnamment posée. Je ne doute ni de la sagesse de Maître Elrond ni de ses capacités à lutter contre les séides de l’Ennemi. Si un de ses agents se cache dans l’ombre des rats, je ne le vois pas : mes yeux ne contemplent actuellement que la Grande Peste et ses horreurs.

Du bruit se fit entendre à l’extérieur. La porte de bois s’ouvrit avec fracas et un petit groupe de forestiers entra précipitamment dans la grande salle. Ils ignorèrent complètement l’Elfe et firent tomber plusieurs piles de boites et sacs divers en s’approchant de Radagast. Un colosse portait un jeune homme blême et il l’amena près du Mage. À moitié inconscient, le garçon était en nage et murmurait quelques paroles inintelligibles.

— Maître, lui dirent-il en langage commun, nous avons retrouvé Adliga au-delà du Chêne Rouge : il était brûlant et il délirait ! Nous avons préféré vous l’amener immédiatement.

Radagast se poussa légèrement sans dire un mot et ils étendirent le jeune homme sur l’établi : il était petit et Súlgeleth remarqua que son corps fluet tenait exactement sur la partie de la table qui venait d’être libérée. Le Mage se pencha sur le pauvre Adliga agonisant : il toucha son front puis commença à palper son cou…

Radagast le Brun ne se tourna pas vers Súlgeleth mais il s’adressa à lui une dernière fois, toujours dans la langue des Elfes Gris. Le messager comprit alors que les Hommes des Bois qui vivaient autour de Rhosgobel ne comprenaient pas ses mots :

Les Hommes de la Terre du Milieu vont affronter l’une des épreuves les plus dévastatrices de leur histoire. Aucune guerre de cet Âge du monde n’aura emporté autant de vies. L’adversaire ravagera tout sur son passage : il ne brandira aucune arme mais les victimes se compteront par centaines de milliers. Les frontières du Gondor reculeront… le Rhovanion ne s’en remettra pas… et l’Eriador ne sera jamais plus le même… Dites bien tout cela à Maître Elrond.

Fin de la première partie.

Carte**

[Image: Morgael---Carte---Partie-1---Post-epilog...grande.jpg]

Lexique***

Adliga : Jeune homme vivant autour de Rhosgobel.
Belegaer : Océan qui se trouve à l’ouest de la Terre du Milieu. (S. « Grande Mer »)
Chêne Rouge : Site situé non loin de Rhosgobel.
Hommes des Bois : Peuple vivant notamment autour de Rhosgobel.

* Référence IRL : Albert Camus, extrait de La Peste.
** Toutes les informations mentionnées depuis le début du récit apparaissent sur la carte.
*** Seules les entrées non mentionnées précédemment sont listées ici. Elles ne contiennent que des informations succinctes et nécessaires au récit (ainsi que les significations dans les langues inventées, avec S. pour sindarin, N. pour noldorin, Q. pour quenya, K. pour khuzdul). Les termes et informations en italique ou sans lien vers l’encyclopédie sont non-canoniques. Si la description d’une entrée du lexique mentionne elle-même un nouveau terme absent du lexique, ce dernier n’est pas ajouté. Les termes apparaissant dans les épigraphes et les titres ne sont pas listés.


* * *

J’espère que cette fin n’est pas trop frustrante pour les quelques lecteurs qui ont eu la gentillesse de suivre l’histoire et le courage de la lire jusqu’au bout. La rédaction de la suite est actuellement à peine commencée et je voudrais l’avancer suffisamment pour pouvoir enchaîner la publication d’une partie complète (pour le deuxième anniversaire du premier confinement ? Rolling Eyes…). Je suis quand même satisfait d’avoir tenu un texte par semaine pour cette première partie mais, suite à la remarque de Chiara, j’essaierai de poster la deuxième partie sur un rythme plus rapproché Smile.

Je ne m’attarde pas trop à ce stade de l’histoire mais plusieurs personnes ont permis d’améliorer certains aspects du récit et je voulais les remercier ici, même rapidement. Pour ne pas trop m’étendre, j’ajoute entre parenthèses deux petits mots-clefs pour chacun, évoquant de près ou de loin leur contribution. Un grand merci donc à Aymeric/Franck/Loïc/Teddy (souvenirs & aventures), Greg (rythme & équilibre), Aymeric (forme & répétitions), Mijou (avis & émotions), Elendil (mutation & neige), Dwayn (noldorin & pluriel), Chiara Cadrich (terreur & tripes), Druss (légendes & carte), sam sanglebuc (furtivité & suivi) et Agnès (analyse & retours).
Répondre
#55
Hou, j'ai cru que c'était l'épilogue final... Et je m'attendais à trouver des cadavres desséchés près de Carn Dum, avec comme seul espoir quelque chose au-delà des cercles du monde.
Mais debout et continuons !
La lumière n'indique pas le bout du tunnel, c'est la lanterne de celui qui comme toi, cherche à sortir.
Répondre


Atteindre :


Utilisateur(s) parcourant ce sujet : 5 visiteur(s)