04.01.2025, 16:11
(Modification du message : 04.01.2025, 16:12 par Chiara Cadrich.)
Des ergs ocre barraient l’horizon des étendues stériles, semées de roches brisées et inondées de lumière.
Soudain le silence brûlant céda à la vie. Une brèche surgit presque sous les pas du cheval. Une gorge profonde sinuait là, écrin d’émeraude et de fraîche pénombre : l’Oued cachée, l’oasis de Khenara, que les nomades nommaient aussi le Sourire de la Déesse, en raison de la forme de lèvres que prenait son canyon.
Le cavalier mit pied à terre, entrouvrant la visière de sa chèche pour observer le gouffre et y dénicher un chemin. Aucun garde ne veillait au sommet : le désert suffisait à tenir les étrangers à distance. Sans même une pression des jambes de son cavalier, la monture découvrit d’instinct le sentier et s’engagea dans la descente à flanc de rocher, sous le regard suspicieux d’un fennec aux larges oreilles.
Dans l’ombre des falaises, épargnées par les tempêtes du désert, montait un murmure de renouveau. Des palmiers dattiers majestueux élevaient leurs couronnes au-dessus des arbres fruitiers. Des maisonnettes de terre cuite émergeaient çà et là des massifs d’acacias et de tamaris, leurs racines profondément ancrées dans le limon du canyon. Des buissons de lauriers, piqués de roses et de blancs éclatants, bordaient le ruisseau qui zinzinulait sa mélodie apaisante. Les larmes précieuses de la Déesse serpentaient entre rochers éboulés, moulins et jardins, sautant de bassins en canaux.
Des effluves de menthe et de citronniers accueillirent le voyageur sous le ramage enjôleur des rolliers et des huppes. Une arche de pierre, sculptée par les siècles, enjambait le sentier. Le cavalier démonta : seuls les conquérants passaient à cheval la porte des cités.
Il s’aventura dans les méandres du village, de ruelles en ponceaux. La lumière du soleil, filtrée par les feuillages, dansait sur l’eau en volutes gracieuses. Les marchands jaugeaient sans retenue ce vagabond aux airs de seigneur, à la tenue maculée des cendres du désert, supputant les richesses cachées d’un Oloye en exil. Des jeunes femmes, au sortir du bain rituel, lui jetaient des œillades ourlées de kohl. Les guerriers saluaient d’un air grave, la main sur la poitrine, hochant la tête au passage de l’étalon.
Plus bas dans la vallée, les jardins et les cultures maraichères, protégées d’épineux, faisaient place aux pâturages des chèvres et des dromadaires. Quelques tentes aux motifs colorés se dressaient là, autour d’un grand bâtiment hérissé de pinacles rouges et adossé à la falaise. Le cœur du sanctuaire.
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A suivre...