27.12.2024, 11:55
(Modification du message : 27.12.2024, 12:21 par Chiara Cadrich.)
Un serviteur de l’Œil interrompit alors le conte, tout bouffi dans sa mante d’apparat, de l’air du sage qui ne peut trop en révéler :
– Qui donc, entre tous ces naïfs privés de clairvoyance, qui donc pouvait voir la vérité ? Car il n’est qu’une vérité ! Il faut être armé de la puissance de l’Œil pour l’entrevoir !
En guise de réponse, le Doyen de toutes les tribus poursuivit, comme s’il n’avait pas été interrompu :
– Aucun des aveugles ne voyait la vérité plus que les autres, mais au moins se fiaient-ils à ce qu’ils avaient perçu, et non à ce que des esprits mal intentionnés tentaient de leur faire accroire ! Avec un sourire bienveillant, la dame du Harj leur dit : "Mes chers amis, vous avez touché une partie différente du cadeau et avez tous en partie raison, mais chacun de vous a complètement tort. Mon cadeau est en réalité un dromadaire, un vaisseau du désert qui vous aidera grandement dans vos travaux et votre négoce. Le premier d’entre vous a touché le cou de l’animal, le second une de ses pattes, le troisième sa bosse, et le dernier sa queue. Pour comprendre véritablement ce qu'est un dromadaire, il faut réunir toutes vos perceptions. Ce que vous voyez comme votre vérité n'est qu'une parcelle de la réalité." Les aveugles réalisèrent alors la précieuse leçon que l’Oloya venait de leur enseigner. Ils comprirent que leur ignorance et leur entêtement les empêchaient de voir la vérité dans son ensemble.
Le vieillard se redressa pour observer les réactions. Ces spéculations sur la relativité de la vérité semblaient indisposer les sectateurs de l’Œil. Ils jetaient au conteur un regard noir, marmonnant entre eux de sourdes imprécations. Mais ce fut un humble caravanier qui se manifesta :
– Ô Doyen de toutes les tribus, pardonne mon doute, qui n’est certainement que le reflet de ma propre ignorance, mais comment les quatre sages et leurs serviteurs pouvaient-ils ne pas connaître le dromadaire ?
– C’est là une excellente question, mon jeune ami. Car le doute est le plus grand talisman de l’honnête homme : il garde d’une foi trop présomptueuse !
– C’est là une excellente question, mon jeune ami. Car le doute est le plus grand talisman de l’honnête homme : il garde d’une foi trop présomptueuse !
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A suivre...