09.07.2021, 20:20
(Modification du message : 09.07.2021, 20:49 par Chiara Cadrich.)
Une divagation mêlant mes souvenirs de gamin et la lecture de Tolkien, en hommage à mes grands-parents.
.oOo.
Tout au fond du jardin, mussé sous les ombrages,
Semé de liserons, égayé de ramages,
Se niche le chef-lieu des merles des parages.
Refuge des Anciens et fief du Grand-père,
La remise abrite tous ses outils de fer,
Sa pierre de touche, ses petites affaires,
Bref, ce qui ne doit traîner à portée d'épouse.
Aux clous sont alignés cotte de mailles, blouses,
Bliaud des Beornings, tunique écrue des Woses.
.o.
Au gilet chamarré manquent quelques boutonsD'or dérobés jadis par un petit aiglon.
Un chapeau rapiécé raconte au capuchon
Le hasard des chemins, le charme des contrées.
Aux patères compères écoutent l'ondée
Chanter sur la Comté à la glaise assoiffée.
L'attentive effigie de la grand-mère fée
Promène des regards de grand fauve cervier,
Sur les trésors passés du bel aventurier.
.o.
Derrière les outils bien rangés sagement,
S'entassent les reliques d'un tout autre temps.
Des pennes souvenir d'amours intermittents,
Des piles d'étoffes, des coffres rutilants.
Des fanes effeuillées, des sarments odorants
Égrainent les serments et les saveurs d'antan.
.o.
Parfois un malandrin s'en vient là farfouiller,
Le Touque de sa richesse un peu dépouiller.
Circulent sur son nom bien des supputations,
Grand-père jouit d'une étrange réputation.
Il n’aurait pas achevé son éducation !
Pourtant aucun voleur n'a trouvé de trésor.
La remise hantée leur a jeté un sort,
Le masque et les outils les ont jetés dehors !
.o.
La resserre distille aux jeunes cœurs la sève
De l’aventure, l’élixir secret du rêve,
L'appel des montagnes, des sentiers et des grèves.
A la foire de Bree par le Touque acheté,
Un flacon caché de Vieux Clot décacheté
Exalte le cachet de ses jeunes années.
De cuir brut éculé, tout de buis basané,
Un masque ancien des nains grimace des présages
Sur la porte vernie impose son péage
De cauchemars honnis aux bambins de passage.
.o.
Le carillon des elfes pépie sous la brise,
Engravant dans l'air pur ses éphémères frises,
En mai les jeunes gens y échangent des bises.
A l'heure sacrée de la sieste, des ronflements
Font trembler les enfants et glousser les mamans.
A brunante tombée s'y faufile parfois,
Un vieillard tout courbé aux allures de roi
Pétunant des bouffées au coin du feu de bois.
.o.
Chaque soir les contes prolongent la veillée
Au creuset fabuleux, au chevet du foyer,
Accroupis les petits s'érigent un passé,
Engrangent les brassées rêvées de souvenirs
Ferment de tout courage et gage d'avenir.
La bicoque Touque tremble alors sous les rires,
Au hasard des colifichets à découvrir.
Grand-père pérorant retrouve l'allégresse
A tourner hardiment ses frasques de jeunesse
En fières rescousses de grand-mère en détresse.
.o.
Visité par les elfes errant sous les cieux,
Son havre héberge des hôtes merveilleux,
Témoins d'un temps lointain, périlleux, bel et pieux.
Le souvenir sourd là par le tamis des âges
Où filtrent des lueurs au travers des nuages,
Eclairant de magie bosquets et vallons sages.
.o.
Ainsi rêvais-je là, alors petit enfant,
Lisant tout bas sous l’appentis de Grand-Maman,
Perdu dans les récits, féru de dits d'antan,
Chevauchant la chimère et les songes d’avant.
Mamie s’en est allée et Papi a suivi.
Le rêve créateur est question de survie,
Mussée sous l’appentis perdurera l’envie.
.oOo.