11.11.2010, 18:50
A propos des barbares orientaux, j'avais écrit ceci il y a quelques temps.
Ce sont des extraits sans queue ni tête d'un essai inachevé (faute de temps) qui traitait essentiellement d'applicabilité et d'histoire interne.
Je m'y remettrai bien, mais j'ai encore des petites choses à terminer...
En attendant, en voici quelques bouts inédits
I.
Ce sont des extraits sans queue ni tête d'un essai inachevé (faute de temps) qui traitait essentiellement d'applicabilité et d'histoire interne.
Je m'y remettrai bien, mais j'ai encore des petites choses à terminer...
En attendant, en voici quelques bouts inédits

Citation :Le principe de l’applicabilité réside dans la ‘liberté du lecteur‘ à laquelle s’ajoutent sa propre pensée et son expérience. Dans une lettre à W.H. Auden (163, juin 1955), Tolkien illustrait ce principe (mais du point de vue de l’auteur, et non du lecteur) en se définissant comme un ‘homme du nord-ouest du Vieux Monde’ pour lequel l’Est est une terre ‘sans fin’ et ‘d’où proviennent essentiellement les ennemis’. Dans un même ordre d’idée, et en se plaçant cette fois du point de vue du lecteur possédant quelques connaissances historiques et un sentiment d’appartenance à la civilisation judéo-chrétienne, le récit des invasions barbares successives dont fut victime le royaume du Gondor fait inévitablement penser aux invasions historiques de l’Empire romain, à la fin de l’Antiquité et au début du Moyen-Age ; des invasions qui venaient elles-aussi de l’Est, qu’on se trouvât alors sur les frontières du Rhin, sur celles du Danube, de l’Euphrate ou bien aux confins désertiques qui bordaient la Palestine et l’Arabie.
Cette tentation de l’applicabilité est bien compréhensible, tant la comparaison semble ici évidente, et sur cet exemple des invasions barbares, il est très facile au lecteur d’assimiler ses connaissances d’un événement historique qui s’est réellement déroulé à un événement imaginaire a priori analogue.
On retrouve en effet des éléments de comparaison assez forts : mouvements de populations d’est en ouest, chocs de civilisations où le lecteur peut aisément appliquer ce qu’il sait de l’Empire romain déclinant au royaume de Gondor pressé sur ses frontières par des hordes impitoyables.
Les vagues d’attaques successives sont aussi un élément de rapprochement qu’il convient de développer. En effet, Tolkien rapporte dans les Annales du Gondor (Appendice A du Seigneur des Anneaux) que les barbares orientaux s’attaquèrent dés l’an 490 du Troisième Age au royaume des Numenoréens exilés. Plus d’un millénaire après cette première attaque (en 1851), les Gens des chariots, ou Wainriders en anglais, s’attaquèrent à nouveau au Gondor, ouvrant une succession d’incursions brutales visant le royaume et ses alliés : celles des Balchoth en 2510, des Orientaux en 2758 contre le Rohan, et à nouveau des Orientaux, très nombreux et mêlés à d’autres peuples alliés à Sauron, pendant la Guerre de l’Anneau en 3019. Le rythme de ces irruptions pourrait évoquer les grandes incursions successives des barbares germaniques historiques, inaugurées par les Cimbres et les Teutons en 102 avant J-C, et poursuivies par les Quades et les Marcomans en Italie et dans les Balkans (en 166-167 après J-C) ; par les Francs et les Alamans en Gaule romaine (en 244, en 253-260, en 275) ; par les Francs Ripuaires en 388 ; par les Goths dans la partie orientale de l’Empire (incursions massives à partir de 376) et par la grande ruée des Germains sur l’occident en hiver 406-407.
Dans un même ordre d’idée, la fortification de l’Anduin et de l’île de Cair Andros par les rois du Gondor décrite par J.R.R. Tolkien pourrait s’appliquer à la mise en place par les Romains des réseaux défensifs de Castella et de Burgi sur la frontière danubienne de leur empire.
Les épithètes élogieux Rómendacil (Vainqueur de l’Est), ou Hyarmendacil (Vainqueur du Sud) qui évoquent la victoire des rois du Gondor contre les ennemis barbares, font écho aux surnoms parfois multiples de certains empereurs romains. Ainsi l’arc de triomphe de Trajan à Bénévent (Italie) nous rappelle que cet empereur était à la fois Germanicus (Vainqueur des Germains) et Dacicus (Vainqueur des Daces, un peuple non germanique établi dans les Carpates et en Valachie). De même, l’historien romain Aurelius Victor (IVème siècle) rapporte que l’empereur Claude II était dit Goticus Maximus après sa victoire contre les Goths sur le Danube (à Naïssus en Mésie) en 269.
Enfin, en poursuivant le raisonnement, la mort du roi du Gondor Narmacil II, tué en 1856 dans une bataille contre les Wainriders pourrait s'apposer à celle de l’empereur Marc Aurèle en 180 à Sirmium lors d’une campagne contre les Marcomans et les Quades (barbares germaniques du Danube), à celle de l’éphémère empereur Dèce, tué dans un combat sur le Danube contre les Goths du roi Kniva en 251, ou à celle de Valens tué à Andrinople en août 378 lors du fameux choc contre la puissante armée des Wisigoths.
En surface, les ressemblances entre les barbares orientaux d’Arda et les barbares historiques sont donc séduisantes. L’application des premiers aux seconds apporte ainsi une matière intéressante au lecteur qui éprouve le besoin d’un décodage comparatif de l’œuvre de Tolkien.
Mais la réalité de l’opportunité de cette application est cependant tout autre. Et plusieurs points fondamentaux mettent à mal la pertinence d’une assimilation de l’événement historique à la fiction littéraire.
I.