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14.11.2010, 12:47
Pour autant que je sache, la signification de Khamûl, dit aussi « l'Ombre de l'Est » et « le Noir Oriental », seul Nazgûl dont on ait conservé le nom, n'est explicitée nulle part.
C'est d'ailleurs un nom qui ne semble pas avoir beaucoup inspiré les recherche. À l'exception d'un long message de Jason Fisher sur son blog, je ne me rappelle pas avoir vu d'étude à ce sujet.
Je serais curieux de savoir ce que vous en pensez. Jason fait un bon travail pour rechercher quelles auraient pu être les inspirations extérieures de Tolkien, mais l'on sait que ce dernier n'appréciait guère ce genre de démarche, car la majorité de ses noms avaient une justification interne.
Or c'est justement un sujet que Jason ne traite pas. J'admets volontiers qu'il est improbable que ce nom soit tiré d'une langue elfique (tant pour des raisons phonologiques qu'historiques dans le cadre du Légendaire). Mais sur le plan phonologique, c'est un nom qui pourrait aisément être en adûnaïque (même si historiquement c'est peu probable), en khuzdul (on sait que Tolkien affirma à plusieurs reprises que les langues orientales étaient en grande partie dérivées du khuzdul) ou même en parler noir.
Cette dernière piste me paraît particulièrement intéressante : il est étonnant que le suffixe -ûl de ce nom n'ait pas été rapproché de Nazgûl = nazg « anneau » + gûl « fantôme, ombre de magie noire, nécromancien, spectre, esprit (maléfique) » (PE 17, p. 79, 125).
Si le n.p. gûl est dérivé de ÑGOL, mûl ne pourrait-il pas être dérivé de MÔ, qui possède le dérivé môl-, lequel donna mûl « esclave, serf » en noldorin (Étym.) ?
À quoi pourrait alors correspondre kha- ? Bonne question. Je note cependant la proximité phonologique de ce nom avec le Khand, une contrée que Tolkien rangeait apparemment à l'Est. On pourrait aussi citer KHAL- « soulever », également glosé « levé vers le ciel, soulever de terre, amené de l'ombre vers la lumière » en PE 17, p. 184. Ce radical donna des mots pour « élevé, supérieur, etc. », ce qui pourrait être approprié pour le second chef des Nazgûl.
Qu'en dites-vous ? Il faudrait aussi faire des recherches en khuzdul — appel aux experts. (À vrai dire l'adûnaïque aussi est intéressant : on pourrait arriver à une forme signifiant « Corbeau de Melkor »). Et il faudrait voir si les surnoms de Khamûl sont une traduction possible de son nom, ce qui est fréquemment le cas pour les personnages de Tolkien.
Tout cela ferait sans doute un bon petit article une fois que tout sera débrouillé.
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L'inconvénient du khuzdul, c'est que ça manque un tant soit peu d'exemples concrets. Cependant, à regarder de près, c'est vrai que Khamûl pourrait en être dérivé, même si de façon interne, ça me laisserait perplexe :
1°) la structure même du nom peut être rapprochée du khuzdul, en le décomposant en un radical triconsonantique Kh-M-L
2°) il existe un déclinaison de voyelles qui correspond tout à fait : 1a2û3. Cependant pour Magnus, il s'agit d'un pluriel, or j'ai un problème avec le fait que Khamûl puisse avoir une signification de forme plurielle. Par contre, Magnus présente la forme 1a23, un singulier construit, qui est notamment présent dans Nargûn (le Mordor) et Tharkûn (Gandalf) qui me plaît bien mieux.
3°) si on continue sur la structure de Nargûn, on peut la décomposer comme suis : radical N-R-G, déclinaison 1a23 ; ce qui donne le nom narag « noir » auquel est apposé le suffixe -ûn, soit Nargûn « le (pays) noir ». Si on suit cet exemple, pour Khamûl, on peut décomposer en radical Kh-M-L, déclinaison 1a23, soit un mot de la forme kh_m + un suffixe de la forme -ûl. Heureux hasard, il existe un exemple de la forme kh_m en khuzdul, en la personne de Khîm, le fils de Mîm, le petit-nain. Concernant la suffixion -ûl, on peut la rapprocher soit de -âl qui détermine l'auteur d'une action, soit de la forme -ûn qui est celui utilisé dans Nargûn.
Au final, si ça devait être un nom khuzdul, j'aurais tendance à penser que la signification s'approche d'un truc comme « Le Khâm », où Khâm soit un verbe (si -ûl ~ -âl) [sur l'exemple d'Azaghâl : Le Guerrier], soit un nom (si -ûl ~ -ûn) [sur l'exemple de Gabilân/Sirion : Le Grand].
Maintenant, comme dit plus haut, je doute que ce soit du khuzdul, mais par contre l'adunaïque est une meilleure piste à mon avis, surtout que cette langue se rapproche fortement du khuzdul.
What's the point of all this pedantry if you can't get a detail like this right?
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14.11.2010, 18:17
(Modification du message : 14.11.2010, 18:18 par Hisweloke.)
Pour les études antérieures, Kloczko, Dictionnaire des langues des Hobbits, des Nains, des Orques etc., dans le chapitre sur les langues de Melkor et Sauron, §59 p. 65 :
Citation :Il est peut-être composé de Khand et gûl. En effet, le Nazgûl Khamûl était originaire de l'Est de la Terre du Milieu (cf. Index UT).
Interprétation reprise en p. 74 (dans le lexique melkorien, sauronien et orque), avec la mention L.N. (langue noire) : "(?)gûl du Khand (lit.), le second des Nazgûl. UT/338/352".
Aussi reprise en p. 160, §146 (section dédiée au Khand) :
Citation :En examinant le nom propre en langue noire Khamûl, il semblerait être composé de Khand et gûl (voir §59). Khamûl est le second en chef des Esprits Servants de l'Anneau. Il est surnommé "the Black Easterling" et "the Shadow of the East" (UT, p. 352 et p. 388). Khamûl serait soit un roi autochtone du Khand, soit un Númenoréen Noir devenu roi du Khand.
Didier.
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Merci pour l'info, Didier. J'avoue rester un peu dubitatif à l'idée qu'on observerait une disparition de la consonne initiale du second élément du nom.
Vu le peu de vocabulaire de parler noir qu'on connaît, ce n'est probablement pas impossible, mais ça ne s'accorderait pas très bien avec un mot comme Lugbúrz, où l'occlusive voisée du deuxième élément est conservée.
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14.11.2010, 19:58
(Modification du message : 14.11.2010, 19:58 par Hisweloke.)
J'aurais pu citer la suite (toujours p. 160) :
Citation :Khand pourrait être un nom formé du nom du peuple qui habite la région, les *Khan-, plus une terminaison elfique -and (cf. Beleriand, Brethiliand). Mais cette hypothèse nous paraît peu probable.
(14.11.2010, 12:47)Elendil a écrit : À quoi pourrait alors correspondre kha- ? Bonne question.
Cf. également PE17 p. 157 :
√KHAP, KHAM, bind, make fast; restrain, deprive of liberty.
Sinon, outre la racine KHAM 'sit' dans The Etymologies (Ety p. 363), cf. aussi la racine KHAM[2] 'call to summon, name by name' (VT45 p. 21).
Concernant le deuxième élément du nom, ne pourrait-on pas imaginer une relation avec le terme ul 'them' présenté dans PE17 p. 11 ?
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J'avoue que le redoublement d'une signification en rapport avec la privation de liberté me paraîtrait un peu étrange. À moins d'y voir le sens « l'esclave qui contraint, le garde-chiourme », qui pourrait après tout être vraisemblable vis-à-vis du commandant en second des Esprits servants. Dommage qu'il n'y ait pas de dérivé qui confirme cette hypothèse.
Par contre, je ne vois guère comment un suffixe pluriel pourrait s'intégrer à un nom propre qu'on peut légitiment supposer être au singulier.
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Personne d'autre ?
Pour l'adûnaïque, je cite en vrac faute de temps. Je n'ai pas encore eu le temps de vérifier si cela respectait les contraintes phonologique de formation des noms composés :
- khâu, khô, pl. kwâwi(m), khôi « corbeau » (p. 426).
- Mulkhêr « Melkor » (p. 359-364, 367-368 ), avec le commentaire de Fauskanger :
Citation :Faut-il rapprocher la forme -khêr du quenya heru « maître », dérivé de KHER- « diriger, gouverner » (LRW, p. 364), que l’on retrouve également dans Tar-Herunúmen [...] ou du suffixe -kor « se dresser » dans le quenya Melkor (q. pr. mbelekōro) « Celui qui se dresse en Puissance », cf. WJ, p. 402 ? La première partie du nom mul- pourrait alors faire référence à la force, si les noms quenya et adûnaïque ont la même signification.
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Fauskanger identifie vraiment un suffixe -kor ? C'est une segmentation curieuse, il a toujours semblé que mbelek-ōro était l'interprétation la plus naturelle, et correspond d'ailleurs à ce qu'on retrouve aussi dans PE 17, p. 115 (mbelek-óre).
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C'est juste ; je vais voir à mettre une note à ce sujet.
Du coup, peu de chance que les noms adûnaïque et quenya soient directement apparentés, vu que le suffixe adûnaïque est clairement -kher (voir la forme Kherû dans la première version du texte de SD).
Par contre, vu qu'on ignore si le premier élément serait mul- ou mulk-, ça n'exclut pas qu'il se retrouve dans Khamûl (même si j'admets volontiers que c'est une analyse peu probable).
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(25.11.2010, 06:22)Elendil a écrit : Par contre, vu qu'on ignore si le premier élément serait mul- ou mulk-, ça n'exclut pas qu'il se retrouve dans Khamûl (même si j'admets volontiers que c'est une analyse peu probable).
Mulkhêr est traduit par 'Lord of Darkness' (IX:358 ). A rapprocher de Kherū (IX:376) ?
Voir également cette entrée, VT25:21 :
† nūlō 'Shade', Subj. of nūlu in agannūlō. 312
nūlu 'the dark, shade’ (with an evil sense) ; Subj. nūlō in agannūlō [Cf. q. nulla 'dark, dusky, obscure’ V:376]. 306
Pourrait-on avoir eu une évolution nūlu > mūl(u) > mul- par assimilation de Mulkhêr à Melkor ?
Et ainsi retrouver cette même forme dans le deuxième élément de Kha-mûl ?
(Non je ne me drogue pas ^_^")
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Pour autant que je sache, l'idée même d'assimilation consonantique est étrangère à l'adûnaïque, qui est tout entier construit sur la structure des consonnes.
En revanche, je n'exclurais pas une évolution externe de la langue, qui aurait changé nūlu en #mūlu.
Il pourrait aussi s'agir de deux mots d'origine très différente. Il est probable que le mul- de Mulkhêr soit à l'objectif, de sorte qu'on ignore la voyelle utilisée au cas normal : on pourrait aussi bien avoir une forme indépendante #mal que #mel ou mul, pour autant que je sache. Ou mûl d'ailleurs, ce qui rendrait possible le réemploi de ce terme dans Khamûl.
Par contre, je crois de moins en moins à ce que khâu puisse donner kha-, donc incertitude sur le premier élément pour l'hypothèse adûnaïque. Dommage, parce que « corbeau (venant) des ténèbres » aurait été fort approprié pour le personnage.
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