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Conte de Noël et du Harad
#37
Dans la tribune royale, Obaya Luuma se tenait, raide sur son siège, entre ses invités de marque. Ecœurée par la curée, elle avait assisté impuissante à ce spectacle inique, le cautionnant pourtant de sa simple présence, devant l’Oloye du Bellakar, les ambassadeurs de ses voisins et les représentants des provinces. Elle n’avait pas été assez clairvoyante : présider une telle démonstration de cruauté, une culture du massacre insinuée par le Grand Œil, devant l’émissaire des Variags et les dignitaires de l’ordre maudit, était une faute politique et une victoire pour ses ennemis.

Elle ne pouvait perdre la face.

Pourtant le spectacle prenait un tour inattendu…

Lorsque l’étranger remporta le duel, elle résolut d’en profiter.

À présent que la foule semblait hésiter, il lui fallait reprendre la main, afficher une posture de reine, de détentrice du pouvoir.

Elle se leva lentement. Pourvu que la foule me regarde…
Elle s’approcha de la balustrade de pierre. Pourvu que la foule fasse silence…
Elle leva le bras, avec toute l’autorité qu’elle avait vu son père insuffler dans ses apparitions officielles. Pourvu que la foule m’écoute…
Et la foule se tut.

L’Obaya fit venir l’étranger.
Elle l’observa gravir les gradins : la foulée longue, le pas endurant, la souplesse dans chaque mouvement, la musculature d’un combattant… un rôdeur opiniâtre, un maître de l’embuscade dans les forêts du septentrion.

Son jugement rapide dans le danger, la confiance qu’il inspire aux guerriers… un capitaine de guerre, un seigneur de parmi les hommes.
L’Obaya et l’étranger se firent face à la tribune, devant le peuple assemblé.
Les cheveux longs, noirs comme l’aile du corbeau, le voile de barbe, les estafilades glanées, les pattes d’oie aux coins des yeux… quel âge pouvait avoir cet homme, élégant de manières et sauvage d’apparence ?
Les traits fermes et décidés de l’étranger reflétaient une dureté forgée dans les épreuves. Et puis quelque chose de plus lointain, comme une douceur abandonnée dans l’enfance, ou un espoir profondément enfoui.

Ses yeux, d'un bleu perçant, semblaient capables de scruter les profondeurs de votre âme et de vous toucher.

Le bleu de ses yeux toucha Luuma.
Elle accueillit ce regard, caressa l’étincelle d’intime franchise. Mais un voile de pudeur nimba le regard de l’étranger, qui mit un genou en terre devant elle.

Elle le releva avec une grâce royale :
– Comment te nomme-t-on, Etranger ?
– J’ai pour nom Taïnyota, Ô Obaya.
– Par les armes et par la compassion, tu as gagné aujourd’hui les épreuves de l’arène. Que désires-tu pour prix de ta victoire ?

Taïnyota réfléchit un instant puis, se rappelant les leçons du Doyen de toutes les Tribus, il dit :
– S’il m’était donné d’émettre un souhait devant la Déesse, j’aimerais voir restaurer Ses jeux équestres dans leur beauté d’autrefois. Il me pèse qu’en Son Nom mille fois béni, de fiers cavaliers et de nobles coursiers se livrent à des massacres barbares et des simulacres indignes !
Les yeux de la princesse brillèrent d’émotion contenue : L’esprit de l’Etranger s’accordait au sien ! Mais elle hocha la tête d’un air insatisfait – elle devait marquer son autorité :
– J’accéderai à ta demande, à la condition que tu te mettes au service de ma personne !

Taïnyota s’inclina en signe d’obédience. La princesse se tourna vers la foule :
– Au nom de l’Oba-Wu-Indu Dayan, j’ordonne que soient abolies patentes et licences autorisant l’esclavage et l’institution des gladiateurs et je rétablis dans ses formes et prérogatives, le Conseil des Jeux de la Déesse Jeune !

Le public restait sans voix. Une ombre balançait dans les gradins du vieil hippodrome.

Alors le Prince Kibir se leva et s’écria d’une voix forte :
– Gloire à l’Obaya Luuma ! Longue vie à sa lignée !

Une ovation secoua la foule : les heures de gloire du pays, ses racines profondes reprenaient leurs droits.

Le peuple semblait s’éveiller d’un mauvais rêve.

Le cœur de la princesse débordait de reconnaissance.

Les dignitaires de l'Œil Rouge quittèrent la galerie royale.

.oOo.
A suivre...
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Conte de Noël et du Harad - par Chiara Cadrich - 17.12.2024, 19:59
RE: Conte de Noël et du Harad - par Irwin - 24.12.2024, 12:02
RE: Conte de Noël et du Harad - par Bladorthin - 27.12.2024, 14:47
RE: Conte de Noël et du Harad - par Chiara Cadrich - 30.01.2025, 19:43
RE: Conte de Noël et du Harad - par Irwin - 15.02.2025, 11:42

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