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À vos plumes pour Gondolin !
#1
Chers amis,

En attendant la traduction de
"La chute de Gondolin"
Prévue pour le 18 Avril 2019,
la sections Arts vous proposent conjointement avec la Galerie
de nous proposer votre vision de cette cité.

Cela peut se faire par un poème, une nouvelle ou un chanson, etc...
sur la cité elle même, un moment anecdotique
ou l'un de ses personnage pittoresque pour l'aspect écrit
et pourra être associé à l'une des composition graphique
de la Galerie sur le même sujet en cas de publication sur le site.
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#2
Oh, là, là ! Shocked Very Happy Cela me plairait beaucoup d'écrire quelque chose dessus. Cela peut-être une vision de la cité avant sa chute ? Pendant ? Je termine ce que j'ai sur le feu et je pense que je m'y attellerai après pour changer d'atmosphère. Il y a une date butoir ou c'est comme on veut quand on veut et peut ?

En tout cas, chouette idée !
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#3
Il n'y a qu'une seule restriction, parler de Gondolin et tout ce qui a un rapport avec... Même avant, pendant et après sa chute.

voilà un exemple de ce qu'il est possible de faire:

~ Les sept portes ~

Afin d'atteindre Gondolin,
En la vallée de Tumladen,
Cette citadelle opaline
Préparez vous à quelques peines !

Les sept portes qui la précèdent
Sont des joyaux de construction
Qui étrangement se succèdent
Allant jusqu'à la perfection.

Celle de bois pour commencer
Façonnée de planche massive
Et délicatement cloutée
De manière décorative.

Ensuite la seconde en pierre
Taillée à même la paroi
Et son allure singulière
Ne semblait pas digne d'un roi.

Parée de bronze, vient la suivante,
Et de lourdes plaques de cuivre
Parait robuste et suffisante
Pour arrêter dragons et vuivres.

Finement forgée et coiffée
D'une sculpture de Thorondor
Celle qui suit semble bluffer
Dans de subtiles jeux de décor.

Ciselée dans l'argent massif
La cinquième et son globe de blanc
Semble nullement défensif
Bien qu'elles soit armée jusqu'aux dents.

La sixième brille comme un soleil
Turgon la voulait en or
On n'en reverra de pareil
Surplomber l'Orfalch Echor.

La dernière au bout du chemin
"La Grande Porte" faite d'acier
Pouvant recevoir en son sein
Un régiment de cavalier.
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#4
Ou ça encore :


~ La chute de Gondolin ~

Dans le creuset de Tumladen
Gondolin est chauffé à blanc.
Par un déferlement de haine
La cité sombre dorénavant.

Où sont le faste qui faisaient d'elle
Un paradis des plus plaisant
Que l'on joignait à tir d'aile
Où le souterrain en marchant.

Mais à présent que tout s'écroule
Et qu'on s'enfuit par les traboules
La ville est à feu et à sang.

Les légions face à ces cohortes
C'est le repli que l'on exhorte ;
Il nous faut fuir rapidement.


Bref, tout est possible. Je ne ferai pas d'exemple de nouvelle, d'autres sont plus spécialistes que moi.
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#5
Voici une petite tranche de vie qui va bientôt se dérouler dans la cité de Turgon...

.oOo.

Beleriand, au Premier Age…

Lors de chaque première lune de printemps, le seigneur des Naugrim de Nogrod donnait une fête somptueuse. Eöl, le Maître de Nan Elmoth, en était un invité d’honneur, car leurs liens d’amitié s’étaient resserrés au fil des ans. Une route menant vers l’ouest à partir des mines des montagnes bleues, passait à présent par le domaine d’Eöl.
Les terres de l'Elfe du Crépuscule, défendues contre les rejetons d’Ungoliant ou tout autre assaillant, s’avéraient plus sûres pour les voyageurs, que les forêts de Dimbar, où régnaient, plus au nord, d’ombrageux Noldor. Eöl se rendit donc à Nogrod, comme chaque année, pour négocier les droits de passage des marchandises par Nan Elmoth, et assister aux festivités.

Comme à son habitude, il ruminait de sombres pensées, car les disputes avec Maeglin devenaient fréquentes. Eöl avait associé son fils plus étroitement à ses travaux et lui avait révélé quelques-uns de ses secrets. Il enseignait à Maeglin la forge, l’art de la mine, ou encore les poisons et élixirs mystérieux qu’il distillait dans les catacombes de l’étoile déchue. Mais le jeune elfe aspirait également à connaître sa famille maternelle, et rêvait aux merveilles des cités des Noldor.

Aussi Eöl comptait-il ramener de somptueux cadeaux à sa Dame et son fils. Dans les chimères de sa déraison, s’imaginait-il garder l’affection de ses proches, en renouvelant la magnificence de ses grandes salles sombres presque vides ? Il tentait de rivaliser de splendeurs avec ses voisins Noldor, usurpateurs de leurs royaumes, mais il ne pouvait éclipser leur attrait dans le cœur de son fils.

.oOo.

La Dame poussa sa monture jusqu’à la crête de Mirebel. La vallée de la rivière Celon s’étendait devant elle, resplendissante de verts tendres et émaillée de mille sourires colorés sous le soleil printanier.
Sur la rive méridionale s’élevaient les sévères et gigantesques pins de Nan Elmoth, sous les frondaisons desquels ne pénétrait que la lumière des étoiles.

Lomion observait sa mère – Aredhel inspirait à plein poumons les fragrances du renouveau, promenant un regard nostalgique sur les terres septentrionales. Le jeune elfe poussa son étalon aux côtés de la jument de sa mère :
- Quelles sont ces terres, ma Dame ?
- Au lointain s’étend le pays de Himlad, où règnent mes cousins Celegorm et Curufin.
- Père prétend que ce sont des assassins de son peuple …
Une ombre d’amertume passa dans le regard clair d’Aredhel, mais elle ne répondit pas.
- Et à l’ouest d’Himlad, au-delà de la rivière Aros, le vent du nord balaie les landes lugubres de Dor Dinen .

Le regard d’Aredhel se perdait encore plus à l’ouest. Lomion savait que se trouvait, là-bas, après le gué de la rivière Esgalduin, une vallée honnie par tous les elfes, Nan Dungortheb. Pourtant les yeux d’Aredhel s’y égaraient, embués de mélancolie.

Lomion devinait que s’était réveillé dans le cœur de mère, le désir de revoir les siens et les merveilles de Gondolin, dont elle lui parlait si souvent. Dès lors il sut où devait se trouver la cité cachée – au-delà encore de Dungortheb. Car il possédait un esprit aussi pénétrant que sa vue, tous deux hérités de son père, ainsi que le nom de Maeglin qui signifiait « regard perçant ».

- O Dame ! Pourquoi s’attarder, prisonniers de ces sous-bois ? Que pouvons-nous espérer de ces sombres forêts silencieuses ? Hormis les secrets de leurs sous-sols maudits, mon père n’a plus guère à m’apprendre et ne m’accorde pas sa confiance.

L’esprit d’Aredhel sembla revenir d’un rêve lointain. Elle toisa son fils avec stupeur et répondit comme à regret :
- Il serait malséant de fausser compagnie à notre Seigneur, qui nous a confié la garde de son domaine en son absence.

Mais Lomion sentit bien que le ton de reproche de sa mère s’adressait à elle-même.

Ils restèrent longuement en selle côte à côte, face à la tentation des libres espaces ensoleillés. Ils s’apprêtaient à rebrousser chemin, lorsque le regard acéré de Lomion remarqua une fine volute de fumée s’élever au-dessus des arbres, à quelques lieues au nord.

.oOo.

Mère et fils tombèrent comme la foudre sur les arrières d’une horde d’araignées qui harcelaient le camp d’une escouade d’elfes. L’œil infaillible de Lomion fit merveille. De ses traits mortels, il faucha la vile engeance, avec une détermination implacable. Les bois résonnèrent du cri de ralliement des Noldor, tandis que leurs sabres exterminaient les rejetons d’Ungoliant.
Lomion sentit son cœur bondir dans sa poitrine au son des cors de guerre du peuple de sa mère.
Aredhel, pleine de fierté, admira son fils manier les armes d’Eöl avec grâce et force.

Les monstres une fois exterminés, les combattants se regroupèrent et secoururent les blessés. Grâce à l’intervention de la Dame et du page de Nan Elmoth, ils étaient peu nombreux. Déjà les gardes de Curufin s’avançaient en souriant.

Aredhel se demanda comment annoncer cette échauffourée à l’Elfe du Crépuscule – allait-il prendre cette rencontre fortuite comme une opportunité de détente envers ses voisins ? La Dame des Noldor essuya son épée, qu’Eöl avait autrefois pieusement reforgée à neuf.

Un instant seule avec la pensée de son ombrageux époux, elle sut que ce dernier était alerté. Sa lame, sortie du fourreau pour la protéger, l’avertissait du danger qu’elle avait encouru. Un silence oppressant s’était abattu sur les bois alentours ; Aredhel ressentit l’attention palpable des grands pins noirs, tirés de leur somnolence diurne.

Contrariée par cette sensation de désapprobation émanant de la forêt, elle crut entendre un ordre de retour, ourdi sous les sombres taillis.

-Je suis épouse et non servante, marmonna-t-elle pour elle-même avec fermeté. Je vais où me portent mon bon plaisir et la nécessité !

.oOo.

Lorsque les gardes de Curufin reconnurent Aredhel, ils furent émerveillés et la saluèrent avec respect. Les Noldor l’avaient crue morte depuis des années, perdue dans les labyrinthes de Dungortheb. Dans leur désespoir, le haut-roi Fingon et son frère Turgon avaient dépêché des patrouilles autour de l’anneau de Melian, en vain. Jamais Eöl n’avait répandu la nouvelle de leur union.

Les elfes ajoutèrent avec réserve, que leur accueil aurait été moins chaleureux, si le maître de Nan Elmoth les avait accompagnés.

C’est ainsi qu’Aredhel se décida à braver les consignes de son époux. N’avait-il pas gardé secrète leur union, comme une mésalliance honteuse ? Son fils devait rencontrer son autre famille.

Elle prit congé de l’escouade et guida Lomion par le gué d’Aros, le long de la frontière de Doriath. Lui prenait plaisir à ce rôle éminent de chevalier protecteur, et l’on dit qu’il ne démérita point.

Curufin, averti par ses gens, était accouru vers le sud pour converser avec sa cousine. Mais lorsqu’il parvint aux confins de son domaine, ce fut seulement pour intercepter Eöl, qui s’était aventuré en Himlad à la recherche de son épouse et de son fils.

- « Qu’est-ce qui t’amène sur mes terres, Elfe Noir ? Une affaire urgente, certainement, pour faire voyager de jour celui qui craint tant le soleil ? »

Devant le danger, l’Elfe du Crépuscule retint sa colère. Il tacha de cacher qu’on lui avait faussé compagnie, et prétendit vouloir rejoindre son épouse en visite. Mais Curufin, un seigneur elfe d’humeur batailleuse, méprisait Eöl. Il ne put s’empêcher de le blesser et, ce faisant, lui révéla la piste des fugitifs :

- « Ne te vante donc pas devant moi du titre de ta femme. Car ceux qui volent les filles des Noldor pour les épouser sans dot ni consentement, n’y gagnent aucune parenté. Je t’ai donné liberté de partir. Prends-la et va-t’en. D’après les lois des Eldar, je ne puis te tuer ici. Et j’ajouterai ce conseil : retourne tout de suite dans tes sombres demeures à Nan Elmoth, et ne franchis pas l’Arosiach, car mon cœur me dit que si tu poursuis ceux qui ne t’aiment plus, tu n’y retourneras jamais. »

Eöl s’en fut la rage au ventre. Il se vêtit d’une somptueuse cotte ouvrée par les nains et bardée de traits cachés, qu’il avait ramenée avec lui de Nogrod pour son fils. Légère comme un tissu et pourtant résistante, elle avait été forgée dans l'alliage qu’il avait inventé, le galvorn.

Armé en guerre, il se lança à la poursuite des fugitifs, persuadé qu’ils se rendaient à Gondolin. Taraudé par l’angoisse de celui qui craint la trahison sans pouvoir l’admettre, il galopa comme le vent.

.oOo.

on arrive enfin à Gondolin !
Aredhel et Lomion, protégés par l’influence de Melian dont ils longeaient le royaume, parvinrent sans encombre jusqu’au gué de Brithiach. Ils abandonnèrent alors leurs chevaux et se faufilèrent vers la haute vallée cachée. Le jeune elfe à la svelte silhouette, vêtu de la tenue grise qui le dissimulait si bien sous les frondaisons de Nan Elmoth, tenait par la main sa mère, grande dame à la mante blanche qui claquait au vent frais soufflant dans la vallée du Sirion.

Ils peinèrent en grimpant au fond d’une gorge, long défilé qui semblait le lit asséché d’une ancienne rivière. Les yeux d’Aredhel brillaient de larmes contenues, lorsqu’ils se présentèrent devant une puissante arche, reposant de part et d'autre sur des piliers taillés dans le roc. Un imposant portail de barres entrecroisées, merveilleusement travaillées et cloutées de fer, interdisait le passage. Ils étaient parvenus à la première porte de Gondolin.

Elemmakil, capitaine de la Porte de Bois, s’avança pour les saluer. Il avait reconnu Ar-Feiniel à la légèreté de sa foulée, bien avant que les fugitifs ne fussent parvenus devant la porte.

Une demi-lieue plus loin, la seconde porte barrait l’Orfalch Echor d’un grand mur, que les maçons avaient érigé à la façon d’un seul bloc massif, flanqué de fortes tourelles de pierre. Des gardes vêtus de gris leur ouvrirent le passage, et le bloc pivota sur des gonds invisibles.

Ainsi se succédèrent les six portes qui gardaient le défilé, déchiré comme un grand coup de hache donné par un dieu au travers de la montagne, et dont les flancs abrupts s’élevaient à des hauteurs vertigineuses. Lomion, subjugué, admirait l’art des Noldor et la puissance de leurs armes. Et il s’étonna du rose qui montait aux joues de sa mère lorsque de puissants capitaines, tels Ecthelion et Glorfindel, s’inclinaient devant son port de reine, un sourire rêveur aux lèvres, pour les escorter jusqu’à la prochaine porte. Car nombre de ces preux avaient jadis, espéré et courtisé la blanche dame des Noldor, avant qu’elle ne partît à l’aventure.

Enfin la lumière se fit plus vive, et la végétation plus dense tandis que s’abaissaient les murailles de part et d’autre de la combe. Aredhel saisit la main de son fils lorsqu’il découvrit la Vallée Cachée. Une grande plaine s’étendait à leurs pieds, riante prairie vallonnée au-dessus de laquelle planaient de grands aigles. Enserrés dans un cercle de hautes montagnes, des vergers aux couleurs vives brillaient entre les masses sombres des forêts qui montaient à l’assaut des pentes. Des cascades argentées sillonnaient la plaine en damiers cultivés, semée de bassins où miroitait le soleil. Au centre se dressait une grande colline rocheuse, qui avait été une île. A présent, puissamment fortifiée et magnifiquement bâtie, s’y dressait Gondolin, qui rivalisait de gloire et de beauté avec Tirion elle-même aux Terres Immortelles.

La Tour du Roi s’élançait fière et blanche au milieu des fontaines, où le souverain lui-même avait bâti Glingal et Belthil, des arbres d’or et d’argent en mémoire des deux merveilles de Valinor. Lomion fut ébloui par la puissance et la splendeur de ce royaume, qui dépassaient les récits que sa mère lui en avait faits. Il observait en silence sculptures et constructions. Il admirait la domestication harmonieuse des eaux et des plantes. Il s’attardait au passage de chaque chanteur, ouvrant son âme ravie aux mélodies épiques ou joyeuses des Noldor. Lomion eut une vision de ce qu’eût pu être la gloire de Nan Elmoth sous la houlette d’Eöl, peuplée de Sindar nombreux, rivalisant à leur façon avec leurs voisins Noldor, d’ingéniosité et de splendeur dans les œuvres de la main et de l’esprit.

Ils furent menés devant le roi, qui leur fit un accueil magnifique, tout à sa joie de revoir sa sœur et de découvrir son neveu. Turgon fit servir un festin et venir ses harpistes. Il entendit le récit d’Aredhel, ému par l’enthousiasme renouvelé de sa sœur pour les merveilles de Gondolin, dont l’éclat s’était accru en son absence. Ils prirent place sous les branches protectrices des arbres d’or et d’argent, dans le gazouillis lumineux des cascades et les nuées parfumées de pétales. Lomion restait silencieux, frappé par la joie retrouvée de sa mère, et abasourdi par les splendeurs de la vallée. La puissance et le génie de ce peuple semblaient n’avoir aucune limite. Le roi qui l’observait sut lire le combat qui l’habitait. La fierté du jeune héritier souffrait de l’admiration qui s’éveillait malgré lui. Qu’en résulterait-il, jalousie ou adoption ?

.oOo.

Sombre et terrible, penché sur la piste fraiche comme un limier lancé pour la curée, Eöl poursuivait son épouse et son fils. Le glaive d’Aredhel, chef d’œuvre de galvorn qu’il avait reforgé de son sang pour protéger et charmer, pour la soustraire aux dangers du monde, l’appelait et guidait son instinct de chasseur. Volant sur les ailes de la rancœur, chevauchant sous la lune comme un fantôme en furie, il parvint au Brithiac au moment où Aredhel s’engageait dans le lit de la rivière asséchée, vive et blanche silhouette au milieu des éboulis de rochers gris.

Poussant son coursier, l'elfe du crépuscule se hâta à la poursuite des fugitifs, qu’il sentait tout proches.

Dès qu’il les aperçut au loin, il ne perdit plus de vue son épouse et son fils, malgré les coudes du lit asséché. Son ombre se glissa, circonspecte mais vive, comme un serpent se coulant à leur suite entre les rochers, sans pourtant parvenir à les rattraper. Parvenu au terme du défilé rocailleux, Eöl hésita, retenu par quelque prémonition. Enfin il pénétra dans l'ombre entre les falaises abruptes. Jamais pénombre ne lui avait inspiré si sombre pressentiment.

Là, il fut pris par la garde qui toujours veillait. Plusieurs traits jaillirent, qui ne purent percer son armure, et des elfes vigoureux l’assaillirent de toutes parts. Malgré sa résistance, il dut céder sous le nombre. Lorsqu'il vit la puissance de la Porte de Bois et la splendeur des armes de ses adversaires, Eöl mit un frein à son courroux. Il les toisa de haut et réclama son dû. Elemmakil, stupéfait des allégations de l’étranger, percevait pourtant la fureur contenue et la duplicité de son prisonnier.

.oOo.

Le roi ne se lassait pas d’observer l’admiration réservée de son neveu. Lomion pesait en son cœur, l’ombrageuse vertu d’Eöl, et la grave magnificence de Turgon. Malheureusement, il intervenait bien peu d’amour dans cette balance équivoque. Aredhel, quant à elle, parlait de ce qui lui était advenu pendant sa longue disparition. Le roi devinait aussi que sa sœur, par respect pour les sentiments de son fils, dissimulait à Turgon bien des choses qu’il aurait dû savoir.

C’est alors qu’Idril Celebrindal rejoignit son père sur la terrasse des fontaines. Lorsqu’elle parut au seuil du palais de marbre, sa silhouette semblait flotter sur un ruisselet d’argent, tant elle se mouvait avec grâce. Elle avait la chevelure dorée de ses aïeux Vanyar, ce que Lomion n’avait jamais contemplé. Couronnée des pétales blancs voletant dans la mélodie des harpes, la princesse courut vers Aredhel avec un rire cristallin.

Puis elle se tourna vers Lomion avec étonnement, et la clarté des yeux de la jeune fille tomba sur lui. Triomphe radieux de l’espérance sur la pénombre, la fille du Roi lui parut receler en elle une parcelle de la lumière des cieux. Idril accueillit son cousin avec une tendre grâce. Mais son sourire s’estompa, lorsqu’elle perçut l’émoi profond de Lomion, en proie au doute.

Alors un messager des portes se présenta devant le roi pour lui rendre compte d’étranges nouvelles. Aredhel blêmit et se leva :
- Il s’agit certainement d’Eöl, mon époux et père de mon enfant ! Par quel prodige de ténacité est-il parvenu à nous suivre jusqu’ici ? Je me sens coupable de l’avoir abandonné sans explication. A présent la crainte de son courroux ternit ma joie de respirer enfin sous le soleil de Gondolin !

Turgon répondit par de sages et rassurantes paroles. Le mirage d’un bonheur sans nuage effleura un instant Aredhel, mais la rancœur d’Eöl pour les Noldor lui revint à l’esprit, rempart insurmontable de la fierté de son époux. Pressentant le pire, elle plaida cependant pour lui :
- « Ne lui faites aucun mal et menez-le devant la justice du Roi, si mon frère l’autorise ! »

Les gardes amenèrent donc Eöl, la nuque roide et le front buté. Du regard il embrassa la scène avec un rictus de haine. Aredhel se tenait devant Turgon, qui siégeait sur son trône ciselé de mithril et incrusté de perles. Maeglin, un peu en retrait, avait déjà un pied sur l’estrade et jetait des regards furtifs vers une jeune fille qui se tenait droite et sage derrière le trône. Pâle et tremblante, Aredhel était incapable de se porter au-devant de son époux et de lui expliquer sa décision. Elle lisait dans la posture et les regards d’Eöl, l’étonnement devant les œuvres des Noldor, et la haine décuplée qu’il en concevait.

Les époux s’épièrent un instant. Si Aredhel avait perçu une prière, peut-être aurait-elle fait un pas vers son mari. Mais le regard d’Eöl ne lançait que reproches et imprécations. Lorsqu’Aredhel détourna le visage en signe de dépit, l’elfe du crépuscule se mura contre l’univers.

Alors le roi se leva :
- « Bienvenue, mon parent, car je te tiens pour tel. Tu demeureras ici de la manière qu’il te plaira, à ceci près que tu devras y rester sans jamais quitter mon royaume, car j’ai fait le serment que nul ne sortirait qui aurait trouvé le chemin de cette ville. »

Eöl toisa avec mépris, Turgon qui s’avançait vers lui pour l’accueillir.
L’elfe du crépuscule ignora délibérément la main tendue :
- Je ne reconnais pas ta loi. Les Noldor n’ont aucun droit à usurper des royaumes au pays des Teleri, où vous avez apporté l’affliction par votre orgueil criminel. Je suis venu reprendre ce qui est à moi. Mon épouse peut bien rester dans cette cage dorée, où elle dépérira comme elle l’a déjà fait. Mais pas Maeglin ! Mon fils ne me sera pas dérobé ! Viens rejoindre ton père, Maeglin fils d’Eöl, je te l’ordonne ! Quitte la maison de tes ennemis, les assassins de ton peuple, ou sois maudit !, fit-il avec un geste impérieux.

Mais son fils ne répondit rien et le considéra avec horreur. Maeglin jeta un regard vers Idril, qui versait pour lui des larmes de compassion. Alors, dans un profond silence, Lomion s’inclina devant Turgon comme devant son souverain.

Muet d’indignation, Eöl entrevit Maeglin régnant sur les Noldor et les Sindar, prince bâtard d’un peuple complice des massacres d’elfes par des elfes.

Mais Turgon était remonté sur son trône. Il saisit le sceptre de la loi et parla d’un ton sévère :
- Avec toi, Elfe noir, je ne débattrai pas. Tes forêts sans soleil ne sont défendues que par les épées des Noldor, sans lesquelles tu croupirais enchaîné dans les geôles d’Angband ! Ici je suis le Roi, que tu le veuilles ou non, ma sentence fait loi ! Tu n’as qu’un seul choix : rester ici, ou mourir ici, et il en est de même pour ton fils !

Eöl alors accrocha le regard de Turgon et le soutint sans faiblir. Il resta longtemps sans un mot ni un geste, ivre de rancœur. Les harpes et les fontaines s’étaient tues.

Aredhel secoua sa torpeur et fit quelques pas vers son époux avec une grâce régale. Mais Eöl eut un frisson de dégoût en la voyant approcher. L’allégeance de son fils envers son ennemi avait été l’ultime trahison, la rupture qui avait emporté sa raison.

Alors, aussi vif qu’un serpent, il brandit un javelot qu’il avait caché sous son manteau, et le lança sur Maeglin en criant :
- Je choisis la mort pour tous deux !
Mais Aredhel se jeta devant son fils et le trait lui perça l’épaule.

Glorfindel terrassa Eöl et l’emmena enchaîné, tandis que d’autres s’occupaient d’Aredhel.

.oOo.

Il fut décidé que le criminel serait amené le lendemain devant la justice du Roi. Aredhel et Idril implorèrent sa miséricorde, devant Turgon qui hésitait.

Mais dans la nuit, Aredhel fut prise de fièvres, bien que la blessure eût paru légère. On nettoya à nouveau la plaie, mais bientôt la Dame des Noldor fut la proie de spasmes effrayants. Elle s’éteignit avec le jour, une écume verdâtre aux lèvres et le visage tordu de douleur. Car la pointe du javelot était empoisonnée des maléfices qu’Eöl avait distillés, extirpés des cadavres de ses ennemies les araignées, et personne ne s’en était rendu compte avant qu’il ne fût trop tard.

"Aussi Eöl ne trouva nulle miséricorde lorsqu’il fut mené devant Turgon. On le traîna aux remparts de Gondolin, pour y être précipité dans un gouffre noir."

Muet d’horreur, Maeglin contemplait son père entravé. Le regard en feu, Eöl lui lança enfin:
- "Ainsi tu abandonnes ton père et ta famille, fils mal acquis ! Alors c’est ici que tu perdras tout espoir !"

Maeglin, malgré l’affection du Roi et la compassion d’Idril, ne connut pas de répit. Car il avait succombé au charme de sa cousine et la désirait sans espoir. Les Eldar ne s’unissaient pas entre si proches parents. Pour tromper sa passion, il se lança dans maintes entreprises grandioses, mais aucune satisfaction, aucun savoir ni aucun pouvoir ne vinrent atténuer sa douleur.

Comme passaient les jours, Maeglin attendait Idril, quêtant à la dérobée, une étincelle d’amour dans la miséricorde de ses regards. Comme se succédaient les nuits, Maeglin épiait Idril, mais la jeune fille détournait son visage fermé par la pitié. Comme s’étendait le crépuscule, Maeglin désirait Idril, mais l’amour en son cœur se muait en ténèbres à mesure qu’Idril prenait sa passion en horreur.

En Gondolin germait une semence maudite, qui la mènerait à sa fin.

.oOo.

Fin !
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#6
Très sympa Chiara Wink Petite question :

(02.12.2018, 15:50)Chiara Cadrich a écrit : [...] jusqu’à la crête de Mirebel.

Je ne connais pas cet endroit et je ne l'ai pas trouvé sur les cartes et l'encyclo, tu l'as imaginé pour ce récit ?
Répondre
#7
(09.12.2018, 13:25)Irwin a écrit : Très sympa Chiara Wink Petite question :

(02.12.2018, 15:50)Chiara Cadrich a écrit : [...] jusqu’à la crête de Mirebel.

Je ne connais pas cet endroit et je ne l'ai pas trouvé sur les cartes et l'encyclo, tu l'as imaginé pour ce récit ?

Bonjour Irwin. Very Happy

Je me doutais bien que notre éminent cartographe ne laisserait pas filer un indice comme celui-là ! Mr. Green

En effet je l'ai inventé, pour éviter une périphrase du style "une crête qui surplombait la rivière Celon et permettait d'observer au nord." Et ce nom propre induit aussi que les promenades à l'intérieur du domaine d'Eöl sont autorisées et même fréquentes, puisque les points remarquables ont un nom consacré par l'usage. Cela relativise la situation d'Aredhel en tant que "prisonnière" de l'Elfe Noir.

Mais il faudrait sans doute le traduire en Sindarin. Quelqu'un a une idée ?
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