23.12.2024, 02:28
(Modification du message : 31.12.2024, 15:58 par Chiara Cadrich.)
Les joyaux de la Déesse aux trois visages s’allumaient un à un dans l’immensité du ciel. Au cœur de ce Harad lointain, les étoiles formaient d’étranges constellations, mais elles se déployaient sur un velours d’un bleu profond, à nul autre pareil.
Un feu de camp crépitait, autour duquel s’assemblaient les habitants de l’oasis et les caravaniers, en quête de chaleur et de compagnie. Les palmes sèches se consumaient en gerbes d’étincelles, jetant des ombres dansantes sur les visages des voyageurs fatigués. Un samovar de thé brûlant circulait parmi les convives, leur tirant des sourires de plaisir anticipé, des courbettes de préséance et des remerciements aussi sucrés que le breuvage qui coulait de haut dans les verres tendus.
Avec celle de Mezror, des tribus venues de fort loin avaient fait halte à l’oasis. Outre leurs marchandises, elles colportaient des nouvelles, avec leurs lots de malheur, d’espoir, de fantaisie, de mensonge et de conviction. Les conversations à mi-voix montaient douces comme l’air du soir, tandis qu’un oud égrenait des accords mélancoliques, majestueux comme une caravane en marche.
Un vieillard de haute taille, drapé dans une mante grise, s’avança vers le foyer. Un murmure de surprise et de respect courut, puis l’on entendit souffler le vent des dunes, tant s’était fait profond le silence de l’assemblée.
Attas Incânus, Doyen de toutes les tribus, s’assit devant le feu, déposant chapeau et bâton et sortant sa pipe de sa besace.
Sans doute, peu de gens entre ces voyageurs, avaient personnellement rencontré le vieillard au cours de leur vie. Mais il n’en était pas un qui ne connût son surnom. D’un bord à l’autre de la terre du Harad, et de génération en génération, les grands-pères avaient parlé du vieillard à leurs petits-enfants et répété ce que, de lui, ils avaient appris. Car il n’existait pas de village ou de hameau, si petit fût-il, qu’une fois au moins il n’eût traversé. Et quand Attas Incânus passait quelque part, on ne l’oubliait plus.
Il allait par les routes, chemins, pistes et sentiers. Il avait suivi les vallées où bouillonnent et chantent les cours des rivières enchantées. Et le sol des brûlants déserts avaient calciné ses pieds nus. Depuis quand marchait-il ? Autant le demander à ses empreintes effacées. Quelle force le conduisait ? Quel rêve ? La sagesse ? La fantaisie ? Une inquiétude éternelle ? La soif insatiable de savoir ? Il arrivait, s’en allait, reparaissait des années plus tard.
À chacune de ses haltes, il faisait un nouveau récit merveilleux. D’où puisait-il sa science ? On ne l’avait jamais vu lire. Pourtant, des événements et des hommes qui, pendant les siècles et les siècles, avaient marqué les mers, les passes, les steppes, il semblait avoir gardé la mémoire. Il parlait de la Déesse comme s’il avait été son disciple, des Rois de Númenor l’Engloutie comme s’il les avait suivis de conquête en conquête, d’Umbar, la mère des villes, comme s’il en avait été citoyen et des carnages du Seigneur des Ténèbres comme s’il avait été trempé dans le sang des peuples massacrés et enseveli sous les cendres et les ruines des forteresses.
Il contait tout aussi bien la vie des temps présents et, alors, la chevrière ou le chamelier nomade, le ciseleur d’armes ou la tisseuse de tapis, la joueuse de damboura ou le potier du Bôzisha prenaient autant de relief que les héros et les dames de légende.
A suivre
Un feu de camp crépitait, autour duquel s’assemblaient les habitants de l’oasis et les caravaniers, en quête de chaleur et de compagnie. Les palmes sèches se consumaient en gerbes d’étincelles, jetant des ombres dansantes sur les visages des voyageurs fatigués. Un samovar de thé brûlant circulait parmi les convives, leur tirant des sourires de plaisir anticipé, des courbettes de préséance et des remerciements aussi sucrés que le breuvage qui coulait de haut dans les verres tendus.
Avec celle de Mezror, des tribus venues de fort loin avaient fait halte à l’oasis. Outre leurs marchandises, elles colportaient des nouvelles, avec leurs lots de malheur, d’espoir, de fantaisie, de mensonge et de conviction. Les conversations à mi-voix montaient douces comme l’air du soir, tandis qu’un oud égrenait des accords mélancoliques, majestueux comme une caravane en marche.
Un vieillard de haute taille, drapé dans une mante grise, s’avança vers le foyer. Un murmure de surprise et de respect courut, puis l’on entendit souffler le vent des dunes, tant s’était fait profond le silence de l’assemblée.
Attas Incânus, Doyen de toutes les tribus, s’assit devant le feu, déposant chapeau et bâton et sortant sa pipe de sa besace.
Sans doute, peu de gens entre ces voyageurs, avaient personnellement rencontré le vieillard au cours de leur vie. Mais il n’en était pas un qui ne connût son surnom. D’un bord à l’autre de la terre du Harad, et de génération en génération, les grands-pères avaient parlé du vieillard à leurs petits-enfants et répété ce que, de lui, ils avaient appris. Car il n’existait pas de village ou de hameau, si petit fût-il, qu’une fois au moins il n’eût traversé. Et quand Attas Incânus passait quelque part, on ne l’oubliait plus.
Il allait par les routes, chemins, pistes et sentiers. Il avait suivi les vallées où bouillonnent et chantent les cours des rivières enchantées. Et le sol des brûlants déserts avaient calciné ses pieds nus. Depuis quand marchait-il ? Autant le demander à ses empreintes effacées. Quelle force le conduisait ? Quel rêve ? La sagesse ? La fantaisie ? Une inquiétude éternelle ? La soif insatiable de savoir ? Il arrivait, s’en allait, reparaissait des années plus tard.
À chacune de ses haltes, il faisait un nouveau récit merveilleux. D’où puisait-il sa science ? On ne l’avait jamais vu lire. Pourtant, des événements et des hommes qui, pendant les siècles et les siècles, avaient marqué les mers, les passes, les steppes, il semblait avoir gardé la mémoire. Il parlait de la Déesse comme s’il avait été son disciple, des Rois de Númenor l’Engloutie comme s’il les avait suivis de conquête en conquête, d’Umbar, la mère des villes, comme s’il en avait été citoyen et des carnages du Seigneur des Ténèbres comme s’il avait été trempé dans le sang des peuples massacrés et enseveli sous les cendres et les ruines des forteresses.
Il contait tout aussi bien la vie des temps présents et, alors, la chevrière ou le chamelier nomade, le ciseleur d’armes ou la tisseuse de tapis, la joueuse de damboura ou le potier du Bôzisha prenaient autant de relief que les héros et les dames de légende.
.oOo.
La description du vieillard, que vous avez évidemment reconnu, est empruntée à J. Kessel dans Les Cavaliers.A suivre