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Le grave tonnelier *
#1
Et voilà, c'est les vacances. Je pars dans l'île de mes ancêtres, et j'espère y trouver l'inspiration pour des contes d'Umbar.
En attendant, voici un petit "conte métaphysique" - vous en jugerez ! - répondant au défi "un personnage et une pomme".

.oOo.
A la tonnellerie de Lézeaux, il y a quelques années…
Sifflotant avec détachement, Abaloc arrima la dernière barrique à sa carriole, sous l’œil grave de son aîné :

- Maître Poiré a commandé la douzaine pour demain soir. Tu as bien le temps de faire quatre allers-retours d’ici-là !

Mais le jeune Abaloc avait d’autres plans en tête. Une certaine serveuse dans une certaine auberge des Blancs-Sillons, méritait bien qu’il chargeât sa carriole, un peu plus qu’à l’ordinaire, pour se ménager le temps d’une halte en chemin et d’un petit tête-à-tête à la chandelle !

Aussi le cadet de la famille Neuvetonne, préposé aux livraisons, avait-il ajusté le chevillage des brancards de sa charrette, pour assurer l’équilibre de quatre imposantes barriques de chêne.

- Ne t’inquiète donc pas ainsi ! Les tonnes de Popa sont solides et la route descend tout du long d’ici à Blancs-sillons ! En trois voyages, ce sera bâché ! Le père Poiré pourra verser ses moûts en fût comme prévu ! Tu n’étais point fâché, l’an passé, du tonnelet de « Clos Doucette » qu’il nous a baillé en remerciement !

L’aîné haussa les épaules. A la vérité, le cru en question lui avait laissé une délicieuse et durable sensation ambrée, comme un rayon d’été dispensé en plein hiver. Son jeune frère, s’il n’était guère doué un cauchoir [1] à la main, savait entretenir le réseau de clientèle et la réputation de la maison Neuvetonne, experte en fûts, barriques et tonneaux de toutes tailles, depuis des générations. Abaloc développait son entregent dans les auberges, vantant la qualité des liqueurs que la production familiale contribuait à entretenir. Il s’entendait à merveille avec les patrons et brasseurs, et il fallait reconnaitre que le petit dernier, incapable de manier la doloire [2] sans se blesser, avait trouvé là à employer son bagout.

Le jeune hobbit vérifia ses nœuds, puis harnacha la mule au doux regard résigné. La pauvre bête savait bien, elle, qui devrait venir à bout des traitres méplats de la route.
.oOo.
Notes
[1] Outil du tonnelier, qui sert à faire des entailles sur les cercles des tonneaux.
[2] Outil du tonnelier et du charpentier, qui sert à façonner les douelles, les pièces de bois longitudinales.
.oOo.
A suivre...
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#2
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Abaloc lança la charrette, tout guilleret à la pensée du sourire avenant de sa belle. La mule renâcla un peu, puis elle fila doux sous les claquements de fouet experts du jeune commis. Les milles (1) défilaient dans l’air frais d’octobre, sous les piaillements joyeux des passereaux.

Mais ce qui devait arriver, ne tarda pas à se produire.
Un peu après Lagrenouillère, la charrette se mit à émettre des grincements si lancinants, que même la mule s’en inquiéta.

Notre hobbit s’arrêta, et ne put que constater les dégâts. Sous le poids excessif de la carriole, une roue s’était déformée, faussant l’essieu et menaçant de céder.
.oOo.
A suivre...


Note (1) orthographe corrigée - merci Sam pour ta lecture attentive.
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#3
Il me semble que Ledoux emploie lieues plutôt que miles. Pourquoi ce choix ?
C'est l'épisode le plus court de ta carrière en tout cas !
La lumière n'indique pas le bout du tunnel, c'est la lanterne de celui qui comme toi, cherche à sortir.
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#4
Shocked Gargl… une faute d'orthographe ! ce sont les milles qui défilent, donc environ 2 fois plus vite que les lieues.
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La rage au cœur, Abaloc détela, déchargea, démonta la roue, et s’en fut clopinant jusqu’aux Blancs-Sillons. Là, il dut batailler ferme avec le charron fort peu coopératif. Encore lui fallut-il, pour aider l’artisan à ajuster et recercler la roue faussée, consentir à remplacer son apprenti, qui s’était mystérieusement éclipsé à son arrivée !

Enfin, après plusieurs heures de palabres et de sueur au soufflet de forge, Abaloc put enfin galoper jusqu’à sa charrette et rependre la route.

Mais en passant devant l’auberge, il aperçut sa jolie serveuse, qui partageait agapes et œillades avec l’apprenti du charron, à la lueur des chandelles.

.oOo.

Contrit et amer, notre pauvre hobbit livra ses quatre tonneaux, essuya les remontrances de maître Poiré pour son retard dans la première livraison, et s’en fut piteusement. Le jour déclinait sur la douce campagne du quartier Est, embué des brumes moroses de l’automne.

Sa situation n’était pas brillante. Le visage grave, Abaloc refaisait ses calculs : il lui restait huit tonneaux à livrer, et il aurait à peine le temps de rentrer à Lézeaux avant la tombée de la nuit. Cela signifiait qu’il devrait encore effectuer trois voyages, car avec sa charrette en piteux état, il ne pourrait certainement pas charger plus de trois fûts par voyage. Or trois allers-retours n’étaient pas réalisables en une journée…

Abaloc avait beau retourner le problème dans tous les sens, il ne voyait pas comment s’en tirer. Il allait devoir avouer son retard à sa famille, supporter les quolibets de ses frères, faire de plates excuses au client…
.oOo.
A suivre...
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#5
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Consterné par toutes ses déconvenues, notre pauvre hobbit fit une halte et chercha un peu de réconfort au fond de son panier à provision. La mule eut droit à son picotin d’avoine, tandis que le commis s’adossait au tronc ridé d’un pommier.

Abaloc contempla la vallée, dont l’allure bucolique et le sage bocage encore verdoyant auraient, en d’autres circonstances, ravi son cœur de hobbit. Non loin l’Eau déroulait ses boucles brunes chargées des pluies de la veille. Une ruche nichait sous un broussin du pommier où il avait trouvé refuge, berçant notre héros d’un ronron rassurant.

Il mangea lentement les victuailles préparées par la mère Neuvetonne. Abaloc s’avisait qu’il lui manquait un dessert, lorsqu’il eut sa dernière malchance du jour – une pomme lui tomba sur la tête !

C’était bien sa veine. La dernière pomme de l’arbre était destinée à sa pauvre caboche laineuse ! Un peu dépité, il eut tout de même le réflexe de s’approprier la coupable, pour la soumettre à une juste vengeance.

Mais la pomme fripée s’était mise à rouler dans la pente d’herbe rase, bondissant à présent entre les mottes, un hobbit à ses trousses.
Malgré son agilité, il ne put rattraper le fruit, qui tomba dans la rivière. Il regarda la pomme dorée s’éloigner, dansant mollement sur l’onde couleur de bière.

C’est alors qu’Abaloc eut une idée de génie ! Il allait utiliser le cours d’eau pour tracter ses tonneaux de Lézeau jusqu’aux Blancs-Sillons ! En les laissant flotter, attachés les uns aux autres, il pourrait faire le voyage en une fois et tenir sa promesse !
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A suivre...
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#6
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Et c’est ainsi que le jeune Neuvetonne découvrit un jour les secrets de la traction universelle, grâce à une pomme qui lui était tombée sur la tête.

Mais vous connaissiez déjà cette histoire ? A n’en pas douter, un scientifique en mal de renommée, aura détourné cette anecdote à son profit, pour formuler quelque découverte mineure, de façon plus attractive.

Ce que l’on sait moins, c’est que le jour même, Abaloc avait expérimenté un autre principe, aux conséquences beaucoup plus graves, qui dit que l’attraction des corps, pour universelle, n’est pas nécessairement réciproque.

Voilà une loi à méditer, qu’une polissonne servante hobbit a pu mettre en évidence, bien mieux qu’aucun de tous nos savants plagiaires !
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Fin !
Toute ressemblance avec un scientifique anglais du 17ème siècle serait évidemment pure coïncidence.
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#7
Neuvetonne en anglais ça donne quoi ?
La lumière n'indique pas le bout du tunnel, c'est la lanterne de celui qui comme toi, cherche à sortir.
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