19.12.2024, 22:02
(Modification du message : 20.12.2024, 21:11 par Chiara Cadrich.)
Au détour d’un dôme de granit, les nomades apparurent, mirages sortis d’un songe, à demi confondus avec la plaine rocailleuse qu’ils arpentaient. En tête de la caravane trônaient les hommes, enveloppés de voiles rouges, juchés sur des dromadaires chamarrés comme des chars d’apparat, se balançant au rythme majestueux des vaisseaux du désert. Derrière eux trottinaient les chèvres harcelées par des adolescents graciles. Les femmes fermaient la marche, ombres encombrées de manteaux écarlate, d’enfants en bas âge et d’animaux de trait.
Notre cavalier et sa monture, aussi harassés l’un que l’autre, ralentirent le pas et attendirent.
Ami ou ennemi ? Dans leur état, il était inutile de courir.
Taïnyota leva la main. C’était à l’étranger de s’exprimer le premier, de déclarer ses intentions pacifiques. En cela, le Harad ne différait ni des avenues pavées du Gondor, ni des combes sauvages de la Forêt Noire.
– Paix sur vous et prospérité à vos troupeaux ! souffla Taïnyota d’un filet de voix rauque, que lui-même n’entendit qu’à peine.
L’un des dromadaires de tête obliqua, s’approcha, drapé d’étoffes et de dorures, tandis que la tête de la colonne tribale ralentissait, s’arrêtait et demeurait à distance. Le méhariste abaissa l’étoffe qui lui couvrait le visage, dévoilant des yeux sombres, perçants et une barbe drue.
Le guerrier d’expérience, l’homme de confiance du chef, le héraut de la tribu. Le Cadir, lui, restait en retrait, par dignité, par pudeur.
Le regard d’aigle capta la haute lignée de Farasi, les traits tirés de l’étranger, ses épaules basses. Aucun équipement, des réserves d’eau insuffisantes… Sans son cheval, cet inconscient serait déjà mort. Et l’animal allait payer l’inconséquence de son maître autant que ce dernier. Dans le désert, un tel irresponsable ne méritait pas de vivre…
Mais quelque chose d’indéfinissable retint Mezror. L’entente étroite entre monture et cavalier ? Cette dignité secrète qui habitait les gestes de l’étranger ? La généreuse sollicitude du pur-sang ?
Le méhariste lança une outre.
L’étranger fit d’abord boire sa monture.
Bon point pour lui : il vivrait.
Puis il but l’eau prodiguée. À présent, il était l’hôte de la tribu. Dès cet instant, le moindre batcha était responsable de lui. Dans le lacis complexe des vertus et des interdits qu’enseignaient les servantes de la Déesse aux Trois Visages, l’obligation morale d’accueillir et protéger le pèlerin ne cédait qu’au respect dû aux parents.
– Soyez le bienvenu sur nos pistes, ton étalon et toi !
L’émissaire et l’étranger échangèrent encore maintes courbettes et politesses avant de dévoiler leurs noms. Mezror entraîna finalement Taïnyota dans la colonne.
D’une façon ou d’une autre, ce ne serait pas encore la dernière étape pour l’étranger…
.oOo.
A suivre...