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[Poésie] Dagor bragollach
#1
~~ Dagor Bragollach ~~

Au dôme constellé de gemmes argentées,
aux caresses des vents de Manwë Sulimo,
vertes plaines bruissent de douces mélopées,
tinte l'eau du ruisseau sous le ciel indigo.

Flûtes traversières et luth,vibrant tambours,
inondent Beleriand de leurs sons harmonieux,
chantent les premiers nés de leurs voix de velours,
quand sommeillent les fleurs aux parfums capiteux.

Reflètent à la brune les visages diaphanes
des heureux saltimbanques en leurs mantes d'hermine,
virevoltent les doigts des adroits mélomanes,
que sonne l'aubade, que danse serpentine.

Exquise l'herbe fraiche en cette nuit d'hiver,
suave la senteur des bouleaux et des chênes
et les eaux du Sirion s'écoulent vers la mer,
vives, cristallines, sous le vol des phalènes.

Soudain, les cieux se brisent en fontaines ardentes,
Les faisceaux aveuglants, les éclairs qui scintillent,
au terrible fracas, aux ondes turbulentes,
Thangorodrim rugit et les terres vacillent.

Exhale caldera aux corolles fatales,
ses brûlantes fressures en profondes ravines.
Ard-Galen se pare d'incandescents dédales,
de cendres fumantes, de poussières de ruines.

Du plus profond d'Angband surgissent les chimères,
sinistres augures, créatures magiques,
Balrogs et loup-garou dispensent leurs colères,
implacables rivaux aux pouvoirs maléfiques.

Aussi paraît Glaurung, féroce prédateur
luisante cuirasse d'écailles mordorées,
le père des dragons, souffle dévastateur,
ondule son tourment sur les terres brulées.

Et résonnent les cris des légions meurtrières
à travers les combes à jamais perverties,
au choc des armures sous les noires bannières,
l'hallali retentit, amère tragédie.

Périssent les Eldar aux vagues déchainées,
des sombres escadrons, des violents incendies.
Arides les sillons, les rivières asséchées
accueillent à jamais leurs dépouilles noircies.

Et glissent lentement sur les grises scories,
lorsque souffle la bise aux relents vénéneux,
les bannières elfiques aux lisières rougies
par les taches du sang des hérauts malheureux.

De l'hiver au printemps pas le moindre répit.
Déroutés, dispersés, les elfes sont en fuite.
Sonne la victoire de Morgoth le maudit
à Dagor Bragollach, pour la flamme subite.

Disparus les châteaux, effondrés les royaumes
et les tours opalines aux pinacles dorés.
et rouillent les lames, les armures et les heaumes,
jusqu'à la fin des temps sous les pavés nacrés.

Plus de chants ne résonnent à la belle vallée,
que le lugubre écho de complaintes funèbres,
pour toujours Anfauglith elle sera nommée,
la poussière haletante où règnent les ténèbres.

Fingolfin Roi des elfes au profond désespoir,
rongé par le chagrin pour ses enfants tombés,
chevauche Rochallor son grand destrier noir
et traverse en fureur les terrains dévastés.

Il se présente seul aux obscures murailles,
noir écrin du chaos au pilastres de feux,
où demeure cachés au fond de ses entrailles,
Morgoth et sa couronne au joyaux fabuleux.

Le son de la trompe du vaillant souverain
résonne clair et pur sur les frontons d'acier,
frappent ses poings serrés sur les portes d'airain,
il provoque en duel le Vala disgracié.

Melkor délaisse alors son trône de rubis,
immense maelström de spirales obscures,
comme une mer houleuse aux contours imprécis ,
de vagues sibyllines et macabres jaspures.

Son vaste bouclier, exorde du néant,
comme un voile de nuit éclipse la lumière.
Sans drapeau ni blason, s'avance le géant,
un linceul de terreur pour unique bannière.

Sous l'ombre Fingolfin est un éclair ardent.
Comme ceux d'Oromë étincellent ses yeux,
sa cotte de maille tissée d'or et d'argent
brille comme une étoile au pays nébuleux.

Dans les vents déchainés claque son oriflamme,
brocard bleu parsemé de huit rayons dorés.
Il dévoile Ringil sa flamboyante lame
et son écu azur de cristaux incrustés.

L'entité malfaisante élève au firmament
Grond, marteau des enfers, vision de cauchemar.
Ombres et lumières, mortel déchainement,
dilacère les cieux et obscurcit Anar.

Quand furieux il l'abat, grondement de tonnerre,
morcelant la glèbe, creusant large et profond
un gouffre libérant les flammes de l'enfer,
leste, le souverain s'en échappe d'un bond.

Et maintes fois Morgoth cherche à le faire choir.
Chaque fois Fingolfin aérien funambule,
comme un éclair jaillit de sous l'orage noir,
Ringil étincelante au morne crépuscule.

Sept blessures elle inflige à l'archange maudit,
et sept fois l'ennemi pousse un cri de douleur
et tandis que l'écho de sa peur retentit,
se figent ses légions, pétrifiées de terreur.

Mais âpre est le combat, Fingolfin se fatigue.
Frêle esquif prisonnier d'une mer ténébreuse,
par trois fois sous les coups que l'ennemi prodigue,
il s'effondre à genoux sur la terre cendreuse.

Et trois fois se relève, courageux souverain,
sous son heaume fendu, épuisé, harassé,
le visage hâve, défaille son entrain
mais brandit à nouveau son écu fracassé.

Creusés à ciel ouvert comme autant de tombeaux,
le sol autour de lui est couvert de crevasse.
Sa cotte de maille et sa cape en lambeaux,
il bute et bascule, prisonnier de la nasse.

Morgoth le domine de toute sa hauteur
et pose sur son cou son brodequin ferré,
titanesque fardeau, terrible pesanteur,
étreinte fatale sous le ciel bigarré.

Fingolfin sans espoir, brisé lors de l'assaut,
de sa lame Ringil lui porte un coup de taille
et lui tranche le pied pour son dernier sursaut,
avant que son esprit ne quitte la bataille.

Comme un torrent de fiel, le sang noir et fumant
du noir nécromancien, Maitre d'Angamandi,
inondant les fosses, se déverse en brûlant
la bannière de soie, le blason d'organdi.

Morgoth saisit le corps de son preux adversaire,
il veut jeter aux loups le bon roi des Ñoldor.
Des pics du Crissaegrim, quitte en hâte son aire
le plus grand des oiseaux, l'aigle roi Thorondor.

Les ailes déployées, orage étourdissant,
plus vite que le vent traverse les nuages.
Fulgurant tourbillon au fracas rugissant,
s'abat sur l'ennemi déchirant son visage.

De ses serres il saisit la dépouille royale,
l'emporte pour rejoindre une verte colline,
au delà des montagnes sous la bise glaciale,
aux côtés de son fils Seigneur de Gondolin.

Accablé de chagrin, là, Turgon pour son père,
aux subtiles senteurs, du lys, de l'Alfirin,
érige le plus haut des sépulcres de pierre,
où pour l'éternité repose Fingolfin.

Amer est le nectar des regrets éternels,
la souffrance des elfes aux tourments de Melkor.
Par delà l'océan, Elbereth Gilthoniel
écoute résonner le triste son du cor.



[Vilyan - P.Muller]


[Image: nv052010.jpg]
Image Ted Nasmith
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[Poésie] Dagor bragollach - par Vilyan - 04.08.2009, 23:30

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