19.09.2024, 15:54
Les Collected Poems sont parus depuis peu, et il va falloir du temps pour digérer pareille somme. Du côté des langues elfiques, toutefois, ce sera plus rapide. En-dehors d'une correction d'une lecture de Christopher Tolkien d'un mot tiré d'un brouillon de Namárië (TI, p. 284-285), v. 7 : lire "Elentārin" et non "Elentāri"), il semble bien que le seul document inédit soit le poème lu par Tolkien en 1958 lors de la réception qui fut donnée en son honneur aux Pays-Bas. Hammond et Scull le publient aux pages 1296-1298 et en donnent deux versions préparatoires.
La version finale donne ceci :
Elle est accompagnée d'une traduction anglaise qu'il est aisé de rendre en français :
La version quenya n'est pas accompagnée d'une analyse linguistique, mais il reste néanmoins possible d'en proposer une traduction mot-à-mot qui permette d'en comprendre la construction (je redécoupe les lignes en cinq propositions) :
Seuls les termes précédés d'un point d'interrogation ne sont pas des mots connus ou des mots composés à partir d'éléments déjà connus. A noter que ce texte correspond au quenya tel que Tolkien le concevait entre la parution de la première et de la seconde édition du SdA. Il n'est donc pas étonnant d'y retrouver du vocabulaire devenu obsolète par la suite (notamment hondo "siège des sentiments les plus intimes", remplacé par órë dans les années 1960).
Quelques remarques sur les nouveaux termes :
La version finale donne ceci :
J.R.R. Tolkien a écrit :Loä yukainen avar Anduinë sí valútier :
i aluvar koivienyo eärello nantule.
Ai ! loär yassen palantírienye
andavanwë yásier — yá tenn' aldar
lente landanо́ressë о́laner : ai tо́ sí
ilyama menta hwirya hondoringe fúmenen
istarion.
Elle est accompagnée d'une traduction anglaise qu'il est aisé de rendre en français :
J.R.R. Tolkien a écrit :Vingt ans se sont écoulés dans la Longue Rivière, qui jamais dans ma vie
ne reviendront de la Mer. Ah[,] années durant lesquelles regardant au loin, j'ai vu des âges
passés depuis longtemps, lorsque les arbres croissaient encore libres dans un vaste pays. Hélas désormais tout
commence à se faner au souffle de magiciens au cœur froid : pour comprendre les choses
ils les brisent, et leur seigneurerie est dans la peur de la mort.
La version quenya n'est pas accompagnée d'une analyse linguistique, mais il reste néanmoins possible d'en proposer une traduction mot-à-mot qui permette d'en comprendre la construction (je redécoupe les lignes en cinq propositions) :
- Loä yukainen avar Anduinë sí valútier :
Année(s) vingt (lit. : deux-dix]) ?hors-de longue-rivière maintenant ?se-sont-écoulées :
- i aluvar koivienyo eärello nantule.
qui ne-FUTUR-PL de-ma-vie depuis-mer revenir.
- Ai ! loär yassen palantírienye andavanwë yásier —
Ah ! (des) années dans-lesquelles j'ai-au-loin-regardé longtemps-passés ?âges —
- yá tenn' aldar lente landanо́ressë о́laner :
quand jusqu'à (des) arbres ?libres dans-large-pays croissaient :
- ai tо́ sí ilyama menta hwirya hondoringe fúmenen istarion.
Ah depuis-lors maintenant toute-chose se-dirige-vers ?flétrissement froids-cœurs ?par-souffle de-magiciens.
Seuls les termes précédés d'un point d'interrogation ne sont pas des mots connus ou des mots composés à partir d'éléments déjà connus. A noter que ce texte correspond au quenya tel que Tolkien le concevait entre la parution de la première et de la seconde édition du SdA. Il n'est donc pas étonnant d'y retrouver du vocabulaire devenu obsolète par la suite (notamment hondo "siège des sentiments les plus intimes", remplacé par órë dans les années 1960).
Quelques remarques sur les nouveaux termes :
- ava "*extérieur" est bien attesté en tant qu'adjectif et peut donc s'accorder en nombre, mais on s'attendrait alors à un pluriel *avë. Je pencherais plutôt pour un adverbe apparenté à var "hors de", attesté dans des versions rejetées du Notre Père en quenya.
- valútier est clairement un verbe au parfait pluriel sans augment, qui devrait posséder le radical *valut- "s'écouler", mais aucun verbe de ce type n'est attesté. Toutefois, la racine LUT- "flotter" est bien attestée, ainsi que la préposition va "(au loin) de", aussi le sens ne fait-il pas de doute.
- yásier ressemble aussi à un verbe au parfait pluriel, mais vu la traduction, ce devrait plutôt être le pluriel d'un nom *yásië "*âge". Bien que ce terme ne soit pas attesté, il me rappelle inyali "de nombreux âges", forme au pluriel partitif d'un nom inya "âge" qui figure dans les premiers brouillons de Namárië ; comme yá "quand", ce terme pourrait dériver de la racine démonstrative YA, avec un allongement vocalique signifiant qu'il est en rapport avec le temps.
- lentë doit être le pluriel d'un adjectif non attesté *lenta "libre" ; notons qu'il existe un verbe lenda- "aller libre", dérivé de la racine LED- "aller, procéder" qui pourrait être apparenté à notre adjectif. Il existe aussi un adjectif lehta "libre, relâché" qui pourrait correspondre : je pense demander à Hammond et Scull si leur lecture est absolument certaine ou si le "n" ne pourrait pas être un "h" (notons que lehta dérive de la racine LEK- "relâcher, dénouer, permettre", de sens très satisfaisant ici, mais je ne vois pas comment cette racine pourrait phonologiquement donner lenta).
- hwirya doit logiquement signifier "flétrissement", mais je ne vois pas de terme apparenté qui pourraient le confirmer. Il dériverait vraisemblablement d'une racine *SWIR-, mais rien de semblable ne figure dans les textes publiés, à ma connaissance.
- fúmenen est indiscutablement l'instrumental d'un nom *fúmë "*souffle (expiré)" qui dérive de la racine PHUY- "expirer", qui est bien attestée.
Rollant est proz e Oliver est sage.
Ambedui unt merveillus vasselage :
Puis que il sunt as chevals e as armes,
Ja pur murir n’eschiverunt bataille.
— La Chanson de Roland
Ambedui unt merveillus vasselage :
Puis que il sunt as chevals e as armes,
Ja pur murir n’eschiverunt bataille.
— La Chanson de Roland