14.12.2009, 22:08
je naviguais sur un forum du Seigneur des Anneaux ( dédié aux jeux vidéos ) et je suis tombé sur un article des plus amusants, je vous laisse lire ^^
PENETRER L'ANNEAU
La symbolique sexuelle dans "Le Seigneur des Anneaux",
Éléments pour une lecture freudienne de l'œuvre de J.R.R. Tolkien.
Comme cela est fréquemment le cas dans les œuvres d'une telle envergure, "Le Seigneur des Anneaux" se prête à des lectures multiples. Les nombreux exégètes qui se sont penchés sur l'œuvre de J.R.R. Tolkien ont pourtant, jusqu'à aujourd'hui, négligé une piste essentielle et particulièrement féconde. L'objet de ce court essai sera donc de montrer que "Le Seigneur des Anneaux", bien plus qu'une épopée gratuite (et donc fantastique), est un récit profondément marqué sexuellement, et que les aventures de Frodo sont en fait les étapes successives d'une recherche de la sexualité, sans doute le récit inconscient des premières expériences sexuelles de J.R.R. Tolkien.
La Comté est l'image de l'enfance : les Hobbits y sont aussi innocents que petits, et le départ de Frodo est la marque de son accession à l'état d'adulte, de son initiation à la sexualité. Pourtant, ce départ n'est pas aussi rapide, aussi direct qu'il en a l'air. Le passage chez Tom Bombadil est, sans nul doute, l'expression de la tentation incestueuse, et ce n'est qu'après ce passage, ce désir de retour aux origines, de plongeon dans la terre-mère, que l'aventure commence vraiment. La crise œdipienne ne sera cependant résolue, ou du moins occultée, que plus tard, au conseil d'Elrond. Nous serons amenés à y revenir.
La Forêt est chez Tolkien l'image du sexe féminin. C'est notamment le cas des trois forêts qui jouent un rôle important dans cette aventure, la Vieille Forêt, la Lorien et Fangorn. Fangorn et la Vieille Forêt sont des creux, des trous. La Lorien ne connaît pas une situation identique, mais elle est placée sous le signe de l'humidité, elle est la grande prostituée au croisement des trois grands fleuves, Nimrodel, Silverlode et Anduin. Ces trois forêts ont en commun le mystère qui les enveloppe, les légendes inquiétantes qui courent à leur sujet, mais elles représentent cependant des images différentes de la femme : la Mère pour la Vieille Forêt, la Prostituée pour la Lorien, la Femme-animale pour Fangorn.
La Vieille Forêt est donc la représentation du sexe maternel : c'est pour cela qu'elle est vieille. Cette image est d'ailleurs très clairement exprimée par Tom Bombadil, lui même image maternelle qui ne quittera jamais l'esprit de Frodo, "Tom a vu la première goutte et le premier gland". Le passage par la vieille forêt retrace donc la tentation incestueuse chez Tolkien. Les autres forêts sont toujours, et on le comprendra aisément, décrites comme humides; seule la vieille forêt nous est présentée comme desséchée, vieillie, rabougrie, traversée de fissures que le héros franchit pour retrouver enfin son origine dans la maison de Tom Bombadil. Mais l'anneau, dont nous verrons plus loin la signification complexe, est ici sans effet, ce qui signifie qu'il n'y a pas place ici (dans l'anneau) pour le sexe, et que Frodo/Tolkien devra aller perdre sa virginité ailleurs.
L'image maternelle n'apparaîtra plus directement dans la suite du récit. Pourtant, il en est dans le Seigneur des Anneaux de la mère comme de la mer : on ne les voit jamais, mais on sent toujours et partout leur présence obsédante en marge du récit.
L'épisode de la traversée de la Moria est sans doute l'un des plus riches d'ambiguïté sexuelle de tout l'ouvrage, et c'est là qu'apparaît pour la première fois clairement le thème de la sodomie, qui deviendra ensuite peu à peu omniprésent. Il n'est guère étonnant que le code permettant de pénétrer dans la Moria soit "ami", il n'est pas non plus surprenant que ce soit Gandalf, ici dans le rôle du pédagogue grec, qui le découvre à ses jeunes compagnons. Qu'est-ce en effet que la Moria sinon un gigantesque anus, que nos héros ne vont pas se contenter de pénétrer mais qu'ils vont explorer jusqu'au plus profond. Un clien d'œil du Tolkien linguiste nous montre bien qu'il était au moins partiellement conscient de la folie de ce qu'écrivait le Tolkien auteur. Ce n'est pas par hasard qu'il appelle "Moria" ce long souterrain, cet intestin labyrinthique. En effet, de quoi d'autre nous parle-t-il que d'une folie grecque?
Mais la traversée de la Moria est aussi le moment où se déploie dans sa terrible ambiguïté la dialectique homosexualité/hétérosexualité qui sous-tend toute l'œuvre.
En effet, à peine sortis de cette terrible folie, nos héros, véritable retour aux sources, plongent dans le profond vagin humide de la Lorien, baignée par l'Anduin, la Nimrodel et le Cours d'Argent. On sent pourtant, lorsque les compagnons s'en approchent, cette terrible angoisse qui les étreint, due à toutes les légendes qui circulent sur ce mystère, cet autre monde, angoisse que l'on a déjà rencontrée lorsque les héros s'enfonçaient dans la vieille forêt, que l'on retrouvera à l'approche de Fangorn. Baignée d'une lueur étrange, vêtue de feuilles/vêtements brillantes, la Lorien est l'image de la prostituée par(sur) laquelle non seulement Frodo/Tolkien, mais aussi tous ses compagnons sont passés. Le toponyme Lorien vient d'ailleurs sans doute de Lorelei. On peut même voir dans la longue description de Galadriel et de son protecteur Celeborn des souvenirs d'enfance très précis, ceux des bas-fonds de Birmingham. Là encore, Frodo est un moment tenté de lui donner l'anneau, de le passer au doigt de cette première femme, mais il ne le fera pas. Nous savons depuis le conseil d'Elrond que Frodo est homosexuel, ce qui explique qu'il renonce à ce projet.
Il est une troisième forêt, un autre vagin humide, Fangorn, par lequel Frodo ne passera pas, du moins pas avant d'avoir achevé sa quête. Nous devons cependant nous y arrêter, car c'est ici que la symbolique est la plus riche, et nous y assistons à l'une des deux seules représentations de l'acte sexuel dans l'œuvre de Tolkien, et à la seule qui figure une relation hétérosexuelle, particulièrement mouvementée il est vrai.
Fangorn est l'image archétypale du sexe féminin dans le seigneur des anneaux. Profonde, obscure, il y coule des liqueurs enivrantes dont Merry et Pippin, qui représentent bien sûr ici des amis de Tolkien, vont se délecter. L'on peut tout d'abord voir dans la force nouvelle des deux hobbits après leur festin/cunnilingus dans l'antre de Treebeard une réminiscence de la conception taoïste de la sexualité comme moyen de s'approprier la force du sexe opposé . Mais ces préliminaires seront suivis d'une copulation monstrueuse, tellurique, lorsque la forêt/vagin se déplace pour rejoindre la tour d'Orthanc/pénis. La tour d'Orthanc, droite et dure, est bien entendue une représentation phallique, et Tolkien insiste délibérément sur ce point en nous détaillant les grottes, machineries fumantes, testicules, qui la sous tendent. Nous ne nous attarderons pas plus sur la symbolique, évidente, du doigt pointé par la main blanche, tâché de sang, que Gandalf et Théoden voient avant de parvenir à l'Isengard. La terrible copulation avec la forêt laissera la tour épuisée, fumante, mais, notons le bien, toujours debout. On voit bien ici l'image d'un épisode vécu par ses amis, auquel Tolkien regrette sans doute de n'avoir pas participé. Mais il ne le pouvait pas, puisque Frodo/Tolkien est alors déjà en Mordor, de l'autre côté, dans tous les sens du terme.
Tout comme Orthanc, Minas Tirith est un gigantesque phallus, dressé comme un défi devant Mordor. Le symbolisme en est renforcé par l'ascension de Pippin jusqu'au sommet de la ville, image de la montée d'un désir ambigu pour le malodorant Mordor. L'image de cette montée de sève est d'ailleurs récurente, déjà figurée par l'ascension de Gandalf des tréfonds de la Moria au sommet du Celebdil.
Le Seigneur des Anneaux n'est pas, comme on l'a longtemps cru, le récit de la lutte du bien et du mal. C'est plutôt celui de la tension dialectique entre l'homosexualité et l'hétérosexualité chez Tolkien, vécue à travers le personnage de Frodo. Frodo ne devient pas homosexuel, ou sodomite : il l'est, dès son départ de la Comté, même s'il ne le sait pas. Gandalf, vieillard lubrique et impuissant, l'a bien deviné et c'est pourquoi il veut à tout prix guider Frodo dans la voie où il a déjà mené Bilbo. Lorsque le conseil d'Elrond décide d'envoyer l'anneau en Mordor, représentation parfaite du Grand Anus Primordial cher à Deleuze et Gattari , et non chez Tom Bombadil (retour impossible à la mère) ou dans la Lorien, cela est directement lié à la sexualité de Frodo. Et peu nous importe ici de savoir si Frodo va en Mordor parce qu'il est sodomite, ou s'il est sodomite parce qu'il doit aller en Mordor. En tout état de cause, sa sexualité ne sera réalisée qu'à la fin de la quête, mais elle est déjà préfigurée tout au long du voyage de Frodo par les relations qu'il entretient d'abord avec l'anneau, plus tard avec Gollum, Sam n'ayant ici qu'un rôle de faire-valoir. Le conseil d'Elrond représente la véritable naissance de la sexualité chez Tolkien/Frodo. Cette idée est renforcée par l'entrevue de Frodo avec Bilbo, image du père, qui lui confie sa dague, Sting , symbole de sa virilité. Par là, Bilbo renonce symboliquement à courir après les jeunes elfes des bois, mais semble espérer que Frodo le suivra dans cette voie. Mais nous savons que la sexualité se Frodo est déjà déterminée, et qu'elle ne sera réalisée que lorsque l'anneau/anus de Frodo sera noyé dans le grand anus primordial d'Orodruin.
René Girard a très bien vu l'erreur de la lecture habituelle et superficielle du texte qui voit dans le couple Sam-Frodo une simple relation homosexuelle . C'est en effet oublier le troisième personnage essentiel, le médiateur, Gollum. Nous nous trouvons ici dans un triangle mimétique, le désir de Frodo pour Gollum engendrant celui, plus refoulé, de Sam, et vice-versa. Mais Girard n'a pas vu l'importance de l'anneau, qui est véritablement ici un quatrième personnage, engendrant également un désir mimétique de Sam et Frodo, de même nature que celui qu'ils éprouvent pour Gollum. A.J. Greimas dirait que l'anneau, bien que passif au sens sexuel, est un actant du récit .
L'anneau de pouvoir n'est ni l'anneau royal perdu de Salomon, ni l'anneau d'invisibilité de Gygès, ni même l'anneau de puissance des Nibelungen, c'est simplement l'anus. Pas encore le grand anus primordial de Mordor, mais au moins celui de Frodo. Cet anneau est déjà enjeu de rivalité non-dite entre Frodo et Sam, voire Gollum, qui cherchent tous à y mettre leur doigt. Remarquons d'ailleurs que lorsque Frodo, à Amon Sûl, puis Sam, sur les contreforts de l'Ephel Duath, puis enfin Gollum sur la montagne du Destin, enfilent l'anneau (à leur doigt), ils se trouvent à chaque fois sur une montagne, sur un sommet, symbole phallique. Et cette expérience leur fait découvrir par les Nazguls, pets monstrueux de l'anus de Sauron, un avant goût de ce qu'ils ne trouveront qu'au bout de leur quête, en Mordor. Lorsque Frodo parvient enfin au centre de ce Mordor sec, crevassé et puant, fessier du monde que tout oppose aux forêts/vagins décrites dans les paragraphes précédents, sa quête est accomplie. Après la découverte dans le grand anus primordial de sa nature sodomite, il n'a plus besoin d'enfiler son doigt dans son anneau/anus. C'est en cela que la destruction de l'anneau, et du doigt de Frodo, est purement métaphorique. C'est là le grave contresens des analyses qui voient dans le combat entre Frodo et Gollum, sur la montagne du Destin, une scène de castration.
Nous venons de dire que la véritable nature sexuelle de Frodo, et donc vraisemblablement de Tolkien, était sodomite au sens large, et non seulement homosexuelle comme nous l'avions laissé entendre jusque là. C'est en effet ce que donnent à penser certains événements du cinquième livre que nous avions jusque là laissé de côté, et notamment la guerre qui oppose le Gondor à Mordor. le Mordor, par sa configuration, son odeur, sa substance, est bien sûr un cul. Mais si nous nous tournons de l'autre côté, sur les rives de l'Anduin, nous constatons que ce cul est féminin. En effet, pendant que Frodo rejoint par derrière le grand anus primordial, Minas Tirith, gigantesque phallus blanc, se dresse face à la porte noire, sexe encore fermé de ce même Mordor. Et même si le lien n'est pas explicitement formulé par un Tolkien prudent, on peut penser que les activités de Frodo, Sam et Gollum ne sont pas étrangères à l'ouverture de cette porte.
Nous n'avons pu, dans ce court article, qu'esquisser ce que devrait être une étude systématique de l'œuvre de Tolkien. Il est des épisodes, et des personnages importants dont nous n'avons pas parlé. Nous aurions pu ainsi évoquer Aragorn, le grand frère à la recherche de sa virilité perdue, symbolisée par son épée brisée, et qui ne pourra retrouver sa force, reforger son épée, qu'en renonçant à courir les elfes des bois et les animaux sauvages. Nous aurions pu étudier les symboliques associées aux Elfes et aux Dunedains. De même, la carte même des Terres du Milieu, avec par exemple les Montagnes Blanches semblant vouloir s'enfoncer dans le Mordor, aurait mérité sans nul doute une étude plus attentive. Mais en ne vous dévoilant pas tous les secrets de cette œuvre d'une infinie richesse, d'une merveilleuse finesse, en vous laissant les découvrir par vous même, nous sauvons un peu de la magie de cette lecture.
Actes du Séminaire de la Tour Noire
© An 1991 du troisième âge, Presses Universitaires de Dol-Guldur.
PENETRER L'ANNEAU
La symbolique sexuelle dans "Le Seigneur des Anneaux",
Éléments pour une lecture freudienne de l'œuvre de J.R.R. Tolkien.
Comme cela est fréquemment le cas dans les œuvres d'une telle envergure, "Le Seigneur des Anneaux" se prête à des lectures multiples. Les nombreux exégètes qui se sont penchés sur l'œuvre de J.R.R. Tolkien ont pourtant, jusqu'à aujourd'hui, négligé une piste essentielle et particulièrement féconde. L'objet de ce court essai sera donc de montrer que "Le Seigneur des Anneaux", bien plus qu'une épopée gratuite (et donc fantastique), est un récit profondément marqué sexuellement, et que les aventures de Frodo sont en fait les étapes successives d'une recherche de la sexualité, sans doute le récit inconscient des premières expériences sexuelles de J.R.R. Tolkien.
La Comté est l'image de l'enfance : les Hobbits y sont aussi innocents que petits, et le départ de Frodo est la marque de son accession à l'état d'adulte, de son initiation à la sexualité. Pourtant, ce départ n'est pas aussi rapide, aussi direct qu'il en a l'air. Le passage chez Tom Bombadil est, sans nul doute, l'expression de la tentation incestueuse, et ce n'est qu'après ce passage, ce désir de retour aux origines, de plongeon dans la terre-mère, que l'aventure commence vraiment. La crise œdipienne ne sera cependant résolue, ou du moins occultée, que plus tard, au conseil d'Elrond. Nous serons amenés à y revenir.
La Forêt est chez Tolkien l'image du sexe féminin. C'est notamment le cas des trois forêts qui jouent un rôle important dans cette aventure, la Vieille Forêt, la Lorien et Fangorn. Fangorn et la Vieille Forêt sont des creux, des trous. La Lorien ne connaît pas une situation identique, mais elle est placée sous le signe de l'humidité, elle est la grande prostituée au croisement des trois grands fleuves, Nimrodel, Silverlode et Anduin. Ces trois forêts ont en commun le mystère qui les enveloppe, les légendes inquiétantes qui courent à leur sujet, mais elles représentent cependant des images différentes de la femme : la Mère pour la Vieille Forêt, la Prostituée pour la Lorien, la Femme-animale pour Fangorn.
La Vieille Forêt est donc la représentation du sexe maternel : c'est pour cela qu'elle est vieille. Cette image est d'ailleurs très clairement exprimée par Tom Bombadil, lui même image maternelle qui ne quittera jamais l'esprit de Frodo, "Tom a vu la première goutte et le premier gland". Le passage par la vieille forêt retrace donc la tentation incestueuse chez Tolkien. Les autres forêts sont toujours, et on le comprendra aisément, décrites comme humides; seule la vieille forêt nous est présentée comme desséchée, vieillie, rabougrie, traversée de fissures que le héros franchit pour retrouver enfin son origine dans la maison de Tom Bombadil. Mais l'anneau, dont nous verrons plus loin la signification complexe, est ici sans effet, ce qui signifie qu'il n'y a pas place ici (dans l'anneau) pour le sexe, et que Frodo/Tolkien devra aller perdre sa virginité ailleurs.
L'image maternelle n'apparaîtra plus directement dans la suite du récit. Pourtant, il en est dans le Seigneur des Anneaux de la mère comme de la mer : on ne les voit jamais, mais on sent toujours et partout leur présence obsédante en marge du récit.
L'épisode de la traversée de la Moria est sans doute l'un des plus riches d'ambiguïté sexuelle de tout l'ouvrage, et c'est là qu'apparaît pour la première fois clairement le thème de la sodomie, qui deviendra ensuite peu à peu omniprésent. Il n'est guère étonnant que le code permettant de pénétrer dans la Moria soit "ami", il n'est pas non plus surprenant que ce soit Gandalf, ici dans le rôle du pédagogue grec, qui le découvre à ses jeunes compagnons. Qu'est-ce en effet que la Moria sinon un gigantesque anus, que nos héros ne vont pas se contenter de pénétrer mais qu'ils vont explorer jusqu'au plus profond. Un clien d'œil du Tolkien linguiste nous montre bien qu'il était au moins partiellement conscient de la folie de ce qu'écrivait le Tolkien auteur. Ce n'est pas par hasard qu'il appelle "Moria" ce long souterrain, cet intestin labyrinthique. En effet, de quoi d'autre nous parle-t-il que d'une folie grecque?
Mais la traversée de la Moria est aussi le moment où se déploie dans sa terrible ambiguïté la dialectique homosexualité/hétérosexualité qui sous-tend toute l'œuvre.
En effet, à peine sortis de cette terrible folie, nos héros, véritable retour aux sources, plongent dans le profond vagin humide de la Lorien, baignée par l'Anduin, la Nimrodel et le Cours d'Argent. On sent pourtant, lorsque les compagnons s'en approchent, cette terrible angoisse qui les étreint, due à toutes les légendes qui circulent sur ce mystère, cet autre monde, angoisse que l'on a déjà rencontrée lorsque les héros s'enfonçaient dans la vieille forêt, que l'on retrouvera à l'approche de Fangorn. Baignée d'une lueur étrange, vêtue de feuilles/vêtements brillantes, la Lorien est l'image de la prostituée par(sur) laquelle non seulement Frodo/Tolkien, mais aussi tous ses compagnons sont passés. Le toponyme Lorien vient d'ailleurs sans doute de Lorelei. On peut même voir dans la longue description de Galadriel et de son protecteur Celeborn des souvenirs d'enfance très précis, ceux des bas-fonds de Birmingham. Là encore, Frodo est un moment tenté de lui donner l'anneau, de le passer au doigt de cette première femme, mais il ne le fera pas. Nous savons depuis le conseil d'Elrond que Frodo est homosexuel, ce qui explique qu'il renonce à ce projet.
Il est une troisième forêt, un autre vagin humide, Fangorn, par lequel Frodo ne passera pas, du moins pas avant d'avoir achevé sa quête. Nous devons cependant nous y arrêter, car c'est ici que la symbolique est la plus riche, et nous y assistons à l'une des deux seules représentations de l'acte sexuel dans l'œuvre de Tolkien, et à la seule qui figure une relation hétérosexuelle, particulièrement mouvementée il est vrai.
Fangorn est l'image archétypale du sexe féminin dans le seigneur des anneaux. Profonde, obscure, il y coule des liqueurs enivrantes dont Merry et Pippin, qui représentent bien sûr ici des amis de Tolkien, vont se délecter. L'on peut tout d'abord voir dans la force nouvelle des deux hobbits après leur festin/cunnilingus dans l'antre de Treebeard une réminiscence de la conception taoïste de la sexualité comme moyen de s'approprier la force du sexe opposé . Mais ces préliminaires seront suivis d'une copulation monstrueuse, tellurique, lorsque la forêt/vagin se déplace pour rejoindre la tour d'Orthanc/pénis. La tour d'Orthanc, droite et dure, est bien entendue une représentation phallique, et Tolkien insiste délibérément sur ce point en nous détaillant les grottes, machineries fumantes, testicules, qui la sous tendent. Nous ne nous attarderons pas plus sur la symbolique, évidente, du doigt pointé par la main blanche, tâché de sang, que Gandalf et Théoden voient avant de parvenir à l'Isengard. La terrible copulation avec la forêt laissera la tour épuisée, fumante, mais, notons le bien, toujours debout. On voit bien ici l'image d'un épisode vécu par ses amis, auquel Tolkien regrette sans doute de n'avoir pas participé. Mais il ne le pouvait pas, puisque Frodo/Tolkien est alors déjà en Mordor, de l'autre côté, dans tous les sens du terme.
Tout comme Orthanc, Minas Tirith est un gigantesque phallus, dressé comme un défi devant Mordor. Le symbolisme en est renforcé par l'ascension de Pippin jusqu'au sommet de la ville, image de la montée d'un désir ambigu pour le malodorant Mordor. L'image de cette montée de sève est d'ailleurs récurente, déjà figurée par l'ascension de Gandalf des tréfonds de la Moria au sommet du Celebdil.
Le Seigneur des Anneaux n'est pas, comme on l'a longtemps cru, le récit de la lutte du bien et du mal. C'est plutôt celui de la tension dialectique entre l'homosexualité et l'hétérosexualité chez Tolkien, vécue à travers le personnage de Frodo. Frodo ne devient pas homosexuel, ou sodomite : il l'est, dès son départ de la Comté, même s'il ne le sait pas. Gandalf, vieillard lubrique et impuissant, l'a bien deviné et c'est pourquoi il veut à tout prix guider Frodo dans la voie où il a déjà mené Bilbo. Lorsque le conseil d'Elrond décide d'envoyer l'anneau en Mordor, représentation parfaite du Grand Anus Primordial cher à Deleuze et Gattari , et non chez Tom Bombadil (retour impossible à la mère) ou dans la Lorien, cela est directement lié à la sexualité de Frodo. Et peu nous importe ici de savoir si Frodo va en Mordor parce qu'il est sodomite, ou s'il est sodomite parce qu'il doit aller en Mordor. En tout état de cause, sa sexualité ne sera réalisée qu'à la fin de la quête, mais elle est déjà préfigurée tout au long du voyage de Frodo par les relations qu'il entretient d'abord avec l'anneau, plus tard avec Gollum, Sam n'ayant ici qu'un rôle de faire-valoir. Le conseil d'Elrond représente la véritable naissance de la sexualité chez Tolkien/Frodo. Cette idée est renforcée par l'entrevue de Frodo avec Bilbo, image du père, qui lui confie sa dague, Sting , symbole de sa virilité. Par là, Bilbo renonce symboliquement à courir après les jeunes elfes des bois, mais semble espérer que Frodo le suivra dans cette voie. Mais nous savons que la sexualité se Frodo est déjà déterminée, et qu'elle ne sera réalisée que lorsque l'anneau/anus de Frodo sera noyé dans le grand anus primordial d'Orodruin.
René Girard a très bien vu l'erreur de la lecture habituelle et superficielle du texte qui voit dans le couple Sam-Frodo une simple relation homosexuelle . C'est en effet oublier le troisième personnage essentiel, le médiateur, Gollum. Nous nous trouvons ici dans un triangle mimétique, le désir de Frodo pour Gollum engendrant celui, plus refoulé, de Sam, et vice-versa. Mais Girard n'a pas vu l'importance de l'anneau, qui est véritablement ici un quatrième personnage, engendrant également un désir mimétique de Sam et Frodo, de même nature que celui qu'ils éprouvent pour Gollum. A.J. Greimas dirait que l'anneau, bien que passif au sens sexuel, est un actant du récit .
L'anneau de pouvoir n'est ni l'anneau royal perdu de Salomon, ni l'anneau d'invisibilité de Gygès, ni même l'anneau de puissance des Nibelungen, c'est simplement l'anus. Pas encore le grand anus primordial de Mordor, mais au moins celui de Frodo. Cet anneau est déjà enjeu de rivalité non-dite entre Frodo et Sam, voire Gollum, qui cherchent tous à y mettre leur doigt. Remarquons d'ailleurs que lorsque Frodo, à Amon Sûl, puis Sam, sur les contreforts de l'Ephel Duath, puis enfin Gollum sur la montagne du Destin, enfilent l'anneau (à leur doigt), ils se trouvent à chaque fois sur une montagne, sur un sommet, symbole phallique. Et cette expérience leur fait découvrir par les Nazguls, pets monstrueux de l'anus de Sauron, un avant goût de ce qu'ils ne trouveront qu'au bout de leur quête, en Mordor. Lorsque Frodo parvient enfin au centre de ce Mordor sec, crevassé et puant, fessier du monde que tout oppose aux forêts/vagins décrites dans les paragraphes précédents, sa quête est accomplie. Après la découverte dans le grand anus primordial de sa nature sodomite, il n'a plus besoin d'enfiler son doigt dans son anneau/anus. C'est en cela que la destruction de l'anneau, et du doigt de Frodo, est purement métaphorique. C'est là le grave contresens des analyses qui voient dans le combat entre Frodo et Gollum, sur la montagne du Destin, une scène de castration.
Nous venons de dire que la véritable nature sexuelle de Frodo, et donc vraisemblablement de Tolkien, était sodomite au sens large, et non seulement homosexuelle comme nous l'avions laissé entendre jusque là. C'est en effet ce que donnent à penser certains événements du cinquième livre que nous avions jusque là laissé de côté, et notamment la guerre qui oppose le Gondor à Mordor. le Mordor, par sa configuration, son odeur, sa substance, est bien sûr un cul. Mais si nous nous tournons de l'autre côté, sur les rives de l'Anduin, nous constatons que ce cul est féminin. En effet, pendant que Frodo rejoint par derrière le grand anus primordial, Minas Tirith, gigantesque phallus blanc, se dresse face à la porte noire, sexe encore fermé de ce même Mordor. Et même si le lien n'est pas explicitement formulé par un Tolkien prudent, on peut penser que les activités de Frodo, Sam et Gollum ne sont pas étrangères à l'ouverture de cette porte.
Nous n'avons pu, dans ce court article, qu'esquisser ce que devrait être une étude systématique de l'œuvre de Tolkien. Il est des épisodes, et des personnages importants dont nous n'avons pas parlé. Nous aurions pu ainsi évoquer Aragorn, le grand frère à la recherche de sa virilité perdue, symbolisée par son épée brisée, et qui ne pourra retrouver sa force, reforger son épée, qu'en renonçant à courir les elfes des bois et les animaux sauvages. Nous aurions pu étudier les symboliques associées aux Elfes et aux Dunedains. De même, la carte même des Terres du Milieu, avec par exemple les Montagnes Blanches semblant vouloir s'enfoncer dans le Mordor, aurait mérité sans nul doute une étude plus attentive. Mais en ne vous dévoilant pas tous les secrets de cette œuvre d'une infinie richesse, d'une merveilleuse finesse, en vous laissant les découvrir par vous même, nous sauvons un peu de la magie de cette lecture.
Actes du Séminaire de la Tour Noire
© An 1991 du troisième âge, Presses Universitaires de Dol-Guldur.