21.08.2010, 14:38
En réalité, si l'on lit les articles de Hostetter, de Renk et de Fauskanger, les points de vue sur l'utilisation des langues elfiques sont bien moins éloignés qu'on ne pourrait le croire. Tout étudiant des langues inventées par Tolkien aura un jour où l'autre cherché à les utiliser (y compris Hostetter lui-même, comme il le note par ailleurs), et tout utilisateur potentiel cherchant à exprimer quelque chose de non-évident aura été forcé de les étudier par elles-mêmes pour obtenir quelque chose de compréhensible. Là où les points de vue divergent abruptement est l'état d'esprit qui préside à l'étude ou à l'utilisation. On peut considérer que toute la gamme des possibles est représentée dans le petit monde des lambendili, même si l'on peut être réticent à accorder ce titre à certains d'entre eux.
L'étude des textes peut passer par une décortication minutieuse de chaque élément fourni par Tolkien avec remise dans le contexte contemporain de cet écrit et mise en parallèle des étapes précédentes et suivantes des conceptions de Tolkien sur ses langues inventées. Elle peut dégénérer en une ratatouille d'éléments rapportés sans tenir compte de l'époque à laquelle ils appartiennent ni préoccupation de citer le texte de Tolkien. On peut même observer des monuments de pseudo-érudition qui affectent d'avoir le sérieux d'une étude scientifique tout en déformant sans le dire le texte de Tolkien et en citant sélectivement celui-ci pour le plier à des conceptions simplifiées de ce qu'il devrait être.
Leur utilisation varie elle aussi. On compte ceux qui font une distinction nette entre l'étude scientifique des textes de Tolkien et la préoccupation artistique qui cherche à poursuivre l'inspiration du Professeur. On en voit d'autres pour qui le moindre manuel prêt à l'emploi disponible sur internet vaut parole d'évangile et supplante même les conceptions tolkieniennes authentiques, puisque celles-ci sont trop complexes et de toute façon contradictoires ! Sans parler de ceux qui ont établis leur propre système et clament à cor et à cris qu'il s'agit de la méthode par excellence, y compris pour l'analyse scientifique susmentionnée.
En somme, le maître mot doit être rigueur : dans l'analyse comme dans la distinction entre étude et utilisation. Sans quoi on risque de tomber dans les travers que dénonçait déjà Tolkien, s'indignant contre les gens qui récréaient des étymologies imaginaires pour les mots de ses langues elfiques et estimaient que la proximité sémantique entre un mot elfique et un nom propre du monde primaire permettait de décoder les significations secrètes du SdA : « des broderies inauthentiques sur mon œuvre, n'éclairant que l'état d'esprit de leurs inventeurs et pas le mien ou mon intention et ma méthode. » (Lettre n° 297) Certes, c'est demander beaucoup plus d'efforts à ceux qui désirent se plonger dans l'œuvre linguistique de Tolkien, mais c'est la seule méthode qui permette de rester proche des conceptions de Tolkien et de l'incroyable richesse de sa sous-création.
Tolkien a volontairement bâti des irrégularités dans ses langues inventées pour les rendre similaires à celles du monde réel, façonnées par leur histoire et leurs locuteurs. Peut-on penser qu'il aurait souhaité qu'on simplifie ses inventions à seule fin de les rendre plus simples à apprendre, au risque de les transformer en un code « grossier à l'extême », comme l'animalique inventé par ses cousines dans leurs jeunes années ?
Bibliographie
- Helge Fauskanger, « Tolkien's Not-So-Secret Vice »
- Carl Hostetter, « L'elfique comme elle est parlait »
- ———, « Linguistique tolkienienne, les cinquante premières années », section « Quatrième phase – étudiants et locuteurs, ou elfique et néo-elfique »
- Thorsten Renk, « Ainsi, vous voulez apprendre l'elfique ? »
L'étude des textes peut passer par une décortication minutieuse de chaque élément fourni par Tolkien avec remise dans le contexte contemporain de cet écrit et mise en parallèle des étapes précédentes et suivantes des conceptions de Tolkien sur ses langues inventées. Elle peut dégénérer en une ratatouille d'éléments rapportés sans tenir compte de l'époque à laquelle ils appartiennent ni préoccupation de citer le texte de Tolkien. On peut même observer des monuments de pseudo-érudition qui affectent d'avoir le sérieux d'une étude scientifique tout en déformant sans le dire le texte de Tolkien et en citant sélectivement celui-ci pour le plier à des conceptions simplifiées de ce qu'il devrait être.
Leur utilisation varie elle aussi. On compte ceux qui font une distinction nette entre l'étude scientifique des textes de Tolkien et la préoccupation artistique qui cherche à poursuivre l'inspiration du Professeur. On en voit d'autres pour qui le moindre manuel prêt à l'emploi disponible sur internet vaut parole d'évangile et supplante même les conceptions tolkieniennes authentiques, puisque celles-ci sont trop complexes et de toute façon contradictoires ! Sans parler de ceux qui ont établis leur propre système et clament à cor et à cris qu'il s'agit de la méthode par excellence, y compris pour l'analyse scientifique susmentionnée.
En somme, le maître mot doit être rigueur : dans l'analyse comme dans la distinction entre étude et utilisation. Sans quoi on risque de tomber dans les travers que dénonçait déjà Tolkien, s'indignant contre les gens qui récréaient des étymologies imaginaires pour les mots de ses langues elfiques et estimaient que la proximité sémantique entre un mot elfique et un nom propre du monde primaire permettait de décoder les significations secrètes du SdA : « des broderies inauthentiques sur mon œuvre, n'éclairant que l'état d'esprit de leurs inventeurs et pas le mien ou mon intention et ma méthode. » (Lettre n° 297) Certes, c'est demander beaucoup plus d'efforts à ceux qui désirent se plonger dans l'œuvre linguistique de Tolkien, mais c'est la seule méthode qui permette de rester proche des conceptions de Tolkien et de l'incroyable richesse de sa sous-création.
Tolkien a volontairement bâti des irrégularités dans ses langues inventées pour les rendre similaires à celles du monde réel, façonnées par leur histoire et leurs locuteurs. Peut-on penser qu'il aurait souhaité qu'on simplifie ses inventions à seule fin de les rendre plus simples à apprendre, au risque de les transformer en un code « grossier à l'extême », comme l'animalique inventé par ses cousines dans leurs jeunes années ?
Bibliographie
- Helge Fauskanger, « Tolkien's Not-So-Secret Vice »
- Carl Hostetter, « L'elfique comme elle est parlait »
- ———, « Linguistique tolkienienne, les cinquante premières années », section « Quatrième phase – étudiants et locuteurs, ou elfique et néo-elfique »
- Thorsten Renk, « Ainsi, vous voulez apprendre l'elfique ? »
Rollant est proz e Oliver est sage.
Ambedui unt merveillus vasselage :
Puis que il sunt as chevals e as armes,
Ja pur murir n’eschiverunt bataille.
— La Chanson de Roland
Ambedui unt merveillus vasselage :
Puis que il sunt as chevals e as armes,
Ja pur murir n’eschiverunt bataille.
— La Chanson de Roland