Note de ce sujet :
  • Moyenne : 0 (0 vote(s))
  • 1
  • 2
  • 3
  • 4
  • 5
Conte de Noël et du Harad
#4
Mezror et Taïnyota s’étaient levés bien avant l’aube. La Déesse ne sourit qu’à ceux qui s’assemblent pour la prière du matin, disait-on. Dans les ergs aux contreforts du Mîraz, le gibier était rare, toujours loin du campement.
Les deux compagnons chevauchaient, suivis chacun d’un batcha, jeune écuyer de chasse. Fiers comme un Oloye le jour de son mariage, les deux adolescents trottinaient derrière leur lige d’un jour, l’une portant poing levé un faucon aveuglé d’un capuchon, son cadet prenant soin des armes – un arc court à double courbure, des javelots, une lance.

À l’aube, les chasseurs atteignirent un vallon. Les pluies d’hiver inondaient probablement l’endroit : des pins, des arbousiers, des genêts croissaient là en grand nombre, au fond du cours intermittent de l’oued, dont un bras enserrait une colline, en un cercle presque complet, avant de se perdre dans les rocailles du désert profond.

Cette éminence semblait hérissée de lances de pierre, météores creusés par les forces de l’univers dans un autre âge du monde. Des chênes lièges, des aubépines, des genévriers s’entremêlaient autour des pierres levées, dans un labyrinthe impénétrable. La roche poreuse des pierres levées chantait dans la brise qui descendait du Mîraz.

Un air sourd, une mélodie entêtante, s’élevait de la colline, comme si les pierres, entonnant chacune sa mélodie, unissaient leurs voix en accords changeants. Taïnyota se sentit transporté bien loin, sur une autre colline, il y a bien longtemps.

Lorsque les chasseurs parvinrent à la lisière des buissons de l’oued, une puissante senteur de lavande et de romarin se leva, portée par une courant d’air plus rapide. Un nuage passa au-dessus de la colline. N’y avait-il pas des mots dans cette complainte ?

Les chevaux refusèrent d’aller plus loin.
– C’est là terre des Djinns ! souffla le batcha, accouru au côté des cavaliers.
Taïnyota démonta, lui confiant Farasi. La jeune fille, elle aussi, jetait des regards angoissés alentours, caressant l’oiseau de proie aveuglé.

Lorsque le chevalier atteignit le pied de la colline, le vent forcit, tirant des accents menaçants des pierres levées. Une ombre tomba sur la garrigue et le cœur des chasseurs.
– Ce sont les démons du désert ! Ils n’aiment pas qu’on visite leur Tell ! larmoya la jeune fille en caressant Farasi.

Le ciel s’obscurcit comme avant un orage d’été. On crut voir des yeux brillants cligner entre les pierres, dissimulées sous les ajoncs et les lentisques.
– Nous sommes perdus ! glapit la batcha.
– On raconte qu’ils foudroient leur proie, qu’il n’en reste qu’une statue de pierre calcinée ! renchérit son frère.

Et, en effet, le ciel s’était à présent couvert de nuages sombres, denses et si bas, qu’ils noyaient de leurs volutes menaçantes, les météores au sommet de la colline. Les blocs de pierre prenaient des formes humaines, saisies dans la fuite et la souffrance.
– Silence, Batchas ignorants ! intima Mezror. Cessez de jacasser comme de vieilles servantes ! On raconte beaucoup de choses sur les Djinns ! Mais leur arme la plus mortelle est sans doute la peur ! Quoi qu’il en soit, Taïnyota, nous ferions mieux de nous éloigner. Cet endroit n’est pas propice aux vivants !

Des ombres se coulaient entre les météores qui ceinturaient le Tell. Le cœur oppressé, les chasseurs sentaient la nasse se refermer autour d’eux. Des traits acérés pointaient vers eux de tous côtés. Ils le sentaient.

Taïnyota lâcha les branches de Ciste qu’il tentait d’écarter. Un sourire aux lèvres, le regard rêveur qui semblait porter bien loin de là, il s’écria :
– A Elbereth Elentari, Silivren Penna Miriel !
Dissimulé au sommet du Sidhe veillait un vieillard, appuyé sur son bâton, au côté d’un archer aux yeux brillants et aux longs cheveux blancs.
– Ce jeune homme parle le Sindarin ! souffla l’elfe.
– Heureuse rencontre, en vérité, Seigneur de l’Anfaugwaith  ! murmura le sage, comme pour lui-même. Nous allons faire quelqu’un de ce… Taïnyota !

Alors les brumes d’orage s’entrouvrirent, révélant un mirage azuré, piqueté de gemmes brillantes. Les cœurs s’en trouvèrent allégés. Puis, immédiatement, l’illusion se dispersa, emportée par les nuées.

Mais Mezror était mal à l’aise. Il y avait un temps pour tout. Cette heure de la journée n’était pas le moment assigné par la Déesse pour observer les étoiles. Cela n’était pas naturel et n’augurait rien de bon. Le nomade rassembla sa petite troupe, les adultes prirent les écuyers en croupe, et l’on alla voir plus loin si le ciel était plus serein.

Les Djinns ne sont que légendes. Mais laissons tout de même leurs Tells reposer en paix !
.oOo.
A suivre
Répondre


Messages dans ce sujet
Conte de Noël et du Harad - par Chiara Cadrich - 17.12.2024, 19:59
RE: Conte de Noël et du Harad - par Chiara Cadrich - 20.12.2024, 21:12
RE: Conte de Noël et du Harad - par Irwin - 24.12.2024, 12:02
RE: Conte de Noël et du Harad - par Bladorthin - 27.12.2024, 14:47
RE: Conte de Noël et du Harad - par Irwin - 15.02.2025, 11:42

Sujets apparemment similaires…
Sujet Auteur Réponses Affichages Dernier message
  [Calendrier] Harad – Laura Martin-Gomez / Emmanuelle Ramberg Daeron 0 3 816 31.05.2019, 11:44
Dernier message: Daeron
  L'otage du Harad Chiara Cadrich 16 12 516 25.05.2019, 13:43
Dernier message: Chiara Cadrich
  Petit conte de Noël * Chiara Cadrich 16 15 522 09.01.2018, 23:42
Dernier message: Chiara Cadrich
  Les voeux de Noël de Dαεroη Daeron 7 11 799 29.12.2017, 11:32
Dernier message: Agmar
  Le conte de Círdan le charpentier des navires [Fanfiction] Re-Van 6 13 787 16.12.2011, 23:17
Dernier message: Arwen

Atteindre :


Utilisateur(s) parcourant ce sujet : 1 visiteur(s)